¡ Y viva España ! (Longue vie aux grands singes)

Karmele Llano. Je n’ai jamais rencontré cette jeune femme espagnole de 30 ans, mais je crois que nous nous entendrions bien. Elle est de la race de la primatologue française Emmanuelle Grundmann – que je connais et salue affectueusement  – ou de Jane Goodall. Vétérinaire, Karmele se bat avec les armes dérisoires que nous savons pour tenter d’arracher au néant si proche les derniers orangs-outans d’Indonésie (ici, en langue espagnole). Ce combat pour eux – et donc pour nous – paraît perdu. Et quand j’écris ces mots, pensant aux chimps et aux bonobos, aux gorilles des plaines et des montagnes, aux orangs-outans donc, j’en ai des frissons. De vrais. On peut souffrir physiquement et psychiquement d’une telle perspective. C’est mon cas.

Ces derniers jours, j’ai lu avec avidité le sujet de couverture du magazine National Geographic d’août, sous un titre saisissant :Who Murdered the Virunga Gorillas ? Aucun journal français, je le sais, n’oserait poser une question aussi dérangeante. Qui a assassiné les gorilles du parc des Virunga, situé en partie au Rwanda ? Évidemment, le choix du verbe murder suggère qu’on a abattu des humains, ce qui n’est pas le cas. L’affaire s’est déroulée l’été passé, au long de deux mois d’attaques contre les gorilles, qui en ont tué sept. Sept animaux tués sur une terre elle-même gorgée de sang humain. Et cette question, malgré tout : qui ? Qui et pourquoi ?

Je ne vous raconte pas (c’est ici, en anglais). Après cela, je suis allé rouvrir l’un des livres marquants de ces dix dernières années, pour moi du moins. Il s’agit d’une somme rassemblée sous la conduite des paléontologues Pascal Picq et Yves Coppens, Aux origines de l’humanité (Fayard, deux tomes). Dans une première partie, Michel Brunet, Brigitte Senut, Jean-Jacques Hubelin et bien d’autres nous racontent l’incroyable épopée. La domination des singes. L’émergence de notre grande famille des hommes. L’expansion des australopithèques. La conquête des continents. Et dans une seconde, tous se posent avec nous la plus noble des questions : quel est vraiment le propre de l’homme ? Nous ne cessons de découvrir ce qui nous rapproche d’eux, au point que la frontière dont nous étions si fiers s’amenuise. Car ils – les grands singes – maîtrisent outils et médicaments, connaissent l’art de la négociation, le rire, la colère, l’amour. Ne sommes-nous pas trop stupides, d’ailleurs, pour comprendre l’immensité des liens que ces animaux ont noués avec la nature et la vie ?

J’en étais là de mes questionnements quand j’ai appris un événement extraordinaire : le Parlement espagnol  vient de voter une résolution qui, transformée en loi, accorderait aux grands singes des droits très voisins de ceux des humains. Quel coup de tonnerre ! Tous les défenseurs ardents de la vie animale ne peuvent qu’applaudir. Les autres se demanderont, peut-être avec effroi, où s’arrêtera cette révolution spirituelle. Moi, je la souhaite sans limite. Car la vie reste le mystère le plus grand de tous. Et les tentatives de le percer à jour, si elles n’étaient le plus souvent désastreuses, me feraient rire volontiers. L’homme, comprendre cela ? Allons donc. Tant que notre ignorance sera aussi manifeste, ce qui risque de durer encore assez longtemps, le moins que l’on puisse faire, c’est d’épargner ceux par qui nous sommes devenus ce que nous sommes.

Ce n’est encore rien ? Non, rien en effet. Mais si l’octroi de droits aux grand singes leur donne ne serait-ce que l’ombre d’une chance de sauver leur magnifique peau, je les vote des deux mains. ¡ Y viva España !

9 réflexions sur « ¡ Y viva España ! (Longue vie aux grands singes) »

  1. cette douleur physique et psychique, je la ressens , comme tu le sais . Oui, pourvu que ce soit le début . L’homme est supérieur aux étoiles parce qu’il sait, lui, qu’il est né et qu’il va mourrir . ce qui le rend grandement responsable . C’est une idée de Pascal, qui m’a toujours plu

  2. Bravo au Parlement espagnol! Une autre bonne nouvelle: dans une partie isolée du Congo, un groupe de 125 000 gorilles vient d’être découvert.
    Pas de routes ni d’humains dans ce coin, c’est ce qui a permis ce miracle. Malheureusement, le gouvernement congolais vient de donner le droit d’exploiter ces forêts, mais il pourrait se raviser et transformer une partie du lieu en parc pour la vie sauvage.
    On peut voir ces gorilles sur une courte vidéo: http://www.npr.org/templates/player/mediaPlayer.html?action=1&t=1&islist=false&id=93254830&m=93255199

  3. A mon tour de te saluer Fabrice et merci de te faire le relai de ces nouvelles. Je ne peux que partager tes sentiments et avis en ce qui concerne nos cousins poilus.
    Quant à l’article du NGS « Who muredered the Virunga gorillas » c’est à lire absolument pour comprendre la complexité des choses et l’humanité qui n’a souvent d’humanité que le nom… A quand autant d’audace de la part de médias français ? ( et autant d’intérêt pour de tels sujets de la part des lecteurs car malheureusement, les questions de biodiversité ne sont pas encore suffisamment dignes d’intérêt face à l’humanitaire, la politique, l’économie… or, tout est lié !)
    Amitiés simiesques

  4. Bravo aussi pour la position de la femme du président qui défend la cause des ours , çà aussi c’est rare, en France, d’entendre une personnalité en vue prendre parti pour des causes de ce genre.(je ne parle pas de Bougrain-dubourg) même si c’est un coup de pub..ce que je ne crois pas.
    Dans ce cas, on pourrait aussi soupçonner l’espagne de vouloir redorer son blason sur ce point, car jusqu’ici ce pays en Europe est un bon dernier avec la Grèce (rapport aux animaux) et ne brille pas par la façon dont il traite ses bêtes, et je ne parle pas que des corridas(renseignez-vous)

  5. Bravo aussi pour la position de la femme du président qui défend la cause des ours , çà aussi c’est rare, en France, d’entendre une personnalité en vue prendre parti pour des causes de ce genre.(je ne parle pas de Bougrain-dubourg) même si c’est un coup de pub..ce que je ne crois pas.
    Dans ce cas, on pourrait aussi soupçonner l’Espagne de vouloir redorer son blason sur ce point, car jusqu’ici ce pays en Europe est un bon dernier avec la Grèce (rapport aux animaux) et ne brille pas par la façon dont il traite ses bêtes, et je ne parle pas que des corridas(renseignez-vous)

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