Le
Groenland envoie au diable l’uranium et les terres rares
Mais
quelle claque ! Si cet exemple pouvait être suivi, le monde
gagnerait certainement des chances de s’en sortir vivant. Au
Groenland, un peuple vient d’envoyer aux pelotes un immense projet de
mine, soutenu par l’équivalent de notre cher parti socialiste, le
Siumut. Mais commençons.
Une
société d’État chinoise est le principal actionnaire d’une
compagnie minière fictivement australienne, (ggg.gl). Laquelle est
une spécialiste de l’extraction des terres rares, ces 17 métaux
stratégiques qui permettent de construire des téléphones
portables, des bagnoles électriques, des écrans d’ordinateur ou de
télés, en somme toute la merde si délicieusement « moderne ».
Les Chinois, dans ce domaine comme dans tant d’autres, sont à
l’offensive. Ils tiennent une bonne part du marché mondial, mais
savent qu’il faut faire mieux pour assurer leur domination au long
cours.
Or
les terres rares sont présentes au Groenland, Eldorado minier qui
rend fous les tenants de l’extractivisme, cette manière industrielle
d’exploiter massivement tout ce que la nature peut offrir. L’île ne
compte que 56 000 habitants, dont une très forte majorité sont des
Inuits, qu’on appelait autrefois des Esquimaux, et dispose d’un
sous-sol gorgé de terres rares et d’uranium, de gaz et de pétrole,
de zinc et de plomb, de molybdène, d’or, de diamants, de charbon.
L’embêtant, c’est que la glace couvre 80% de l’île, sous la forme
d’un inlandsis qui peut atteindre trois kilomètres de profondeur,
mais le dérèglement climatique fait fondre la glace, sur terre
comme en mer, et ouvre des perspectives .
Le
site de Kuannersuit, à quelques kilomètres au nord-est du village
de Narsaq, est tenu pour la deuxième réserve au monde de terres
rares et la sixième d’uranium. Trois gisements proches, dont celui
de Kuannersuit, contiendraient au total 270 000 tonnes d’uranium et
11 millions de tonnes d’oxydes de terres rares (1). Repris en 2010
par ce qui deviendrait Greenland Minerals, le projet est
progressivement mis sur orbite, avec des arguments mille fois
entendus. 2 000 emplois pour commencer. 800 en vitesse de croisière.
Plein d’argent pour attirer le touriste par de nouvelles routes et
des hôtels flambant neuf. Son directeur Ib Laursen : « Vous
ne pouvez pas vivre dans un musée ( …), Ce n’est pas une
république bananière, le pays est immense, une ou deux mines ne
détruiront pas sa pureté » (2). Tu parles, Charles !
Selon certaines estimations, la mine ferait augmenter de 45% les
émissions de gaz à effet de serre de l’île.
Pendant
des années, Kuannersuit devient ce sparadrap du capitaine Haddock,
dont personne n’arrive à se défaire. Le temps arrive d’une ultime
consultation, prélude à l’exploitation. À l’approche des élections
législatives du 6 avril, deux lignes s’opposent frontalement. D’une
part, les socialos locaux, déjà évoqués, qu’une scission opposée
à Kuannersuit affaiblit. Et de l’autre, Inuit
Ataqatigiit – la Communauté inuite -, qu’on présente généralement
comme écologiste et de gauche. Sa ligne est loin d’être parfaite,
qui met l’accent sur le tourisme, la pêche et les mines, mais son
nouveau responsable promet mieux. Múte Egede, 34 ans, a justement
grandi à Narsaq, la bourgade la plus proche du projet minier, où
son parti a fait presque 70% des voix. Cette partie du Groenland
concentre l’essentiel des maigres terres agricoles de l’île, ainsi
que quelques troupeaux de moutons, et même de vaches.
Marianne
Paviasen, qui incarne mieux encore que Egede le combat contre la
mine, a créé dès 2013 un groupe de femmes appelé Urani
Naamik
– Non à l’uranium – avant de rejoindre le parti de Egede. Toute
nouvelle élue, elle voit clair, et loin : le 6 avril a été
« l’élection
la plus importante qu’on ait jamais eue au Groenland. Greenland
Minerals veut nous faire croire qu’il faut exploiter ces terres
rares pour permettre la transition écologique et rendre l’Europe
plus verte, mais ça ne peut pas être une bonne méthode de détruire
un pays pour en rendre un autre plus propre ». Une
leçon universelle.
(1)
technology.matthey.com/article/61/2/154-155/#:~:text=The%20Kvanefjeld%20project,%20one%20of,billion%20tonnes%20of%20mineralised%20ore
(2)
theguardian.com/environment/2017/jan/28/greenland-narsaq-uranium-mine-dividing-town
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En
Équateur, la gauche vaincue par les Indiens
Vite.
Ainsi qu’écrit ici en février, un leader indien a surgi en
Équateur, formidable. Yaku Pérez est écologiste, féministe,
musicien. Victime apparente de magouilles et truandages, il n’a pas
pu participer au second tour des élections présidentielles du 6
avril. Lequel second tour a fini par donner l’avantage à un candidat
libéral, le banquier Guillermo Lasso, opposé à celui de la gauche
correísta,
Andrés Arauz. Que veut dire correísta ?
C’est un adjectif formé autour du nom de Rafael Correa, grand ami de
Mélenchon et président jusqu’en mai 2017. Celui qui parlait –
beaucoup – de « révolution citoyenne ».
Le
résultat est une surprise, car sur le papier, Lasso ne pouvait
gagner. Mais le parti de Yaku Pérez a préféré le vote blanc, et
la colistière de celui-ci, Virna Cedeño, a même préféré voter
Lasso. Inconcevable ? Ce qui l’est, c’est qu’un mouvement de
gauche entube à ce point la cause indienne, et piétine avec une
belle constance celle de l’écologie. Sans prétention à
l’exhaustivité, citons la volte-face de Correa sur le pétrole caché
sous le parc national de Yasuni, finalement vendu aux transnationales
– 2013 – ou l’appel déchirant des Indiens de Sarayaku – 24
avril 2014 -, menacés par une invasion militaire « citoyenne »
sur fond d’exploitation pétrolière.
Dans
un entretien au magazine américain de gauche New
Left Review (septembre-octobre
2012), Correa avait déjà tout dit : « Je
ne crois pas que Marx, Engels, Lénine, Mao, Ho Chi Minh ou Castro
ont dit non aux mines ou aux ressources naturelles ». Voilà
ce qui ne peut pas durer. Un régime chaviste, au Venezuela, lorgnant
vers les sables bitumineux du delta de l’Orénoque, pour remplir
encore plus les poches des corrompus. Un régime sandiniste, au
Nicaragua, vendant le pays aux Chinois pour un nouveau canal de
Panama. Un régime luliste – de Lula – au Brésil, se lançant avec
ardeur dans le nucléaire, le pétrole, les barrages
hydro-électriques en pleine Amazonie, les biocarburants et les
dépenses militaires. La défaite des salauds d’Équateur est une
bonne nouvelle.
- Voir
le blog de Marc de Saint-Upéry,
https://blogs.mediapart.fr/saintupery/blog/040718/amerique-latine-quand-melenchon-pedale-dans-la-semoule
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Paquet-cadeau
de Fukushima à l’océan mondial
Vous
avez vu comme c’est facile ? Malgré des décennies de traités,
de résolutions, d’accords, de réunions, de proclamations, de
signatures et d’envolées, l’océan mondial reste un sac vomitoire.
Ce coup-ci, cela se passe au Japon, où les adorateurs de l’atome ont
décidé de jeter en mer une eau rendue gravement radioactive par
Fukushima. On
parle de 1,25 million de tonnes, ce qui ne signifie rien. Ces gens ne
savent pas mieux gérer une catastrophe nucléaire que les suites de
1914-18 et de 1939-45.
Été
1955, dix ans après la guerre. Sur la plage polonaise de Darłówko
(mer Baltique), 102 gosses d’un camp de vacances jouent avec un baril
corrodé qui laisse échapper un liquide brun-noir. Dommage pour eux.
C’est une vieille munition, précurseur du fameux gaz moutarde.
Beaucoup d’enfants sont touchés, dont quatre garderont des séquelles
aux yeux irréversibles. La seule mer Baltique contiendrait 100 000 à
150 000 mines, 65 000 tonnes d’armes chimiques et un total de 300 000
tonnes de munitions diverses (1).
Bien
entendu, ce ne sera jamais récupéré. Entre 1998 et 2009, presque
2000 « rencontres » avec des munitions abandonnées ont
eu lieu dans les eaux de Belgique, de France, d’Allemagne, des
Pays-Bas, d’Espagne, du Royaume-Uni, d’Irlande et de Suède (2).
Environ 60% concernaient des pêcheurs, remontant dans leurs filets
des munitions abandonnées. Il y a eu des morts, des blessés, des
brûlés. Et les cadeaux de Fukushima sont éternels. Et le crime est
résolument parfait, qui ne laissera que des traces invisibles et
meurtrières.
(1)
https://commons.lib.jmu.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=2888&context=cisr-journal
(2)
https://www.popsci.com/story/environment/chemical-weapons-dumped-in-ocean/?ct=t%28RSS_EMAIL_CAMPAIGN%29