Retour sans fanfare

Amis, lecteurs, non-amis, adversaires sournois ou déclarés, Planète sans visa est de retour après des ennuis compliqués. Comme d’habitude, mon cher vieux – jeune – Alban est parvenu à rétablir la chose. Pas totalement ? Non. Mais on fera mieux plus tard. En attendant, des bises à Alban/

23 réflexions sur « Retour sans fanfare »

  1. Test :

    DES PIERRES, DU BOIS … ET LA FIN DU VIVANT ? – 16 avril 2019

    La plupart des écologistes auront eu la même pensée que celle qui m’a traversée l’esprit en constatant la consternation planétaire devant la pénible destruction de la cathédrale Notre-Dame de Paris et davantage encore en réalisant l’ampleur et la rapidité de la mobilisation tout azimut. Les fonds atteignent déjà plusieurs centaines de millions d’euros pas même 24 heures après l’incendie : tel industriel met la main au portefeuille avec une facilité déconcertante, tel autre décrète la mobilisation de la profession (les BTP) … Ne l’oublions pas : notre monde est extrêmement riche financièrement. L’argent n’a pas disparu, loin de là ! Il tend même à se concentrer dans les mêmes mains, ploutocratie rampante ou triomphante à l’échelle planétaire.

    Mais faut-il que notre civilisation soit tellement coupée de la nature pour ne pas réaliser que pour chaque espèce vivante qui disparait, il n’est JAMAIS possible de réaliser une restauration ni la moindre reconstruction ? C’est définitif. Comme si Notre Dame de Paris était abandonnée sur place telle quelle, en cendres et en ruine. Image insupportable… et pourtant réelle et quasi quotidienne en ce qui concerne le vivant !
    De même, la gravité absolue de la catastrophe climatique en cours ne suscite jamais autant de mobilisation et de mesures, même financières, aussi rapides que cet incendie. L’aveuglement est extrêmement spectaculaire ! Je vous le dis honnêtement : c’est à pleurer.

    On peut rester positif en se disant que c’est la preuve que face aux catastrophes, la société peut très vite et très favorablement réagir… mais, j’ai beau être grand amateur et défenseur du patrimoine artistique et historique, l’effondrement du vivant et le réchauffement climatique ne sont-ils pas des catastrophes autrement plus graves et plus durables que la perte, certes infiniment regrettable, d’une charpente du XIIIème siècle ? Et quelle réaction intense en face ? Quelle émotion populaire ? Quelles prières de masse dans la rue ? Quelle mobilisation de tous les services de l’Etat et des collectivités locales ? Quelle levée de fonds spontanée et spectaculaire ? Rien, ou presque à quelques exceptions près et tellement microscopique, lentes et insuffisantes par rapport à ce que nous voyons depuis hier.

    Tout ceci était attendu mais me laisse bien amer : quand notre société, nos civilisations, vont-elles enfin se mobiliser pour sortir des pires scénarios en cours ?
    Je me dis que nous avons encore devant nous un énorme travail à venir pour tenter d’intéresser nos contemporains à la gravité de ce que nous vivons et à la gravité encore plus terrible de ce que nous risquons de vivre et faire vivre à l’Humanité à venir et à tout le vivant.
    Hervé Kempf, sur son site Reporterre dit un peu la même chose dans son article du matin :

    « (…) Puisse le sentiment de compassion et d’effroi, mais aussi de souci de préserver un trésor commun, jailli au regard de la catastrophe, nourrir notre attention au monde qui nous entoure, et pas seulement les pierres que nous ont léguées nos ancêtres. » https://reporterre.net/De-la-fragilite-du-monde

    Le monde que nos actions effondrent depuis plus d’un siècle n’est pas fait que de pierres taillées par l’homme, fussent-elles somptueuses : c’est avant tout un monde de diversité vivante !
    Que ceux qui peuvent donnent autant qu’ils le peuvent pour rebâtir Notre-Dame de Paris … mais qu’ils donnent dix fois, cent fois, mille fois, un million de fois plus pour aider à lutter contre ce qui va engloutir notre monde de façon bien plus spectaculaire et durable que l’incendie d’une cathédrale dans une grand capitale européenne : le changement climatique anthropique et l’effondrement du vivant ! Le temps presse. P.P

    1. La civilisation dominante dans laquelle nous évoluons pour la majorité des être humains et pour laquelle nous travaillons (ou pas) dur pour la rendre universelle et indépassable, est trop anthropocentrée pour qu’il en soit autrement.

      Si ce monde était l’oeuvre de batisseurs munis de CRISPR cas9 et de serres high-tech pour industrialiser le tout à grande vitesse, soyons certains que la perte de ce vivant là demanderait bien plus de larmes car ayant demandé bien plus de sang et de seur que ce milieu dans lequel nous sommes arrivés.
      Même pas autant de foin pour sauver un patrimoine bien plus riche (combien de manoirs et autre chateaux qui font le « bonheur » des afficionados de « l’urbex » en zone périurbaine, et même à Paris entre des pergolas métalliques et des chapelles ! Regrette Didier Rykner) que cette cathédrââle-symbole sans âme dont le seul privillège est d’être sur une île en plein coeur d’une capitale pour facilité le travail du touriste. Et combien bien d’autres grosses bâtisses à archevêques ont crâmé ou se sont effondrées à la suite de tempêtes sans pour autant soulever près d’un milliard d’euros et laver la philanthropie de gros groupes qui peuvent parfaitement cochonner le monde le reste du temps ?

  2. Oui merci Alban
    Ce site est tellement nécessaire.
    Encore ce matin, j’apprends que ce projet va détruire du vivant au profit de la voiture…

    https://reporterre.net/Le-troisieme-jardin-botanique-de-France-menace-par-un-projet-de-viaduc?fbclid=IwAR1XKJK648AvSs88VEOtda6nhqKO-A-7IOFZCWaI9CsWbl1UDkB-WHknYAo

    Ils ont quoi dans la tête ?
    Qu’est ce qu’ils n’ont pas compris dans ‘Disparition de la biodiversité’ ?

    Ce matin est venu au monde un deuxième balbuzard après celui d’hier matin et on attend le troisième avec tellement d’émotion…

    http://www.balbucam.fr/fr/en-direct-nie/

    Vive la vie !

  3. Quel plaisir de vous retrouver après tout ce temps. Dans notre parodie de démocratie dominée par des intérêts financiers puissants, quand un site comme Planète sans Visa ne répond plus, on se fait du souci. Un grand merci pour Alban.

  4. Fabrice,
    Heureux de ton retour en ligne.
    Il faut y aller mollo avec le sitewebicide…

    Sur Mediapart : A l’Académie d’agriculture, avec les «tontons flingueurs» du lobby agroalimentaire

    Au sein de l’Académie d’agriculture, des chercheurs, anciens experts et consultants défendent tant les additifs alimentaires que le glyphosate, contestent les vertus du bio et font autorité, sans rien dire de leurs liens d’intérêt.

    En attendant la spéciale Guy Waksman et sa lettre hebdomadaire « Du côté du web et de l’informatique agricole » qui donne la parole à la science… de Wakes Seppi et son inénarrable réinformation agrochimique entremêlée d’humour à la Steve Milloy.

    Toujours les mêmes grosses ficelles…

    https://www.mediapart.fr/journal/france/230519/l-academie-d-agriculture-avec-les-tontons-flingueurs-du-lobby-agroalimentaire

  5. Salut Fabrice, la fonction « Rechercher » n’est plus disponible, du coup ? C’est dommage, c’était bien utile pour retrouver tes billets plus anciens. Je voulais en relire certains, sur EELV, et surtout les partager avec certain.e.s ami.e.s qui se réjouissent (un peu trop vite) du bon score des verts aux européennes.
    Cordialement,
    François

    1. Avec les Verts, il y a deux choses :
      1 – ils sont mauvais (individuellement, beaucoup d’arrivistes professionnels avec leur archétype, JV Placé…)
      2 – la situation est si grave (climat et effondrement du vivant) que le système politique partisan en est grandement impuissant (on ne peut se remettre à une victoire des urnes pour se dire que l’on va vraiment changer les choses comme il le faudrait)
      3 – plus EELV va engranger des points, plus ça va attirer des crétins arrivistes tels que décrits ci-dessus en 1)
      Donc… une victoire (quelle victoire ? 13% ??? C’est lamentable face à la gravité de la situation) une victoire d’EELV, en ces temps de Bolsonaro, Trump, Macron, May, Salvini, Erdogan et Cie, ça rassure un peu. Mais si peu !!!!

  6. Grand merci Alban et Fabrice pour ce retour!
    Aujourd’hui est un jour particulier car nous entamons un recours administratif contre un bétonnage à terme de plus de 200 hectares…
    Citoyens, ne nous contentons pas de voter: participons aux enquêtes publiques obligatoires préalables à ces bétonnages lisons les avis obligatoires, les livrets d’impact environnemental, relevons les manques, les contradictions, les incohérences, les chiffres sortis d’on ne sait quel chapeau etc. et écrivons -les dans le registre d’enquête obligatoire…arrêtons d’être des « indiens » colonisés qui n’ont pas leur mot à dire dans la destruction des vies et des paysages face au rouleau puissant de sociétés dirigées par des gens qui ont un tiroir caisse à la place du coeur et s’envolent en vacances au bout du monde à la recherche de paysages intacts!
    Avec détermination.

  7. Je craignais le pire vous êtes toujours là vivant en haut de la barricade.Parlez nous de cette vague verte souillée de mazout .

    1. De nuit, avec sa polaire, l’Arpenteur refuse ne plus voir bientôt la Grande Ourse, avec sa petite. Que de grandes et petites casseroles l’humanité se trimballe !

  8. Bonjour.

    Les supermarchés n’osent plus, en général, exhiber les produits roundup. Ils vendent d’autres saloperies sous d’autres marques…
    Cependant, en me rendant au magasin hyper (voyelle) d’une ville voisine, je vois au rayon jardinage un étalage de gros bidons verts roundup -sensés servir pour différents usages, comme pour les shampooings-…
    D’aucuns ont dit que l’usage pour les jardiniers était interdit depuis 2019…

    J’avais pourtant lu que les magasins U s’engageaient à ne plus vendre des produits à base de glyphosate à partis de janvier 2017… Mensonge publicitaire !!

    Toujours est-il que ce magasin ne me comptera plus parmi sa clientèle.

  9. J’ai toujours considéré que se retirer du monde pour vivre son petit rêve d’écolo, c’était possible, mais ce n’était en aucun cas le début d’un changement du monde dont on s’est retiré. Sans projet politique global et démocratique (dans le bon sens du terme politique : la vie de la cité) et sans solidarité avec le monde qui nous entoure, tout ceci n’est finalement qu’une forme un peu plus élaborée de « développement personnel » avec du repli sur soi. C’est pourquoi tous ces projets de retour à la terre me laissent pantois et ne m’ont jamais fait rêver : c’est bien, mais c’est tellement insuffisant !
    Cet article confirme ce que je pensais et me laisse un sentiment de malaise… laisser les autres, les copains (et nous : je suis membre d’une association très impliquée contre le Center Parc) mener la bataille, franchement, les bras m’en tombent. Ou bien, c’est une forme d’inculture politique que je trouve vraiment incroyable pour rester gentil :
    https://reporterre.net/Peut-on-changer-de-vie-sans-lutter-pour-changer-le-monde

    1. « la manière dont on choisit de gagner sa vie est l’acte politique le plus fondamental que l’on aie a faire »
      Gayatri Chakravorty-Spivak
      (je cite de mémoire, à la grosse…)

  10. Une nouvelle génération de téléphonie mobile est annoncée : la 5G. Elle est beaucoup plus qu’un simple aménagement des standards téléphoniques actuels. Le progrès qu’elle préfigure ? Un effroyable regrès sanitaire, écologique, démocratique et humain. Allons-nous laisser faire ? Résister ? Ni cobayes, ni machines, nous ne sommes pas négociables, pas plus que la vie sur Terre.

    Des milliards d’objets connectés, des millions de stations de base terrestres, une antenne tous les cent mètres, 20 000 satellites supplémentaires, le Très-Haut débit accessible aux endroits les plus reculés du monde, mille fois plus de données transmises, des hologrammes à volonté, des véhicules sans conducteurs, des robots pour nous opérer à distance, pour remplacer les derniers paysans, des services publics dématérialisés, des données à foison sur nos comportements, sur nos déplacements et sur nos vies placées sous surveillance permanente, mieux encore, sous pilotage électronique, une planète ou tout devient intelligent : les villes, les routes, les maisons, les frigos, les brosses à dents… 350 000 ans d’Homo Sapiens pour en arriver là. Gageons qu’une innovation rendra la connerie universelle, elle aussi, intelligente.
    Il est difficile de se représenter toutes les retombées de cette nouvelle fuite en avant tant elles sont colossales, obéissant à ce que Günther Anders nommait les « phénomènes supraliminaires » échappant à notre perception en raison de leur ampleur. Mais au moins peut-on essayer de penser ce qui se joue. Au moins doit-on tenter de relier ce qui, pris isolément, semble anodin et presque désirable si l’on s’en tient à la doxa progressiste.
    Ce qui, souvent, s’impose lorsque l’on considère les technologies sans fil, ce sont les risques sanitaires. Les ondes 5G sont-elles nocives ? Cette question est d’autant plus préoccupante que l’on connait les effets délétères des radiofréquences du type 2G, 3G, 4G, wifi… Je ne suis ni physicien, ni biologiste, mais je sais lire. Et j’ai lu. Des études publiées dans des revues à comités de lecture, des alertes de scientifiques, de médecins, des témoignages de personnes électro-hypersensibles avec qui j’ai partagé le quotidien. Combien de preuves accablantes du danger des ondes artificielles ? Des dizaines ? Des centaines ? Des milliers ? Des milliers. Je ne vais pas dresser la liste des risques sur la santé. Ils sont connus et mentionnés dans un appel international récent de scientifiques, de médecins et d’organisations. Et ils sont effrayants quoi qu’en disent les lobbies et leurs collabos. Ils ont beau jeu de répondre qu’il n’y a pas consensus scientifique et qu’il faut continuer à étudier tout en poursuivant l’emballement technologique et son cortège macabre, s’inscrivant ainsi dans la lignée des scandales sanitaires passés, du tabac à l’amiante, en passant par le dérèglement climatique, les pesticides, les perturbateurs endocriniens, les Ogm… A chaque fois, le même scénario, à quelques variantes près. Les conflits d’intérêt, la fabrique du doute, les autorités sanitaires et scientifiques complices ou aphones, les protocoles biaisés, la rédaction d’articles favorables par l’industrie signés ensuite par des scientifiques de renom… Tous les moyens sont bons pour gagner du temps, rendre la société dépendante, inverser la charge de la preuve, individualiser les responsabilités, dénigrer les lanceurs d’alerte, voire les victimes.
    On me rétorquera qu’aucune étude sanitaire n’a été réalisée relativement à cette nouvelle génération d’ondes. Certes. Mais tout de même, trois choses à ce propos :
    1. La 5G ajoutera une nouvelle source de pollution électromagnétique à celles déjà existantes. Comment ne pas craindre que ce cumul ne soit pas préjudiciable au monde vivant ? A force de poser des pièces les unes sur les autres, l’empilement finira par s’effondrer. La pièce qui aura provoqué le basculement ne sera pas foncièrement différente des précédentes. Poison chimique, rayonnement ionisant ou non-ionisant, nouvelle augmentation de la température moyenne, comment savoir ? La situation qui en résultera sera inédite et irréversible. Cela ne concerne pas seulement la santé, mais l’ensemble des écosystèmes naturels, sociaux, économiques, humains…
    2. Il est tout de même extravagant de déployer une innovation sans s’être inquiété sérieusement de ses effets sur la santé publique. Rien de bien nouveau, hélas, mais quand va-t-on cesser de nous prendre pour des cobayes ? Si la 5G était un médicament, elle ne serait pas autorisée !
    3. Pour autant, comment serait-il possible de conclure à une totale innocuité de cette technologie, quand un cancer peut mettre 30 ans à se déclarer, quand les effets cocktails – entre différentes fréquences, entre rayonnements artificiels et molécules chimiques de synthèse – sont quasiment infinis et laissent entrevoir le pire, quand les symptômes liés aux ondes sont asymptomatiques, quand on peut être vulnérable même à de très faibles doses – ainsi, pour les fœtus, les enfants, les personnes malades, épuisées, chimico et électro-hypersensibles ? Où pourront survivre ces dernières, quand il n’y aura plus aucun endroit vierge d’ondes sur la terre et sur la mer, alors que bon nombre d’entre elles endurent d’ores et déjà un enfer innommable ?
    Le bon sens le plus élémentaire voudrait que l’on s’abstienne, que l’on s’en remette au principe de précaution, ou plutôt de prévention, étant donné le foisonnement de preuves scientifiques alarmantes.
    Ce n’est là qu’une partie du problème. Quand bien même des réseaux filaires ou je ne sais quelle innovation seraient retenus et nous épargneraient les ondes toxiques, il y aurait lieu de refuser cette nouvelle génération de télécommunication qui aggravera la dévastation écologique en cours. Par quel miracle les fourmis, les abeilles, les oiseaux seraient-ils épargnés, alors que des études sérieuses prouvent les effets biologiques sur ces espèces ? Plus largement, à quoi faut-il s’attendre ? A des centaines de millions de téléphones 5G et de gadgets électroniques à venir, à de nouvelles infrastructures dispendieuses, à des extractions de minerais et de matériaux extrêmement polluants, à des déchets qui le sont tout autant, à des sols stérilisés, à des nappes phréatiques asséchées, à une gabegie d’eau potable et d’énergie. Pour mémoire, les data centers rejettent autant de CO2 que le transport aérien. Il faut croire que notre boulimie numérique importe plus que la vie sur Terre. Comment faut-il le formuler ? Ces technologies sont incompatibles avec un usage respectueux du monde. Las. D’un côté la déploration pour la planète, de l’autre la fascination pour la techno-science et la croissance. « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes », écrivait déjà Bossuet. Rien de bien nouveau, en somme, si ce n’est l’échelle inédite de la Catastrophe. Un nouveau pas vers l’abîme en toute connaissance de cause. Si notre civilisation était un humain, elle serait internée à vie comme n’importe quel psychopathe.
    Combien coûtera ce petit caprice de technocrates ? 500 milliards d’euros sur 10 ans, selon l’estimation de la Commission européenne. Quand on sait qu’un Conseil Général refuse d’attribuer une aide qui pourrait alléger un peu les souffrances de personnes électro-hypersensibles, il y a de sérieuses raisons d’être révulsé, non ? Et ce n’est là qu’un exemple parmi des milliers d’autres tout aussi immondes les uns que les autres. Qui paiera les conséquences de ces nouveaux jouets inutiles et nuisibles, imposés, rappelons-le quand même, sans aucune délibération, sans la moindre consultation populaire ? Le coup d’Etat est magistral. Dans une société technicienne administrée par les experts, une seule solution : la plus efficace. Comme nous sommes une civilisation soucieuse de l’image, nos gouvernants s’attachent à combler notre besoin d’illusion, et quoi de mieux, pour faire diversion, que des élections qui ne changeront rien, un grand débat qui se gardera bien d’aborder les sujets majeurs ? Nucléaire, nanotechnologies, transhumanisme, innovations perpétuelles, industrialisation, marchandisation et enlaidissement du monde, armes de guerre massive, ethnocides… Et il faudrait en plus aller voter pour le parti unique de la société techno-industrielle et de l’abondance matérielle ? Il faudrait participer à son simulacre de démocratie et croire à ses sornettes selon lesquelles les avancées technologiques sont bonnes pour notre santé, pour notre sécurité et pour la planète ? Il faudrait s’agenouiller devant leurs égos bouffis d’orgueil et leurs hologrammes bêtifiants ? Sans moi.
    A ces questions sanitaires, écologiques et démocratiques, s’ajoute un enjeu crucial : celui de notre liberté, de notre humanité dans le monde hyper-connecté de la planète intelligente. Des puces RFID aux smartphones, des compteurs Linky à la transition numérique, les dispositifs techniques s’accumulent pour édifier la Smart City. La 5G complétera ce bel ensemble dont les technophiles peuvent être fiers. Détruire le monde naturel ne leur suffit pas, il leur faut aussi s’attaquer à ce qui reste de notre humanité. Qu’est-ce qu’une ville intelligente ? Une ville morte, peuplée d’humains diminués, bientôt faussement augmentés grâce aux ennemis de l’humain, les transhumanistes. Des techno-mutants, amputés de leurs facultés déléguées aux machines, mutilés de leur mémoire, de leur pensée, de leur sensibilité, de leur concentration, de leur capacité de faire, de penser, de choisir, de résoudre des problèmes par eux-mêmes. Une humanité frappée d’obsolescence, réduite à une seule dimension, celle d’un rouage économique mis à nu, ciblé, traqué, surveillé, n’ayant pour seul guide que la maximisation de ses intérêts. Un troupeau standardisé et prédictible, compétitif et malléable, car dans l’univers surpeuplé de la mégalopole, sur une planète aux ressources comptées et aux besoins infinis, il importe d’optimiser les flux, de congédier le hasard et l’imprévu. La meilleure façon d’y parvenir ? Révoquer l’humain. Des guichets sans guichetiers, des caisses sans caissières, des métros, des bus et des voitures sans conducteurs, des écoles sans professeurs, une médecine sans médecin, des bibliothèques sans bibliothécaires, des services publics sans humain à qui s’adresser. Des applis, des bornes, des automates, des voix synthétiques, des algorithmes, des caméras de flicage avec reconnaissance faciale, des évaluations permanentes de chaque parcelle de nos vies, du prédictif et du coercitif… Voilà la planète intelligente et la grande convergence des technologies. « L’incarcération de l’homme-machine dans le monde-machine », ainsi que l’écrivent les auteurs inspirés de Pièces et main d’œuvre, ce groupe de réflexion critique grenoblois qui, à longueur de livres et d’articles, met au jour « l’enfer vert », « les gadgets de destruction massive » – nos téléphones portables – les puces RFID, le nano-monde, « les mouchards électroniques » au doux nom de Linky, la technologie comme fait majeur de notre époque…
    La ville intelligente est sans doute le rêve des gestionnaires et des techniciens de tous bords, mais elle est un cauchemar pour tous les êtres épris de liberté et d’humanité. On n’habite pas dans une telle cité, on y fonctionne. L’humain n’y a pas sa place. Réduit à n’être qu’un accessoire du système technicien, et finalement qu’une série de chiffres, il est voué à disparaître dans son humanité même. Le compte à rebours a commencé, il est déjà bien entamé. La machine s’empare des esprits autant que des corps. A chaque problème, qu’il soit social, écologique ou politique, une solution : la technologie. A chaque geste, à chaque opération de la vie quotidienne, une prothèse. Comme il est bien connu que la fonction crée l’organe et la prothèse le handicap, comme les générations nées, élevées et éduquées avec le digital l’auront totalement naturalisé, je suis, pour ma part, plus que tourmenté, partageant avec Jaime Semprun cette interrogation obsédante : « […] quand le citoyen-écologiste prétend poser la question la plus dérangeante en demandant : “ Quel monde allons-nous laisser à nos enfants ? ”, il évite de poser cette autre question, réellement inquiétante : “ A quels enfants allons-nous laisser le monde ? ” » (L’abîme se repeuple, éditions de l’Encyclopédie des Nuisances 1997). Les adultes ne sont pas épargnés par cette emprise numérique, pas plus les seniors et bien des écolos, soucieux avant tout de ne pas paraître conservateurs ou réactionnaires, et c’est avec effroi qu’il m’arrive d’assister, dans les espaces civilisés, à des scènes consternantes où les gens ne se regardent plus, ne s’écoutent pas vraiment, se parlent en continuant de pianoter sur leurs écrans tactiles ; comment avons-nous en arriver à ce si peu d’attention aux autres, ceux qui sont là à côté de nous, et les lointains, les sacrifiés de notre petit confort moderne ? Quel Hopper contemporain peindra la mélancolie de l’âge numérique, ses solitudes, ses cohortes de naufragés ? Les cloîtrés dans leurs cages de Faraday, les empoisonnés dans leurs villages du cancer, les délabrés dans les mines de métaux rares et les décharges électroniques, les esclaves dans les usines à nécro-phone, les ravis de l’aliénation électronique…
    Malgré tout, des dissidents – et pas seulement des ermites ou des hommes des cavernes s’éclairant à la bougie – rejettent cette colonisation électronique, refusant le téléphone mobile, voire internet, car ces technologies sont climaticides, polluantes et asservissantes. Des éleveurs refusent de pucer leurs bêtes, des assistantes sociales boycottent le rendu des statistiques, des personnels de l’éducation nationale dénoncent l’école numérique, un réseau – Ecran Total – rassemble les personnes opposées à l’informatisation et à la gestion.
    Y aura-t-il un sursaut pour faire barrage à la 5G ou allons-nous laisser faire comme nous avons, majoritairement, acquiescé à la soumission aux écrans ? Des collectifs d’opposition vont-ils se multiplier, plus nombreux encore que ceux qui se sont opposés aux compteurs Linky ? Verrons-nous des actes de désobéissance civile, des refus de collaborer, des boycotts massifs, des faucheurs d’une nouvelle génération, des convergences entre les défenseurs de la santé publique, des abeilles et des oiseaux, de la démocratie, des services publics de proximité, de la liberté et de l’humanité ? Des zones à défendre s’installeront-elles un peu partout sur nos territoires ? Des mouvements de type « Faut pas pucer » grandiront-ils dans les activités et les métiers menacés ? Des villes se déclareront-elles territoires hors 5G ? De nouvelles formes de combat verront-elles le jour, des alliances inattendues se noueront-elles avec pour mot d’ordre : Ni cobayes, ni machines ? En finirons-nous avec cet impensé qu’est la technologie, si répandu dans les milieux qu’on dit alternatifs ? Allons-nous comprendre enfin qu’elle est l’accélérateur majeur de la destruction du monde humain et non-humain ?
    Bien malin qui le dira. Contre cet angle mort de la réflexion, il importe instamment de réhabiliter la Pensée. Je la tiens pour une force agissante, un point d’appui pour soulever le monde. « Ce que des idées ont produit, d’autres idées peuvent le détruire » (Pièces et main d’œuvre, Manifeste des chimpanzés du futur). Oui, il est urgent de lire les penseurs. L’un d’entre eux, justement. Jacques Ellul, écrivait en 1972 :
    « S’intéresser à la protection de l’environnement et à l’écologie sans mettre en cause le progrès technique, la société technicienne, la passion de l’efficacité, c’est engager une opération non seulement inutile, mais fondamentalement nocive. Car elle n’aboutira finalement à rien, mais on aura eu l’impression de faire quelque chose, elle permettra de calmer faussement des inquiétudes légitimes en jetant un nouveau voile de propagande sur le réel menaçant. »
    Cette pensée permet de tracer une ligne de partage entre les environnementalistes et les éco-gestionnaire du désastre d’un côté, les écologistes authentiques et les néo-luddites de l’autre côté. Le Président du parti des Verts en Suisse, Alberto Macchi, en offre une illustration parfaite, en déclarant ceci : « Nous n’avons pas d’opposition de principe à la 5G. Notre position est de dire qu’aujourd’hui, on n’a pas suffisamment de réponses en matière d’effets potentiels de cette technologie sur la santé ». Je ne connais pas cet homme, et peut-être est-ce une excellente personne qui se bat sincèrement pour son prochain. Mais tout de même, ceci. Qu’il se rassure. La technologie trouvera une solution. Grâce aux capteurs greffés sous la peau, des alertes nous seront envoyées en cas de dépassements des seuils de danger et une appli nous guidera – pour ne pas dire nous contraindra, mais comme c’est pour notre bien, soyons charitables, n’est-ce pas ? – dans les bonnes pratiques d’une santé optimale, car dans la nécropole, chacun est responsable de son bien-être. Grâce à la rhétorique du Progrès, la dépendance technologique c’est l’autonomie, l’aliénation électronique la liberté, le techno-totalitarisme la démocratie, la dévastation écologique la transition énergétique et numérique. De quoi se plaint-on ?

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