Sur ce qui se passe en Argentine (grave !)

Il ne fait aucun doute que le soja s’attaque au principe de la vie. Les informations sur le sujet sont si massives, tant et tant de fois recoupées, que la messe est dite. Dans le bassin amazonien, cette saloperie industrielle, souvent transgénique, est en train de changer la structure même des pays qu’elle a infestés. Je vous renvoie à la campagne menée en France par nombre d’associations, dont le Comité catholique contre la faim (CCFD), le réseau Cohérence et la Confédération paysanne (ici).

Le soja est une arme de destruction massive des écosystèmes et des paysans. Rien ne lui résiste, car un marché géant existe. L’Europe, d’abord, et ses consommateurs fous de viande. De quoi sont nourris nos bestiaux, sinon de soja débarqué à Lorient ou Brest ? L’Europe donc, et désormais aussi la Chine et l’Inde, dont les petits-bourgeois on ne peut plus provisoires veulent aussi goûter de la viande de boeuf avant l’extinction des feux. Savez-vous quelle part du soja produit en Argentine est exportée ? Pratiquement 100 %.

La production mondiale de soja a augmenté de 495 % de 1970 à 2005. De 44 millions de tonnes à 216 millions. On prévoit – pourquoi pas, puisque la folie règne ? – 303 millions de tonnes en 2020. Ces chiffres ne disent rien de la réalité, évidemment. Rien de l’expulsion des petits paysans. Rien de la fin de l’agriculture vivrière. Rien des millions d’hectares matraqués par les pesticides. Rien du recul de la forêt tropicale. Rien des profits des transnationales. Rien.

J’ai déjà eu l’occasion de parler du soja, du journal Le Monde et des activités de madame Tubiana, écologiste bien connue dans certains quartiers de la capitale française (ici et ). Vous retrouverez, si vous regardez, l’un des personnages clés du drame en cours, le gouverneur brésilien du Mato Grosso, Blairo Borges Maggi, par ailleurs « roi du soja ». Cela vaut le temps d’une lecture, je crois.

Mais si j’y reviens ce jour, c’est pour une autre raison qui me fait mal, simplement mal. En Argentine, pays martyr du soja industriel, des associations écologistes jouent un jeu écoeurant. Pardonnez-moi, je vais encore dire du mal du WWF et de Greenpeace. Le WWF a pris la lourde responsabilité de réunir dès mars 2005, à Foz do Iguaçu (Brésil) une table-ronde sur le soja prétendument « soutenable », avec des industriels et des banques.

D’autres rendez-vous du même genre ont suivi, dont le dernier, en Argentine cette fois, a eu lieu en avril 2008. Je ne crois pas dans la bonne foi de ce WWF-là (ici, en anglais). Non, on ne me fera pas avaler cette couleuvre. La logique qui pousse les transnationales à détruire, et les gouvernements à exporter, cette logique de mort est connue depuis des lustres, et ceux qui ne la combattent pas sont fatalement des collaborateurs du système. Tel est le choix qu’a fait en conscience le WWF d’Argentine.

Quand à l’association Greenpeace, bien plus critique pourtant, elle poursuit là-bas une politique scandaleuse, et vaine bien sûr. Dans le texte en espagnol que je vous invite à lire si vous connaissez un peu cette langue (ici), elle mendie auprès de la présidente de l’Argentine, Cristina Fernández de Kirchner. Greenpeace demande en effet à la dame, aussi favorable au soja que l’était le président précédent – son mari -, de prononcer une ou deux phrases au cours d’un sommet latino-américain (qui s’est tenu en mai). Lesquelles ? Des voeux pieux concernant les biocarburants, et donc le soja transgénique (ici, en espagnol). Ce serait tout de même mieux, écrivent ces étranges « écologistes », si les biocarburants cessaient d’affamer les gens et de dérégler le climat tout en détruisant les forêts. Eh oui ! ce serait mieux. Et ma tante en serait aussitôt changée en mon oncle.

Je préfère quant à moi lire la prose du Grupo de Reflexión Rural, créé en Argentine dans les années 90 (ici, en espagnol). Voilà des gens qui disent ce qui est, et qui agissent. Dans un de ses derniers communiqués, le GRR attaque bille en tête un certain Moisés Burachik. Ce monsieur Bucharik a été lobbyiste de grandes firmes de l’agrobusiness, et a joué un rôle clé dans la révolution des paysages agricoles argentins. Et alors ? Eh bien, il est devenu par la grâce des affaires le chef de la délégation argentine – officielle et publique – à la Cop-Mop 4. Si ce sigle vous semble mystérieux, tant pis pour vous. Le Cop-Mop 4 est un bastringue mondial auquel les peuples ne sont pas invités, soit le Protocole de Carthagène sur la prévention des risques biotechnologiques. Pigé ?

Le GRR, considérant le rôle passé et présent du personnage, et le fait que la présidente, auprès de qui pleurniche Greenpeace, est l’otage de l’agro-industrie, tranche comme j’aime : « Nous considérons cette personne comme incompétente pour représenter notre pays ». ¡Arriba y adelante!

Pour finir, je dois reconnaître que l’attitude de Greenpeace et du WWF m’atteint. Car nous avons besoin de forces, tout de suite. Mais pas de celles-là, oh non, pas de celles-là !

14 réflexions sur « Sur ce qui se passe en Argentine (grave !) »

  1. Merci pour les chiffres de production de soja.
    Il faut lancer je le répète le boycot de la consommation de viande industrielle.
    Quant on mange cette merde on participe à la déforestation on pollue là bas et ici et on prend des risques sanitaires insencés.
    Pour complèter un petit peu l’analyse.
    Quand on a la famine au Brésil ou en argentine, nous avons en même temps chez nous des problèmes environnementaux et sanitaires(voir article du Canard Enchainé de cette semaine sur les salmonelles dans les élevages de Porcs et abattoirs), mais aussi virus émergents, MAP ou sida du porc.
    Il y a l’aspect sécuritaire de ces productions.
    Les petits élevages sont un risques de contaminations qu’il faut éliminer.
    Plus de petit élevage plus de jardin, de légumes.
    Le poulet bicyclette est chinois.
    Derrière ces élevages dans ces pays émergents on a les fonds de pension mais aussi les leaders de la génétique avicole et porcine qui vendent des semences et touchent des royalties.
    La génétique animale et végétale travaille de concert.s
    On en est aujourd’hui arrivé àreproduire les géniteurs porcins soit disant hors germe par césarienne sous air filtré, silos sous air filtré, transport des cochette par camions à air filtré.
    Pas un hôpital en France n’a le niveau d’asptie de Nucléus à Saint sauveur des Landes en Loire Atlantique.
    Tout est lié.

  2. Dire que la moitié des cultures produites dans le monde sont utilisées pour nourrir les bêtes dont notre trop forte consommation nous provoque le cancer…
    Dire qu’une part croissante des cultures produites dans le monde seront utilisées pour produire du carburant pour alimenter nos voitures qui nous empoisonnent…
    Dire que la part des cultures vivrières n’a de cesse de se réduire…
    Dire que les productions non vivrières se caractérisent par leur délocalisation et l’importance des coûts de transport associés…
    Dire que nos gouvernants en ont la pleine conscience…
    Dire que les gouvernés, nous quoi, disposons de plus en plus d’informations sur ces sujets…
    Le pire serait d’en rire…
    Le pire du pire serait de hausser les épaules, vils aquoibonistes que nous serions…
    La question nous est clairement posée : serons-nous seulement capable d’y apporter une réponse à la hauteur de qui nous prétendons être ?
    J’y croyais. J’en doute. Même si je l’espère de toute ma foi.

  3. Petit message qui n’a pas grand-chose à voir avec le propos de Fabrice ci-dessus mais…Si quand-même : Avez- vous remarqué le silence assourdissant des scientifiques durant le  » débat politique  » sur les OGM en France? Quelques-uns pourtant ont tenté de franchir le barrage des médias. Dont Christian Vélot, enseignant-chercheur en génétique moléculaire à l’université d’Orsay, Responsable d’une équipe de recherche à l’institut de Génétique et Microbiologie. Un type courageux. Il milite depuis longtemps contre l’utilisation irraisonnée des OGM notamment par des conférences, qui ont permis la prise de conscience d’un large public. On veut le lui faire payer. Lui et son équipe sont privés de crédits et on veut les exclure de leurs locaux. Une pétition de soutien a déjà récolté plus de 45000 signatures.
    Infos sur le site : http://www.sciencescitoyennes.org/spip.php?rubrique117
    manif de soutien :le 25 juin à 10 h 30 à Orsay, essonne, et à 15 h au luxembourg, Paris.
    Merci de transmettre.Et surtout de venir en nombre. C’est la liberté d’expression des chercheurs qui est en cause.

  4. Comme le disait, lors d’une manifestation, la banderolle de collègues sud-américains :
    soja = glifosate + paramilitares

  5. en consomant des produits de proximité bio, on ne collabore pas à tout ceci .
    Et on peut très bien consommer bio et s’en tirer dans son budget , en se renseignant .

  6. oui, bio et local, et végétarien (si possible!). seule solution. Arrêter de manger mangue, noix de coco et tutti quanti ou alors déménager. Arrêter de transportet tout partout et de s’indigner ensuite que les chinois mangent du pain et du boeuf. On dirait que plus c’est simple, plus c’est impossible, c’est incroyable. C’est bien nous qui avons le pouvoir : notre porte-monnaie.
    je ne sais as trop quoi penser de ça :
    http://rmjennar.free.fr/?p=347
    J’ai beaucoup de respect pour Raoul-Marc Jennar, je suis son travail depuis longtemps, il tente en ce moment un dialogue avec la NPA, sous conditions. Le faut-il, j’avoue que je ne sais pas, j’ai tendance à croire davantage au soulèvement des consciences individuelles et aux comportements choisis, mais je réalise que le temps est tellement compté que cela ne suffira pas.

  7. et, une demande à Fabrice : pourrait-on avoir sur ce blog un fil RSS des nouveaux commentaires? ce serait bien utile pour les post antérieurs à celui du jour. On veut pas en louper, c’est trop passionnant toutes des voix qui se répondent, ne laissent pas une conversation en suspend. C’est l’anti-zappe.

  8. Bonjour Fabrice et les commentateurs .

    Certes le forum est vide , mais les articles sont intéressants .

    J’aime bien le sous titre du site , « voir la méme chose autrement « , lol .

    Quand a cette histoire de culture intensive , j’ai franchement l’impression de participer au tournage du film Matrix .

    Je me demande quand est ce qu’on va arréter toutes ces bétises et se diriger vers une terre de bon sens .

    Amicalement , Bruno .

  9. … D’ailleurs il vient tout juste de fermer le Forum :o) Alors autant supprimer aussi le lien « forum de discussion », non?
    Quand au reste (articles, commentaires, archivage…) je suis bien d’accord avec Bruno: superbe ce blog!!!! Merci, Fabrice… Oui.

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