L’éternel retour des gaz de schiste

Cet article a été publié par Charlie Hebdo le 16 octobre 2013

Le Conseil constitutionnel valide la loi sur l’interdiction de la fracturation hydraulique. Derrière cette « victoire » à la Pyrrhus, tout est prêt, chez les socialos comme à droite, pour le grand voyage vers l’Eldorado.

Vendredi passé, le Conseil constitutionnel, saisi par le Conseil d’État après d’une plainte de l’industriel américain Schuepbach, a validé toute la loi de 2011 sur l’interdiction des gaz de schiste. C’est donc fini, et les cocoricos n’ont pas manqué de s’élever dans le ciel tricolore, de José Bové au ministre de l’Écologie, Philippe Martin. Encore une victoire française !

La décision du Conseil, heureuse à n’en pas douter, cache au passage son lot de très mauvaises surprises. Rappelons pour commencer le contexte du vote de la loi de 2011. À l’extrême fin de l’année 2010, le mouvement contre les gaz de schiste commence ses manifestations, qui font rapidement craindre une jacquerie générale dans les régions les plus concernées, de l’Ardèche à l’Aveyron, en passant par les Cévennes. Le printemps 2011 fait flipper tous les politiques, qui comptabilisent les centaines d’élus locaux, maires en tête, qui montent au front. Sarkozy, déjà lancé dans la campagne de 2012, ne veut pas de bordel dans ses meetings électoraux, et décide de calmer le jeu. De leur côté, les socialos de Hollande pensent tenir un levier supplémentaire en surfant sur la colère du sud de la France.

La loi de 2011 sera votée pratiquement à l’unanimité, mais sur la base d’une incompréhension totale des enjeux de l’affaire. Car le sous-sol français fait maladivement saliver les transnationales du pétrole et de la chimie. Pour la raison simple que les estimations des réserves de gaz et de pétrole de schiste – il y a les deux – sont franchement foldingues, même si elles ont souvent été faites au doigt mouillé. L’Institut français du pétrole, public, parlait en 2011 d’un Eldorado de pétrole de schiste sous le Bassin parisien : de quoi assurer entre 70 et 120 années de production d’un pays comme le Koweït.

La droite, qui s’est ressaisie, cassera à coup sûr la loi en cas de retour au pouvoir. Mais la gauche, pour le moment coincée par ses engagements solennels, attend le moment favorable pour ouvrir les vannes. Ce qui dépendra de l’état des lieux mondial et notamment des prix du pétrole et du gaz. Il se murmure raisonnablement fort que le sujet est suivi par Hollande, qui a une ligne directe avec le patron de Total, Christophe de Margerie, via son cousin par alliance Jean-Pierre Jouyet, très vieux pote de notre président et patron de la surpuissante Caisse des dépôts et consignations.

Comme le note Sylvain Lapoix sur le site Reporterre, l’industrie française est prête à bondir sur la moindre occase. Et elle a d’ailleurs commencé. Total a injecté la bagatelle de 2,32 milliards de dollars dans l’entreprise Chesapeake, deuxième producteur américain de gaz de schiste. Vallourec, notre « leader mondial des solutions tubulaires » fournit outre-Atlantique une part croissante des tuyaux nécessaires à la fracturation, et vient d’ouvrir sur place une usine à plus de 1 milliard de dollars. Lafarge, qui refile plein de fric au WWF, fournit une partie du ciment destiné au bétonnage des puits de forage.

Question formatage des esprits, tout se met également en place. Anne Lauvergeon, socialo-compatible virée d’Areva, s’occupe pour le compte de Hollande d’une pittoresque Commission pour l’innovation. Il fallait l’entendre sur France-Info, le 11 octobre, insistant sur l’importance des recherches et explorations du gaz de schiste, pour mieux comprendre ce qui se profile. Jetons ensemble un œil sur une photo officielle publiée en avril par notre beau gouvernement. On y voit de gauche à droite, annonçant du haut d’une tribune la création de la Commission, Fleur Pellerin, Geneviève Fioraso, Jean-Marc Ayrault, Anne Lauvergeon et Arnaud Montebourg. Une brochette de scientistes militants, sertie d’au moins un(e) complet(e) nigaud(e). Saurez-vous le (la) reconnaître ?

Montebourg a réclamé sans rire une « exploitation écologique » des gaz de schiste. Pellerin a défendu à mort les ondes électromagnétiques des portables, tumeurs comprises. Fioraso est une croisée des nanotechnologies et même de la biologie de synthèse. Lauvergeon a dirigé le nucléaire français. Et Ayrault est Ayrault. On ira. On y va.

17 réflexions sur « L’éternel retour des gaz de schiste »

  1. Gaz de schiste et Maud Fontenoy, le lobbying à l’œuvre :

    http://www.plon.fr/ouvrage/ras-le-bol-des-ecolos/9782259221566
    La sortie demain 24 octobre du dernier ouvrage de la rameuse de l’Atlantique s’accompagne de déclarations loin d’être anodines.

    0. La fondation MF
    http://www.maudfontenoyfondation.com/ras-le-bol-des-ecolos.html

    Maud est intervenue notamment chez GDF Suez, l’Unesco, Vinci, La Poste, Socoda, Areva, Total, l’Arbre Vert, etc. et récemment en ouverture du lancement officiel du club France Rio +20, après le Président de la République, en tant que grand témoin, pour souligner l’importance de l’engagement écologique au niveau mondial. CQFD !
    http://www.maudfontenoyfondation.com/ses-interventions-et-conferences.html

    Présente aux côtés de V. Peillon lors de la ConfEnvi2 pour ses programmes éducatifs, la diva à la gorge généreuse qui faisait bafouiller JL Borloo lors d’un déplacement aux marges de l’antarctique**, a été reçue par PhilMart hier, avant la promo de son bouquin.

    1. Mardi 22 octobre
    12h00 Entretien avec Mme Maud FONTENOY, Navigatrice, vice-présidente du Conservatoire nationale (sic) du Littoral, membre du Conseil Économique, Social et Environnemental, Présidente de « Maud Fontenoy Fondation » – (Hôtel de Roquelaure)
    http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/2013-10-26_au_2013-10-21_P-_MARTIN.pdf

    2. mardi 22 octobre, Maud Fontenoy était l’Invitée de RTL Soir. « La navigatrice, également engagée politiquement, publie « Ras le bol des écolos ». Elle fustige l’action des Verts mais lutte pour la préservation de l’environnement. »
    http://www.rtl.fr/video/emission/rtl-soir/maud-fontenoy-ras-le-bol-des-ecolos-7765933296

    3. 23 octobre 2013, à 09:00 l’invité de Bruce Toussaint – Maud Fontenoy : « les écolos ont un discours alarmiste et anxiogène qui nuit à la cause ».
    NON VERBATIM
    « Oui il faut faire de la recherche sur le gaz de schiste… des techniques alternatives existent notamment la FH au propane…
    Vernatim à suivre !
    http://www.itele.fr/videos/emissions/chroniques/invite-bruce-toussaint/video/#!/maud-fontenoy-les-ecolos-ont-un-discours-alarmiste-et-anxiogene-qui-nuit-a-la-cause-59713

  2. marie line! que dire de plus? merci pour ces liens sur madame Fontenoy! jolie jeune femme qui pense tout savoir et avoir LA méthode…contrairement aux autres écolos dits « anxiogènes! » les rabats joie… Tout cela est cousu au fil blanc de sa mondanité et de son ambition.

  3. totalement hors sujet article anxiogène! pas bon pour Maud http://labrique.net/numeros/numero-35-avril-mai-2013/enquete-boulogne-la-peche-prend-l/article/chronique-d-une-mort-annoncee

    Lâchée par les élus, contrôlée par l’Europe et concurrencée par les industriels, la pêche artisanale se noie à Boulogne. Elle tente de survivre et de se mobiliser mais le rapport de force n’est pas en sa faveur. De cette débâcle, le Front national essaye de faire son beurre.

    La pêche est l’un des secteurs les plus touchés par le désastre écologique en cours. La faute à la pêche industrielle qui vide les océans….. »

  4. Sur le site de la Fondation Maud Fontenoy, on peut lire sa devise « Oceans are humanity’s future ».
    En revanche, je n’ai rien trouvé sur le déversement des eaux radioactives de Fukushima dans l’Océan Pacifique…..

  5. Salut à toutes et tous,

    Comme les gaz de schiste, l’exploitation de l’huile de palme participe à la destruction massive des richesses naturelles de notre planète. Et toujours pour enrichir les pétroliers.

    L’association allemande « Sauvons la forêt » a mis en ligne une pétition pour tenter d’éviter une nouvelle catastrophe en Asie. Merci de diffuser autour de vous.

    Bien à vous. Sancho

    AGIP – ENI : En route avec l’huile de palme

    Chers ami(e)s de la forêt tropicale,

    Le géant énergétique italien Eni se convertit à l’huile de palme : il est en train de construire près de Venise une « bio-raffinerie » dont la production serait de 500 000 tonnes d’agrocarburants par an.

    Selon le programme des Nations Unies pour l’environnement, l’huile de palme est la cause principale de la déforestation tropicale en Malaisie et en Indonésie. 700.000 hectares de forêts humides ont déjà été détruites pour approvisionner l’Union européenne en « biocarburants ».

    La nouvelle raffinerie à l’huile de palme d’Agip-Eni nécessite la conversion supplémentaire de 180 000 hectares de forêts tropicales en plantations.

    Protestons auprès d’Eni et de l’état italien qui est son actionnaire majoritaire pour stopper la construction de la raffinerie :

    La Pétition ici :

    https://www.sauvonslaforet.org/petitions/929/agip-eni-en-route-avec-l-huile-de-palme?mt=1707&v=0&ref=nl

  6. « Montebourg a réclamé sans rire une « exploitation écologique » des gaz de schiste. Pellerin a défendu à mort les ondes électromagnétiques des portables, tumeurs comprises. Fioraso est une croisée des nanotechnologies et même de la biologie de synthèse. Lauvergeon a dirigé le nucléaire français. Et Ayrault est Ayrault. On ira. On y va »

    rajoutons la prolongation des centrales, et l’esclavage lié au « libre échange », moi qui croyais que le plus important était Léonarda et le foot.

  7. USA: risque de pénuries d’eau à cause du gaz de schiste

    WASHINGTON – L’exploitation du gaz de schiste aux Etats-Unis a majoritairement lieu dans des régions déjà confrontées à des stress hydriques au risque d’y aggraver les pénuries d’eau, selon une étude du groupement d’organisations Ceres parue mercredi.

    En plein boom aux Etats-Unis, l’exploitation du pétrole et du gaz de schiste repose principalement sur la fracturation hydraulique, qui consiste à injecter à très haute pression un mélange d’eau et matériaux pour fissurer la roche dans l’espoir d’y découvrir des hydrocarbures.

    Environ la moitié des puits creusés depuis 2011 aux Etats-Unis et dans l’ouest du Canada pour utiliser cette technique controversée l’ont été dans des régions déjà confrontées à de forts stress hydriques, indique l’étude de la coalition Ceres qui se base sur quelque 40.000 forages effectués entre 2011 et mai 2013.

    La fracturation hydraulique aggrave la compétition pour l’eau dans certaines des régions les plus en proie à la sécheresse et au stress hydrique, résume Mindy Lubber, la présidente du Ceres qui réunit ONG, chercheurs et entreprises.

    Le rapport pointe notamment l’impact de l’exploitation du gaz de schiste en Californie qui traverse actuellement une de ses pires sécheresses depuis un siècle.

    Le développement du gaz de schiste dans beaucoup de régions (aux Etats-Unis, ndlr) repose en grande partie sur les ressources en eau souterraines qui sont généralement moins régulées que celle en surface, aggravant donc les risques d’épuiser les ressources en eau , argumente encore le rapport.

    Afin de mieux évaluer l’ampleur du problème, le rapport appelle à une plus grande transparence et exhorte les entreprises à dévoiler la quantité d’eau utilisée dans chacun de leurs puits tout en rationalisant son utilisation.

    Les bonnes pratiques en matière de management des ressources en eau sont à la traîne, prévient le Ceres, appelant à combiner les solutions. Une seule technologie, que ce soit le recyclage de l’eau (…) ou un plus grand usage de la fracturation hydraulique sans eau, ne saura résoudre à elle seule les problèmes de stress hydrique, assure le rapport.

    L’exploitation du gaz et du pétrole de schiste alimente une révolution énergétique aux Etats-Unis qui pourraient devenir dès cette année le premier producteur d’or noir sur la planète.

    (©AFP / 05 février 2014 23h46)

  8. Coucou,

    http://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/20150507.OBS8583/des-additifs-de-fracturation-hydraulique-dans-l-eau-du-robinet.html

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    Pays-Bas : un exploitant de gaz s’excuse des tremblements de terre

    La Haye – La NAM, un exploitant de gaz regroupant les géants de l’énergie Shell et ExxonMobil, a présenté ses excuses aux habitants du nord des Pays-Bas, touchés par des tremblements de terre à répétition causés par la production de gaz.

    C’est un fait établi que la production de gaz a causé des tremblements de terre à Groningue : je regrette qu’ils aient causé des problèmes à tellement d’habitants et je m’en excuse, a déclaré Gerald Schotman, directeur de la NAM, cité dans un communiqué.

    Le directeur de la NAM réagissait à un rapport du Bureau d’enquête néerlandais pour la sécurité (OVV) publié en février.

    Ce rapport épinglait les exploitants et le gouvernement, les accusant d’avoir fait prévaloir pendant plus de 50 ans les revenus issus du gaz sur la sécurité des habitants.

    Je reconnais que nous n’avions pas effectué des tests poussés quant aux risques sur la sécurité, a ajouté M. Schotman : nous aurions dû être plus curieux de ce qu’il se passait dans le sol de Groningue, et au-dessus.

    La NAM avait nié pendant des années le lien entre les tremblements de terre à répétition et l’exploitation du gaz.

    Les secousses qui touchent la région sont la conséquence de poches de vide formées sous terre une fois le gaz extrait. Elles causent de nombreux dégâts aux fermes ou bâtiments historiques et ont augmenté en parallèle à l’extraction du gaz.

    Si les secousses sont d’une assez faible magnitude, elles sont situées très proches de la surface.

    Les Pays-Bas sont le deuxième producteur européen de gaz naturel. En 2011, les revenus du gaz avaient participé à hauteur de 8% dans les revenus de l’État.

    Suite aux tremblements de terre, une diminution de la production de 20% avait été décidée en janvier 2014.

    Le Conseil d’Etat avait en outre ordonné à la mi-avril la suspension de l’extraction dans un petite ville de la région, devenue l’épicentre des tremblements de terre.

    Bzzz, bzzz, 🙂

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