Le pourquoi du comment par les mots (d’un autre)

J’ai mis en commentaire de mon texte précédent les quelques mots qui suivent. Certains d’entre vous connaissent certainement Commune présence, de Char. Et les autres apprécieront peut-être ce qui exprime une sorte de quintessence. Il y a ce qui peut être dit, écrit, commenté. Et puis ce qui vit et se transmet par des voies plus essentielles, secrètes et parfois définitives. Char est pour moi définitif.

Tu es pressé d’écrire
comme si tu étais en retard sur la vie
s’il en est ainsi fais cortège à tes sources
hâte-toi
hâte-toi de transmettre
ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance
effectivement tu es en retard sur la vie
la vie inexprimable
la seule en fin de compte à laquelle tu acceptes de t’unir
celle qui t’es refusée chaque jour par les êtres et par les choses
dont tu obtiens péniblement de-ci de-là quelques fragments décharnés
au bout de combats sans merci
hors d’elle tout n’est qu’agonie soumise fin grossière
si tu rencontres la mort durant ton labeur
reçois-là comme la nuque en sueur trouve bon le mouchoir aride
en t’inclinant
si tu veux rire
offre ta soumission
jamais tes armes
tu as été créé pour des moments peu communs
modifie-toi disparais sans regret
au gré de la rigueur suave
quartier suivant quartier la liquidation du monde se poursuit
sans interruption
sans égarement

essaime la poussière
nul ne décèlera votre union.

12 réflexions sur « Le pourquoi du comment par les mots (d’un autre) »

  1. « Car l’esprit n’est pas comme un vase qu’il ne faille que remplir. A la façon du bois, il a plutôt besoin d’un aliment qui l’échauffe, qui fait naître en lui une impulsion inventive et l’entraîne avidement en direction de la vérité. » Plutarque

    Puisque nous sommes dans « beauté » , tout autours de moi , la nature semble dormir encore . Les feuilles nouvelles, encore fripées de sommeil, sont cachées par leurs armures bourgeonnantes, quelques perces neige trouent les tapis de feuilles mortes çà et là . Le ciel, traversé d’orages, est déjà plein de vols et de « piallements « . Le verdier se lance dans sa ritournelle en mitraille, chacun s’impatiente dès le soleil levant , le fier rouge-gorge en tête . Simple et sublime .

  2. Fabrice. Si je comprends bien ce poème de René Char et sa proposition : « offre ta soumission, jamais tes armes », elle pourrait se traduire par les trois mots de la prière chrétienne : « ainsi soit-il ». Mais cela ne relève-t-il pas de l’intimité, de l’intériorité plus exactement ? Tandis que sur la place publique se pose la question de l’engagement. Et justement, René Char, grand poète, fut néanmoins un résistant pendant la seconde guerre mondiale. Et en 1966 il participait activement aux manifestations contre l’installation de missiles à tête nucléaire sur le plateau d’Albion. Je suppose qu’il ne luttait pas seulement contre l’installation en France d’armes de destruction massive mais aussi contre la perte de sens que cela représentait pour nous. Perte de sens, avachissement moral, compromission qui, de fil en aiguille, se traduit aujourd’hui par le fait que certains, à gauche, ne savent même plus s’ils doivent voter. Et par ton abstention, certes honnêtement clamée, tu accrois leur trouble et la désespérance. Pardonne-moi mon insistance mais, encore une fois, je ne comprends pas. En toute amitié, si tu permets.

  3. Janot Lapin,

    En toute amitié, je conseille vivement à tous de ne pas commencer à décortiquer Commune présence. Par pitié, vraiment ! Et pour le reste, je vois bien que tu ne comprends pas. Je n’en suis pas heureux, je n’en suis pas satisfait, mais je sais que les choses sont parfois ainsi. Il arrive bien souvent que des gens de bonne volonté réciproque ne se comprennent pas. Asi. Tout ce que je pouvais dire sur une dérisoire affaire – les régionales -, je l’ai écrit. Je ne vais donc pas y revenir, car c’est déjà loin derrière moi.

    Char, en revanche, est là depuis bien longtemps, et pour toujours. Je me répète : n’y touchez pas ! Car il est à moi. À nous tous, bien entendu, et donc aussi à moi. N’y touchez pas !

    Fabrice Nicolino

  4. « Je suis épris de ce morceau de tendre campagne, de son accoudoir de solitude au bord duquel les orages viennent se dénouer avec docilité, au mat duquel un visage perdu, par instant s’éclaire et me regagne .
    De si loin que je me souvienne je me distingue penché sur les végétaux du jardin désordonné de mon père, attentif aux sèves. RC.

  5. « De tout temps j’ai aimé sur un chemin de terre la proximité d’un filet d’eau tombé du ciel qui vient et va se chassant seul et la tendre gaucherie de l’herbe médiane qu’une charge de pierres arrête comme un revers obscur met fin à la pensée. »
    Du même, dans le même.

    A la poussière, puis-je ajouter ceci ?

    « Je suis dans la clarté qui s’avance
    Mes mains sont toutes pleines de désir, le monde est beau.

    Mes yeux ne se lassent pas de regarder les arbres,
    Les arbres si pleins d’espoir, les arbres si verts.

    Un sentier ensoleillé s’en va à travers les mûriers.
    Je suis à la fenêtre de l’infirmerie.

    Je ne sens pas l’odeur des médicaments.
    Les œillets ont dû fleurir quelque part.

    Et voilà, mon amour, et voilà, être captif, là n’est pas la question,
    La question est de ne pas se rendre… »

    Pendant sa captivité, le poète turc Nazim Hikmet écrivit ce texte à sa femme.

  6. J’ai appris à connaitre Char par Camus. L’absurde a été démontré, la révolte va suivre. C’est juste humain. Surtout humain. Essentiellement humain. N’arrêtons pas nôtre Char, par pitié !

  7. Bonsoir,

    Je vois,comme d’autres,qu’une guerre a déjà éclaté.Comme nous sommes loin du terrain,nous feignons encore de ne rien voir.Mais elle est. Guerre contre ces humains,traités comme des untermenschen,à qui nous refusons le pain et les soins sans lesquels ils mourront.Guerre contre les animaux,les végétaux,le vivant,sans lesquels, pourtant,aucune civilisation humaine n’aurait pu naître et se maintenir.Guerre aussi, enfin, et qui englobe le tout,contre la nature, ses écosystèmes,les équilibres les plus essentiels de cette planète.

    Cette guerre de tous contre tous ne peut mener qu’au désastre, déjà en place dans tant de lieux de notre monde malade.Malheureusement,la conscience ne suit pas ce mouvement implacable. L’esprit s’accroche, par ses ruses coutumières,à d’innombrables chiméres.

    Je me dois de rappeler en quelques mots mon sentiment profond.Je pense que notre époque est tragique.Et que les hommes n’aiment pas ceux qui leur rappellent que leur histoire l’est très généralement.Je crois que je parviens à irriter jusqu’à une partie de ceux qui ont la patience de me suivre dans mes méandres et circonvolutions. Les générations qui se sont succédé depuis l’après-guerre ont simplement oublié l’extrême violence des relations entre humains.Beaucoup, parmi nous,croient banalement que ce qui a été sera.Et que la paix succèdera à la paix.Hélas, ils se trompent.

    Ce que je prétends,c’est qu’il faut rompre,sans esprit de retour.Ce que je pressens,c’est qu’il faut brûler ses vaisseaux derrière soi,parce que nous ne pourrons de toute façon pas faire machine arrière.Cela implique un effort presque insoutenable d’arrachement aux oripeaux des vieilles croyances,notamment politiques.

    Notre époque a besoin d’actes fondateurs.Et par conséquent d’acteurs nouveaux.Capables de prendre des risques pour leurs idées.Capables de souffrir.De perdre.D’aller en prison.De mourir peut-être.Le reste n’est que vaine littérature.

    Le monde entier est piétiné, des plaines aux montagnes, des déserts jusqu’aux pôles.

    La rupture est une condition nécessaire,mais nullement suffisante,nous le savons tous.Avec elle,peut-être trouverons-nous une voie escarpée qui entrouvrirait un passage pour l’heure invisible.Mais sans elle, aucun espoir n’est plus permis.Nous accompagnerons la destruction,comme le fait le mouvement officiel de protection de la nature,et lorsque les choses deviendront plus rudes et raides,quand les gueux seront aux portes,nous réclamerons comme le voisin de palier l’intervention des drones et des commandos armés spécialisés.J’espère que je ne verrai pas cette infamie d’un peuple gavé réclamant qu’on tire sur ceux qui n’ont rien d’autre que leur ventre creux.Au reste,le feu des mitrailleuses ne nous accorderait que quelques années de répit, mais pour certains,c’est bien suffisant.Nul n’est immortel,n’est-ce pas?

    Reposer son âme est une dimension essentielle de la vie,et je ne risque pas de l’oublier.

    N’oubliez pas,je vous prie,n’oubliez pas un instant qui nous sommes.Rien qu’un peu de poudre étoilée.Les hommes et les femmes,pris un à un,ne sont rien d’autre que de la poudre. Qu’ils ne sont rien.Il faut donc assembler.Il faudra bien nous rassembler.

    Poussière d’étoiles

    Je te donne ce poème,
    le mot arbre,le mot maison,
    et sentier,ruche,rivière,
    mésange,jardin,lumière,
    lune et soleil,nuit et jour,
    étoile,sourire,amour,
    le mot coeur,le mot caresse.
    Je te donne la promesse
    de l’amitié du monde.

    Bien a vous,Léa.

  8. Merci de nous faire (re)découvrir ce poète et ses mots. Pour moi comme pour beaucoup de musiciens, René Char a été trop souvent associé à Pierre Boulez, qui s’est « inspiré » de certaines de ses œuvres (« Le Marteau sans maître » pour n’en citer qu’une).
    Je crois que René Char n’a d’ailleurs jamais éprouvé de sympathie envers Pierre Boulez. Ecrire de la musique sérielle sur les mots de René Char, c’est un peu comme enfermer un torrent de montagne dans un canal de béton.
    L’attitude d’un Pierre Boulez qui prétend faire de la musique avec des procédés mécaniques est à mon sens très symptomatique de la société du XXème siècle… et que dire des millions engloutis dans l’IRCAM, sans l’avis des contribuables ? Quelle différence avec les milliards engloutis aujourd’hui dans les nanotechnologies ?
    Mais je m’égare…

  9.  »
    Nous vivons avec quelques arpents du passé, les gais mensonges du présents et la cascade furieuse de l’avenir. Autant continuer à sauter à la corde, l’enfant-chimère à notre côté.

  10. Coucou,

    Pourquoi est ce tellement vide ici?

    Far-niente

    Quand je n’ai rien à faire, et qu’à peine un nuage
    Dans les champs bleus du ciel, flocon de laine, nage,
    J’aime à m’écouter vivre, et, libre de soucis,
    Loin des chemins poudreux, à demeurer assis
    Sur un moelleux tapis de fougère et de mousse,
    Au bord des bois touffus où la chaleur s’émousse.
    Là, pour tuer le temps, j’observe la fourmi
    Qui, pensant au retour de l’hiver ennemi,
    Pour son grenier dérobe un grain d’orge à la gerbe,
    Le puceron qui grimpe et se pende au brin d’herbe,
    La chenille traînant ses anneaux veloutés,
    La limace baveuse aux sillons argentés,
    Et le frais papillon qui de fleurs en fleurs vole.
    Ensuite je regarde, amusement frivole,
    La lumière brisant dans chacun de mes cils,
    Palissade opposée à ses rayons subtils,
    Les sept couleurs du prisme, ou le duvet qui flotte
    En l’air, comme sur l’onde un vaisseau sans pilote,
    Et lorsque je suis las je me laisse endormir,
    Au murmure de l’eau qu’un caillou fait gémir,
    Ou j’écoute chanter près de moi la fauvette,
    Et là-haut dans l’azur gazouiller l’alouette.

    Théophile Gautier.

    Léa.

  11. Et encore…

    Promenade bleue caillou

    Les pierres craquent sous les semelles
    L’herbe transpire ce matin
    Un beau soleil de printemps éclate au firmament
    Sous ce ciel bleu, on perçoit la couleur du vent
    Au pied de la colline va s’élevant un chemin près d’un étang
    Les cyprès dansent à l’horizon au dessus des vignes et des blés
    On entend un petit bruit de moteur tout juste près, tout juste doux
    Une petite fourgonette passe, c’est le marchand du village d’à côté
    On marche sur un mur de pierres, un petit pont est devant nous
    Dessous passe une rivière, couleur de pluie, souffle d’antan
    Cette promenade bleu caillou, couleur d’amour, je l’aime tant
    c’est pour moi tout ce qu’il y a de plus pur et de plus beau dans cette vie
    Couleur d’argent

    Elodie Santos, 2006

  12. Voila…

    Couchers de soleil

    Tout le monde parle des couchers de soleil
    Tous les voyageurs sont d’accord pour parler des cou-
    chers de soleil dans les parages
    Il y a plein de bouquins où l’on ne décrit que les couchers
    de soleil
    Les couchers de soleil des tropiques
    Oui c’est vrai c’est splendide
    Mais je préfère de beaucoup les levers de soleil
    L’aube
    Je n’en rate pas une
    Je suis toujours sur le pont
    A poils
    Et je suis toujours le seul à les admirer
    Mais je ne vais pas décrire les aubes
    Je vais les garder pour moi seul

    Blaise Cendrars

    Amitiés,Léa.

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