Lewis Mumford n’aime pas le nucléaire (et depuis longtemps)

Je vous ai parlé dans l’article précédent de Charles Jacquier, splendide éditeur chez Agone, à Marseille. Il ne m’a pas seulement envoyé le texte de Jean Giono, mais aussi celui de Lewis Mumford, qui date lui de 1946. On était jeunes, hein ?

Les fous gouvernent nos affaires au nom de l’ordre et de la sécurité. Les fous « en chef » se réclament du titre de général, d’amiral, de sénateur, de savant, d’administrateur, de secrétaire d’État ou même de président. Et le symptôme fatal de leur folie est celui-ci : ils ont mené à bien une série d’actes qui, éventuellement, entraîneront la destruction de l’humanité, avec la solennelle conviction qu’ils sont des êtres normaux et responsables, vivant sainement et poursuivant des buts raisonnables et justifiés.

Jour après jour, sans le moindre écart, les fous suivent leur route et leurs habitudes d’inexorable folie : route et habitudes tellement stéréotypées, tellement communes, qu’elles semblent être les voies normales d’hommes normaux, et non pas les chemins perdus d’hommes penchés sur la mort totale. Sans mandat public d’aucune sorte, les fous ont pris sur eux de nous mener graduellement à ce dernier acte de folie qui corrompra le visage de la terre, balayera les nations des hommes, et, peut-être, mettra fin à toute existence sur la planète elle-même.

Ces fous tiennent une comète par la queue, et ils croient faire preuve d’équilibre mental en la traitant comme si c’était un pétard d’enfant. Ils font joujou. Ils l’expérimentent ; ils rêvent de comètes plus brillantes et plus rapides. Leurs professeurs ne leur ont transmis aucune règle pour contrôler la comète. Alors ils prennent des précautions d’enfants faisant sauter des pétards. Sans demander la permission à personne, ils ont décidé d’organiser un autre jeu avec cette force cosmique, juste pour voir ce qui arrivera en mer dans une guerre « qui ne doit jamais venir ».

Liquidateurs-tchernobyl

Pourquoi laissons-nous les fous jouer sans élever nos voix ? Pourquoi demeurer calmes jusqu’à l’inertie en face d’un tel danger ? Il y a une raison : nous sommes aussi fous qu’ils le sont. Nous considérons la folie de nos dirigeants comme l’expression de la sagesse traditionnelle et du bon sens. Nous les regardons placidement, comme un agent de police drogué qui verrait d’un coup d’œil fatigué et tolérant le vol d’une banque, le meurtre d’un enfant ou le placement d’une machine infernale dans une gare. Notre création donne la mesure de notre folie. Nous regardons les Fous et continuons notre petit bonhomme de chemin.

En vérité, ce sont des machines infernales que les fous, par nous élus et nommés, sont en train de placer. Quand les machines exploseront, les villes sauteront, l’une après l’autre, comme un cordon de pétards, anéantissant et brûlant les derniers vestiges de la vie. Nous savons que les fous construisent encore de telles machines, et nous ne leur demandons même pas pour quelles raisons ; bien plus, nous ne les arrêtons même pas. Aussi bien sommes-nous aussi fous qu’eux : fous vivant parmi les fous ; même pas émus par l’horreur qui s’approche rapidement de nous. Nous ne pensons qu’à l’heure de venir, au jour suivant, à la semaine prochaine, et c’est une preuve de plus de notre folie. Car si nous continuons ainsi, demain sera plus lourd de mort qu’un cimetière.

Pourquoi sommes-nous saisis d’une telle folie ? « Ne le demandez plus ; c’est un fait acquis. » Ne sommes-nous donc plus assez sains et forts pour nous élever contre les fous, pour les combattre ? N’avons-nous pas le pouvoir d’étouffer les machines infernales qu’ils ont créées et d’enrayer le suicide de la race humaine ? Personne n’a-t-il levé la main pour stopper les fous ? Si – ici et là, venant des égouts et des toits, jetés dans une boîte aux lettres, glissés sous une porte par une main silencieuse, parviennent des bribes de message adressés à nous tous. Ces messages ont été écrits par les plus fous d’entre eux, par ceux qui ont inventé cette machine super-infernale. Ces hommes, que les derniers soubresauts de la démence ont rendus sains d’esprit. […]

Les fous dirigeants n’osent pas nous laisser lire en entier le message des emprisonnés, de peur que nous retrouvions notre lucidité. Le président, les généraux, les amiraux, les administrateurs craignent que leur propre folie devienne trop évidente si les mots éparpillés que nous envoient les éveillés étaient rassemblés pour former une phrase intelligible. Car le président, les généraux, les amiraux et les administrateurs nous ont menti au sujet de cette machine infernale. Ils ont menti dans leurs déclarations, et encore bien plus dans leurs silences. Ils mentent parce ce que ce n’est pas une machine infernale, mais des centaines de machines infernales ; et à ce jour, non plus des centaines, mais des milliers. Ces fous débridés auront bientôt assez de puissance pour démanteler, en appuyant sur un bouton, la structure terrestre. De jour en jour, s’augmentent les réserves de chaos.

La puissance que les fous détiennent est d’un tel ordre, que les seuls sains d’esprit savent qu’elle ne doit pas être utilisée. Mais les fous ne veulent pas que nous sachions que cette puissance est trop absolue, trop divine, pour être placée dans des mains humaines : car les fous font gentiment sauter la machine infernale sur leurs genoux, pendant que leurs mains tremblent du désir de presser sur le bouton. Ils nous sourient, ces fous. Ils posent devant les photographes toujours souriants. Ils disent : « Nous sommes plus optimistes que jamais », et leur grimace malsaine prophétise la catastrophe qui nous attend.

De même qu’ils nous mentent à propos du secret qui n’en est pas un, les fous se mentent aussi à eux-mêmes, pour donner à leur mensonge une plus grande apparence de vérité, et à leur folie les dehors de l’équilibre. Ne connaissant à leur machine d’autre emploi que la destruction, ils multiplient nos capacités de destruction. […] Les fous agissent comme si rien n’arrivait, comme si rien n’allait arriver : ils prennent les précautions habituelles du fou avec la confiance du fou. Les fous préparent la fin du monde. Ce qu’ils appellent « progrès continuel » signifie l’extermination universelle, et ce qu’ils appellent « sécurité nationale » est un suicide organisé. Il y a un seul devoir pour le moment : tout autre tâche appartient au rêve ou au cynisme. Arrêtez le nucléaire ! Arrêtez les constructions ! Abandonnez la bombe atomique définitivement. Supprimez tous les plans d’utilisation. Car les plans intelligents sont issus de la plus pure folie. Détrônez les fous immédiatement en élevant une clameur de protestation telle, qu’ils seront projetés dans l’univers de l’équilibre et de la raison. Nous avons vu la machine infernale en action, et nous affirmons qu’une telle puissance ne doit pas être invoquée par les hommes.

Nous savons qu’on ne peut sortir de l’état de folie rapidement, car la coopération des êtres humains ne peut s’acheter bon marché, au prix d’une terreur quelconque. Mais le premier pas, le seul et efficace pas préliminaire, est de détruire la bombe atomique. On ne peut parler comme des hommes sains autour d’une table de paix pendant qu’elle fume sous cette même table. Considérez la menace nucléaire telle qu’elle se présente véritablement : la visible insanité d’une civilisation qui a cessé de respecter la vie et d’obéir aux lois de la vie. Dites qu’en tant qu’hommes, nous sommes trop fiers pour vouloir la destruction du reste de l’humanité, même si cette folie pouvait nous épargner pendant quelques instants dépourvus de signification. Dites que nous sommes trop sages pour imaginer que notre vie aurait une valeur et un but, sécurité ou continuité, dans un monde ruiné par la terreur ou paralysé par la menace de la terreur. […]

Cessons de croire que la puissance cosmique que nous détenons est un pétard d’enfant. Aucun de nous ne devra jamais utiliser la puissance atomique. Laissons-la de côté, comme si elle n’était pas conçue, comme si elle était inconcevable ! Car nous n’avons rien à craindre les uns des autres en dehors de notre folie normale : la folie de ceux qui amènent calmement la fin du monde en barrant leur « t » et en mettant des points sur les « i », comme ils l’ont toujours fait. En dehors de cette foi commune en notre cause commune, le monde est condamné.

En attendant, le système d’horlogerie à l’intérieur de la machine infernale fait tic-tac, et le jour final se rapproche. Le moment de l’action est venu. Les gestes automatiques des fous doivent être brutalement arrêtés. Que les éveillés soient libérés, et que chacun d’entre eux soit placé contre le coude de tout individu tenant une haute fonction publique, de même que le prêtre fut un temps au coude du roi pour chuchoter les mots « Humanité » et « Un seul Monde » dans l’oreille du chef quand il glissait dans le langage de mort de l’isolement tribal. Le secret qui n’est pas un secret doit être dévoilé à tous. La sécurité qui n’est pas une sécurité doit être abandonnée. Le pouvoir qui est annihilation doit laisser place au pouvoir qui sera naissance. C’est à nous qu’incombe le premier pas à faire vers un monde plus sain. Abandonnez le nucléraire ! Arrêtez-le dès maintenant ! Tel est l’unique ordre du jour. Lorsque nous aurons accompli cette tâche, le prochain pas sera évident, et la prochaine tâche qui ajoutera une nouvelle protection contre l’automatisme bien rodé des fous.

Mais nous devons faire vite pour surmonter notre propre folie. Déjà le mécanisme d’horlogerie va vite, et la fin est plus près que quiconque ose l’imaginer.

Lewis Mumford

Paru le 2 mars 1946 dans The Saturday Review of Litterature [trad. fr., sous le titre « Vous êtes fous ! », Esprit, janvier 1947]

26 réflexions sur « Lewis Mumford n’aime pas le nucléaire (et depuis longtemps) »

  1. Oh ben merci…
    « De même qu’ils nous mentent à propos du secret qui n’en est pas un, les fous se mentent aussi à eux-mêmes, pour donner à leur mensonge une plus grande apparence de vérité, et à leur folie les dehors de l’équilibre »

    Balzac disait de l’Histoire au 19ème : « vous croyez l’Histoire ? la réalité est son exacte opposée » Lewis Mumford dit la même chose : les fous se disent sains et en emprisonnant les sains le font passer pour fous.

    Merci.

    Notre besoin de consolation est impossible à rassasier (1952)
    Stig DAGERMAN (1923-1954)
    Traduit du suédois par Philippe Bouquet

    http://chabrieres.pagesperso-orange.fr/texts/consolation.html

  2. Bonjour,

    http://www.romandie.com/news/n/_Anniversaire_d_Hiroshima_Kan_plaide_a_nouveau_pour_sortir_du_nucleaire060820110908.asp

    Le Premier ministre japonais Naoto Kan a réitéré samedi son engagement à oeuvrer à une société sans énergie nucléaire, lors des commémorations du bombardement atomique d’Hiroshima, marquées cette année du sceau de la catastrophe nucléaire de Fukushima.

    http://www.romandie.com/news/n/_Controverse_autour_d_un_nouveau_mode_moins_polluant_de_culture_des_legumes060820110808.asp

    « Je pense qu’il y a une campagne en France pour empêcher l’arrivée de ces produits sur le marché, dit à l’AFP M. Loos. Je ne sais pas si c’est un lobby, mais en tout cas je demande au ministre d’avancer ».

    http://www.romandie.com/news/n/_Reintroduction_reussie_en_Espagne_de_2_aiglons_de_Bonelli_avant_la_France060820110808.asp

    Deux aiglons de Bonelli, une espèce menacée, viennent de prendre leur envol en Espagne, première étape réussie de la réintroduction de ce rapace dont les chasseurs français redoutent le retour.

    ————————

    Excusez moi, je suis un peu a la bourre ….
    Comment? Bourrée, vous dites? Manquerais plus que cela! Non, non pas bourrée! « Pressée » mais pas stressée, hein! 😉

    Beau sa-me-di, et si ça vous dit, belle fin de semaine. Bien a vous toutes et tous, Léa.

  3. Rappel :
    Champagne ! Les filiales anglaises des deux plus grandes banques de Wall Street sont désormais autorisées à vendre du gaz aux fournisseurs opérant en France. Mais seuls des esprits chagrins se demanderont pourquoi ces spéculateurs professionnels qui ont largement contribué à l’envolée des prix en 2008 pourront désormais intervenir très officiellement sur le marché de l’énergie : l’arrêté concernant la JP Morgan Markets Limited précise que celle-ci est « soumise aux obligations de service public ». Oui, vous avez bien lu, JP Morgan est désormais transformée par la baguette magique de M. Borloo en un opérateur de service public, auquel il incombe, selon les textes en vigueur, de s’assurer entre autres de « la sécurité d’approvisionnement », sans oublier la « qualité et le prix des produits et des services fournis ». On entend d’ici les éclats de rire à la city

    http://contreinfo.info/article.php3?id_article=2972

  4. Le Premier Ministre Japonais Naoto Kan a fait un discours important a Hiroshima aujourd’hui.

    Il est intéressant de comparer les traductions de son discours dans différents médias:

    – La BBC (http://www.bbc.co.uk/news/world-asia-pacific-14430109) :

    « We will deeply reflect over the conventional belief that nuclear energy is safe, thoroughly look into the cause of the accident and – to secure safety – implement fundamental measures, »

    Ce qui donne en Français, grosso modo (ma traduction): « Nous allons réfléchir en profondeur a la croyance conventionnelle en la sécurité de l’énergie nucléaire, rechercher de manière exhaustive la cause de l’accident et, pour garantir la sécurité, mettre en oeuvre des mesures fondamentales ».

    – Mainichi Daily News (http://mdn.mainichi.jp/mdnnews/news/20110806p2g00m0dm025000c.html) :

    « Japan will work hard toward « bringing the incident to a close as quickly as possible and preventing health hazards, » Kan said, adding that he « deeply » regretted « believing in the ‘security myth’ of nuclear power. »

    Ce qui donne en Français, la aussi grosso modo : « Le Japon va travailler sans relâche pour résoudre l’incident aussi vite que possible et prévenir les conséquences sanitaires, a dit Kan, ajoutant qu’il regrettait « profondément » « avoir cru au mythe de la sécurité de l’énergie nucléaire ».

    Alors, a-t-il dit « réfléchir profondément », ou bien « regretter profondément » ? A-t-il dit « croyance conventionnelle », ou a-t-il dit « mythe » ? Aussi, qu’est-ce qu’il a dit en premier, et qu’est-ce qu’il a dit a la fin ? On a vraiment l’impression que les deux articles rendent compte de deux évènements complètement différents, alors que dans les deux cas il s’agit du discours du Premier Ministre Japonais a Hiroshima le 6 août 2011, lors d’une cérémonie a laquelle les représentants de 66 pays étaient présents !

    Donc, qui traduit le mieux du Japonais a l’Anglais, un journaliste de la BBC ou un journaliste du Mainichi Daily News ? Le Mainichi Daily News est le site web anglophone du Mainichi Shimbun, qui est le plus vieux journal du Japon et l’un des trois plus importants. On peut donc supposer que les niveaux de professionnalisme de la BBC et du Mainichi sont du même ordre a priori.

    Mais chose étrange, c’est la lourdeur et l’obscurité du style de la BBC, et la simplicité et la clarté de celui du Mainichi. Ce qui nous mène a une autre question : Est-ce que la politique officielle du gouvernement du pays du média en question aurait pesé sur la traduction ? Etre en symbiose avec la pensée officielle, c’est un autre aspect du professionnalisme, dont certains se vantent même !

    Les journaux Français n’ont apparemment pas encore commenté. A suivre ! Ca promet d’être intéressant !

    Mais il est d’ores et déjà intéressant de constater que le correspondant du Monde au Japon, Philippe Pons, semble être plus en phase avec l’opinion publique Japonaise qu’avec la Française ! Il y a déjà plusieurs commentaires horrifies par le titre même de son article d’aujourd’hui !

  5. Ce qui est fascinant dans l’excellent article du Monde,

    http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/08/05/d-hiroshima-a-fukushima-la-tragedie-du-nucleaire_1556522_3232.html

    C’est que tout, absolument tout, est applicable a la France !

    L’endoctrinement des lycéens (je me souviens d’un cours de physique en terminale en 1985 ou l’on nous a montre un film sur Superphénix, « la machine dont le réservoir se remplit lorsqu’elle roule », alors qu’a l’époque on savait déjà que Superphénix ne marchait pas), la corruption des régions et des communes, l’aveuglement, la soumission lâche a l’opinion dominante, l’épuisement des trop rares contestataires…

    Enfin, tout sauf une chose… On n’a pas encore eu d’accident grave chez nous. Mais cela peut-il justifier la suffisance de certains commentaires de lecteurs du Monde, qui suggèrent que l’accident peut s’expliquer par la corruption et le vieillissement de la société Japonaise ? Non, vraiment, certains jours je me sens plus Japonais que Français !

  6. Ce qu’André Breton pensait du nucléaire

    Dans ce tract publié le 18 février 1958 à la Sorbonne, André Breton dénonçait les dangers du scientisme et du nucléaire.

    DEMASQUEZ LES PHYSICIENS, VIDEZ LES LABORATOIRES !

    Rien, plus rien aujourd’hui ne distingue la Science d’une menace de mort permanente et généralisée : la querelle est close, de savoir si elle devait assurer le bonheur ou le malheur des hommes, tant il est évident qu’elle a cessé d’être un moyen pour devenir une fin. La physique moderne a pourtant promis, elle a tenu, et elle promet encore des résultats tangibles, sous formes de monceaux de cadavres. Jusqu’alors, en présence des conflits entre nations, voire du possible anéantissement d’une civilisation, nous réagissons selon nos critères moraux et politiques habituels. Mais voici l’espèce humaine vouée à la destruction complète, que ce soit par l’emploi cynique des bombes nucléaires, fussent-elles « propres » (!), ou par les ravages dus aux déchets qui, en attendant, polluent de manière imprévisible le conditionnement atmosphérique et biologique de l’espèce, puisqu’une surenchère délirante dans les explosions « expérimentales » continue sous le couvert des « fins pacifiques ». La pensée révolutionnaire voit les conditions élémentaires de son activité réduite à une marge telle qu’elle doit se retremper à ses sources de révolte, et, en deçà d’un monde qui ne sait plus nourrir que son propre cancer, retrouver les chances inconnues de la fureur.

    Ce n’est donc pas à une attitude humaniste que nous en appellerons. Si la religion fut longtemps l’opium du peuple, la Science est en bonne place pour prendre le relais. Les protestations contre la course aux armements, que certains physiciens affectent de signer aujourd’hui, nous éclaire au plus sur leur complexe de culpabilité, qui est bien dans tous les cas l’un des vices les plus infâmes de l’homme. La poitrine qu’on se frappe trop tard, la caution donnée aux mornes bêlements du troupeau par la même main qui arme le boucher, nous connaissons cette antienne. Le christianisme et ses miroirs grossissants que sont les dictatures policières nous y ont habitués.

    Des noms parés de titres officiels, au bas d’avertissements adressés à des instances incapables d’égaler l’ampleur du cataclysme, ne sont pas à nos yeux un passe-droit moral pour ces messieurs, qui continuent en même temps à réclamer des crédits, des écoles et de la chair fraîche. De Jésus en croix au laborantin « angoissé » mais incapable de renoncer à fabriquer de la mort, l’hypocrisie et le masochisme se valent. L’indépendance de la jeunesse, aussi bien que l’honneur et l’existence mêmes de l’esprit sont menacés par un déni de conscience plus monstrueux encore que cette peur de l’an mille qui précipita des générations vers les cloîtres et les chantiers à cathédrales.

    Sus à la théologie de la Bombe ! Organisons la propagande contre les maîtres-chanteurs de la « pensée » scientifique ! En attendant mieux, boycottons les conférences voués à l’exaltation de l’atome, sifflons les films qui endorment ou endoctrinent l’opinion, écrivons aux journaux et aux organismes publics pour protester contre les innombrables articles, reportages et émissions radiophoniques, où s’étale sans pudeur cette nouvelle et colossale imposture.

  7. A nouveau, pour être honnête, rappelons tout de même que la gauche comme la droite, ont favorablement défendu la « bombinette » de de Gaulle, arme de dissuasion qui a, qu’on le veuille ou non, longtemps joué son rôle d’équilibre entre les grands « fous » russes et américains. Et les plus grands défenseurs de l’arme nucléaire étaient les communistes.

  8. « arme de dissuasion qui a, qu’on le veuille ou non, longtemps joué son rôle d’équilibre entre les grands “fous” russes et américains »

    Y-a-t-il un seul exemple réel ou la bombe atomique Française a aidé notre pays a trouver un « équilibre » entre les Russes et Américains ? Y-a-t-il d’ailleurs un seul exemple réel ou la bombe atomique Française a aidé la politique de la France ? Juste une curiosité…

  9. @ Laurent Fournier

    Sauf erreur de ma part, les visées expansionnistes des soviétiques après les répressions hongroises et tchèques ont été calmées par le fait que la France, soutenue par les américains, pouvait frapper le territoire soviétique, et ainsi empêcher (« dissuader ») les
    ennemis jurés à générer un autre conflit mondial.

    De la même manière, la présence française, à Berlin-Ouest après la construction du Mur en 1961 a permis d’éviter un nouveau conflit, que les russes n’avait pas hésité à fomenter lors du blocage de toutes les voies terrestres à Berlin en 1948-1949.

  10. Un architecte Français travaillant en Inde doit réapprendre très vite à dessiner des plans de logements. Oui, « Ré-apprendre », parceque en France durant toutes ses études, un architecte apprend à dessiner des logements avec ventilation traversante et avec une fenêtre dans chaque pièce, même les toilettes. L’air, la lumière. Principes intangibles de l’architecture ! Et puis commence la vie professionnelle, et les toilettes et même les salles de bains n’ont plus de fenêtres, et les logements traversants deviennent un luxe rare, qui se vend cher. Question d’économie, parait-il. Depuis les années 1970 environ, la lumière et la ventilation naturelles sont devenues un « luxe » hors de portée.
    En Inde durant ses études, un architecte apprend les mêmes principes. Lumière, Air. Mais, différence essentielle, il peut continuer à les appliquer durant sa vie professionnelle. Tout simplement parce que, même sous les pires contraintes économiques, les promoteurs n’ont pas le choix : Pas de fenêtres = pas de permis de construire ! Même dans les toilettes ! Vu de la France, c’est un étrange choix que celui d’un pays pauvre… Le luxe et l’efficacité économique ici et là-bas n’auraient pas la même signification ? Obliger, par la loi, les architectes et promoteurs à mettre des fenêtres dans toutes les pièces aurait-il des conséquences défavorables pour l’économie ? Ou bien serait-ce plutôt le contraire ? (Je pose la question.)

  11. Diksha, oui il est probablement indéniable que les efforts occidentaux ont aidé Berlin-Ouest a rester viable malgré son isolation au milieu de l’Allemagne de l’Est. Et il est assez vraisemblable aussi, que la posture de la France, non directement calquée sur celle des USA, a aidé, et pas du tout handicapé, le camp occidental. Mais la possession de la bombe atomique a-t-elle, oui ou non, aidé la France a faire ce qu’elle a fait ? Je sais que c’est ce qui a été affirmé pour justifier la bombe, et c’est donc une opinion répandue, mais dans les faits, comment cela a-t-il aidé ? Comment la France aurait-elle été empêchée de faire ce qu’elle a fait, ou entravée dans ses efforts, sans la possession de la bombe atomique ? Le lien n’est pas du tout évident !

  12. Un jour dans une manif contre la bombe atomique je portais une pancarte marquée « non au terrorisme nucléaire Français », et un militaire qui sortais du camp s’est arrêté juste devant moi, et l’a lue attentivement. Je m’attendais à être insulté copieusement. Et bien non, il était d’accord !

    Les bombes atomiques ne sont pas des armes, ce sont des instruments de terrorisme. Il y a des militaires qui en ont honte, pas seulement en France. Trouver des arguments en faveur de la bombe atomique c’est se mettre en position difficile pour ensuite condamner des actions comme celles d’un Ben Laden. Et il n’est pas clair que ces instruments de terrorisme aient jamais servi d’une manière quelquonque les intérêts des Etats qui les possèdent ou qui s’en sont servis, même en mettant de coté l’aspect moral.

  13. Alors, il a dit quoi le Premier Ministre Japonais ?

    – Reuters (US) : « I will deeply reflect on nuclear power’s myth of safety »

    – Le Nouvelobs.com, France2, Reuters (France) : « Je vais réfléchir en profondeur au ‘mythe de la sécurité’ de l’énergie nucléaire

    – Le Figaro, La Croix, Ouest-France : pas de mention de cette phrase.

    – Le Monde, Libération: pas trouvé de compte-rendu de la cérémonie d’Hiroshima ! Etonnant quand même !

    – Le Mainichi Daily News (http://mdn.mainichi.jp/mdnnews/news/20110806p2g00m0dm025000c.html),

    et le site en langue Anglaise du gouvernement Japonais : (http://www.kantei.go.jp/foreign/kan/statement/201108/06hiroshima_e.html)

    « Japan is also working to revise its energy policy from scratch. I deeply regret believing in the security myth of nuclear power and will carry out a thorough verification on the cause of this incident and implement fundamental countermeasures to ensure safety. »

    Donc, le Premier Ministre Japonais, au nom de son gouvernement, n’a pas du tout dit qu’il allait « réfléchir en profondeur », mais il a bel et bien dit:

    « regretter profondément » avoir « cru au mythe de la sécurité de l’énergie nucléaire ».

    C’est clair et net. Et n’est-ce pas le minimum que les Japonais peuvent attendre de leur gouvernement, qui a toujours jusqu’à présent affirmé que le nucléaire était parfaitement sur ?

    Mais est-ce trop clair et trop net pour être traduit dans la presse Occidentale ?

    Allons-nous assister a un remake de Chernobyl, lorsque la communauté nucléariste internationale a impose par la force, d’abord a l’Etat Soviétique, puis aux républiques post-soviétiques, le négationnisme organisé des conséquences sanitaires de l’accident ?

    On peut toujours relire le rapport de Bella Belbeoch: RESPONSABILITES OCCIDENTALES DANS LES CONSEQUENCES SANITAIRES DE LA CATASTROPHE DE TCHERNOBYL, EN BIELORUSSIE, UKRAINE ET RUSSIE
    http://www.unige.ch/sebes/textes/1998/98BelbeochB.html

  14. SHELL autorisé, sous réserve, à forer en Alaska.

    L’administration américaine a annoncé, jeudi 4 août, avoir délivré au groupe pétrolier anglo-néerlandais SHELL l’autorisation d’effectuer des forages dans l’océan Arctique en Alaska à partir de 2012, sous réserve d’obtention de feux verts supplémentaires d’agences fédérales, dont l’agence de protection de l’environnement (EPA).

    SHELL a demandé l’autorisation de forer 4 puits en eaux peu profondes à titre exploratoire dans la mer de Beaufort. Le groupe a indiqué être prêt à déployer, si nécessaire, “le plus important dispositif jamais préparé par l’industrie en cas de fuite de pétrole”

    source AFP/Reuters (Le Monde, dimanche 7 août 2011)

  15. N’oublions pas que ce texte a été publié 6 mois et 26/23 jours après que les dirigeants du « Monde Libre » aient décidé froidement d’éliminer 22O OOO habitants d’Hiroshima et Nagasaki à titre d’expérience et de démonstration de leur puissance …

    In memoriam !

    (N.B.: Toute ressemblance avec la décision prise par les représentants des actionnaires de la centrale de Fukushima serait purement « fortuite ».)

  16. François Fillon « ouvert » à l’entrée de Mitsubishi dans Areva
    titrait la rédaction de « Challenges » le 16-07-10 :

    François Fillon ne voit pas d’un mauvais œil l’entrée du conglomérat japonais Mitsubishi Heavy Industries (MHI) dans le capital du groupe nucléaire Areva. C’est ce qu’il a déclaré, vendredi 16 juillet 2010, lors d’une visite à Tokyo…

    MHI et Areva ont noué divers partenariats, créant notamment une coentreprise, Atmea qui développe un modèle de réacteur nucléaire de moyenne puissance. (réacteur « low-cost » destiné au marchés du Tiers Monde ? – Nd’Y-L-S)…
    Outre Mitsubishi, le fonds souverain du Qatar a montré son intérêt, le fonds souverain du Koweit étant pour sa part régulièrement cité par la presse comme étant aussi sur les rangs.

    Mitsubishi est une gigantesque entreprise diversifiée, active dans différents secteurs de l’énergie et de l’équipement industriel et aérospatial. Il est notamment un important fournisseur de l’avionneur américain Boeing.

    « Erst kommt das Fressen, dann kommt die Morale » (B. Brecht)

  17. et n’oublions pas non plus les bombes au phosphore sur la ville de Dresde! pas mal non plus comme infâmie punitive

  18. salut à tous, moi qui suis dans la catégorie des fous je ne me reconnais pas dans cette définition, eheheh… j’en serai même à l’antithèse… j’avais écris sur un bout de papier que la bombe atomique était l’œuvre d’un schizophrène et je suis donc content d’en avoir une autre explication…

  19. Hello,

    Il y a un mé.dia aligné qui sort un papier aujourd’hui a propos du Japon.

    Il y est enfin admis, qu’il était su, du fort taux de radiation émit dès le troisième jour.

    Voila, du bon travail, en retard! L’information, la vraie?

    Bien a vous toutes et tous, Léa.

  20. Remarque annexe: je me souviens parfaitement de la manière sournoise dont on nous a « vendu », dans ma jeunesse, le nucléaire civil en opposition au nucléaire militaire: la bombe, c’était mal, la centrale, c’était beau et plein de promesses « radieuses ».

    Je m’étais bien laissée avoir par ça, et j’étais pas la seule!

  21. L’écologie à 7 ½ ans (histoire vraie):

    Une petite fille de 7 ans ½ repère par sa fenêtre, dans le lointain, un corbeau empêtré dans un fil de cerf-volant, pendu à une branche d’arbre, très haute, qui se débat. Tout l’après-midi, il se débat. Le lendemain matin, le corbeau ne bouge plus, visiblement mort d’épuisement. La petite fille demande de quoi il est mort, et en parle à tout le monde. Une voisine dit, « bof ca fait un de moins, ces corbeaux ils salissent partout ! ». Un peu plus tard, la petite fille répète à son père, d’un air timidement indigné, ce que la voisine a dit. Le père dit que la voisine ne connait rien à rien. Et la petite fille va dire à sa mère, « Les corbeaux ne salissent pas, ils nettoient tout, mais ils meurent quand même. Les humains salissent partout, et ils meurent aussi ».

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