Archives de catégorie : Gaz de schistes

Rien n’est évidemment fini (sur les gaz de schistes)

Je ne recule vraiment devant aucune audace. Ci-dessous, un article du Figaro daté du 5 avril. Il n’est pas exceptionnel – de loin -, mais il permet de mettre en perspective les annonces en cours concernant les gaz et pétroles de schistes. Évidemment, on assiste à un simple recul tactique du pouvoir en place. Le choix a été fait de ne pas charger davantage le climat préélectoral, à un an de l’élection présidentielle. Mais toutes les informations disponibles montrent que les ingénieurs des Mines, Total, GDF et leurs amis politiques préparent leur revanche. Pour des raisons évidentes que je ne détaille pas ce jour, il est certain que cette diabolique machine repartira tôt ou tard. Le système industriel, auquel tous les politiques sont soumis, ne saurait accepter que l’on lui interdise de forer le sous-sol français. Tout n’est qu’une question de temps et d’opportunité. Nous avons remporté haut la main la première manche, mais ceux d’en face entendent gagner la seconde, et empocher la belle.

Une seule solution, qui est de loin la plus difficile : maintenir une mobilisation sur le terrain pendant un an au moins. Voici donc le papier du quotidien de MM.Mougeotte et Dassault.

Les industriels défendent le gaz de schiste

Alors que l’Etat s’apprête à interdire l’exploitation des gaz de schiste, Total et GDF Suez, jusqu’à présent silencieux, montent au créneau pour faire entendre leur voix.

Si l’Etat semble bien décidé à enterrer les projets d’exploitation de gaz et huile de schiste, il n’en va pas de même pour les industriels. Après Total et le secteur pétrolier, c’est désormais au tour du PDG de GDF Suez, Gérard Mestrallet, de s’exprimer sur le sujet. Dans les colonnes des Echos, le dirigeant regrette que «la France tourne la page des gaz de schiste avant de l’ouvrir».
Le gouvernement vient en effet de faire volte-face sur le sujet. Face à une mobilisation grandissante contre l’exploitation de ces gisements aux effets potentiellement néfastes pour l’environnement, le premier ministre a demandé mercredi l’annulation des permis de recherche. En mars 2010, Jean-Louis Borloo, alors ministre de l’Ecologie, avait autorisé la recherche de ces gaz «non conventionnels» dans le sous-sol français : trois permis avaient été attribués, l’un à Total et deux autres au groupe Texan Schuepbach, associé à GDF Suez.

Impact sur les prix
Il n’est pas certain toutefois que les industriels en restent là. Ils surfent sur la hausse des prix des carburants pour justifier une poursuite de la recherche dans ce domaine. Le PDG de GDF Suez argue ainsi dans Les Echos que «la France gèle les prix du gaz d’un côté et de l’autre refuse de produire des gaz de schiste. Je rappelle que si le gaz naturel n’est pas cher aux Etats-Unis, c’est grâce aux gaz non conventionnels».
Même son de cloche chez Total. Dans un récent entretien au Parisien-Aujourd’hui en France, le PDG du groupe pétrolier, Christophe de Margerie a estimé que les prix de l’essence vont continuer à flamber pour atteindre 2 euros lellitre de super et que cette évolution rend nécessaire la recherche d’autres sources d’énergie. Il cible en particulier les gaz de schiste : «On ne peut pas d’un côté défendre la sécurité de l’approvisionnement en France, et de l’autre, interdire la prospection de ces fameux gaz de schiste. Comment peut-on prendre une décision définitive sans même savoir si ce gaz est présent dans le sol français et s’il est exploitable?»

«Une exploitation «propre» est possible»
De même, Gérard Mestrallet prône une poursuite des recherches, également sur les méthodes d’extraction de ces gaz. «Conclure que jamais on ne pourra mettre au point des technologies propres permettant d’exploiter des gaz de schiste, il y a un pas en tant que scientifique que je ne franchirait pas», déclare le dirigeant. Total va plus loin. Bruno Courme, directeur de Total Gas Shale Europe, la filiale du groupe pétrolier dédiée au gaz de schiste, se dit «certain de pouvoir proposer une exploitation «propre» des gaz de schiste».
Une technologie plus propre, et moins controversée, pourrait amener le premier ministre, actuellement opposé à l’exploitation des gaz de schiste, à réviser sa position: «Il n’est pas question de fermer la porte à des progrès technologiques qui permettraient demain d’accéder à de nouvelles ressources énergétiques», a en effet souligné François Fillon lors de son discours en faveur de l’annulation des permis déjà attribués. Une mission de recherche scientifique sur les possibilités d’exploiter ces gisements avec d’autres technologies se poursuit actuellement.

Pas d’alternative crédible pour le moment
Sauf que cela pourrait prendre du temps. Interrogé par lefigaro.fr, Total reconnaît que, pour l’heure, il n’y a pas d’alternative à la technique de fracturation hydraulique mise en place par le texan Haliburton. Un procédé efficace mais aux effets notoirement nocifs pour l’environnement. Cette méthode vise à créer de petits tremblements de terre à plus de 2000 mètres de profondeur avant d’injecter de grandes quantités d’eau et de produits chimiques pour extraire les combustibles. Le film choc Gasland, nommé aux Oscars 2011 – qui a eu un effet notable sur les mouvements de contestation – démontre concrètement quelles peuvent être les conséquences sur l’eau potable, la qualité de l’air et la santé publique de cette méthode d’extraction.

Cap sur l’étranger
Et en France, une «journée nationale de mobilisation» contre les gaz de schiste doit avoir lieu ce week-end. Il se pourrait alors que les industriels se tournent vers l’étranger. Total vient d’ailleurs de finaliser un accord avec CNPC-PetroChina pour exploiter un gisement de gaz non conventionnel en Mongolie intérieure et le groupe possède deux permis d’exploration pour du gaz de schiste au Danemark et six autres en Argentine. Reste à savoir si l’impact écologique d’une même technique est différent d’un pays à l’autre.

Un texte inoubliable (sur les gaz de schistes)

Voici un texte sublime d’un lobby secondaire – et magnifiquement comique – en faveur de l’extraction des gaz de schistes en France. L’amicale des foreurs veut forer, car comme le scorpion de la fable, telle est sa nature. Et nous ne voulons pas, car telle est notre nature corrompue. Entre les deux, je crois deviner qu’aucun compromis n’est possible. En attendant, lecteurs de Planète sans visa, rions. Car ce qui suit est un grand moment de détente zygomatique. Je précise que nos amis foreurs ne sourcent aucune de leurs fantastiques affirmations. Nous sommes dans la poésie, que voulez-vous de plus ?

Amicale des Foreurs et des Métiers du Pétrole

Bordes le 11 avril 2011

Monsieur le Député,

C’est avec une vive stupéfaction mêlée d’amertume que nous avons pris connaissance de la proposition de loi N° 3301 visant à interdire, sur le territoire national, l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels, que viennent de déposer 124 députés de la majorité gouvernementale.
Plusieurs de nos adhérents connaissent nombre d’entre eux et pourraient attester que le gaz de schiste n’est pas leur tasse de thé comme disent nos amis anglo-saxons pour qui le gaz et les huiles de schiste sont une bénédiction.

Nous sommes surpris de trouver parmi eux les noms d’un ancien Ministre de l’industrie qui devrait savoir que le film GasLand n’est qu’une vaste imposture, truffée de mensonges et de contre-vérités et celui d’un ancien Ministre du budget dont la connaissance de l’état de nos finances devrait lui interdire de tourner le dos à la manne providentielle qui se présente à notre pays. On peut estimer à une centaine d’années, aux taux actuel de la consommation annuelle française, les  réserves de gaz de schiste dont nous disposons !

L’exposé des motifs laisse rêveur sur les connaissances de celui ou de ceux ou celles qui l’ont rédigé. En effet, le gaz naturel classique, c’est-à-dire le méthane, s’accumule dans des pièges structuraux et/ou stratigraphiques pour y former des gisements (on parle alors de gaz conventionnel) ou bien il imprègne la totalité de la roche sédimentaire qui le contient, laquelle est à la fois « roche mère » et « roche magasin encore appelée roche réservoir ». Cette dernière est un ancien fond marin ou lacustre, une vase, qui s’est enfoui au cours des temps géologiques pour donner naissance à une roche microporeuse et imperméable (c’est-à-dire dont les pores de taille millimétrique ne communiquent pas entre eux). Elle est très riche en matière organique qui résulte de la décomposition des squelettes de poissons et de mollusques et de débris végétaux et, selon la position des dépôts dans le bassin (Bassin de Paris, bassin d’Aquitaine, Sillon Rhodanien, Fossé Rhénan), cette matière donnera naissance à du gaz de schiste ou des huiles de schiste. On parle alors d’hydrocarbures non conventionnels. Il est donc nécessaire pour récupérer ces hydrocarbures de fissurer la roche à l’aide d’eau sous pression, chargée de sable ou de microbilles de céramique, pour faire communiquer ces pores entre eux et maintenir les fissures ouvertes. Les fissures obtenues mesurent, en moyenne, entre 1 mètre et 150 mètres de longueur et ne communiquent aucunement avec les nappes phréatiques qui, elles, sont situées à 2000 m, voire 3 et 4000 m au dessus d’elles. L’opérateur étudie la position de ces fissures à l’aide de la microsismique. Le terme de fracturation hydraulique nous parait impropre car les détracteurs du gaz de schiste n’hésitent pas à dire que la fracturation se fait à l’aide d’explosifs qui provoquent des affaissements du sol (sic). Certains parlent de taupinière et voient déjà leur maison disparaitre. La Butte Montmartre est truffée de carrières de gypse et le Sacré Cœur est toujours là. De même les galeries de mine, dans le bassin houiller du Nord-Pas de Calais par exemple, ont rarement donné lieu à des affaissements de terrain, mais leur taille est sans commune mesure avec les fissures dont nous parlons.

Les produits chimiques (597 au total) cancérigènes dont se gausse Josh Fox sont abandonnés depuis quelques années au profit de produits issus de l’industrie agroalimentaire, tels des dérivés de l’agar-agar utilisés pour gélifier ice-creams et confitures. De toute façon, ils étaient utilisés en quantités infinitésimales ne dépassant pas 0,5% du volume injecté.

Il convient de noter que la boue de forage, quel que soit le type de forage, contient des produits chimiques dont le plus important est la baryte (Sulfate de baryum) destiné à l’alourdir et, dans les champs de pétrole, l’acide chlorhydrique est utilisé  depuis une cinquantaine d’années pour augmenter la productivité d’un réservoir calcaire. En France comme aux Etats-Unis et dans de nombreux autres pays au monde, les sociétés de recherches pétrolières doivent tenir un registre de tous les produits utilisés en cours de forage.

A noter que les fonds marins recèlent vraisemblablement dans leurs profondeurs d’immenses bassins de schistes à gaz sous des épaisseurs d’eau assez conséquentes et probablement hors de portée économique de la technologie actuelle. Or les océans couvrent environ les 9 dixièmes de la surface du globe et la France possède le deuxième domaine maritime au monde. Il serait malvenu de vouloir interdire l’exploration et la production de gaz et d’huile de schistes sur le territoire national, ce qui ramènerait tôt ou tard la France à l’âge de pierre.

Dire que l’exploration et l’exploitation des huiles et gaz de schistes ne sont ni sans conséquence pour notre environnement ni sans risque pour notre santé est non seulement faux mais ridicule. La pollution des eaux, de l’air et du sol dont fait état le film GasLand ont été étudiés et démontés par la Commission de Contrôle des Gisements d’Huile et de Gaz du Colorado dont le Président, Dave Neslin, a offert à Josh Fox de le rencontrer, en Juin 2010, avant que le film GasLand ne soit projeté sur HBO mais Fox a refusé.

Dire que les conséquences environnementales sont extrêmement néfastes relève de l’affabulation. L’EPA (l’agence américaine de protection de l’environnement) a réfuté point par point toutes les affirmations de Josh Fox. Il serait trop long de les énumérer ici et nous tenons les preuves à votre disposition. En fait, nous vous suggérons d’auditionner l’un de nos adhérents qui s’est spécialisé depuis une quinzaine d’années dans les problèmes de gaz de schiste et pourra répondre aux questions que vous vous posez. La réunion pourrait avoir lieu dans les locaux de l’Assemblée Nationale ou dans ceux de l’UMP, à votre convenance, mais avant que l’irréparable ne soit commis.

Quant à dire que la technique de fracturation hydraulique présente un double inconvénient, celui de défigurer les paysages et de faire courir un risque aux nappes phréatiques, aux cultures et aux vignes (sic), il n’est guère possible d’y répondre avant d’avoir calculé l’âge du maitre foreur d’après la hauteur de son derrick !!!

Soyons sérieux. Quelques 6 000 forages ont été effectués en France dont 3 800 se trouvent dans le Bassin de Paris (soit environ 1 500 wildcats, ou forages d’exploration, qui ont découvert quelques 55 champs de pétrole et 1 champ de gaz au cours des années 50, quand beaucoup d’entre vous n’étaient pas encore nés, et 2 300 puits de développement).

A notre connaissance,  il n’y a jamais eu de nappes phréatiques contaminées pour la simple raison qu’elles ont toutes été tubées (c’est-à-dire qu’un cuvelage en acier a été cimenté au dessous de l’aquifère principal, en l’occurrence le calcaire de Champigny qui alimente le Melunois et la région parisienne en eau potable). Les vignes n’ont pas souffert que nous sachions et les champagnes de l’est du Bassin de Paris ne doivent rien au champ de gaz de Trois Fontaines découvert par COPAREX (devenu Lundin) dans les années 50 et toujours en production.

La fréquentation touristique n’a pas baissée et avec quelques 12 millions de visiteurs par an (à un ou deux millions près) Disneyland et la cathédrale de Reims sont toujours des destinations de choix.

En matière de pollution de nappes phréatiques, nous attirons votre attention sur le fait qu’en France, chaque année, 35 milliards de litres d’ eau sont utilisés pour laver des voitures, rames de wagons, aéronefs… etc et que si une grande partie de cette eau est récupérée et traitée, plusieurs milliards de litres chargés de détergent percolent dans le sol et se mélangent aux nappes phréatiques superficielles.

Quant à défigurer le paysage avec des tours de forages (derricks), nous noterons que, pour développer un champ d’hydrocarbures conventionnels, il convient d’effectuer un forage vertical tous les 500 m puis tous les 250 m au fur et à mesure de l’épuisement du champ (soit une cinquantaine de puits par champ) tandis qu’avec l’allongement des forages horizontaux (technique que l’on a développée en France depuis de très nombreuses années) on implante un forage tous les 2500 m et bientôt ce sera tous les 5000 m . Enfin, de tous les états américains, le Texas, avec ses 2 500 000 forages et ses 30 000 forages annuels, est une destination appréciée des Français.

Heureusement que Grenelle n’était qu’une banlieue lointaine lorsque nos aînés ont remplacé la traction hippomobile par la traction ferroviaire avec ses escarbilles qui devaient rôtir les épis de maïs sur pied, avant de devenir la première ceinture de Paris lorsque Blériot a traversé la Manche puis un quartier de blanchisseries lorsqu’à son tour Lindbergh a traversé l’Atlantique…et qu’heureusement le sacro-saint principe de précaution n’avait pas encore vu le jour.

Votre rôle d’élus est d’informer la population que des spécialistes de l’agit-prop ont affolée, alors que la lutte contre les OGM s’essoufflait (s’est on jamais demandé qui finançait le mouvement ?) et plutôt  que d’aboyer avec les loups vous feriez mieux de demander une modification des Règlements d’application du Code Minier visant à une meilleure répartition de la rente minière. En ces temps de régionalisation, il nous paraitrait normal d’augmenter la redevance versée aux départements et aux communes et de rémunérer les propriétaires du sol pour l’affouillement de leur sous-sol.

Le Gouvernement s’est doté d’un comité d’investigation sur le gaz de schiste composé de quatre Ingénieurs Généraux (Mines et Ponts) et votre Assemblée a confié à Messieurs François-Michel Gonnot et Philippe Martin une mission d’étude sur le sujet. Ne serait-il pas plus sage d’attendre leurs conclusions avant de prendre une décision lourde de conséquence et dont la paternité vous sera un jour reprochée ?

Nous réitérons notre proposition de mettre à votre disposition l’un de nos adhérents et, dans l’attente de votre réponse nous vous prions de croire, Monsieur le Député, à l’assurance de notre meilleure considération.

Le président                                                                                     Le vice-président
Jacques Sallibartant                                                                         Jean-Claude Rémondet

 En complément, vous trouverez ci-joint l’extrait d’un document que vient de publier l’ U.S. Energy Information Administration (EIA)  intitulé  World Shale Gas Resources: An Initial Assessment.
Ce document évalue le potentiel d’un certain nombre de bassins dans 32 pays dont la France, en indiquant le mode d’évaluation.
Les chiffres évoqués dans la lettre ci-dessus se retrouvent dans ce document : ce que l’on peut dire c’est que la France est avec la Pologne, le pays d’Europe qui a les plus importantes ressources.
Autrement dit nous sommes au dessus d’un tas d’or et nous ne voulons pas l’exploiter !

Consulter le document de l’.S. Energy Information Administration (EIA)

 

Copyright © 2011 Amicale des Foreurs et des Métiers du Pétrole. Tous droits réservés.
Design / Réalisation : scom communication avec JoomlArt.
Joomla

Quand on ne comprend pas tout (sur les gaz de schistes)

AVISSE ! UN GRAND RASSEMBLEMENT INTERNATIONAL CONSACRÉ À L’ÉNERGIE SE PRÉPARE POUR CET ÉTÉ 2011 SUR LE LARZAC. FAITES CIRCULER L’INFORMATION ! NOUS ALLONS AVOIR BESOIN DE BRAS, DE JAMBES ET DE TÊTES, PAR MILLIERS. AVISSE ! AVISSE À TOUS !

Surtout, garder la tête froide. Dans l’affaire sinistre des gaz et pétroles de schistes, les annonces fleurissent comme les cerisiers du printemps. C’est la fête, on se pousse du coude pour être sur la photo. En résumé, cela semble simple : c’est fini. Les députés socialistes préparent un projet de loi d’abrogation des permis. Une centaine de députés de différentes tendances sont déjà réunis dans un groupe de ferme opposition à cette nouvelle aventure industrielle. Mieux ou pis, doublant dans l’avant-dernière ligne droite les socialos, les députés UMP ont déposé leur propre projet, qu’il faudra bien entendu analyser à la loupe binoculaire. Dans l’état actuel des choses, emmenés par leur président Christian Jacob, ils réclament eux aussi l’interdiction pure et simple de l’exploration et donc, à fortiori, de l’exploitation des gaz et pétroles de schistes.

Ajoutons au pandémonium un autre projet de loi, déposé par l’inénarrable Jean-Louis Borloo, qui avait signé en mars 2010, alors qu’il était ministre de l’Écologie et de l’Énergie, certains des premiers permis. À l’insu de son plein gré. Un mot de commentaire sur ce roi bouffon déjà moqué ici il y a quelques jours. Il est assez grave, il est assez désespérant pour l’idée démocratique, que les journalistes politiques de notre pays, ignares il est vrai, et indifférents ô combien à ce qui touche à l’écologie, n’aient pas questionné Borloo sur ce qui est, d’évidence, une forfaiture.

Qui s’en soucie ? Personne apparemment. Il signe des actes lourds de conséquences pour le pays entier, puis demande leur abrogation un an plus tard, sans rien expliquer des mécanismes qui nous ont menés là. Qui décide de quoi ? Cette question me hante, et j’espère que vous êtes dans le même cas que moi. Qui a décidé jadis de nous faire vivre sous la menace de 58 réacteurs nucléaires ? Qui s’apprêtait à changer les plus belles régions de France en un eldorado de l’industrie lourde ? Moi, je le sais : un corps oligarchique, celui des Mines. Mais qui l’apprendra ailleurs ?

Passons aux leçons de l’événement, même s’il est trop tôt pour se montrer affirmatif. Je suis infiniment heureux, d’ores et déjà. Car nous avons, d’évidence, remporté une victoire éclatante. Elle ne marque nullement la fin d’un combat qui ne fait que commencer, mais elle va, à coup certain, donner de l’énergie à tous les combattants. Ainsi donc, preuve est faite que l’on peut affronter des forces puissantes, et les vaincre, au moins provisoirement. Nous avons tant besoin de bonnes nouvelles ! Simplement, il faut reconnaître que nous ne savons pas ce qui a conduit à ce spectaculaire recul. Il va de soi que la mobilisation immédiate et massive a joué un rôle-clé. Il va de soi également, et j’écris cela à dessein, pour les grincheux, que José Bové nous a beaucoup aidés. Bien des choses sérieuses me séparent de cet homme, mais bien davantage m’en rapprochent. Tout au long de cette première étape, que nous avons franchie ensemble, depuis la fin de l’été passé, José a constamment joué le jeu.

Et c’est de cela que je veux me souvenir aujourd’hui. Il fallait que ce mouvement soit incarné, et cet homme pouvait le faire. Il l’a fait. Je ne chipoterai donc pas mes remerciements. Derrière, juste derrière, des centaines d’activistes hors parti, suivis par des milliers d’enthousiastes, ont formé un mouvement sans vraie hiérarchie, bordélique, mais très efficace. Il n’est pas temps d’en faire le bilan, d’autant plus que la coordination que nous avons bâtie reste formidablement vivante. Elle va continuer de nous surprendre, j’en suis convaincu.

Que s’est-il passé pour que le système politique établi bascule si vite ? Je dois dire que je l’ignore. Je crois, sans préjuger du reste, qu’un emballement s’est produit au point de départ. Il a été clair, d’emblée, que le refus transcendait les frontières classiques. Et qu’il entraînerait, en cas de poursuite de la folie industrialiste sur le terrain, des troubles considérables. De nombreux notables, qui de droite qui de gauche, préparant leurs chères cantonales, ont été contraints, bien souvent, de prendre position. Elle ne pouvait qu’être contraire aux souhaits de l’industrie. À l’échelon supérieur, des conseils généraux, quelquefois de droite – l’Aveyron – et des Conseils régionaux ont embrayé, légitimant le combat au couteau qui se préparait. On peut, je le crois, parler d’une onde de choc qui a fini par ébranler les états-majors nationaux. Le cas de Christian Jacob, président du groupe UMP à l’Assemblée, est intéressant. Élu de la Seine-et-Marne, où l’opposition au pétrole de schistes est vive, il a évidemment pu jauger l’impact électoral prévisible de cette affaire, à un peu plus d’un an de législatives difficiles. À la marge, notons qu’il est chiraquien, et que chatouiller le nez de Sarkozy, très proche du dossier, n’a pas dû lui déplaire exagérément.

Tout cela explique-t-il la situation ? Non, il faut l’avouer. Des pièces essentielles du puzzle manquent. Et le mystère reste grand. Question : pourquoi les industriels, Total et GDF-Suez en tête, ont-ils été incapables de former un vrai lobby actif ? Pourquoi, alors que cela paraît si simple, les députés n’ont-ils pas été inondés d’invitations et de dépliants en couleur ? Je ne sais pas la réponse. Autant il est facile d’admettre qu’ils ont été bousculés dans un premier temps par notre vivacité, autant il est incompréhensible qu’ils n’aient pas réagi depuis. Autre questionnement : le rôle du corps des Mines, véritable inspirateur des permis d’exploration. Sa discrétion apparente m’étonne bien moins. Les Mineurs n’aiment pas la lumière. Leur biotope se trouve dans les bureaux lointains des administrations centrales. Ils ont l’habitude, de longue date, de diriger les affaires énergétiques de la France. Sans rendre le moindre compte à la société, ni d’ailleurs aux politiques.

En la circonstance,  je pressens qu’ils ont été stupéfiés par la marche des événements. Obtenir le contreseing d’un ministre comme Borloo, c’est enfantin. Défendre de manière contradictoire un projet qui s’attaque à des repères essentiels, comme le paysage, l’eau ou le climat, c’en est une autre. Je fais le pari que le corps des Mines a été proprement déstabilisé. La démocratie, ce n’est pas encore exactement comme l’oligarchie. Un peu de patience, messieurs les ingénieurs.

Une conclusion ? Je n’en vois qu’une. Après cette guerre-éclair, il serait désastreux pour tous de s’arrêter sur un tel chemin. D’autant que nos adversaires n’ont évidemment pas dit leur dernier mot. Nos « bonnes » transnationales iront chercher des gaz et pétroles de schistes ailleurs. Sarkozy ne laissera pas tomber Paul Desmarais ainsi. Le corps des Mines va se ressaisir. Tout cela a les meilleures chances de se produire. Mais au-delà, il me semble que la situation a rarement été meilleure pour une appropriation par la société de la question décisive de l’énergie. Les débats volés du passé, dont celui sur le programme électronucléaire, doivent rester derrière nous, et à jamais. Sur fond de cataclysme japonais – cette horreur continue à me ronger chaque jour -, il devient possible de relier tous les fils volontairement dispersés. Celui des gaz et des pétroles de schistes. Celui du nucléaire. Celui des énergies renouvelables.

Nous devons, car nous pouvons cette fois, exprimer les vrais besoins énergétiques de la société française. Loin des manœuvres étatiques. Loin des lobbies industriels, dont le seul programme est l’expansion sans fin. Mais avec les peuples du Sud. Les Chinois, les Indiens, les Africains, les Latinos, les nord-américains, tous nos voisins européens. Cela tombe bien : il se prépare un rassemblement mondial sur toutes ces questions, début août 2011, sur le plateau du Larzac. Vous n’avez tout simplement pas le droit de ne pas en être. Certains d’entre vous réclament régulièrement de l’action. Du concret. En voilà !

PS ajouté le 9 avril : Dans un commentaire, Jean-Pierre Jacob fait remarquer que j’ai oublié de parler de Gasland. Comme il a raison ! C’est évident ! Ce film a été à la fois éclairant, éclaireur, fédérateur. VIVE JOSH FOX !

Jean-Louis Borloo roi bouffon (sur les gaz de schistes)

Soudainement, je dois le reconnaître, les mots me manquent. Soit un type copain de trente ans avec Bernard Tapie et Michel Coencas (pour en savoir plus – il n’y a pas de petit profit -, voyez Qui a tué l’écologie ?). Jean-Louis Borloo a réussi, grâce au WWF, à Greenpeace, à la fondation Nicolas Hulot et à France Nature Environnement (FNE), une captation d’héritage. Lui qui n’a rien à voir avec l’écologie est devenu, par la grâce du Grenelle de l’Environnement, un écolo. J’utilise ce mot car je le déteste. Le mot. Borloo m’est simplement insupportable, sauf quand il me fait rire à pleurer. Et c’est le cas.

En avril 2010, lors qu’il était au sommet, quand il était ministre de l’Écologie – et de l’Énergie -, il a signé de son auguste mimine des autorisations d’exploration des gaz de schistes en France, provoquant la plus belle mobilisation vue depuis longtemps – hors toute véritable organisation – dans les profondeurs de notre peuple. On dira ce qu’on veut de Borloo, et Dieu sait que je ne me prive pas, mais c’est un authentique politicien. La carrière avant tout. Impossible de traîner cette lourde casserole au moment où il fourbit avec son cher Sarkozy des plans dont on nous dira sous peu des nouvelles. Il fallait bien sortir de ce piège infernal. Et Borloo, comme il a le culot sans limites d’un Tapie, a trouvé.

Vous trouverez quoi plus bas, sous la forme d’une dépêche de l’AFP. Je vous recommande de conserver ce document, car c’en est un de première importance. Parmi bien d’autres signaux, souvent plus retentissants il est vrai, cette nouvelle montre que la démocratie d’antan est morte. Et qu’il faut donc recommencer. Cela arrive. Cela s’appelle l’Histoire.

Gaz de schiste: interdire l’exploitation
AFP

04/04/2011 | Mise à jour : 17:48

L’ancien ministre de l’Ecologie Jean-Louis Borloo a annoncé lundi avoir déposé une proposition de loi à l’Assemblée nationale pour « donner à l’Etat les moyens d’interdire la recherche et l’exploitation immédiates » des gaz et huiles de schiste.

M. Borloo était ministre de l’Ecologie et de l’Energie quand ont été accordés, en 2010, trois permis d’exploration pour le gaz de schiste qui suscitent une forte mobilisation dans le sud de la France.?? »Le droit ne donne toujours pas à l’Etat et au public les moyens de s’informer et de s’opposer efficacement à des projets susceptibles de s’avérer dangereux », indique le communiqué de M. Borloo, désormais député (app. UMP) du Nord après le remaniement ministériel en novembre.

« S’il existe des lois spécifiques pour l’eau ou l’air, tel n’est pas le cas pour nos sols et sous-sols. C’est ainsi qu’en 2010, et d’ailleurs jusqu’à ce jour, l’Etat ne peut que difficilement s’opposer à des demandes de permis de recherche, et in fine d’exploitation », affirme ce texte. ??M. Borloo précise avoir déposé « une proposition de loi tendant à donner à l’Etat les moyens de mieux protéger nos sols et sous-sols et d’interdire la recherche et l’exploitation immédiates d’hydrocarbures non conventionnels ».

La semaine dernière, le groupe PS et le président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, Christian Jacob, avaient déjà déposé des propositions de loi dans le même sens.

Visite à l’Assemblée nationale (sur les gaz de schistes)

Comme à l’habitude en ce moment, pas le temps. Un mot toutefois concernant mon audition à l’Assemblée nationale, dans le cadre d’une mission d’information menée par le député UMP François-Michel Gonnot (Oise) et le député socialiste Philippe Martin (Gers). On arrive au 101 rue de l’Université, à Paris, et l’on se retrouve comme dans une salle d’embarquement aéroportuaire, avec portique de sécurité et tapis roulant envoyant ses rayons X dans mon pauvre sac à dos. Attention, ça ne plaisante pas. J’ai failli devoir enlever mes chaussures, dont le bout métallique faisait sonner les alarmes. Et puis non.

Ensuite, on laisse sa carte d’identité, on se pose un badge sur la chemise, et l’on part dans un périple labyrinthique qui mène en fait au 95 rue de l’Université. Mais pas question d’entrer par là. On peut sortir du 95, mais pas y entrer. On m’a gentiment fait patienter dans un « salon d’accueil » confortable, où j’ai failli fermer l’œil. Mais juste avant la fermeture des écoutilles, un administrateur de l’Assemblée – j’espère ne pas me tromper sur son statut, d’autant qu’il a été charmant – est entré et m’a conduit dans un bureau voisin où j’ai serré la main de nos deux élus. Je ne ferai pas d’autres commentaires sur leurs personnes, disons simplement que j’étais attentif aux mouvements de l’air.

Monsieur l’administrateur, qui aide au travail de la mission, était lui aussi présent, et m’a d’ailleurs posé deux ou trois questions. Pour le reste, disons que j’ai entendu (presque) exclusivement Philippe Martin. De mon côté, j’ai balancé calmement, mais sans me censurer, ce que je sais de l’aventure industrielle des gaz de schistes. Les liens entre le clan Bush et l’industrie pétrolière et gazière du Texas, qui expliquent pour une part le nombre effarant de puits en activité là-bas, soit plus de 500 000 pour les seuls gaz de schistes.

J’ai ensuite abondamment parlé du rôle historique et très politique du corps des ingénieurs des Mines dans la définition de la politique énergétique de la France. J’ai enfin pointé la proximité extrême de notre président, Nicolas Sarkozy, avec deux acteurs majeurs – côté industrie – du dossier, Albert Frère et Paul Desmarais. Je ne jurerais pas que tout le monde était aux anges. Voilà. Après, je suis reparti, et le temps était humide rue de l’Université. Je me suis demandé si la pluie de Paris contenait des microparticules d’iode 131 venues du Japon. J’ai pensé que oui. Et j’ai foncé au métro.