La grande indifférence (le bilan Jospin)

numéro 691 de Politis

Cinq ans de gouvernement de gauche, et malgré la présence des Verts, un bilan parfaitement dérisoire. La faute à la culture, plus qu’à la politique

Quand un mitterrandolâtre veut vous clouer le bec – l’espèce est certes plus rare qu’au temps jadis -, il lâche, pensant justifier quinze ans de reculs et de corruption :  » Et Badinter ? Et l’abolition de la peine de mort ? « . On n’en est pas si loin à propos de Jospin, notamment en matière d’écologie. En cinq ans de pouvoir, la gauche aura pris deux mesures  » phares  » et seulement deux : l’abandon du canal Rhin-Rhône et l’arrêt de Superphénix.

Encore faut-il préciser les choses : ces deux fortes annonces étaient explicitement prévues dans l’accord politique entre les Verts et les socialistes, signé dès avant les élections. D’autre part, Superphénix était déjà condamné par une partie significative du lobby nucléaire, au fond soulagé par la décision de fermeture. Le monstre de Creys-Malville était en effet devenu un véritable boulet technique et financier, qui décrédibilisait l’ensemble de la filière. Rhin-Rhône, de son côté, était contesté jusques et y compris par la très haute technocratie d’Etat, en l’occurrence le corps des Ponts et Chaussées. Autrement dit, ces  » grandes victoires  » du mouvement écologiste ne furent qu’un habillage politique accompagnant et justifiant la présence des Verts au gouvernement.

Pour le reste, voyons. Le nucléaire ? Jospin avait promis une loi de transparence, le chamboulement, le débat public. Rien n’est venu, ou plutôt excatement le contraire : dans le secret habituel des bureaux, avec la complicité empressée d’un Christian Pierret – secrétaire d’Etat à l’Industrie et surtout lobbyiste forcené de l’atome -, le crucial dossier du futur réacteur EPR a continué d’avancer. Tout est prêt pour une relance massive du programme électronucléaire français.

La chasse ? Dominique Voynet et son conseiller Jean-Pierre Raffin se sont épuisés, en vain, pour essayer de sortir du face à face – un piège redoutable – avec les durs de Chasse, pêche, nature et tradition. Jospin, en excellent tacticien qu’il est, a laissé le ministère de l’Environnement s’engluer sans jamais s’exposer. De finasserie en dérobade, rien n’aura bougé, rien n’aura avancé. La question est redoutablement complexe ? A l’évidence. Comme celle du courage.

Sans doute pouvait-on espérer mieux à propos de la protection de la nature stricto sensu. Un programme européen de protection des écosytèmes remarquables – Natura 2000 – a été lancé en 1992, qui doit – devait – aboutir en 2004 à un réseau cohérent. Il était question, après un premier recensement, de classer environ 15% du territoire. Juppé, sous la pression, avait tout réduit à 5% au mieux – plusieurs de nos voisins flirtent avec les 20% -, et ni Jospin ni le ministère de l’Environnement n’ont osé bouger un doigt. Une véritable honte, mais qui n’émeut personne. Au reste, qui le sait ?

Même tableau à propos du loup, emblème pourtant de la biodiversité, qui est revenu naturellement dans les Alpes il y a une dizaine d’années. L’animal est protégé par une convention internationale, mais abandonné par l’Etat et le parc national du Mercantour – son grand refuge – aux braconniers et aux empoisonneurs. Dans les Pyrénées, l’ours est toujours menacé d’extinction, faute du moindre engagement sérieux. Jospin, en visite sur place, aura pour l’essentiel déclaré qu’il préférait l’homme au fauve. On voit assez bien le niveau.

Rien n’aura été seulement tenté pour contenir l’agriculture intensive, qui continue de pourrir, pour des dizaines d’années au moins, nappes et rivières. Rien n’aura été entrepris pour faire reculer la bagnole et le transport routier. Au contraire : le quinquennat Jospin aura été, aussi, celui du déferlement imbécile de la climatisation, désormais presque obligatoire dans les voitures neuves.

Et il y a pire. Dix ans après Rio, trente ans après Stockholm et la prise de conscience de menaces globale, la gauche au pouvoir s’est montrée incapable de parler et d’agir sur le plan international. Le plan national de lutte contre l’effet de serre est, eu égard à la gravité de la situation, une foutaise. Dans ce domaine, la seule vraie mesure de Jospin aura été de couler l’écotaxe, qui était pourtant la seule arme crédible pour limiter réellement les émissions de gaz. Un dernier mot à propos de la Guyane,  » notre  » forêt tropicale. La gauche avait l’occasion de frapper un grand coup en y créant – on en parle depuis plus de dix ans – un vaste parc national. Tout était réuni pour une spectaculaire avancée, aux résonances mondiales. Ni Voynet ni Jospin n’ont avancé d’un pouce.

Pourquoi un tel bilan ? En vérité, on le sait bien. Jospin et toute son équipe – ne parlons pas des archéocommunistes, productivistes et nucléaristes – sont parfaitement indifférents à l’écologie. Plus que d’une question politique, c’est d’un gap culturel qu’il faut parler.

Ces hommes-là en sont restés à une autre histoire, à un autre cadre intellectuel. Ils n’ont pas lu sur le sujet, pratiquement pas réfléchi à ces questions désormais essentielles, et ils sont pour sûr passionnés par d’autres choses que la survie de l’orang-outan  ou la beauté des forêts primaires. Le pouvoir donne d’autres frissons. Fallait-il, dans ces conditions, des ministres verts au gouvernement ? Ne fâchons pas, et disons que la question se pose. Du moins du point de vue de l’écologie.

1 réflexion sur « La grande indifférence (le bilan Jospin) »

  1. Concernant ton « histoire » de nucléaire, voir le document ci-dessous consacrée à « l’energie » :

    http://www.syti.net/SilentWeapons.html

    ainsi que le déclin de la science (et quelle en est la raison, le pourquoi, le sens) :

    http://www.syti.net/DeclinScience.html

    Changeons de sujet ! : Les indiens :

    « Je suis allé à l’école des hommes blancs. J’y ai appris à lire leurs livres de classe, les journaux et la bible. Mais j’ai découvert à temps que cela n’était pas suffisant. Les peuples civilisés dépendent beaucoup trop de la page imprimée. Je me tournai vers le livre du Grand Esprit qui est l’ensemble de sa création. Vous pouvez lire une grande partie de ce livre en étudiant la nature.
    Si vous preniez tous vos livres et les étendez sous le soleil, en laissant pendant quelque temps la pluie, la neige et les insectes accomplir leur oeuvre, il n’en restera plus rien. Mais le Grand Esprit nous a fourni la possibilité, à vous et à moi, d’étudier à l’université de la nature les forêts, les rivières, les montagnes, et les animaux dont nous faisons partie. »
    Tatanga Mani (ou Walking Buffalo), indien Stoney (Canada)
     

    « Les hommes blancs annonçaient bien haut que leurs lois étaient faites pour tout le monde, mais il devint tout de suite clair que, tout en espérant nous les faire adopter, ils ne se gênaient pas pour les briser eux-mêmes.
    Leurs sages nous conseillaient d’adopter leur religion mais nous découvrîmes vite qu’il en existant un grand nombre. Nous ne pouvions les comprendre, et deux hommes blancs étaient rarement d’accord sur celle qu’il fallait prendre. Cela nous gêna beaucoup jusqu’au jour où nous comprîmes que l’homme blanc ne prenait pas plus sa religion au sérieux que ses lois. Ils les gardait à portée de la main, comme des instruments, pour les employer à sa guise dans ses rapports avec les étrangers. »
    Pachgantschilhilas, chef des Delawares

    Pour en savoir plus, lire la suite :

    http://www.syti.net/MessageIndiens.html

    Tu noteras, que les indiens ne jouissent pas d’une liberté totale, la tribu en tant qu’entité est totalement libre d’aller chasser le bison ou elle le souhaite, mais l’individu au sein de la tribu doit se soumettre à un ensemble de lois transmis oralement de générations en générations et que les éthnologues nomment « tabous », l’individu est libre, mais pas totalement libre (heureusement d’ailleurs)…

    Autre sujet :

    extrait de « 1984 » de George Orwell
    « Nous ne cherchons pas le pouvoir en vue de nos propres fins, mais pour le bien de la majorité tel que nous le définissons. Les hommes, ces créatures frêles et lâches, ne peuvent endurer la liberté ni faire face à la vérité. Ils doivent être dirigés par ceux qui sont plus forts qu’eux.

    L’espèce humaine a le choix entre la liberté et le bonheur, or le bonheur vaut mieux.

    Le bien des autres ne nous intéresse pas, nous ne recherchons que le pouvoir, le pur pouvoir. Les nazis et les communistes se rapprochent beaucoup de nous par leurs méthodes, mais ils n’eurent jamais le courage de reconnaître leurs propres motifs. Ils prétendaient s’être emparés du pouvoir pour une période limitée; passé le point critique, il y aurait un paradis où les hommes seraient libres et égaux. Nous ne sommes pas ainsi, nous savons que jamais personne ne s’empare du pouvoir avec l’intention d’y renoncer. On n’établit pas une dictature pour sauvegarder une révolution. On fait une révolution pour établir une dictature. La persécution a pour objet la persécution. La torture a pour objet la torture. Le pouvoir a pour objet le pouvoir.

    L’esclavage c’est la liberté.

    Seul, libre, l’être humain est toujours vaincu.

    Mais s’il renonce à son identité, s’il se soumet entièrement et totalement, il se fond dans le pouvoir collectif, il est alors tout-puissant et immortel.
    Ce pouvoir est aussi le pouvoir sur d’autres êtres humains, sur les corps mais surtout sur les esprits. Le pouvoir sur la matière n’est pas important, notre maîtrise de la matière est déjà absolue. Ce qui importe c’est de commander à l’esprit. La réalité est à l’intérieur du crâne… Le réel pouvoir, le pouvoir pour lequel nous devons lutter jour et nuit, est le pouvoir non sur les choses, mais sur les hommes. Comment assure-t-on le pouvoir sur un autre? En le faisant souffrir. L’obéissance ne suffit pas. Comment, s’il ne souffre pas, peut-on être certain qu’il obéit, non à sa volonté, mais à la nôtre?

    Voir le lien complet :

    http://www.syti.net/IdeologieMdM.html

    John Crichton et Rigel le 16° en direct de Moya.

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