Une autre face du « Climategate » (Allègre, Courtillot, Singer)

Ma dette s’accroît à propos de Thibault Schneeberger. Il m’envoie à nouveau une information qui m’avait échappé à propos de Fred Singer. Mais avant tout, j’en suis le premier désolé, passage par un certain Claude Allègre. Ce n’est pas pour me vanter, mais cela fait plus de dix ans que j’attaque bille en tête ce splendide personnage. J’ai écrit depuis cette date plusieurs papiers qui eussent pu me valoir autant de procès en diffamation, mais que j’ai évités. Je ne regrette rien. Je ne regretterais rien si j’avais dû affronter la justice. En face d’un Allègre, il faut oser. Eh bien !

Cet homme, dépité comme il n’est pas permis de ne pas être devenu le ministre de Sarkozy, se venge comme il peut. Il a raison sur un point, et c’est que sans le score élevé d’Europe Écologie aux Européennes de ce printemps, il aurait aujourd’hui son maroquin. D’où sa fureur, y compris contre Nicolas Hulot, dont vous avez peut-être entendu parler. Il vient de donner un entretien à Paris-Match dans lequel il montre une fois de plus ce qu’il est réellement (ici). Je le cite : « Même si, en France, tout est fait pour étouffer ceux qui ne sont pas dans le politiquement correct, il y a de plus en plus de gens qui pensent différemment : je songe à Vincent Courtillot, aux climatologues américains Richard Lindzen et Fred Singer, à l’économiste Bjorn Lomborg, au physicien Freeman Dyson ». Bien entendu, il parle du climat.

Avouons-le, c’est sidérant. Prenez l’exemple de Bjorn Lomborg. Le 19 septembre 2007, alors que commençait Planète sans visa, j’ai écrit ici même un très long article (ici) dont je demeure satisfait. Intitulé Tazieff et Allègre sont dans un bateau, il donne de très nombreuses clés sur les personnages sus-cités, mais aussi sur le rôle des lobbies et des conférences internationales. Vous m’excuserez une auto-citation, qui concerne Lomborg. Elle est longue, elle aussi, mais éclairante, je le crois.

« En 2001, un Danois inconnu, Bjorn Lomborg, publie en Angleterre un livre-événement, The Skeptical Environmentalist. L’éditeur de L’Écologiste sceptique, Cambridge University Press, se frotte vite les mains, car c’est un triomphe, national puis mondial. Le Daily Telegraph estime que c’est probablement le livre plus important jamais publié sur l’environnement. Le Washington Post le compare à Printemps silencieux, l’opus magnum de Rachel Carson. Lomborg est consacré le héros de tous ceux qui claquent des dents tout en montrant les crocs, et ils sont plus nombreux qu’on ne l’imagine.

Que dit Lomborg ? S’appuyant sur un impressionnant amoncellement de notes de bas de pages – autour de 3 000 – et de chiffres, il entend démontrer que, si certains problèmes existent, beaucoup ont été artificiellement exagérés, voire purement et simplement inventés pour des raisons inavouables. Ainsi, la productivité des océans aurait en fait presque doublé depuis 1970. Les forêts, loin de disparaître, auraient vu, de 1950 à 1994, leur surface légèrement augmenter, etc.

Seul contre tous, il y verrait donc plus clair que des milliers de scientifiques engagés depuis des décennies dans d’innombrables études. Pourquoi pas ? Oui, pourquoi pas. Mais il faut, lorsqu’on s’attaque à semblable Himalaya, respecter scrupuleusement les règles qu’on accuse tous les autres de violer. Or Lomborg ruse et manipule les chiffres à l’envi. Pour ce qui concerne les océans, par exemple, Lomborg confond – volontairement ? – la productivité des océans, c’est-à-dire la vie qu’ils sont capables de créer, et les prises de poisson ajoutées aux performances de l’aquaculture. Et il est bien vrai que les prises ont augmenté – au passage, seulement de 20 % depuis 1970, pas de 100 % -, mais pour la raison que de nouveaux moyens, dont les filets géants, permettent de racler les fonds.Du même coup, la très grande majorité des principales zones de pêche sont surexploitées, laissant prévoir à terme un affaissement brutal de la pêche. Ces chiffres ne montrent qu’une chose : l’inventivité technologique des humains.

L’année suivante, juste avant le Sommet de la terre de Johannesburg, la polémique est mondiale et Lomborg trône dans tous les journaux français. Libération lui accorde deux pages élogieuses, Le Nouvel Observateur et Le Monde lui ouvrent largement les portes, c’est la consécration. En août, dans L’Express bien sûr, Allègre y va de son compliment pour l’artiste, tout en finesse : « L’écologie est devenue la Cassandre d’un catastrophisme planétaire généralisé et inéluctable. Pourtant, tout cela est faux. Rien dans les données scientifiques actuelles ne vient étayer ces affirmations. Un jeune professeur danois (…), Bjorn Lomborg (…) vient de l’établir grâce à un examen soigné de toutes les données mondiales disponibles ».

Nous sommes donc à la fin de l’été 2002, et de très mauvais esprits – j’en suis – s’autorisent un rapprochement. La publication du livre de Lomborg, suivie d’une très opportune polémique, coïncide avec la tenue au même moment à Johannesburg d’un nouveau Sommet de la terre. Cette vision vous semble paranoïaque ? Vous êtes en droit de préférer les contes de fée. Après étude minutieuse du livre de Lomborg, la très officielle Commission danoise sur la malhonnêteté scientifique, qui réunit des chercheurs de grande réputation, finira par rendre un avis impitoyable sur les qualités du grand héros de Claude Allègre. Celui-ci, dit-elle dans ce qu’il faut appeler un jugement, « a fait preuve d’une telle perversion du message scientifique (…) que les critères objectifs pour déclarer la malhonnêteté scientifique sont remplis ». Lomborg, à en croire cette commission, est donc un faussaire.

Vous me direz qu’elle peut se tromper, ce qui est vrai. Je n’ai pas eu accès aux pièces du jugement. Et je dois même avouer que je n’ai pas lu la totalité du livre de Lomborg, me contentant des sujets sur lesquels j’avais quelques lumières. Je doute fortement que Claude Allègre ait fait mieux, et je parierais même volontiers qu’il a fait moins. Voici pourquoi : en 2004, les éditions du Cherche Midi ont fini par publier une traduction tardive, en français, du pesant pensum de Lomborg. À mon avis, ce ne fut pas une bonne affaire. Elle venait trop tard, et ce livre de 700 pages follement ennuyeuses, même pour un passionné comme moi, est en réalité illisible. Pour un prix dissuasif de 26 euros.

N’empêche : il est devant moi au moment où j’écris ces lignes, et je relis en masochiste confirmé la préface, signée bien entendu par Claude Allègre. Elle est sensationnelle. Allègre y dénonce une écologie « totalitaire » – je me sens visé -, le retour de Lyssenko, ce « scientifique » stalinien qui opposait science bourgeoise et science prolétarienne, et il conspue au passage les « coupeurs de tête ». Ma foi, l’écriture est libre. Mais au passage, Allègre omet cette information essentielle que Lomborg a été convaincu de malhonnêteté scientifique, ce qui n’est pas une mince accusation. Pourquoi diable ? Parce que ce serait gênant pour la démonstration ? Ce n’est pas tout à fait impossible, compte tenu des mœurs singulières du grand professeur.

Deuxième bizarrerie radicale : Allègre souligne avec gaîté que les adversaires de Lomborg n’ont pas su démonter son livre, chapitre après chapitre, raisonnement après raisonnement. Et c’est une sorte d’aveu, selon lui. « Si cela n’a pas été fait, écrit-il, c’est qu’il était difficile de le faire ». Ce pourrait être un argument, mais c’est de toute manière faux. À cette date – 2004 -, un site Internet fourni (www.mylinkspage.com/lomborg.html) collationne depuis deux ans déjà les centaines d’erreurs contenues dans le livre pesant de Lomborg. Allègre peut-il l’ignorer ? En ce cas, que vaut donc la préface ? ».

Fin de ma citation, et je reprends le fil de mon propos. Allègre, en décembre 2009, déclare donc à Match qu’il n’est plus seul, soutenu entre autres par Lomborg, dont je viens de vous dire ce que j’en pense. Au passage, Allègre le qualifie d’économiste, ce qui doit lui paraître préférable, alors qu’il est statisticien. Une paille ? Oui, à ce stade, une paille. Et les autres cités ? Freeman Dyson est un physicien et mathématicien. Qu’a-t-il à voir avec le climat ? Rien. Il a travaillé sur des projets spatiaux – Orion – propulsés par l’énergie nucléaire, et rêvé à haute voix de colonisation de lointaines planètes. Croyez-le ou non, je ne moque pas de Dyson. Simplement, je crois qu’il est nécessaire de savoir qui est celui qu’Allègre appelle à son secours.

Voici un extrait d’un entretien accordé en 1978 par le physicien, alors qu’il a 55 ans. Je ne traduis pas tout, mais l’idée qu’il développe est de coloniser des astéroïdes avec de petits groupes humains. Et de choisir parmi ces astéroïdes ceux qui ne sont pas de fer ou de nickel, et qui abritent quelque chose ressemblant au sol de la terre. Le journaliste lui demande ce qu’il pense de projets de colonisation géante de l’espace et Dyson répond qu’avec 40 000 dollars de 1978 par personne, c’est jouable (ici) :

« I don’t really know. Perhaps I should say that (…) space colonization on that scale isn’t entirely to my taste: the big colonies he envisions are a little too hygienic for me. I’ve done some historical research on the costs of the Mayflower’s voyage, and on the Mormons’ emigration to Utah, and I think it’s possible to go into space on a much smaller scale. A cost on the order of $40,000 per person would be the target to shoot for (…) »

Le journaliste lui demande ensuite où pourraient bien aller ces nouveaux pèlerins du Mayflower, les premiers à avoir colonisé l’Amérique, et Dyson répond : « I’d put my money on the asteroids (…) I think you should find an asteroid which is not iron or nickel, but some kind of soil that you could grow things in ». Quelle sorte de sol serait souhaitable pour l’installation, demande le journaliste ? Et Dyson répond avec superbe : « Well, we have specimens of meteoritic material called carbonaceous chondrite, which looks like soil — it’s black, crumbly stuff containing a good deal of water; it has enough carbon, nitrogen, oxygen so that there’s some hope you could grow vegetables in it, and it’s soft enough to dig without using dynamite ». En somme, à lire Dyson, un sol, c’est quelque chose de noir, friable, contenant du carbone, de l’azote et de l’oxygène. Et qui ne nécessite pas de dynamite pour le creuser et y faire pousser des légumes. A-t-il entendu parler de la vie ? De ce qu’est un sol vivant ? J’ai soudain comme un doute.

Résumons. Je vous ai parlé de Dyson et de Lomborg, cités à son appui par Allègre. Pour Courtillot, ce sera bref, car je vous renvoie à trois articles-couperets de l’excellent journaliste Sylvestre Huet (ici, ici, et là). Franchement, j’invite tous ceux qui se posent de bonne foi des questions à lire et éventuellement réfuter le travail de Huet. Mais par pitié, braillards s’abstenir ! Et que tout le monde se rassure, j’en ai bientôt fini. Un mot sur Richard Lindzen, qui est un véritable climatologue. Pour ce que je sais de lui, il me semble poser des questions dignes d’intérêt. Des questions que tout esprit curieux a intérêt à se poser sur les limites et parfois contradictions des connaissances humaines. Je constate au passage qu’Allègre s’approprie un homme qui est à ses antipodes intellectuels.

Venons-en à Fred Singer. Allègre le cite comme climatologue. Farceur, va ! Singer, né en 1925, n’est plus scientifique depuis des décennies. Mais le mieux est dans les liens que m’adresse Thibault. Vincent Courtillot, proche parmi les proches de Claude Allègre, a osé présenter Singer à la télévision, le 3 décembre dernier, sur le plateau de « Ce soir ou jamais », comme un scientifique membre du GIEC, et ferme « climato-sceptique ». En toute logique, comme il le dit, Singer aurait été le corécipiendiaire du Prix Nobel de la paix 2007, au même titre qu’Al Gore et Rajendra Pachauri.

Sauf que. Sauf que le site Contre Info nous offre une enquête implacable sur la personnalité réelle de Fred Singer, qui n’est autre qu’un lobbyiste professionnel (ici et ). Un dur, croyez-moi, ancien salarié de la secte d’origine coréenne  Moon, et qui sert depuis des années la cause des plus gros pollueurs de la planète. Sa contribution au GIEC ? Je vous laisse la découvrir, cela vous fera rire un peu. Et au terme de cet épuisant voyage en terre hostile, Dieu sait que nous en avons besoin. Rire. Oui, rire aussi, rire tout de même de ces incroyables, de ces impayables suffisances qui mènent notre monde. Je rappelle que Claude Allègre, ami très proche de Jospin, et d’ailleurs son ministre, a été une figure de proue socialiste avant que d’aller proposer son corps à Nicolas Sarkozy, sans nulle transition. Souvenez-vous : de 1997 à 2002, la gauche a été au pouvoir. Et Allègre a joué un rôle essentiel dans la définition de la politique française dans le si vaste domaine de la crise écologique. Je suis sûr que vous appréciez. Les « climato-sceptiques » ont tous les droits. Les autres tous les devoirs.

26 réflexions sur « Une autre face du « Climategate » (Allègre, Courtillot, Singer) »

  1. Bonjour,
    j’ai lu l’excellent dossier de contre info, avant de lire votre billet, personnellement cela ne change en rien au faite, que certains scientifiques ne sont pas « invités » et pas « écoutés » sur le fond du sujet, car ils n’ont rien à vendre.

    Après c’est sur que l’imposture que peuvent représenter certaines personnes ou situations, donne matière à réflexion, mais dans un monde de progrès technologique et ou seule, la religion de la monnaie domine, je ne vois pas pourquoi il faudrait s’indigner, c’est le processus normal d’une continuité ou finalement tout le monde ou presque tombe un jour ou l’autre sur ce profond dilemme que nous impose la vie sous le roi argent, et je suis persuadé que vous avez la réponse.

    Je comprends néanmoins et je pense que votre désarroi est légitime devant temps de suffisance comme vous le soulignez, mais je me souviens également de votre billet « Le temps, c’est long, surtout vers la fin »
    ou je relève Ces conclusions, « Les idées commandent une certaine lenteur, qu’on appelle maturation. Elles diffusent d’une génération à l’autre, en hésitant, en trébuchant, en reculant parfois. Ne voyez-vous que la première vague de critique écologiste, après 1968, a échoué sur l’estran, avant de refluer ? Ma conclusion sera limpide : le temps, c’est long, surtout pour celui qui n’en a pas. »

    C’est bien du second reflue qu’il faut s’interroger, enfin surtout si elle se termine lamentablement comme la première, enfin moi je dis cela pour ceux qui prendront la troisième en pleine tronche, eux, effectivement, imposture et tartufferie comprises auront tout les loisirs et les plaisirs d’en « rire ».

  2. CROISIERE BLANCHE
    Poursuite de la démarche « écologique »
    Décidé à freiner la polémique lancée par les associations écologiques, Jean-Louis Milelli souhaite poursuivre la démarche « écologique » amorcée l’année dernière.

    « Nous allons mettre en place une charte de développement durable qui démontre qu’il y a aucun impact sur l’environnement. »

    Les Grands randonneurs motorisés veulent par ailleurs continuer à mettre en œuvre la « compensation carbone » en cotisant auprès de l’association de Yann Arthus-Bertrand « Good planet », afin de participer à la réalisation de fours solaires en Bolivie pour combattre la déforestation.

    Autre action en faveur de l’environnement : chaque véhicule « propre » (qui produit peu ou pas d’émissions polluantes) bénéficiera d’une réduction de 20 % à l’inscription.

    Enfin, chaque participant se verra offrir un sapin bleu des Hautes-Alpes, à planter…
    ————————————–
    voici le retour des voyoux de la crossiére blanche.
    http://www.ledauphine.com/poursuite-de-la-demarche-ecologique–@/index.jspz?chaine=20&article=235699

  3. Bonjour Fabrice.
    Merci pour ce site.
    Le dernier paragraphe avec la remarque sur le rire, me fait penser à mon livre préféré « Le loup des steppes » de Hermann Hesse. J’invite tous les lecteurs du site à découvrir ce livre.
    Cordialement

  4. Excellent article auquel je souscris entièrement. Je pense qu’en ce qui concerne Allègre, c’est trop d’honneur que de lui consacrer autant d’attention. Le personnage n’a qu’un prestige très limité (c’est ce qu’il mérite) et je ne crois pas que ses propos aient une bien grande portée. Sa volonté de rentrer au gouvernement puis sa frustration de n’avoir pas été choisi pour faire partie des « pom pom boys » de Sarkozy montrent bien quelle est l’envergure de ce clown d’opérette. Il est clair que l’on assiste en ce moment, au niveau du lobbying à un choc entre « titans ». Une partie du capitalisme est fin prête à la reconversion, l’autre nom. Y compris chez les détenteurs de capitaux il y a des « visionnaires » prêts à se lancer dans de nouvelles démarches pour assurer leurs profits futurs et des passéistes dont le seul souci est de préserver le matelas de devises sur lequel ils dorment.
    Amicalement

  5. « Enfin, chaque participant se verra offrir un sapin bleu des Hautes-Alpes, à planter… » Dire qu’il est des Hautes-Alpes, c’est pour berner celui qui n’y connaît rien ou bien est-ce un souci d’exactitude qui les pousse à préciser la localisation de sa pépinière d’origine ? Parce que bien sûr le Sapin bleu, qu’il soit Picea pungens ou Abies procera, n’a jamais été des Hautes-Alpes mais de l’Ouest américain…
    _____________________________

    Pour un info, Lindzen mérite lui aussi le qualificatif de ferme « climato-sceptique ».

  6. J’ai entendu Courtillot dans un programme soi-disant scientifique sur France Culture, il est vraiment très bon. Il arrive à faire passer ses sornettes de cycles solaires alors qu’il est l’un des seuls scientifiques au monde à soutenir ça. (remarque sur le quarteron de climato-négateurs que tu mentionnes: il s’agit toujours des mêmes. depuis des années leur nom circule, je me souviens même avoir lu l’article élogieux sur Lomborg dans le Point chez mes vioques quand j’étais ado, ah! ah!). Mais il faut dire que les journalistes sont vraiment mauvais et pas au courant du tout, même dans les émissions scientifiques, même sur France Culture. Ils ne voient jamais les choses « globalement » et ne s’intéressent qu’aux impacts politiques directs (« Alors M. Le Treut, à Copenhague, on va arriver à un accord? »).

    Il faut dire aussi que les scientifiques assimilés GIEC sont trop timorés. Ils défendent leur légitimité et leur respectabilité scientifique, alors qu’ils devraient poser quelques questions dérangeantes:
    – quand l’eau douce relachée dans l’Atlantique Nord arrête le Gulfstrem et plonge l’Europe dans une nouvelle mini-ère glaciaire, on fait quoi? (un climatologue a suggéré que la température pourrait baisser de 10°C en qq années ou décennies en EUrope d’ici la fin du siècle si ce scénario, qui s’est déjà produit dans l’histoire géologique récente (-20000-10000 ans si je ne me trompe: quelques milliers de chasseurs de rennes en Europe, pas 500 millions d’habitants), se concrétise. Le journaliste n’a même pas relevé, le scientifique même pas insisté)

    – quand le régime des grands fleuves himalayens devient complètement irrégulier, voire nul pendant certains mois, quand la mousson sera devenue totalement irrégulière, imprévisible ou réduite on nourrira comment les immenses civilisation paysannes d’Asie?

    – quand la désertification aura divisé par deux les terres cultivables en afrique, alors que la population du continent noir doit doubler d’ici 2050, on fera comment?

    – quand la hausse de la température libérera le carbone contenu dans les terres arctiques et les hydrates de méthane, démultipliant l’effet de serre au point de faire croître la température globale de10, 20°C d’ici deux-trois siècles, que fera l’humanité?

    Voilà certaines des questions radicales qu’il faudrait poser.

    Retour à Courtillot, pour la chute — ses propres mots à la fin d’une émission, qui le trahirent bien! –: « Copenhague, oui, mais surtout, il ne faut pas abimer l’économie »

  7. Ce sommet de Copenhague a donné une plateforme d’expression médiatique incroyable aux « sceptiques » et geeks technophiles. Pas une émission où les gens érieux n’aient été contrebalancés par un partisan de l’ensemencement des océans ou un n-ième théoricien de la corrélation des températures et des cycles volcaniques et solaires.

    On peut être sûr que dans les familles on va avoir un bon 50% de sceptiques convaincus à Noël!

  8. Merci Fabrice pour ce billet informatif,salutaire et revigorant. Le déni de réalité manifesté par Claude Allègre, entre autres climato-sceptiques, est pour moi un mystère, une anomalie que je voudrais comprendre. S’agit-il d’un symptôme de la décomposition de notre civilisation à bout de souffle ? J’ai en tout cas une impression d’irréalité, l’impression d’assister à une pièce de théâtre ubuesque dans laquelle certains sont payés pour jouer aux cons. Et Claude Allègre joue au con à la perfection. Sauf que nous ne sommes pas au théâtre et que ces gens-là font beaucoup de mal. On se réveille quand ?

  9. @Géry. Sachant que l’étude des relations entre activité solaire et variables climatiques est somme toute assez récente (on dénombre la grande majorité des publications en la matière dans les 20 dernières années, notamment la dernière décennie), combien faudrait-il de scientifiques signant des papiers allant dans le même sens que Courtillot pour que celui-ci ne soit plus l’un des seuls au monde à soutenir « ça » ?

  10. ça n’empêche pas qu’il est intéressant d’étudier le cycle du soleil. Mais aux dernières news (il y a quelques mois pour moi), ces 20 dernières années de recherche sur la question montraient une part du soleil dans le climat actuel, mais insuffisante pour tout expliquer.
    Par contre, il est possible qu’on vive une phase de refroidissement d’une dizaine d’années, qui pourrait avoir le malheur de masquer le réchauffement, et donc décourager toute politique de lutte contre lui…

  11. @ Hacène

    Les variations du soleil jouent peut-être un rôle dans certaines variations climatiques. Elles en ont joué dans l’histoire — à l’échelle géologique, ou à l’échelle de millénaires.
    Là, bizarre, elles tomberaient à pic pour invalider le corpus scientifique établi depuis un siècle sur l’effet de serre, les travaux visant à modéliser l’impact de l’activité humaine sur le système géophysique et biologique menés depuis plus de 40 ans dans le sillage des travaux du Club de Rome?

    Je ne suis pas scientifique, et même un scientifique ne sera pas capable de connecter tous les éléments, je ne vais donc pas vous contredire.

    Mais de la même manière, vous ne trouverez personne de capable d’expliquer tous les éléments techniques liés à l’exploitation d’une ligne aérienne, de la portance au fonctionnement des moteurs d’avion, de la composition chimique des carburants aux instruments de pilotage, de la formation des navigants au contrôle aérien, des logiciels de navigation à la météorologie. Quotidiennement, des millions de gens embarquent pourtant contre l’improbable en faisant confiance aux résultats issus des travaux à base scientifique.

    Là on a des dizaines de milliers de scientifiques qui travaillent dans des domaines très divers qu’il est impossible de maîtriser tous, ce qui est en jeu n’est rien de moins que le maintien des conditions de vie acceptables sur terre pour une humanité plus nombreuse que jamais, mais il suffit de quelques scientifiques doués et frustrés de n’attirer pas assez la lumière pour faire naître des théories du complot.

    Estimez-vous heureux, on peut dire que d’une
    certaine manière le clan Courtillot a gagné. Le doute est installé pour des années. Et vive Saint-Thomas!

  12. @Géry
    Le soleil joue aussi un rôle a des échelles de temps plus courtes. Il y a 10 ans, le petit âge glaciaire (XVIe au XVIIIe siècle) lui était attribué, bien que plus récemment son rôle a été remis en cause (parce qu’il n’y avait pas eu de refroidissement à la même échelle dans l’hémisphère sud).

  13. @yoda
    C’est à peu près ce que je voulais dire. Je pensais au refroidissement courant de la fin du moyen-âge au XVIIIème. On demeure à l’échelle de variations observables (successions de périodes longues et froides) sur un millénaire.
    Concernant le changement climatique, l’effet de serre d’origine anthropique du à la combustion des ressources fossiles et au dégazage des sols liés à la gigantesque déforestation actuelle, et les cycles solaires, on a d’un côté des liens théorisés, modélisés, étudiés et constatés dans tous les sens et toutes les disciplines entre les deux premiers phénomènes, et d’un autre côté une thèse émergeant depuis 10-20 ans paraît-il sur l’effet des cycles solaires par Courtillot et qq autres, qui tantôt contestent le réchauffement (en toute rigueur, il faudrait parler de changement climatique), tantôt le constatent mais l’attribuent à leur thèse de cycles solaires — pour justifier qu’il ne faut rien faire.

    « l’essentiel, c’est de ne pas abimer l’économie » (Vincent Courtillot)

  14. C’est un peu le credo des climato-« sceptiques » : il n’y a pas de réchauffement climatique et en plus il n’est pas lié aux activités humaines…

  15. Et si l’on commençait à dire que même s’il n’y avait pas de réchauffement climatique il importerait quand même absolument d’étaler sur 1000 ans, et pas un siècle, la consommation des ressources restantes, afin d’éviter toutes les autres conséquences catastrophiques de l’épuisement de la biosphère, il se trouverait des gens pour déterrer cette conversation et y déceler un « trick » 😉

  16. « Hacène, un tricheur suffit, non? » Si un tricheur est une personne qui met en évidence des liens étroits entre évolution climatique (y compris récente) et activité solaire, eh bien je suis au regret de te dire qu’ils sont nombreux. 🙁

    « Rappel : En 2007, après la publication d’une étude “climato-sceptique”, Vincent Courtillot fut convaincu de “tromperie active” par ses pairs. » La controverse a eu lieu dans les revues puis en est sortie suite à un papier sur Real Climate signé de Raymond Pierrehumbert (« les chevaliers de la terre plate »). Real climate est le site de Schmidt et du plus célèbre M. Mann, dont d’ailleurs il est très question dans le « climategate » (mais aussi bien avant). On a appris dans cette histoire des mails que Jouzel a fait appel à ces messieurs pour venir en aide à Bart, en mauvaise posture à l’Académie des Sciences, où Courtillot a répondu point par point. C’est à partir de cet article écrit dans Real Climate en anglais et en français (ça doit être le seul car je n’en ai pas vu d’autre) que l’affaire est passée sur la place publique via les journaux Le Monde et Libé (+ Le Figaro ?). Lindzen l’affreux sceptique que Hansen décrit comme un scientifique de l’industrie du tabac, lui (en plus de l’Ac. des Sc. – oui, je sais… 😉 – et des revues qui ont publié les travaux ultérieurs de Courtillot et de ses collaborateurs), a trouvé les explications et corrections tout à fait recevables…

    « Là, bizarre, elles tomberaient à pic pour invalider le corpus scientifique établi depuis un siècle sur l’effet de serre ». Labitzke c’est 1987, Friis-Christensen et Lassen en 1991. L’exposé de Hansen devant le Congrès c’est 1988, la création du GIEC idem. C’est pas venu en catastrophe pour préparer la contestation. Svensmark, Henriksen, Veizer, Soon, Shaviv, Raspopov et d’autres dont je ne me rappelle plus les noms sont en effet venu plus tard. Ca ne les empêche pas d’être dignes de foi (oui, le terme est en l’occurrence impropre) et leurs travaux sérieux. Il y a encore des zones d’ombre, mais ça avance à son rythme.
    Les connaissances avancent aussi sur l’effet de serre, mais c’est pas simple à suivre.

    « Il y a 10 ans, le petit âge glaciaire (XVIe au XVIIIe siècle) lui était attribué, bien que plus récemment son rôle a été remis en cause (parce qu’il n’y avait pas eu de refroidissement à la même échelle dans l’hémisphère sud). » Estampillé « entendu à la télé » ?

    « Là on a des dizaines de milliers de scientifiques qui travaillent dans des domaines très divers qu’il est impossible de maîtriser tous. » Des dizaines de milliers de scientifiques ? Climatologues ? Ayant un lien avec la climatologie ?

    « Estimez-vous heureux » : bah je vais essayer, mais je ne garantis rien.

    « Et vive Saint-Thomas! » Il symbolise le doute, c’est pas franchement négatif. Et l’Évangile selon Saint Thomas est loin d’être le pire…

    Signé le geek technophile, qui n’a jamais envoyé un sms. 😉
    Inutile de répondre, on a mieux à faire. Par contre, vous pouvez continuer, bien évidemment (mais sans moi, donc !).
    Bonne soirée

  17. S’il est vrai que les cycles solaires jouent un rôle sur le climat (maximum solaire conduisant souvent à des années chaudes (1959,1989,1990), les éruptions volcaniques également (été froid de 1980 suite à l’éruption du Mont saint Helens, 1816 année sans été suite à l’éruption du Tambora), il ne faut pas pour autant négliger l’impact des activités humains sur le climat. Sinon comment expliquer que malgré une activité solaire très faible depuis 5 ans les températures continuent à augmenter.

  18. “Là on a des dizaines de milliers de scientifiques qui travaillent dans des domaines très divers qu’il est impossible de maîtriser tous.” Des dizaines de milliers de scientifiques ? Climatologues ? Ayant un lien avec la climatologie ?
    –> biologistes, océanologues, géologues, … la plupart des sciences de la vie, de la terre, la chimie, et la physique, ont des choses à apporter sur l’évolution des climats. y compris les vulcanologues et les astrophysiciens spécialistes du soleil…

    Quant aux geeks technophiles, il s’agit de ceux qui viennent parler de l’ensemencement des océans, de l’envoi de particules ou de miroirs dans l’espace, de la création artificielle d’effet d’albedo en peignant en blanc les déserts ou autres… Bref, des apprentis soricers. pour ma part, je suggère un milliers d’explosions nucléaires (dans les déserts, hein) pour envoyer de la poussière dans l’atmosphère qui fera écran au rayonnement solaire (c’est encore plus utile en ce moment)

  19. « –> biologistes, océanologues, géologues, … la plupart des sciences de la vie, de la terre, la chimie, et la physique, ont des choses à apporter sur l’évolution des climats. »
    Content de voir que tu ne fais pas partie de ceux qui décrètent qu’untel n’a rien à dire parce qu’il n’est pas climatologue.

  20. Juste pour la postérité …

    ——————————–
    Le cent-fautes de Claude Allègre
    LE MONDE | 27.02.10 | 13h50 • Mis à jour le 28.02.10 | 14h18 par Stéphane Foucart

    Dans son dernier livre, L’Imposture climatique (Plon, 300 p., 19,90 €), un ouvrage d’entretiens avec le journaliste Dominique de Montvalon, le géochimiste et ancien ministre Claude Allègre formule des accusations d’une extrême gravité contre la communauté des sciences du climat. La cible principale de l’ouvrage est le GIEC, défini à tort par l’auteur comme le « Groupement international pour l’étude du climat » – il s’agit en réalité du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.
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    M. Allègre évoque un « système mafieux » ayant conspiré pour faire passer, aux yeux de l’ensemble du monde, un « mythe » pour un fait scientifique. Très médiatisé, l’ouvrage comporte de nombreuses approximations et erreurs factuelles à même de tromper le public. En voici quelques-unes.

    P. 22 « Une étude parue dans la revue Science suggère que l’augmentation de la température dans l’hémisphère Nord de 1970 à 2000 est peut-être due à l’élimination des poussières de charbon dans l’atmosphère, ce qui a facilité l’ensoleillement. L’augmentation (des températures) n’aurait donc rien à voir avec le CO2 », écrit M. Allègre, citant une étude en effet publiée par Science, en mars 2007. Les deux premières phrases de cette publication démentent l’interprétation qui en est faite par l’ancien ministre. « Des tendances notables au réchauffement sont observées dans l’Arctique. Bien que les émissions humaines de gaz à effet de serre à longue durée de vie en soient certainement la cause principale, les polluants atmosphériques sont aussi importants. »

    P. 68 « Au total, l’Antarctique ne semble pas fondre. En tout cas, ce n’est pas perceptible. » La réduction des glaces de l’Antarctique n’est pas due à une fonte mais au glissement des glaciers dans la mer. Elle est très perceptible. Grâce aux données satellitaires, les travaux d’Isabella Velicogna (université de Californie à Irvine, JPL) ont montré qu’entre 2002 et 2006, l’Antarctique a perdu, en moyenne, 104 milliards de tonnes (Gt) de glace par an. Entre 2006 et 2009, ce taux est passé à 246 Gt par an. Les pertes de glaces du Groenland et de l’Antarctique sont l’une des principales causes de l’augmentation du niveau marin.

    P. 68 « Au Moyen Age, lorsque les Vikings ont découvert le Groenland, il y avait encore moins de glace qu’aujourd’hui. C’est pour cela qu’ils l’ont appelé le « pays vert » », écrit M. Allègre. L’étymologie proposée est correcte, mais les raisons avancées sont fausses. La Saga d’Erik Le Rouge, (datée du XIIIe siècle) témoigne qu' »Erik (le Rouge) partit pour coloniser le pays qu’il avait découvert et qu’il appelait le « Pays vert », parce que, disait-il, les gens auraient grande envie de venir dans un pays qui avait un si beau nom ».

    La période chaude du Moyen Age – au moins sur l’hémisphère Nord – est sans équivoque. Mais l’écrasante majorité des travaux de reconstructions paléoclimatiques suggèrent qu’elle était moins chaude que la période actuelle.

    P. 73 A propos de l’influence du réchauffement sur les ouragans, « certains spécialistes comme Wester, Tech ou Kerry Emmanuel pensent » qu’elle est réelle, écrit l’auteur. « Wester » est Peter Webster. Quant à « Tech », ce nom n’existe pas. L’auteur a confondu le nom de l’institution de M. Webster (Georgia Tech, diminutif de Georgia Institute of Technology) avec celui d’une personne.

    P. 78 L’auteur fait état de travaux montrant qu’il y a 125 000 ans, il faisait « 6 °C de plus qu’aujourd’hui, et le CO2 de l’atmosphère était moins abondant ». La référence donnée est celle des travaux de « Sine » et de ses collaborateurs, prétendument publiés dans Science en novembre 2007. Cette publication n’existe pas dans les archives de Science.

    P. 94 Claude Allègre s’indigne de ce que les travaux de Jean-Pierre Chalon sur les nuages n’auraient pas été pris en compte par le GIEC. M. Allègre cite ce passage d’un livre de M. Chalon : « Ces processus sont encore assez mal compris. C’est une des difficultés majeures et une des principales sources d’imprécision que rencontrent les tentatives de prévision des évolutions du climat.  » « Je m’interroge, poursuit M. Allègre. Pourquoi un tel expert n’a-t-il pas été davantage impliqué dans les processus du GIEC ? (…) Réponse : cela fait partie du « totalitarisme climatique ». Emettre des nuances, c’est déjà être un adversaire du « climatiquement correct ». »

    Voici pourtant ce que l’on peut lire dans le résumé du dernier rapport du GIEC : « Pour l’heure, les rétroactions nuageuses constituent la principale source d’incertitude des estimations de la sensibilité du climat. »

    P. 109 Claude Allègre produit une figure montrant un lien étroit entre plusieurs courbes : celle donnant l’évolution de la température globale moyenne de la basse atmosphère terrestre au XXe siècle, celle de l’irradiance solaire, et deux autres, donnant les variations du magnétisme terrestre.

    Cette figure a certes été publiée en 2005, puis en 2007, dans la revue Earth and Planetary Science Letters (EPSL). Mais elle a été clairement réfutée en décembre 2007, pour des erreurs d’attribution de données.

    P. 138 Claude Allègre présente comme très forte l’opposition de la communauté scientifique aux conclusions du GIEC. Il écrit : « L’événement le plus significatif est peut-être le vote qui a eu lieu parmi les spécialistes américains du climat. (…) Le 19 octobre 2009, le Bulletin de la Société météorologique américaine en a rendu publics les résultats. Les voici : 50 % d’entre eux ne croient pas à l’influence de l’homme sur le climat, 27 % en doutent. Seuls 23 % croient aux prédictions du GIEC. »

    Interrogé, Paul Higgins, un responsable de l’American Meteorological Society, se souvient de cette enquête. A ceci près qu’elle ne concernait nullement les « spécialistes américains du climat », mais les présentateurs météo des chaînes de télévision américaines…

  21. je me permets d’ajouter celui-ci, paru le même jour apparemment mais bizarrement passé inaperçu. Il est encore plus savoureux que le « cent-fautes »…

    La liste imaginaire des « cautions » scientifiques enrôlées par l’ancien ministre
    LE MONDE | 27.02.10 | 13h50 • Mis à jour le 27.02.10 | 13h58

    la page 132 de L’Imposture climatique, Claude Allègre écrit : « Il y a, dans divers pays, de nombreux spécialistes climatologues qui, souvent au péril de leur survie scientifique, ont combattu les théories du GIEC. » « Je donne donc quelques noms parmi les plus prestigieux, et sans être exhaustif, poursuit-il. Les Scandinaves Svensmark et Christensen, Dudok de Wit, Richard Courtney, Martin Hertzberg, Denis Haucourt, Funkel et Solansky, Usoskiev, Hartmann, Wendler, Nir Shaviv, Syun-ichi-Akasofu. »

    L’Américano-Israélien Nir Shaviv et les Danois Henrik Svensmark et Eigil Friis-Christensen, spécialistes du Soleil, sont connus pour leurs travaux – très controversés – liant l’activité solaire et les variations climatiques au XXe siècle. Tous les physiciens solaires ne sont cependant pas sur cette ligne, tant s’en faut. Ainsi, Thierry Dudok de Wit (Laboratoire de physique et chimie de l’environnement et de l’espace), également « enrôlé », dit ainsi : « L’influence du Soleil sur le climat terrestre est incontestable et est toujours l’objet de nombreux travaux, mais, depuis le XXe siècle, il est clair que les gaz à effet de serre émis par les activités humaines ont une influence dominante. L’influence de la variabilité solaire est largement secondaire, au moins pour ce que nous en savons aujourd’hui. »

    Quant à Richard Courtney, également mentionné par M. Allègre, il n’est pas climatologue, mais « consultant indépendant en énergie et environnement », à en croire la page qui lui est consacrée sur le site Web du Heartland Institute – un think tank conservateur américain. Celle-ci précise notamment que « ses réussites ont été saluées par l’association pour la gestion des industries minières de Pologne ».

    Martin Hertzberg n’est pas non plus un « spécialiste climatologue », mais « consultant en science et technologie » – c’est en tout cas ce qu’il indique en préambule d’un article (sans apport de résultats scientifiques) publié récemment dans Energy & Environment.

    ETUDES INTROUVABLES

    Autre caution supposée prestigieuse de M. Allègre, « Denis Haucourt » : ce nom est absent des bases de données de la littérature scientifique. Ce spécialiste présumé du climat semble ne pas exister, à moins que l’orthographe de son nom ne soit erronée. De même, interroger l’index de Google Scholar avec le nom d’auteur « Funkel » renvoie à 17 études. Elles portent sur des travaux en dermatologie, en sciences de l’informatique, sur le traitement des appendicites chez des patients atteints de tuberculose… mais aucune ne traite du climat ou même des sciences de la Terre. On cherche aussi en vain les études publiées par un certain « Usoskiev ». Elles sont introuvables.

    « Solansky » n’existe pas non plus. Mais on reconnaît là Sami Solanki, l’un des plus grands spécialistes mondiaux de physique solaire (Institut Max-Planck de recherche sur le système solaire, Allemagne). Interrogé par Le Monde, M. Solanki réfute avec vigueur les idées qui lui sont attribuées par M. Allègre. « Je ne suis pas opposé aux principales conclusions du GIEC, c’est-à-dire que la Terre s’est globalement réchauffée de 0,8 ° C dans le dernier siècle environ, et qu’une large fraction de cela est due aux gaz à effet de serre émis par l’homme, explique-t-il. En particulier, la forte augmentation de température sur les derniers 40 ans n’est définitivement pas due à la variabilité solaire, mais le plus vraisemblablement, à l’effet dominant des gaz à effet de serre. »

    Dans la longue liste égrenée par M. Allègre, on trouve aussi Dennis Hartmann, professeur à l’université de Washington. Mais lui aussi réfute son « enrôlement ». « Je pense que l’ensemble de preuves présenté par les scientifiques travaillant sur les rapports du GIEC est très convaincant sur le fait que la Terre se réchauffe en conséquence directe des activités humaines, explique-t-il. Et que si nous continuons à augmenter la quantité de CO2 dans l’atmosphère, la Terre continuera à se réchauffer pendant ce siècle. »

    Egalement sollicité par Le Monde, Gerd Wendler, directeur du Centre de recherche climatique de l’université d’Alaska, autre enlisté de M. Allègre, explique : « Je pense que les changements anthropiques (les gaz à effet de serre et les modifications de paysages) mais aussi les changements naturels détermineront le climat du futur. » Et, s’il dément être un opposant farouche au GIEC, M. Wendler ajoute : « Ignorer les changements naturels comme l’a fait le rapport du GIEC est incomplet. »

    Ailleurs dans son livre, M. Allègre étaye son opinion, très négative, sur les modèles numériques de prévision du climat en convoquant la prestigieuse caution de Carl Wunsch, l’un des plus grands océanographes vivants, professeur au Massachusetts Institute of Technology (MIT). M. Allègre cite ainsi un extrait d’une allocution récemment donnée par M. Wunsch : « Notre insuffisante connaissance de l’océan met toute prédiction du climat à long ou moyen terme hors du champ de la science. » Contacté par Le Monde, M. Wunsch se reconnaît dans cette opinion. Mais il tient à ajouter : « Je pense que les modèles ne sont pas pertinents pour prédire le climat, mais qu’ils montrent de manière plausible les conséquences du réchauffement climatique, c’est-à-dire les risques que nous encourons. Et je trouve que ces risques sont extrêmement inquiétants. »

    Stéphane Foucart

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