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Les biocarburants, la morale et l’élection présidentielle

Que notre monde soit au bout de sa route, l’affaire des biocarburants en apporte une preuve dont je me serais bien passé. Je ne veux surtout pas dire que nos sociétés vont disparaître rapidement. Leur temps et leurs soubresauts se moquent bien de l’échelle qui est la nôtre. Mais elles sont entrées dans un processus de dislocation qui ne peut désormais s’arrêter. En plus de tout le reste, que vous connaissez comme moi, qu’il s’agisse de la crise écologique ou des impasses de « l’économie » officielle, il y a ce que nous appelons communément la morale.

Aucun groupe humain ne se maintient longtemps sans un ciment invisible, omniprésent pourtant, qui permet d’accepter l’obligation sociale. Qui donne aux existences un minimum de sens cohérent, de manière que la vie de chaque jour, le reflet dans le miroir, l’adresse aux enfants demeurent acceptables ou mieux encore désirables. Or tout se dissout. Les voleurs d’en haut s’emplissent les poches, légalement ou non, et profitent du butin, tandis que les Apaches, d’ici ou d’ailleurs, partent aux galères pour avoir vendu du shit ou dérobé un téléphone portable. Mais pour en revenir à la question du jour, les biocarburants éclipsent tout.

Je rappelle l’excellent principe : dans un monde toujours plus dévasté par la faim, des hommes bien nourris – beaucoup au Nord, certains au Sud – ont imaginé la transformation de plantes alimentaires en carburant automobile. Que cela soit un crime complet, et même un assassinat, qui pourrait donc le contester, et avec quels arguments ? Il est possible, il est même probable – mais nullement démontrable – que des centaines de milliers d’hommes ont été achevés sur l’autel de cette nouvelle industrie. Je me refuse à évoquer des données précises, car nous sombrerions alors dans la statistique, dans cet habituel voyeurisme des gavés que nous sommes. La faim. Celle qui tenaille pour de vrai, pendant des semaines et des années. Qui rend fou quand il devient impossible de donner quelque chose au mioche qui réclame. Allons nous plaindre après cela de la cuisson de notre steak quotidien.

Je sais cela, et dans le détail, car j’ai publié en septembre 2007, à l’époque du si lamentable Grenelle de l’Environnement, un livre dont je suis fier : La faim, la bagnole, le blé et nous, Une dénonciation des biocarburants (Fayard). Je crois y avoir révélé l’essentiel. Soit la constitution d’un lobby jusqu’au cœur de l’État, piloté par l’agriculture industrielle, en panne de débouchés pour ses si goûteux produits. Soit la grossière manipulation de l’opinion, à qui l’on a vendu cette idée ridicule que les biocarburants seraient bons pour le climat, quand ils aggravent le dérèglement en cours. Soit la destruction accélérée de milieux naturels prodigieux – par exemple les forêts pluviales d’Indonésie – afin de les remplacer par des plantations, comme des palmiers à huile, matière première des biocarburants. Ou la vente de millions d’hectares d’un tenant dans le bassin du Congo, pour y planter jatropha, manioc ou Dieu sait quoi, aux mêmes fins en tout cas. Soit l’annonce de famines terriblement aggravées par la concurrence entre des terres à vocation agricole et des terres sacrifiées à cette putain de bagnole.

Voilà que la Cour des Comptes française s’en mêle. Longtemps après une poignée de grands scientifiques, qui ont tordu le cou aux légendes commerciales et industrielles au sujet des biocarburants. Et bien loin derrière les institutions, souvent ultralibérales pourtant, comme la FAO, l’OCDE, le FMI, etc. qui toutes se sont attaquées aux mythologies associées au monstre. Il n’empêche : notre Cour des Comptes, donc. Et que dit-elle (ici) ? Un, nos conseillers si bien rémunérés ne savent que ce qu’ils lisent, et ils lisent apparemment peu. Ainsi ne peuvent-ils prendre en compte le désastre écologique global, humain, moral que représente cette invention du diable. Ils se contentent, avec la prudence qui est consubstantielle à leur confortable état, de noter : « Si, en France, le bilan coût / avantages des biocarburants du point de vue de leur effet sur l’environnement donne lieu à certaines critiques, la contestation qui environne cette question dans les autres pays du monde est beaucoup plus forte et va croissant ». Ajoutons que leur (nov)langue est à faire peur, mais c’est une autre histoire.

Se préoccupant avant toute chose de pognon, la Cour note avec une tranquille désapprobation (ici) que les exonérations fiscales en faveur des biocarburants ont coûté 3 milliards d’euros au budget commun entre 2005 et 2010. Au seul profit du lobby de l’agriculture industrielle. Rappelez-vous, si vous l’avez oublié, que le président en titre du « syndicat » agricole FNSEA, Xavier Beulin, est le patron de Sofiproteol, holding pesant plus de 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2010, et dont le cœur de métier est la prolifération des biocarburants.

Moi, lorsque j’ai publié mon livre – je l’ai déjà écrit ici, mais je me dois de le marteler -, j’ai alerté tous les responsables de l’écologie en France. Quand je dis tous, j’exagère bien sûr. Mais pour les autres, il y avait tout de même mon livre. J’ai alerté, comme on dit, et suggéré quantité d’actions concrètes, auxquelles j’aurais volontiers participé au premier rang. Elles n’étaient pas toutes légales, non pas. Mais il me semble que face à une offensive planétaire du crime organisé, il faut accepter de risquer. Ses biens et sa liberté, pour commencer. Ne croyez pas que je verse avec facilité dans la grandiloquence. J’exprime ce que je pense. Et si même je devais reculer en telle ou telle circonstance, cela ne déconsidérerait que ma personne. Ni ma cause, ni les moyens proposés.

Une conclusion ? Les mouvements écologistes officiels et tous ces braillards de gauche ou d’extrême-gauche qui donnent des leçons à l’univers et prétendent incarner le bien, toutes ces excellentes personnes acceptent sans seulement moufter l’une des agressions les plus totales contre la vie et la morale élémentaire qu’on puisse imaginer. Et quand la barbarie montrera le bout de son groin, quel que soit ce groin, les mêmes, avant de s’enfuir, trouveront encore le moyen de justifier leur lâcheté et leur petitesse. Ils auront encore raison, car telle est la définition qu’ils se sont octroyé : toujours retomber sur ses pattes. Mais moi, je les exècre.

PS : Allez donc voter, je crois que j’ai autre chose à faire.

Bernard Chaud, héros de la morale publique (sur les biocarburants)

Une feignasserie chasse l’autre : je n’écris que peu. Vous trouverez ci-dessous un article signé Pierre Le Hir, publié par le journal Le Monde ces derniers jours. Il concerne l’un des crimes majeurs de l’époque, c’est-à-dire les biocarburants. Au risque de lasser les plus fidèles de Planète sans visa, je répète encore que j’ai écrit voici quatre ans un livre qui documente cette atroce aventure. Et qui n’a servi à rien. Si vous lisez l’article de Pierre Le Hir, vous tomberez sur un nom : Bernard Chaud. Il est cité comme vice-président du Syndicat national des producteurs d’alcool agricole (SNPAA), mais il a bien d’autres titres à son actif. En 2007, l’année où je publiai La faim, la bagnole, le blé et nous, Chaud devenait directeur de projets dans le grand groupe sucrier Tereos, lequel faisait déjà des biocarburants l’un des axes de son développement.

Mais Chaud ne venait pas droit de la Lune. Juste avant cette belle promotion, il était chef du bureau Biomasse, Biocarburants, Bioénergie et Biomatériaux au ministère de l’Agriculture. Un lieu public décisif où il avait pu dire, et peut-être montrer, tout le bien qu’il pensait des biocarburants. Voici l’article de Pierre Le Hir.

Des biocarburants nocifs pour l’environnement

Le bilan environnemental global des cultures énergétiques n’est pas bon. Bruxelles s’interroge sur leur avenir .

 

Faut-il freiner brutalement et donner un coup d’arrêt à une filière industrielle en plein essor ? Ou continuer à accélérer, en fermant les yeux sur les études qui montrent que les biocarburants actuels sont très loin de tenir leurs promesses ? Entre ces deux extrêmes, l’Union européenne (UE) qui, depuis dix ans, a fortement encouragé le développement de ces énergies alternatives – leur production et leur distribution représentaient en 2008 quelque 300 000 emplois directs ou indirects -, va devoir trouver un difficile compromis.

Une réalité s’impose : le bilan environnemental global des biocarburants de première génération – le biodiesel élaboré à partir du colza, du tournesol, du soja ou du palmier à huile, et le bioéthanol et son dérivé, l’ETBE, extraits de la betterave et de la canne à sucre, du blé ou du maïs – n’est pas bon. Car il faut corriger les performances annoncées par ce que les experts appellent  » le changement indirect d’affectation des sols « .

Les cultures énergétiques, lorsqu’elles accaparent des terres agricoles, obligent en effet à déplacer les cultures alimentaires vers d’autres régions de la planète, à commencer par les régions tropicales. Des forêts y sont abattues, pour être transformées en terres cultivables, et cette déforestation relâche du CO2 dans l’atmosphère.

Une étude de l’Institute for European Environmental Policy, commandée par une dizaine d’associations de défense de l’environnement, a calculé que l’objectif que s’est fixé l’UE – soit 10 % d’énergies renouvelables dans les transports en 2020, soit deux fois plus qu’aujourd’hui –  » pourrait mobiliser près de 70 000 km2 – plus de deux fois la superficie de la Belgique – de terres supplémentaires à la surface du globe « .

Il en résulterait, à l’échelle de la planète, une  » émission de 27 millions à 56 millions de tonnes de CO2 supplémentaires « . Au final, les biocarburants consommés en Europe d’ici à la fin de la décennie généreraient  » de 81 % à 167 % «  de gaz à effet de serre de plus que les carburants fossiles.
La Commission de Bruxelles n’ignore pas le problème. Elle a fait réaliser ses propres études, sans les divulguer. Moins catastrophiques, elles montrent pourtant, indique Nusa Urbancic, de l’association européenne Transport & Environnement, que, si l’on tient compte de la réaffectation mondiale des terres, le biodiesel tiré du colza (dont est issu l’essentiel de la production et de la consommation européennes) et du tournesol, mais aussi de l’huile de soja et de palme (importées) seraient plus nocifs que les combustibles fossiles, en rejets de gaz à effet de serre.

En revanche, le bioéthanol élaboré à partir du blé, du maïs, de la betterave et de la canne à sucre, présenterait un bilan carbone meilleur que les carburants d’origine fossile. En décembre 2010, le commissaire européen à l’énergie, Günther Oettinger, déclarait que  » les effets potentiels des modifications indirectes dans l’affectation des sols doivent être dûment pris en considération « . La question, qui aurait dû être examinée fin 2010, a été repoussée à juillet, puis reportée à septembre. Il faudra alors trancher, et peut-être légiférer, sur l’instauration de normes plus exigeantes.

La Commission a déjà établi des critères de  » biocarburants durables « . Ceux-ci doivent permettre une réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 35 % par rapport aux combustibles fossiles, seuil qui sera relevé à 50 % en 2017. Et leur production ne doit pas se faire au détriment des forêts tropicales, des tourbières, des zones humides ou de terres à forte biodiversité.

A cet effet, les professionnels ont été invités à mettre en place  » des systèmes volontaires pour la certification de la durabilité des biocarburants « . Concrètement, pour être acceptés sur le marché européen, les biocarburants devront faire l’objet de contrôles indépendants, assurant leur traçabilité, de l’exploitation agricole à la station-service, et prouvant qu’ils satisfont aux critères communautaires.

Mardi 19 juillet, M. Oettinger devait annoncer l’homologation de sept premiers plans de certification. L’un présenté par l’ensemble des opérateurs de la filière française, regroupés au sein du consortium 2BSvs (biomasse, biocarburants, schéma volontaire sur la durabilité). Les six autres soumis par des consortiums européens ou internationaux.

Ce dispositif garantit  » qu’aucune forêt n’a été abattue et qu’aucune zone humide n’a été asséchée «  pour les biocarburants produits ou importés en Europe, fait valoir Bruxelles.  » C’est l’aboutissement de la volonté européenne de faire la distinction entre les bons et les mauvais biocarburants. Et la démonstration que la filière française répond aux exigences de durabilité « , se félicite Bernard Chaud, vice-président du Syndicat national des producteurs d’alcool agricole (SNPAA).

Mais, pour les associations environnementales, le problème reste entier.  » Faute de prise en compte du changement indirect d’affectation des sols, ces schémas de certification ne sont que des coquilles vides « , dénonce Nusa Urbancic. Entre les impératifs économiques et écologiques, la voie est étroite. La solution pourrait être de pousser les recherches sur les nouvelles générations de biocarburants, valorisant le bois, la paille et les déchets végétaux, ou exploitant le potentiel des microalgues. Mais ces filières sont encore loin d’être opérationnelles.

Pierre Le Hir

© Le Monde

 

L’incroyable crime des biocarburants (encore, encore et encore)

Vous lirez plus bas la traduction en français d’un article du Financial Times, que m’adresse l’ami Christian Berdot, que je salue fraternellement, une fois encore. Comme ils doivent avoir peur ! Comme les puissants doivent redouter de futures émeutes de la faim ! Prenant le contre-pied de l’épouvantable politique sarkozyenne sur le sujet, les grandes institutions libérales de ce monde libéral osent dire tout haut ce que tant savent depuis des années : il faut arrêter les subventions à l’industrie des biocarburants. Tout de suite !

J’en bous de rage impuissante. Si je pouvais exprimer ce que je ressens, il y aurait du dégât chez quelques salauds, je vous le jure. Âmes sensibles, ne lisez pas. Je rappelle – car bien des lecteurs de Planète sans visa l’ignorent, que j’ai publié en 2007 chez Fayard un livre dénonçant les biocarburants (La faim, la bagnole, le blé et nous). Je rappelle le principe de ce procédé : on change en carburant automobile des millions de tonnes de plantes alimentaires comme le maïs, la canne à sucre, le manioc, l’huile de palme, le blé, le colza, etc. Dans un monde où un milliard des nôtres souffrent d’une faim chronique, c’est un crime de masse.

Inutile de protester contre l’emploi du mot biocarburant, que j’assume pleinement. Je déteste – désolé pour vous tous – l’usage écologiquement correct du mot agrocarburant, qui permet à tant de cauteleux de se dédouaner à très bon compte. Je ne dis pas, et je ne crois pas que c’est votre cas. Je dis que j’ai rencontré nombre d’hypocrites qui, ne voulant pas agir, se réfugiaient dans le vocabulaire. Merde ! Le mot juste est bien entendu nécrocarburant, mais je préfère encore affronter la bête avec celui des marchands, qu’au reste tout le monde comprend. Avez-vous essayé, en dehors des cercles avertis, d’utiliser agrocarburant ? Soyez sincères.

Après ce livre de 2007, j’ai alerté toutes les grandes associations écologistes – WWF, Greenpeace, Hulot, notamment – et rien n’a été lancé, ce qui est un déshonneur complet à mes yeux. Le résultat de leur lamentable inertie – je mets de côté les valeureux Amis de la terre, qui ont agi -, c’est que le patron de la filière biocarburants en France, le céréalier Xavier Beulin, est devenu en décembre2010 le président du syndicat de l’agriculture industrielle, la FNSEA. Shame on you !, vous les gens du WWF, de Greenpeace, de France Nature Environnement (FNE) et de l’ex-Fondation Hulot. Shame on you !

L’ARTICLE DU FINANCIAL TIMES (ici), TRADUIT PAR LES AMIS DE LA TERRE (j’y ai remplacé le mot agrocarburants par celui de biocarburants)

Un rapport demande instamment l’arrêt des subventions pour les biocarburants

Par  Joshua Chaffin à Bruxelles. Publié le 9 juin 2011 dans le Financial Times

Un groupe d’organisations de premier plan conclut, dans un rapport exposant les moyens de réduire la volatilité des cours mondiaux des produits alimentaires, que les subventions gouvernementales pour promouvoir l’utilisation des biocarburants devraient être éliminées. Le rapport a été préparé par 10 organismes dont la Banque Mondiale, l’Organisation Mondiale du Commerce et les Nations-Unies et sera présenté ce mois-ci aux ministres du G20 qui l’a commandité.

Nombreuses sont parmi ces organisations celles qui ont déjà exprimé des inquiétudes quant aux conséquences des biocarburants. Ce rapport se différencie toutefois des précédents par son fort caractère institutionnel et par son langage direct. On peut y lire que « Les gouvernement du G20 devraient supprimer les dispositions de leurs politiques nationales actuelles qui subventionnent (ou rendent obligatoire) la production ou la consommation des biocarburants ». Et un peu plus loin que si les gouvernements ne procèdent pas à un retrait pur et simple, ils devraient au moins développer des plans d’urgence pour suspendre temporairement leurs mécanismes de soutien lorsque les prix alimentaires sont élevés et que les ressources se font rares.

Le rapport confirme une hostilité grandissante à l’égard des biocarburants.  S’ils furent à une époque salués comme les sauveurs d’une économie basée sur les énergies fossiles, ils sont aujourd’hui de plus en plus tenus pour responsables de la poussée des prix alimentaires, car ils détournent du maïs et d’autres plantes alimentaires des assiettes vers les réservoirs.

D’après le rapport, les biocarburants ont consommé  en moyenne 30% des récoltes de canne à sucre entre 2007 et 2009 et 9% des oléagineux. « Il n’est pas surprenant que les cours mondiaux de ces produits (et de leur substituts) soient considérablement plus élevés qu’ils ne le seraient si aucun biocarburant n’était produit » peut-on lire dans ce rapport qui note une corrélation de plus en plus forte entre les prix alimentaires et les prix du pétrole. Ces conclusions vont soumettre l’Union européenne à une pression accrue afin de réviser un de ses règlements qui oblige à ce que 10% des carburants utilisés dans l’Union pour les transports proviennent de sources renouvelables – essentiellement des biocarburants – d’ici 2020.

Les états membres de l’Union des 27 ont arrosé de milliards d’euros les producteurs d’éthanol et d’agrodiesel, sous forme de subventions. Un groupe à but non-lucratif, le Global Subsidies Initiative, estimait que le total des subventions dépassait en 2008, les 3 milliards d’euros. Les Etats-Unis, le Brésil, la Chine et l’Australie lui ont emboité le pas. Les groupes écologistes et l’industrie des biocarburants attendent impatiemment l’examen à venir par la Commission européenne – l’Exécutif de l’Union européenne- des effets des changements d’affectation des sols indirects, causés par les biocarburants.

Bien que les biocarburants soient censés émettre moins de gaz à effet de serre que des carburants fossiles traditionnels, selon plusieurs analystes ils sont souvent plus polluants, si l’on tient compte du fait que des terres doivent être défrichées et replantées ailleurs pour compenser la perte de cultures alimentaires.

Copyright The Financial Times Limited 2011

Ariane de Rothschild est écologiste (qu’on dit)

Juste se marrer un peu, ce qui changera. Un article du Nouvel Obs, écrit par une journaliste réputée qui ignore tout des réalités de base de ce monde. Je n’ai pas le numéro de série sous la main, mais c’est la semaine du 16 septembre, et du reste, vous pourrez tout lire ici-même. Titre de la joyeuseté : Révolution féminine chez les Rothschild. Ça raconte la vie de famille chez les très riches, avec vue imprenable sur le lac de Genève. Monsieur – Benjamin – reçoit en toute simplicité. Il n’est pas rasé, il est vêtu d’un jeans et de toutes bêtes chaussures de bateau, le torse recouvert d’un polo « siglé de son domaine du Mont d’Arbois, à Megève ». Cet homme de 47 ans, qui emploie 3 000 personnes et gère 130 milliards d’euros d’actifs, est d’un naturel confondant.

Et madame ! Ô madame ! Ariane a 45 ans et un « sourire lumineux ». Forcé, à ce prix-là. Elle parle cinq langues, élève en majesté les quatre filles de l’union, mais reste et demeurera « d’abord une professionnelle de la finance ». Bon, j’arrête les niaiseries. J’avoue avoir cru un bref instant à une parodie quelconque, mais Le Nouvel Obs n’est-il pas une splendide parodie de la première à la dernière page ? Malgré la présence d’une poignée de bons journalistes, dont certains franchement excellents, si. Aussi bien, droit à l’essentiel : Ariane est écologiste. Fatalement. Une personne aussi admirable est bien obligée de l’être. Et cela donne ceci : « Écologiste convaincue, Ariane de Rothschild est à l’initiative – avec le cabinet BeCitizen – d’une gamme de fonds d’investissement ditsd’économie positive”, pour “ renverser la dynamique court-termiste de rentabilité à tout prix” ». Au chapitre de l’économie positive – et écologique -, quoi ? Eh bien,  notamment « des projets de barrage et de chemin de fer au Congo, des cultures de biocarburants au Burkina Faso, des routes au Sénégal ». Et la madame Ariane de préciser : « Mes liens avec l’Afrique, où vit toujours mon père, sont restés forts »

Des barrages. Des biocarburants. Je ne vous ferai pas mon cinq centième cours de base sur l’horreur écologique et humaine que ces entreprises entraînent fatalement.  Ce sera toujours pire que ce que je pourrais en dire. Comment qualifier le crime des biocarburants, qui consistent à changer en carburant des plantes alimentaires, dans un monde d’affamés ? Euh, je sens que ce n’est plus très drôle, navré. Mais voilà où en est la presse. Mais voilà à quel degré d’ignorance – car il s’agit en l’occurrence,  au point de départ en tout cas, d’ignorance sans bornes – sont rendus des journalistes fêtés, primés, reconnus par le milieu et les élites de gauche et de droite. C’est fou. Mais le pire, c’est que c’est vrai.

Statistiques et salopards (sur la faim)

Je ne sais pas. Je ne peux rien garantir. D’ailleurs, il n’y a rien à garantir. Seulement, la FAO, cette agence de l’ONU bureaucratisée jusqu’à l’os, infestée par les grands lobbies industriels, vient de proclamer à la face du monde que les affamés chroniques seraient passés de 1,023 milliard en 2009 à 925 millions en 2010 (ici). Ces chiffres sont absurdes, ils sont à la fois politiques et criminels, bien que repris par la totalité de la presse française. Absurdes, car nous sommes le 15 septembre, et comment oser tirer un bilan de cette nature, foutus bureaucrates, sur moins des trois quarts d’une année ? Criminels, car même s’ils étaient vrais – et ils sont faux -, ils ne pourraient que conduire à démobiliser le peu qui se lève contre cette lèpre universelle. Or, de l’aveu même des crapules – je répète, crapules, de la FAO – cette diminution providentielle apparaît après  quinze années d’augmentation constante.

Tout cela n’est que bluff abject. Savoir qui a faim est une entreprise colossale, qui implique l’envoi de milliers de gens de bonne foi, militants et honnêtes, dans les villages des trous du cul du monde, où personne n’ira jamais. Évidemment, la FAO ne s’appuie que sur des courbes et statistiques, des tableaux qui ne disent rien sur rien. C’est lamentable. Je n’insiste même pas, car mon écœurement est sans bornes. La vraie raison de ce ramdam médiatique est que les bureaucrates qui ont le cul vissé sur leur si confortable fauteuil, Viale delle Terme di Caracalla, au siège romain de la FAO, ont besoin de chiffres pour continuer à jouir de secrétariats, de voitures climatisées avec chauffeurs, de notes de frais arrosées de grappa. La FAO, en sa munificence, a promis de réduire de moitié le nombre des affamés à l’horizon 2015. Les chiffres doivent suivre. Et ils suivront. Parce qu’il le faut bien.

Par ailleurs, je vous laisse lire  le début d’un article de Peuples solidaires ( la suite ici). Il n’y a pas de commentaire.

Kenya : Carburant contre paysans

En janvier 2010, les populations de la région de Malindi sont alertées par des fumées inhabituelles émanant de la forêt de Dakatcha. Elles comprennent que des bulldozers ont commencé à raser les arbres : une entreprise étrangère vient d’obtenir l’accord des autorités pour exploiter 50 000 hectares de terres afin de produire du jatropha, une plante dont l’huile sera utilisée comme carburant. Vingt mille personnes pourraient être déplacées et l’équilibre écologique de la région est menacé.
Ce projet est emblématique d’un phénomène global : l’accaparement des terres pour la production d’agrocarburants, dont l’impact sur la faim dans le monde et le climat risque d’être catastrophique. Il est donc essentiel de soutenir les organisations kenyanes qui se mobilisent face à cette situation.

Au Kenya, comme ailleurs en Afrique, le gouvernement est aujourd’hui partagé entre deux politiques contradictoires : d’un côté, il renforce les droits des communautés à cultiver leurs terres ; de l’autre, il cède aux appétits d’entreprises et Etats qui veulent exploiter ces mêmes parcelles.

Ainsi, dans la région côtière de Malindi, le gouvernement vient de confier 50 000 hectares de terres à une entreprise privée qui projette de raser une forêt de 30 000 hectares et d’exploiter les terres des communautés locales. D’après ActionAid Kenya, 20 000 personnes seraient affectées et éventuellement déplacées. Parmi elles, de nombreux paysans dont les productions vivrières nourrissent la population et une communauté indigène, les Wa Sanya, qui vit de la chasse et de la cueillette.