La fausse lettre de Jefferson

On est dimanche, et je ne dispose que de peu de temps pour partager avec vous quelques mots. Un bon ami m’envoie – à d’autres aussi – des « informations » aussi rapides que la marche numérique des zéros et des uns. Il y a une demi-heure, ouvrant mon ordinateur, je reçois ceci :

Thomas Jefferson 1802, pre?sident des Etats-Unis d’Ame?rique de 1801 a? 1809

“I believe that banking institutions are more dangerous to our libertiesthan standing armies. If the American people ever allow private banks to control the issue of their currency, first by inflation, then by deflation, the banks and corporations that will grow up around the banks will deprive the people of all property until their children wake-up homeless on the continent their fathers conquered ”.

La traduction :  “Je pense que les institutions bancaires sont plus dangereuses pour
nos liberte?s que des arme?es entie?res pre?tes au combat. Si le peuple ame?ricain permet un jour que des banques prive?es contro?lent leur monnaie, ces banques et toutes les institutions qui fleuriront autour des banques priveront les gens de toute possession,d’abord par l’inflation, ensuite par la re?cession, jusqu’au jour ou? leurs  enfants se re?veilleront, sans maison et sans toit, sur la terre que leurs parents ont conquis”.

Eh bien, je dois dire que je me suis montré sceptique. Trop beau pour être vrai. Trop bien adapté à la situation présente. Trop, quoi. Et pourtant, des milliers d’occurrences, sur Google, font circuler en boucle, et en français, les mots du « visionnaire ». Surtout des occurrences « de gauche », comme on peut s’en douter. Mais pas seulement. Des zozos se réclamant du libéralisme s’y sont mis, eux aussi.

Je peux me tromper, mais j’ai la forte impression que ces mots attribués à Jefferson sont apocryphes. Des faux, plus certainement encore. Tantôt ils les aurait écrits en 1802, tantôt en 1815, dans une lettre à Monroe que je viens de lire en totalité – et en anglais s’il vous plaît – sans rien retrouver de cette citation. Des recherches hâtives dans des archives officielles américaines renforcent ce qui est une quasi-certitude.

Alors ? Alors, pour ne point trop m’éloigner de mon sujet essentiel, je vous dirai que la recherche de la vérité – je n’ai peur de rien, hein ? – est le point de départ de tout projet humain digne de ce nom. La lutte pour la sauvegarde de la vie sur terre, désormais universelle, ne peut l’oublier fût-ce une fraction de seconde. Le faux n’est pas seulement l’ennemi du vrai et la marque de notre monde. Le faux est un acide. A killer.

9 réflexions sur « La fausse lettre de Jefferson »

  1. « la recherche de la vérité est le point de départ de tout projet humain digne de ce nom.  »
    Tu as , une fois de plus, toute mon estime .

  2. Apocryphe, peut-être. Mais pas forcément faux, même si ce ne serait pas la première fois. Néanmoins, je souscris entièrement à la phrase qu’a citée Bénédicte…

  3. Au sujet du pieux mensonge, on peut se souvenir de La Rochefoucauld : « La vérité ne fait pas tant de bien dans le monde que ses apparences y font de mal. »

    Il est étrange de voir à quel point les concepts non seulement de vérité mais de véracité, de véridicité, ont disparu. On n’exige plus la véracité et l’on se retrouve de ce fait dans un monde distordu, menti, plus incertain et difficile d’accès que jamais. Car notre monde est falsifiable, puisque notre monde, le monde humain, est médiatisé par les mots, les concepts.

    Cette disparition est d’autant plus frappante que les cultures qui nous ont précédé étaient d’une rigueur terrible sur ce point. La loi de Manou prévoit que l’homme qui a menti s’arrache les testicules et marche dans une direction (vers l’ouest, je crois) jusqu’à ce que mort s’ensuive.

    Personne ne s’interroge plus sur les raisons d’une telle rigueur. Si vous avez le temps, ce double problème de la vérité et de la véracité est abordé dans le dernier cours de Foucault au collège de France qui vient d’être édité. C’est ma lecture du moment.

    Merci pour votre entêtement.

  4. plus loin (géographiquement) de nous
    Baleiniers japonais et défenseurs des cétacés s’affrontent en haute mer.
    Des baleiniers japonais et des défenseurs des cétacés se sont affrontés dans l’océan Antarctique lundi, les deux camps s’accusant mutuellement de recourir à la violence.
    Shepherd a affirmé qu’un de ses militants avait été commotionné après avoir été frappé par un jet d’eau à haute pression, et qu’un autre avait reçu dans la figure une bille de métal lancée par les baleiniers……
    Le capitaine du Steve Irwin, Paul Watson, a toutefois réaffirmé que son association allait « continuer la poursuite pour empêcher la pêche de baleines ».
    totalité http://fr.news.yahoo.com/2/20090202/tsc-baleiniers-japonais-et-defenseurs-de-c2ff8aa.html

  5. Loin de nous, aussi, Madagascar :
    une pétition contre la grande prédation néolibérale des terres malgaches, pilotée par le FMI, la Banque Mondiale et l’OMC :
    terresmalgaches.info/spip.php?article1

  6. Je suis on ne plus d’accord.
    Je pense qu’on peut rapprocher cet exemple du traitement médiatique de pas mal de sujet, où l’on met en face (en équivalence ??) un scientifique et un expert à la, par exemple, Laurent Cabrol …
    On plonge dans un relativisme de soupe sans trop d’échelle de vérité …
    Le seul critère d’évaluation semble malheureusement la hauteur de biftons …

  7. Bien qu’ayant contribué à rediffuser cette citation, je pense que le doute que tu introduis sur l’origine de cette citation, est certainement justifié. Tant pis ou dommage…
    Rappelons que la phrase attribuée à Einstein comme quoi la disparition des abeilles annoncerait la fin de l’humanité serait de la pure invention…
    Pierre.

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