Eraste Petrovitch Fandorine, la viande et moi (en trois mouvements)

Je ne sais pas, évidemment, si vous connaissez Boris Akounine, un écrivain largement lu dans son pays, la Russie. Moi, qui le dévore en français depuis des années, je le tiens pour un très grand romancier populaire, dans la lignée d’Alexandre Dumas. Il a inventé un personnage magnifique, Eraste Petrovitch Fandorine. Fandorine ! Je ne peux en dire plus ici, sauf que j’aime follement ce personnage de détective aux tempes prématurément blanchies.

M’appuyant sur sa manière si personnelle de présenter un problème – en trois temps -, je vous dirais ce  3 décembre 2009 que, et d’un, l’élevage est au centre de la crise climatique planétaire. L’élevage, c’est-à-dire essentiellement l’élevage industriel dont je parle dans mon livre Bidoche. La FAO, en 2006, estimait dans un rapport jamais traduit en français – mystère – que 18 % des émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine proviennent de l’élevage (ici). Soit davantage que tous les transports humains, de la bagnole à l’avion, en passant par le bateau et le train. Mais attendez la suite. Une étude publiée dans une revue américaine sérieuse, WorldWatch (ici) affirme, de son côté, que 51 % des émissions anthropiques de gaz seraient le fait de l’élevage. Selon les auteurs du travail, Robert Goodland et Jeff Anhang, la FAO aurait oublié en route des données essentielles concernant le méthane, la respiration de milliards d’animaux et le changement d’usage des terres, incluant la déforestation.

Mais revenons à Fandorine. Où en étais-je ? Et de deux, quoi qu’il en soit, la meilleure façon de lutter contre le dérèglement climatique en cours serait de diviser par trois ou quatre l’hyperconsommation de viande qui est devenue notre règle. Notre santé serait meilleure, les écosystèmes de la planète et ses animaux survivants pourraient enfin souffler un peu. Et la conférence de Copenhague sur le climat commencerait enfin à devenir intéressante.

Mais, et de trois, cher Éraste, la question ne sera pas posée. Et Copenhague parlera d’autre chose. Pourquoi ? Parce qu’il faudrait s’attaquer à une industrie surpuissante, celle de la bidoche. Et que cela ne se peut, car l’industrie est le principe organisateur de notre monde malade. Attaquer ne fût-ce qu’une industrie, c’est remettre en  cause tout. Tout. Ce sera donc rien.

Boris Akounine est édité aussi en poche, dans la collection 10/18.

16 réflexions sur « Eraste Petrovitch Fandorine, la viande et moi (en trois mouvements) »

  1. je crois que c’est toute l’industrie agricole qui pollue,pas seulement l’élevage.

    De 2000 a 2005, les forets et prairies d’Europe ont pu stocker plus de 300 millions de tonnes de carbone par an, ce qui correspond a 19% des emissions de CO2 liees aux energies fossiles (petrole, gaz, charbon).
    Mais si l’on tient compte d’autres emissions de CO2 (terres agricoles, tourbieres assechees…), de l’oxyde d’azote du aux engrais et du methane emis par les ruminants et les tourbieres, l’effet positif des puits de carbone se retrouve quasiment annulé.
    vous avez bien lu ANNULE.

    Malgre la presence de puits de carbone naturels, les ecosystemes terrestres de l’UE emettent au final plus de gaz a effet de serre qu’ils n’en absorbent, augmentant ainsi de 3%, en « equivalent CO2 », les emissions attribuees aux combustibles fossiles.

    http://www.tv5.org/cms/chaine-francophone/info/p-1911-.htm?&rub=14&xml=newsmlmmd.53d4b2a061d5b2b0f5c5f84730b445f6.141.xml

    par contre je suis en accord total avec la conclusion:
    . Attaquer ne fût-ce qu’une industrie, c’est remettre en cause tout.

    c’est pourtant ce qu’il est devenu absolument nécéssaire de faire.

    aie!

    pascal

  2. Paysan bio,

    Bien sûr, que toute l’industrie agricole pollue. Seulement, nous disposons, avec la question de la viande, un sujet qui renvoie à notre consommation À NOUS ! Un espace fabuleux pour le débat et l’action. À la condition que NOUS LE VOULIONS ! Et pas demain, mais maintenant.

    Fabrice Nicolino

  3. Sur le sommet de Copenhague, ci-après l’avis du climatologue James Hansen

    Un éminent climatologue américain souhaite un échec à Copenhague
    LONDRES (AFP) – 03.12.2009 11:59

    Le climatologue américain James Hansen, l’un des premiers scientifiques à avoir prévenu des dangers du réchauffement climatique dans les années 80, a estimé jeudi dans la presse britannique qu’il était préférable que le sommet de Copenhague soit un échec.
    192 pays doivent participer du 7 au 18 décembre au sommet du climat de l’Onu à Copenhague pour tenter de décrocher un accord remplaçant le protocole de Kyoto qui arrive à échéance en 2012.
    « Toute l’approche est si fondamentalement erronée qu’il serait mieux de réévaluer la situation. Si c’est pour avoir une chose comme le (protocole) de Kyoto, alors nous allons passer des années à essayer de déterminer exactement ce que cela signifie », a déclaré James Hansen, climatologue de la Nasa, au quotidien The Guardian.
    « Je préférerais que cela n’arrive pas (un accord à Copenhague) si les gens doivent le considérer comme la bonne voie parce que c’est la voie du désastre », a déclaré M. Hansen.
    Selon lui, la gestion du réchauffement climatique n’obéit pas à la règle du compromis qui régit le monde politique démocratique.
    « C’est semblable au problème de l’esclavage affronté par Abraham Lincoln ou au problème du nazisme auquel Winston Churchill a fait face », a-t-il expliqué. « Sur ce genre de problèmes, vous ne pouvez pas faire de compromis. Vous ne pouvez pas dire: « réduisons l’esclavage, trouvons un compromis et réduisons-le de 50% ou réduisons-le de 40% ».
    Le journal rappelle que M. Hansen est hostile aux marchés d’émissions de dioxyde de carbone, et qu’il se montre critique envers les hommes politiques qui, selon lui, n’ont pas été en mesure de relever le défi de l’époque moderne.
    Dans le quotidien The Times, le climatologue a estimé que le système de « limitation et d’échange » des émissions de CO2 consistait à « vendre de la complaisance ».
    « Le problème fondamental c’est que les énergies fossiles sont la forme d’énergie la moins chère. Tant que c’est le cas, elles seront utilisées », a-t-il estimé, considérant qu’une taxe croissante sur les émissions était « la seule façon » d’y remédier.

  4. Désolée, le lien ne fonctionne plus. Il s´agissait d´un article du Telegraph.co.uk sur des expériences menées en laboratoire pour produire de la viande. Des chercheurs néerlandais auraient réussi à créer de la viande artificielle qu´ils décrivent comme du « soggy pork ». Ils continuent à travailler pour améliorer le tissu des muscles dans l´espoir que cette viande sera un jour consommée.

    Allez sur le site du journal, je pense que vous trouverez l´article, il date du 29 novembre et se trouve dans la catégorie « sciences ».

  5. l’industrie de lka viande et celle de la voiture sont vraiment les drogues dures du peuple;C’est vrais qu’en diminuant notre consommation carné par 4,en mettant que des voitures électriques sur le marché,et le velo;et utiliser le train pour les longues distances ,ce serait une bonne chose pour le monde de demain,c’est a dire le monde de tout les etres vivant,mais je sait,la rentabilité et l’idée de progré basé sur l’argent pour finalité(et non sur le bonheur),et la compétition ,font que cela reste lettre morte pour symbolique.

  6. Je vais me répèter mais sans l’élevage intensif que ferait’on des déchets générés par l’agro-industrie.
    Tourteaux de soja, d’huile de palm, d’agrumes, farines animales, déchets des sucreries, plumes, déchets des agrocarburants.
    Ces millions de tonnes ne pourraient être recyclées, alors que là ces déchets sont « valorisées »pour faire de la viande industrielle consommée par des populations pauvres ou peu informées.
    C’est le cycle parfait, c’est pour cela qu’on laisse faire, comme pour les algues vertes.
    Tout programme politique devrait comporter la remise en cause de l’élevage hors sol médicalisé.

  7. « mais je sait,la rentabilité et l’idée de progré basé sur l’argent pour finalité(et non sur le bonheur),et la compétition ,font que cela reste lettre morte pour symbolique. »

    En fait c’est même pas tant que ça une histoire de « rentabilité », de « produire plus », qui est au centre de toute la folie agricole, au sens large (élever ses vaches sur le pré est plus lucratif que de les élever au soja et au maïs, rappelons-le).
    C’est surtout une histoire d’idéologie, de lobbying, avec Monsanto en toile de fond, et toutes ses ramifications (cf le bouquin édifiant qui a été écrit sur cette firme, dont la force de frappe donne tout simplement la nausée, et fait penser aux heures sombres des propagandes les plus sinistres). Je parle des pratiques agricoles. C’est un truc à dormir debout, une longue histoire de bourrage de crâne, qui a contribué à créer une sorte de « tradition », vieille d’à peine cinquante ans (voire beaucoup moins parfois). Finalement, le paysan actuel, qui travaille de manière insigne, croit le faire en respectant une sorte « d’héritage », dont il méconnaît absolument les tenants et les aboutissants.
    Pour ce qui concerne notre mutisme devant l’aberration que constituent les élevages d’animaux en batterie (et partant, de notre surconsommation aveugle de viande), il s’agit je pense, chez la majorité des consommateurs, d’un suivisme inconscient, d’un manque total de « prise de conscience ».
    Ce qui caractérise l’être humain c’est sa capacité à prendre conscience (de soi et du monde). Or l’on sait que cette conscience peut être anesthésiée. Il s’agit donc, surtout, à mon sens, d’une révolution des consciences, qui doit être menée à bien.
    Il faudrait que les idées promues ici sur ce blog indispensable trouvent une audience encore plus grande, et soient relayées au sein des mouvements écologistes eux-mêmes (je suis désolé de le dire, mais je n’entends personne parler du lien viande / réchauffement climatique chez les politiciens ‘‘verts’’. Je n’entends, pour ainsi dire, que deux ou trois choses : « fermer le robinet… » ; « trier ses déchets » ; « ne pas jeter ses papiers ». Et je caricature à peine…)
    Ca ne serait pourtant pas compliqué d’évoquer ce problème, essentiel, de façon simple.

  8. Bravo Fabrice !
    Aujourd’hui, le grand (par la diffusion seulement) quotidien La Voix du Nord a, sous le titre « Une journée sans viande pour sauver la planète ? », consacré une double page (avec plus de photos que de texte, mais bon), à la surconsommation de viande, avec notamment une rubrique intitulée « Trois questions à Fabrice Nicolino » : un quart de page ! Il s’agit d’une journée par semaine, ce qui pourrait constituer un début.
    Obtenir que La Voix publie un article digne d’intérêt et qui exprime une opinion à contre-courant, c’est un véritable exploit.

  9. Merci beaucoup pour ces rappels, que peu mentionnent dans les média.
    Je vous invite ainsi que tout ceux qui, comme moi, sont révoltés par ce silence qui entoure la consommation de viande en plein débat sur le sommet de Copenhague, à signer cette pétition à destination du Premier Ministre Français:
    http://www.viande.info/

  10. Eh bien si, Frédéric. Je viens de voir le journal de France 3 au cours duquel le lien fut fait entre consommation de viande et réchauffement climatique. Les choses bougent…

Répondre à martine Annuler la réponse

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *