Considérations sur l’imbécillité (en Espagne et ailleurs)

Avouons que ce papier s’adresse d’abord à ceux qui croient encore dans la politique. Je veux dire la politique ancienne, celle qui émet les signaux que nous connaissons tous, celle de madame Royal, de monsieur Sarkozy. Celle venue en droite ligne de 200 ans d’histoire tourmentée.

On le sait, ou l’on finira par le savoir, je ne porte plus guère attention aux acteurs de ce jeu de rôles, mais je ne cherche pas à convaincre. Je ne fais qu’exprimer un point de vue. Et voici pour ce jour : j’aimerais vous parler d’Andrés Martínez de Azagra Paredes. Un Espagnol. Cet ingénieur, également professeur d’hydraulique, propose un néologisme : oasificación. Pour nous, Français, ce n’est pas très difficile à comprendre : il s’agit de créer des oasis. Martínez est un homme très inquiet de l’avenir de son pays, menacé par des phénomènes de désertification dont nous n’avons pas idée. Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au delà, comme aurait dit Montaigne. Mais nous avons grand tort, en l’occurrence, de ne pas tendre l’oreille.

Martínez, en tout cas, a des solutions ( attention, en espagnol : www.oasification.com). Cela consiste, sommairement résumé, à récupérer l’eau, de pluie surtout, et à restaurer un couvert végétal là où il a disparu. En mêlant savoirs ancestraux et technologies nouvelles. J’avoue ne pas en savoir bien plus. Est-ce efficace ? Peut-être.

Mais la vraie question est autre : l’Espagne devient un désert. Bien entendu, il est plus que probable que nous ne serons plus là pour admirer le résultat final. Le processus est pourtant en route (afp.google.com) : le tiers du pays est atteint par des formes sévères de désertification, et le climat comme la flore et la faune seront bientôt – à la noble échelle du temps écologique – africains. J’ai eu le bonheur, il n’y a guère, de me balader sur les flancs de la Sierra Nevada, cette montagne andalouse au-dessus de la mer. Je me dois de rappeler que nevada veut dire enneigée. De la neige, en ce mois de novembre 2005, il n’y en avait plus.

Pourquoi cette avancée spectaculaire du désert en Europe continentale ? Je ne me hasarderai pas dans les détails, mais de nombreux spécialistes pensent que le dérèglement climatique en cours frappe davantage l’Espagne que ses voisins. Et comme le climat se dégrade aussi en Afrique, notamment du nord, il va de soi que les humains qui ont tant de mal à survivre là-bas ont tendance à se déplacer plus au nord, au risque de leur vie quand ils tentent la traversée vers les Canaries ou le continent.

Et que fait le gouvernement socialiste en place ? Eh bien, avec un courage qui frise la témérité, il vient de décider la création d’un Plan national contre la désertification. Tremblez, agents de la dégradation écologique ! Je ne vous surprendrai pas en écrivant que les choix faits depuis 50 ans n’ont jamais qu’aggravé les choses. La surexploitation des ressources en eau, la déforestation, l’agriculture intensive et l’urbanisation sont les points les plus saillants d’une politique d’autant plus efficace qu’elle est évidente, et rassemble tous les courants qui se sont succédé au pouvoir.

Du temps de Franco, vieille et sinistre baderne aux ordres du pire, le choix majeur a été de vendre le pays au tourisme de masse. Une aubaine pour les vacanciers français découvrant, dans les années 60, la défunte Costa Brava, puis le reste. Les héritiers du Caudillo, de droite d’abord, puis de gauche, ont poursuivi dans la même direction, toujours plus vite, toujours plus loin. Le Premier ministre en place, José Luis Rodríguez Zapatero, ne cesse de vanter l’état de l’économie espagnole, qui lui devrait tant. Par parenthèses, faut-il rappeler l’enthousiasme de madame Royal chaque fois que quelqu’un l’appelle la Zapatera ?

Donc, Zapatero. Il me fait penser à DSK. Ou à Moscovici. Ou à Delanoé. Ou à tout autre, cela n’a pas la moindre importance. Il se vante donc de l’état de l’économie sous son règne, espérant bien remporter les élections générales du 9 mars prochain. Comme je m’en moque bien ! Car il y a tout de même un peu plus important. Certes, le socialistes locaux ont stoppé – pour combien de temps ? – le démentiel Plan hydrologique national de la droite, qui entendait détourner une partie des eaux de l’Èbre – fleuve du Nord qui a donné son nom à la péninsule – jusque vers l’extrême sud et les côtes touristiques.

Certes. Mais la soi-disant bonne santé du pays repose, pour l’essentiel, sur la construction. Qui n’est bien entendu que destruction. Jusqu’à la crise des subprimes, ces damnés crédits immobiliers américains, l’Espagne était considérée comme un modèle (www.lemonde.fr) à suivre partout en Europe. Écoutez donc cette nouvelle chanson, dans la bouche de Patrick Artus, gourou financier bien connu : « La crise récente risque de montrer qu’il s’agissait de « faux modèles » à ne pas suivre. Que reste-t-il du dynamisme de ces pays, une fois enlevés l’expansion des services financiers et de la construction, qui y représentaient 50 % à 80 % des créations d’emplois ? ».

Zapatero est un grossier imbécile. Je vous le dis, vous pouvez le répéter. Imbécile, je pense que cela va de soi. Grossier, car dans le même temps que sa ministre de l’Environnement faisait semblant d’agir contre l’avancée du désert, on apprenait la teneur de quelques chiffres officiels. L’an passé – de juin 2006 à juin 2007 -, les mairies du littoral espagnol reconnaissaient l’existence de projets immobiliers plus nombreux que jamais. Soit 2 999 743 nouveaux logements, 202 250 lits dans l’hôtellerie, 316 terrains de golf et 112 installations portuaires avec 38 389 places neuves pour les jolis bateaux. Sans compter 90 cas de corruption établis, impliquant 350 responsables publics (attention, en espagnol : www.glocalia.com).

Tout est malheureusement connu, et le Parlement européen lui-même a condamné sans appel des « projets d’urbanisation massive (…) sans rapport avec les véritables besoins des villes et villages concernés », contraires « à la durabilité environnementale » et qui ont des effets « désastreux sur l’identité historique et culturelle » des lieux (www.batiweb.com). Voilà pourquoi, bien qu’aimant l’Espagne et sa langue, je mets rigoureusement dans le même sac le PSOE – parti socialiste au pouvoir – et le PP, ou Parti populaire, de droite. Plutôt, parce que j’aime profondément l’Espagne. Mais vous aurez rectifié de vous-même.

9 réflexions sur « Considérations sur l’imbécillité (en Espagne et ailleurs) »

  1. Le probleme des partis politiques, dans les démocraties, est qu’ils doivent satisfaire les demandes d’au moins 51% de leurs électeurs. Ceux ci étant constitués, selon moi, d’une proportion de 70 à 80% d’idiots cupides, égoistes et brutaux, ce sont ces comportements qui sont sélectionnés. Alors soit on instaure une dictature de gens hautement moraux et savants (ce qui n’est surement pas possible ni souhaitable) soit on décide de faire passer à la masse, un permis de voter nécessitant pour le décrocher d’avoir pris connaissance du fonctionnement du monde. Il faut aussi inventer un systeme qui empeche aux élites de construire des usines à gaz, des idéologies ou des religions ne servant qu’ eux memes.
    Cordialement

  2. tu aurais pu écrire l’imbécilité en Chine, en Indonnésie, Brésil, Afrique …j’aime beaucoup la culture espagnole,magnifique . le pays est exploité de manière démente (la fièvre de l’or) depuis plus de trois cent ans ! Il suffirait d’un seul honnête homme….

  3. @ benedicte
    Excuses moi mais je trouve très bizarre la façon dont tu t’exprimes et pour dire en fait je n’y comprends rien. Que signifie « Il suffirait d’un seul honnête homme… » que tu crois à un espèce de gourou capable de sauver la planète ?
    Même chose dans un autre post où tu dis que « les marchands n’ont que le pouvoir qu’on leur donne ». Je trouve que c’est des phrases creuses qui n’apportent rien. On est un peu dans un système non. Ou alors faut m’expliquer.
    Je ne veux pas être dure avec toi mais ça m’énerve quand je ne comprends pas. Voilà, on peut supprimer ce post s’il semble injurieux mais j’aurai bien voulu communiquer en message privé (ce qui ne semble pas possible ici)

  4. Désolée Suzan ! non, point de gourou ou de pensée cachée malséante ! Je faisais référence à des réflexions de Henry David Thoreau, . En ce qui concerne les marchands, nous vivons dans un monde géré surtout par les bourses , dont nous sommes les clients . En changeant radicalement nos manières de vivre , ce monde, qui commence d’ailleurs peut-être à s’écrouler, n’aurait plus de quoi fonctionner et nous pourrions changer de système plus vite . du moins je l’espère de toutes mes forces .
    Sinon, dans sa désobéissance civile, Thoreau, développe une pensée qui a été quelque peu détournée et exploitée assez largement par Gandhi dans ses discours, et qui correspond à une conviction personnelle : si un seul honnête homme cessait dans notre état de garder des esclaves, venait vraiment à se retirer de cette confrérie, quitte à se faire jeter en prison du Comte, cela signifierait l’abolition de l’esclavage en Amérique . Car peu importe qu’un début soit modeste : ce qui est bien fait au départ est fait pour toujours .
    je suis quelqu’un qui fonctionne dans l’agir . Les « que voulez vous ma pauvre dame, le monde est comme il est, ect » m’indisposent au plus au point . Mais en ce moment je suis triste, car je parraine d’autres enfants au Vietnam dans une région (qui a, entre autre , abondament été aspergée d’agent orange) et qui, pour des raisons de changements climatiques, risque de finir sous les eaux . Ce qui fait que ces parainages deviennent de plus en plus aléatoires ! Sur cette terred, les pauvres le sont plus en plus à la vitesse de l’éclair ! je suis triste, je « violonne » un peu et du coup je deviens opaque, désolée ! je vais tâcher de me secouer .
    je ne me sens pas injuriée, tu as tout de même le droit de demander un peu de clarté ! bien à toi

  5. Euh !!! Je me demande si Fabrice ne va pas un peu trop vite et ne fait pas encore le français donnant des leçons aux autres pays.

    J’ai lu dans El Pais, il y a 1 ou 2 mois, que Zapatero lançait un grand plan de reconquête du littoral avec arrêt des constructions dans des stations littorales comme aux abords de la Donana, qu’il voulait la démolition de certains constructions, etc, etc, … Certes cela mettra du temps comme en France, mais apparemment il fait l’inverse des autres au moins pour le littoral.

    Et je crois bien que son plan « énergies nouvelles » est en gros 10 fois mieux que ce que fait Borloo.

  6. Cher Olivier,

    Vous avez bien le droit de ne pas être d’accord avec moi. Heureusement ! Mais je maintiens, comme on dit. Je connais l’annonce de Zapatero, qui n’est qu’annonce classique, tant la tendance lourde, en Espagne, inquiète tout le monde. Je ne sais pas si vous connaissez de près l’Espagne, mais la situation est réellement folle. Selon moi, en tout cas. Bien à vous,

    Fabrice Nicolino

  7. Bonjour,
    Comme on parle d’eau, quelqu’un connaît-il à fond la situation au Maroc ? J’ai vaguement l’impression qu’il s’y passe des choses analogues aux destructions massives de nappes phréatiques espagnoles. En attendant vos infos (>34sud@skynet.be), je tente de contacter le Prof. Orszagh et Mr. M.L.Bouguerra.
    Merci d’avance à tous !
    Joël

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