Quand le maire de Bagnolet me cherche

Je vous explique, car je sors un peu du cadre habituel. Quoique, à bien y réfléchir, c’est moins sûr. Ce que vous lirez ci-dessous se décompose en trois morceaux. Le fichier 1, sur lequel je vous invite à cliquer (ça met une poignée de secondes à charger, car c’est lourd), est le PDF d’une double page que j’ai signée le 26 février dans Charlie-Hebdo, avec de fort beaux dessins d’Honoré pour accompagner.

Il s’agit donc, comme vous verrez peut-être, d’un reportage sur la ville de Bagnolet, qui touche Paris à l’Est. Vous jugerez. J’ajoute trois mots sur la banlieue. Ma banlieue Est à moi, que je connais si bien. J’ai habité quantité d’endroits en Seine-Saint-Denis, à Villemomble, Clichy-sous-Bois, Montfermeil – la célèbre cité des Bosquets -, Drancy, Aulnay, Noisy-le-Sec, Bondy, Pavillons, Livry-Gargan, d’autres encore.

Si je vous dis cela, c’est parce que cette terre maudite est la mienne. Et celle des miens, à commencer par mon vieux, mort depuis un bail, qui était un ouvrier communiste à l’ancienne, c’est-à-dire, je crois pouvoir l’écrire, un Juste. Je hais, le mot n’est pas trop fort, et je l’assume, je hais les salopards qui ont transformé la banlieue populaire en un champs de ruines. Ceux qui, ayant la responsabilité de loger des pauvres, n’ont eu d’autre but apparent que de les parquer, avec les résultats que l’on sait. Bien entendu, cela vise cette droite affairiste – un pléonasme – qui a régné sans partage jusqu’en 1981. Mais autant cette gauche qui lui a succédé, et qui est largement responsable du désastre humain que j’ai tant connu. Et parmi elle, ce parti stalinien répugnant qui a décidé et voulu que naissent tant de cités pourries où, croyait-il, il aurait un réservoir de voix pour l’éternité.

Ce parti stalinien – non, je n’oublie pas les autres, croyez-moi – a eu parfois près d’un siècle, comme à Bagnolet, pour montrer ce qu’il savait faire. Un vrai parti ouvrier se serait battu jusqu’au sang pour que les prolétaires soient logés dans des villes authentiques, civilisées, et disposent de vraies habitations à partir desquelles ils auraient élevé dignement leurs familles. Il n’en a rien été. Aucune lutte n’a été menée pour un urbanisme digne d’être approprié, ce qui est une preuve. Une preuve, après mille autres, que les discours n’étaient que mensonge et manipulation.

Et c’est pourquoi, même s’ils ne le croiront jamais, je suis très satisfait du tract que vous trouverez sous les noms tract-1 et tract-2, car il y a un recto et un verso. J’y suis traîné dans la sanie par le maire actuel de Bagnolet, membre du parti communiste. Ces gens-là s’y croient follement, mais ils ont grand tort. Dans ma jeunesse déjà lointaine, mais si vive dans ma mémoire, j’ai combattu, physiquement quand je le pensais nécessaire, les fascistes d’une part et les staliniens de l’autre, qui tenaient d’une manière atroce 27 villes de Seine-Saint-Denis sur 40. Je n’ai pas eu peur d’eux au beau milieu de leur fief, quand ces crapules attaquaient bassement les immigrés en 1980 (ici, des précisions). Je n’ai pas eu peur d’eux quand ils étaient forts, et ce n’est pas maintenant que ces pauvres gens peuvent espérer m’impressionner. Et donc, soyons sincère, je leur dis merde.

fichier1.pdf

tract-1.pdf

tract-2.pdf

18 réflexions sur « Quand le maire de Bagnolet me cherche »

  1. Mazette, une double page dédiée dans leur feuille de chou, en convoquant Cavanna et l’horripilant folliculaire vert grand teint C-M Vadrot qui t’intronise fondateur du « populisme écologique », C’est un petit chef-d’oeuvre néo-stalinien, et la consécration pour toi à Bagnolet dis-donc !
    Tu leur dis merde à ces b….? eh bien moi,au nom du peuple communiste de la petite couronne de jadis, aussi sincèrement dévoué à son idéal, dans son écrasante majorité, qu’il fut abusé, ou trahi, ou broyé par le Parti, en mémoire des luttes surtout, aujourd’hui englouties sous les couches de béton, je leur fais un doigt. Avec tout mon soutien et toutes mes félicitations. Radicalement partageux, parce que radicalement écolo.

  2. Je fréquente un tout petit peu le quartier entre Les Lilas et Bagnolet mais ne suis pas assez au jus pour avoir un avis sur ce qui y anime la vie municipale. Cependant la description que vous faites du paysage urbain m’apparaît assez juste.

    J’en profite pour poser une question d’ordre patrimonial aux Bagnoletais passant par là : à l’angle de l’av. Pasteur/ Raspail et de la rue Sadi Carnot ou bien angle av. Raspail et rue Louise Michel se trouve un bistrot avec une curieuse illustration en hauteur : kesaco ?

    Enfin c’est le lieu de citer la Coordination pour la Solidarité des Territoires d’Ile de France et contre le Grand Paris : bientôt un article à son propos ? (http://costif.parla.fr/)

    Et encore : à Montreuil ça défouraille ferme également !

  3. A Bagnolet, juste derrière le périph’, dans ce triste quartier de la Dhuys, on trouve aussi un petit coin de verdure, d’amitiés, d’agapes bruyantes partagées entre voisin(e)s et même avec quelques parigot(e)s qui osent traverser : le Jardin Guinguette de la Dhuys, qui vous accueille tous les samedis de 11h00 jusqu’à plus soif, avec vos victuailles et votre envie de mettre les mains dans la terre.
    Si toutes les dents creuses de toutes les villes de l’Est parisien dont il est question dans l’article pouvait lui ressembler, si seulement…

  4. Pour « Vu de Sirius »,

    Je ne passe pas votre commentaire en l’état, car il semble indiquer que vous prenez la défense de ceux que je nomme plus haut les fascistes. Si j’ai mal compris, éclairez-moi. Si j’ai bien compris, sachez que je ne voisinerai jamais avec les fascistes. Vous pourrez, dans ce cas, en tirer les conclusions qui s’imposent. Planète sans visa est un lieu que j’ai créé, et il incarne les valeurs auxquelles je crois. Il n’est pas, il ne sera pas une auberge espagnole où tout le monde pourrait venir avec ce qu’il veut.

    Fabrice Nicolino

  5. Bonsoir,

    Merci Fabrice.

    Faudra penser a créer une association. L’assoc des Nousvousdisonsmerde. 🙂

    Bien a vous tous,

  6. Oui, LBL, je suis partant pour adhérer à l’asso Nousvousdisonsmerde…
    J’ai des années habité, et travaillé en OS, à Montreuil et nos comités de base ont été amenés un jour à occuper un bel immeuble pour des squats, en particulier de familles de farouches tsiganes yougo. MAIS l’immeuble était racheté par la municipalité PC. C’est là qu’est maintenant la biblio Maurice Thorez, qui n’a nulle archive de cette occupation de 4 mois, donnant lieu à n.manœuvres sournoises de gros bras du PC… et finissant par acheter une complicité : les CRS ont pu nous virer le 15 août… tiens, quelle date tranquille !!!

  7. Courage à toi Fabrice, les crapules n’ont raison que si on les laisse faire.
    Autre chose, une pétition à signer pour lutter contre un méga projet aux USA :
    http://www.avaaz.org/fr/stop_the_keystone_xl_pipeline_loc_fr/?bGWrleb&v=36700
    « Les États-Unis s’apprêtent à prendre LA décision environnementale qui marquera la présidence Obama: autoriser ou non la construction d’un oléoduc monstrueux qui transportera chaque jour jusqu’à 830 000 barils du pétrole le plus sale au monde du Canada jusqu’au sud du Texas.

    S’il est validé, le projet d’oléoduc Keystone XL injectera des milliards de dollars dans les poches de quelques entreprises… mais aussi des millions de tonnes de carbone dans l’atmosphère. On dit qu’il s’agit du «détonateur de la plus grande bombe au carbone de la planète». Sa construction a jusqu’ici été reportée grâce à des mobilisations citoyennes courageuses et une décision de justice vient de porter un sérieux coup au projet. »

  8. Bonjour Fabrice,

    J’écris un commentaire sur ce dernier article, mais l’objet en est tout autre (je n’ai pas réussi à envoyer de message sur la page contact). A noter tout de même que je m’associe aux messages de soutien concernant votre enquête sur Bagnolet.

    Je suis un lecteur régulier de Planète sans visa et hebdomadaire de Charlie Hebdo auquel je suis abonné. Je suis d’ailleurs ravi que vous écriviez dans ce journal que je défends également contre…ceux qui ne le lisent probablement pas.

    Or, j’apprends hier stupéfait-déçu-agacé que Richard Malka serait un des avocats de Sarkozy. J’espère avoir mal lu. Certes, les engagements de Richard Malka n’engage pas Charlie. Mais tout de même. Je suis en accord avec vous quand, suite aux violences de Nantes, vous dites : « La violence, c’est eux. EUX. Eux qui essaient d’imposer leurs lamentables vues sur l’avenir de ce pays, et du monde, dans une indifférence abyssale à la crise climatique qui nous menace tous. » Si Sarkozy a bien le droit d’être défendu, je ne peux m’ôter de la tête que cette défense engage les défenseurs à ses côtés. Et, donc, pas aux nôtres. Il n’est pas ici question de pureté (il est méchant, nous sommes gentils), mais de clarification nécessaire lorsque de nombreuses cartes sont brouillées.

    Je n’ai pas encore écrit à Charlie pour déplorer cette situation (dont, je le répète, Charlie n’est pas responsable) encore sujette à des amalgames dont certains tireront profit, mais j’imagine que d’autres l’ont déjà fait. par ailleurs, je ne sais pas si ce point a été évoqué en interne à Charlie.

    Toujours est-il que je vous souhaite un beau dimanche ensoleillé, en attendant votre prochain livre avec impatience.

    alexandre

  9. LN66,

    Oui, ça se veut méprisant. Et c’est surtout très drôle, car cela fonctionne comme un aveu. Les pigistes sont en effet les prolétaires de la presse, et ces braves communistes pensent donc me monter du doigt en me traitant de prolétaire. Ah qu’ils sont bêtes !

    Fabrice Nicolino

    PS : Je n’ai pas répondu précisément à leurs sornettes, et je n’entends pas le faire.

  10. votre position me crucifie, Fabrice. Autant je vous soutiens absolument, autant pour en connaitre je sais que parmi ceux que vous nommez « les fascistes « il y a d’authentiques écologistes (ex BB). Votre réaction d’exclusion sans discussion me rend triste. mais je continuerai à vous lire et à soutenir les causes que vous soutenez, même si çà m’oblige parfois à faire le grand écart idéologique!

  11. Vu de Sirius,

    Je vous demandais de m’expliquer votre point de vue, et voilà que vous me parlez d’exclusion. Tous les groupes humains connaissent l’existence de frontières. Les miennes sont connues, et je ne vous demande absolument pas de partager mes vues, mais de respecter un territoire aussi imaginaire que réel. Je ne sais pas ce que vous appelez les « fascistes », mais j’ai ma définition. Et je ne transige pas sur ce point-là. Un fasciste peut cesser de l’être, comme le merveilleux Daniel Cordier, qui fut le secrétaire de Jean Moulin dans la clandestinité. Mais tant qu’il l’est, il n’entre pas chez moi.

    Bien à vous,

    Fabrice Nicolino

    PS : ce n’est pas grave du tout, mais nous n’avons visiblement pas la même définition du mot écologiste. BB n’est pas, à mes yeux en tout cas, une écologiste. Elle défend passionnément les animaux, qu’elle considère comme des êtres. Je la rejoins tout à fait. Mais l’écologie, comme je la conçois, ce n’est pas du tout cela. Cela doit inclure ce beau sentiment, mais ce n’est pas cela.

  12. Allez, une petite lettre réconfortante de Magritte à l’un de ses critiques de l’époque :

    « Cher Monsieur Dupierreux,

    La bêtise est un spectacle fort affligeant mais la colère d’un imbécile a quelque chose de réconfortant. Aussi je tiens à vous remercier pour les quelques lignes que vous avez consacrées à mon exposition.

    Tout le monde m’assure que vous n’êtes qu’une vieille pompe à merde et que vous ne méritez pas la moindre attention. Il va sans dire que je n’en crois rien et vous prie de croire cher monsieur Dupierreux en mes sentiments les meilleurs. »

    Il n’est pas interdit de remplacer les noms propres.
    Sur ce, bonne semaine et merci pour ce flot d’information de premier choix.

    Nicolas

  13. Salut Fabrice
    juste un amical salut d’un ancien du 93 (et de nos combats communs)
    Tu oublies dans ta palette de la trahison , les enrichissements personnels de ces élus de gauche ( le maire « communiste » de Clichy sous bois propriétaire d’un manoir en Normandie). Il fut viré mais implanta le FN en banlieue rouge pour diviser ces adversaires….

    C’est de l’exercice du pouvoir que vient le problème; sachons inventez une autre organisation sociale émancipatrice

  14. Christian,

    On n’est pas entre nous, et je resterai donc elliptique. Je n’ai pas vraiment digéré tes accusations – graves pour moi – au moment de Lézan. Mais j’essaie de me souvenir des bons moments.

    Fabrice Nicolino

    PS : Il n’y a pas que le maire de Clichy, très représentatif il est vrai. Mais aussi celui de Rosny, qui voulait chasser les Gitans de Rosny-2, mais aussi celui de Noisy-le-Sec, celui d’Aulnay, celui de Tremblay, etc. Toute une génération.

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