Archives mensuelles : janvier 2008

Hommage public à Jean-Marie Pelt

Il ne suffit pas d’éreinter comme je le fais si souvent. Il faut aussi saluer. Ne croyez pas, j’aime beaucoup reconnaître tous les mérites à ceux qui me semblent en être dignes. À bien y réfléchir, d’ailleurs, je vous ai déjà parlé de quantité d’excellents personnages, qui me plaisent, me ravissent souvent, et m’aident à vivre dans tous les cas.

Parmi eux, Jean-Marie Pelt. On le connaît. Pharmacien de profession, il est devenu un authentique écologiste. Il est aussi un orateur convaincant et ses très nombreux livres sont souvent – pas toujours, non – un bonheur. Sur le plan politique, nul doute qu’il est bien loin de moi. Démocrate-chrétien, catholique assumé, il s’est rapproché sur le tard de certains tenants de l’altermondialisme que je connais. Mais, on l’a compris, Jean-Marie Pelt n’a rien d’un rebelle.

Je l’ai rencontré à différentes reprises, toujours avec plaisir. Il sait raconter, il sait captiver même, et transmettre. Ce n’est pas un ami, certes non, mais ce n’est pas non plus un étranger. Il est un homme, qui a sa place dans ma bibliothèque comme dans ma vie.

Autant vous dire que quand j’ai ouvert l’un de ses derniers ouvrages, C’est vert et ça marche, j’ai eu un haut-le-coeur. Il consacrait en effet un chapitre court à la révolution des biocarburants au Brésil. Il applaudissait ce que je considère au plus profond de moi comme une entreprise criminelle ! Oh !

Je ne sais plus si c’est lui qui m’a appelé, pour autre chose. Ou moi, pour ça. Ce qui est certain, c’est que nous avons eu un échange téléphonique franc et direct, comme disent les diplomates. En résumé, je lui ai dit : « Non, pas vous et pas ça ! ». Il était évident, à la lecture, que Pelt était allé bien vite, bien trop vite.

Dans mon livre sur le sujet, La faim, la bagnole, le blé et nous, j’évoque cet épisode, précisant que je comptais bien sur un changement de discours de Jean-Marie Pelt. Eh bien, cela s’est produit, et comment ! Voici que je reçois ce samedi matin, au courrier, le dernier livre de Jean-Marie Pelt, Nature et Spiritualité. Il y ajoute un petit mot, dont j’extrais ceci : « Bien sûr que j’ai changé d’avis sur les agrocarburants en vous lisant. Je l’ai même dit sur France Inter ».

Et c’est vrai. On m’avait signalé son propos dans l’émission de l’ami Cheissoux, CO2 mon amour. Je ne sais pas ce que vous en pensez. Moi, c’est assez simple : je nomme cela de la noblesse de coeur et d’esprit. Merci à vous, Jean-Marie.

Procès de l’Érika : l’impossible condamnation

L’Érika. Soyons bref. Ce pétrolier sous pavillon maltais, affrété par Total, fait naufrage au large de la Bretagne le 12 décembre 1999. Une catastrophe écologique de plus. Le procès de la marée noire, ces derniers jours, a abouti à une condamnation de 192 millions d’euros, incluant les réparations. En première instance.

Bonne nouvelle ? Oui, si nous n’avions atteint les limites physiques de la planète. Oui, si nous avions des milliers d’années devant nous. Oui, si le monde ressemblait, par son organisation et ses lois, à ce que nous connaissons en France. Et donc, non, ce n’est pas une bonne nouvelle, car elle nous fait accroire. Voici pourquoi.

Avant tout, il faut rappeler que les marées noires sont consubstantielles à la mondialisation des échanges. Sur ce front ténébreux, nous avançons, si nous avançons, à la vitesse d’un Helix pomatia, nom savant de l’escargot de Bourgogne. Je rappellerai seulement le naufrage du Torrey Canyon, le 18 mars 1967. Grand émoi sur les côtes françaises de la Manche, grands trémolos. Les premiers du genre, qui devaient servir plus tard, dans des circonstances identiques, pour le Boehlen, l’Olympic Bravery, l’Amoco Cadiz, le Gino, le Tanio, l’Érika et le Prestige. Je ne cite que nos marées noires, bien entendu.

J’ai dans mon fatras quelques discours datés, que je vous épargne volontiers. La tonalité est toujours la même : Plus jamais ça ! Plus jamais, nous sommes bien d’accord. Le procès de l’Érika ne marque nul tournant, j’en suis désolé pour nous tous. Oh, il ne fait pas de doute qu’il modifiera à la marge le comportement de certains armateurs et affréteurs. De nouvelles ruses seront imaginées. Des parades. Des montages. Des écrans. L’imagination est au pouvoir, chez ces importants personnages.

Moi, je suis en train de lire un document glaçant, Gomorra, de l’Italien Roberto Saviano (Gallimard, 21 euros). Il explore le royaume de la Camorra, à Naples et dans toute la Campanie. Avec un premier chapitre consacré au port de Naples. Je n’avais jamais rien lu de tel. C’est le tableau détaillé de l’envers du décor, qu’on soupçonne sans connaître. La plupart des marchandises qui entrent viennent de Chine, dont une fraction décisive n’est évidemment pas déclarée. L’Italie se montre étonnamment accomodante avec ces nombreux Chinois qui achètent des immeubles d’habitation avant d’en abattre les murs intérieurs, pour en faire des entrepôts.

Un autre pays, cauchemardesque, a surgi à l’arrière des transports maritimes débridés. Avec de nouveaux habitants hagards. Avec des conditions de vie et de travail qui nous feraient mourir d’effroi. Avec des camions, par milliers. Avec des rocades, par centaines. Où vont les produits ? Chez nous. Et ailleurs. Mais chez nous.

Je n’ai pas envie de vous noyer sous les chiffres. Si le coeur vous en dit, allez voir les statistiques implacables de la Cnuced (www.unctad.org). J’en extrais, un peu au hasard, deux ou trois clés. En 1970, le monde transportait officiellement 2,566 milliards de tonnes de marchandises par bateaux. En 2005, 7,11 milliards de tonnes. Rien d’autre ne compte ni ne comptera. Aucun procès, aucune tribune.

Ce monde malade ne sait plus que faire circuler des marchandises, de plus en plus souvent frelatées. Des jouets, des fruits, des chemises, des montres, une infinité de babioles et de conneries. Et du pétrole, bien entendu. Et des déchets, évidemment, dont certains sont nucléaires. Pendant ce temps, la géographie physique se maintient vaille que vaille. On ne sache pas que Ouessant ait quitté la mer d’Iroise. On ne sache pas que le détroit de Malacca, entre Malaisie et Indonésie, ait émigré vers la Patagonie. Or ce détroit concentre une part monumentale du commerce maritime mondial, avec une largeur qui, en son point le plus étroit, ne dépasse pas 2,8 kilomètres. Qui pourrait arrêter les accidents dans ces conditions ?

Au total, 50 000 navires passent là chaque année, et ce n’est pas fini. Et près du quart du trafic mondial. Et près de la moitié du pétrole consommé sur terre. Sur le continent américain, on a fait mieux encore, en lançant, en septembre 2007, des travaux herculéens pour élargir le canal de Panamá, qui ne suffit plus à la tâche. N’oubliez jamais que les marées noires ne sont qu’une faible partie des relâchers massifs de pétrole dans les eaux de nos océans. Je n’ai pas le pourcentage sous la main, mais il est dérisoire. La pollution par hydrocarbures vient surtout du mouvement quotidien des flottes de commerce. Pour gagner du temps, un euro, un dollar ou un yuan, pressés par des armateurs qui se moquent de l’avenir comme d’une guigne, la plupart des capitaines dégazent en mer, nettoient leurs cuves en mer, dégueulassent tout ce qu’ils peuvent. En mer, loin des quelques regards chargés de la surveillance, cette mission impossible.

Croyez-moi, maudissez-moi, croyez-moi et maudissez-moi si vous voulez. Le problème n’est pas dans la loi. Ni dans la responsabilité, pourtant bien réelle, de tel ou tel capitaine d’industrie. Le problème, c’est la marchandise. L’économie. Cette perpétuelle inflation de la production, pour un bonheur toujours plus douteux. Le problème, c’est cette totalité, insuppportable.

Christophe Hondelatte est-il respectable ?

Ne cherchez pas, ce message n’a pas de rapport avec les questions que j’aborde ici d’habitude. Encore que. Je veux vous parler d’un journaliste, connu, Christophe Hondelatte. De son sens des responsabilités. De la valeur de ses proclamations. Et de ma totale indignation.

Voyons. Il y a de cela dix-neuf ans, en février 1989, je me suis intéressé, à contre-coeur, à une histoire abominable. Je travaillais alors pour un journal naissant, Politis. Un homme, Christian Marletta, avait été condamné à la prison à vie, en 1985, après avoir été arrêté en 1982, à Marseille.

La justice l’avait estimé coupable de l’enlèvement, de l’assassinat et du dépeçage d’une gosse de douze ans, Christelle. Depuis sa prison, il clamait son innocence. Je ne le croyais pas. Je ne crois pas facilement à l’erreur judiciaire. Mais assez vite, depuis Paris, il m’est apparu que cet homme n’avait pas été jugé dans des conditions acceptables.

Cela n’aurait pas suffi à m’entraîner dans une enquête. La barbarie des faits bloquait en moi la défense du principe. Mais. Mais à force de parler à tel ou tel, au téléphone, j’ai pensé qu’il fallait aller sur place. J’ai passé des semaines dantesques à Marseille, dont je suis le seul à connaître le poids écrasant. J’ai pensé, et je pense toujours, que Marletta n’est pas le coupable de cette abomination. J’ai pensé, et je pense encore que j’ai rencontré le véritable auteur de cet assassinat. Bien entendu, bien entendu, je peux me tromper. Telle n’est pas la question.

J’ai continué, au fil des ans, à défendre cet homme, et j’ai tenté, avec quelques autres, de le faire libérer. Je voulais qu’il sorte, et j’ai fait pour cela ce dont j’étais capable. Tout en étant obsédé par la responsabilité que je prenais. Cela n’a pas suffi. Marletta est resté vingt-quatre ans en prison. Depuis l’an passé, il suit une formation professionnelle et vit dans un petit village.

Il ne doit plus rien à la société des humains. Il est libre. Dans l’hypothèse même de sa culpabilité, il a payé. Mais cela, c’est compter sans la perversité des médias de masse, toujours à l’affût d’une audience plus haute que celle du concurrent. Il y a quelques mois, j’ai appris que Christophe Hondelatte, journaliste de télé bien connu, préparait une émission sur Marletta, dans le cadre de sa série Faites entrer l’accusé, sur France 2.

Comprenant sur l’instant qu’une telle émission ne pourrait que ruiner les chances de réinsertion de Marletta, surtout dans un village où tout le monde se connaît, j’ai appelé des collaborateurs de Hondelatte, dont son réalisateur, Nicolas Glimois. J’ai cru, dans ma stupidité, les avoir convaincus de renoncer.

Voici trois semaines, j’ai appris que l’émission était programmée pour le mardi 22 janvier. Un ami m’a donné le numéro de portable de Hondelatte, à qui j’ai laissé trois messages très explicites. Il m’a, de son côté, laissé un très court propos sur mon répondeur. Mais ce matin, miracle, je l’ai eu directement. Impossible de vous raconter dans le détail, tant ma colère était grande. Le fait certain, c’est que Hondelatte a prétendu que Marletta ne s’était pas opposé à l’émission. Vous allez juger par vous-même. Il a insisté, je vous le jure, sur les vertus « pédagogiques » de son travail. Il a aussi utilisé cette expression, qui n’est pas passée : « Mon pauvre ami… ». Alors, je l’ai violemment secoué, avant de lui raccrocher au nez.

Ce n’est pas encore terminé. Le 28 janvier 2005, à la suite d’un portait de lui publié dans le quotidien Libération, Hondelatte a tout envoyé promener. Il présentait jusqu’à ce jour le journal télévisé de 13 heures, sur France 2. Sans prévenir, sans préavis d’aucune sorte, il est parti. On ne donnait pas cher, à l’époque, des suites de sa carrière. Pourquoi cet emportement ? Parce que Libération avait évoqué ce que le journal considérait comme un secret dans la vie privée de Hondelatte.

C’est cet homme qui croit pouvoir s’asseoir, sans aucun état d’âme, sur la personne de Christian Marletta et tous ceux, dont je suis, qui l’accompagnent au long de cette vie si singulière. Christophe Hondelatte est-il respectable ? Vous n’avez pas besoin de ma réponse, mais je tiens néanmoins à vous livrer un extrait d’une lettre qui lui a été adressée par Marletta. Après tout, ce long papier que je viens d’écrire a peut-être à voir avec ce que je vous livre chaque jour ou presque. Car sans un considérable sursaut moral, qui balaierait – provisoirement en tout cas -, les si nombreux Hondelatte de la création, comment pourrait-on avancer ? Comment pourrait-on, avec quelque chance de succès, défendre la vie sur terre ?

Voici l’extrait de la lettre de Christian Marletta à Christophe Hondelatte :
Monsieur,

Je m’adresse à vous en dernier recours au sujet de l’émission relative à «l’ affaire Marletta » laquelle sera prochainement diffusée contre ma volonté et celle de mes proches.
Ma nouvelle vie s’annonçait bien. Seul point noir, votre émission !
Toute ma famille et moi-même sommes consternés. Actuellement je suis en formation professionnelle et, d’ores et déjà, ce stage devrait déboucher sur une embauche. J’ai rencontré les journalistes avec mon avocate (M° Dreyfus-Schmidt Corinne) pour les convaincre de renoncer à l’émission. Pas question, il paraît que ce sera une « oeuvre pédagogique » !
Je leur ai bien expliqué combien cela serait négatif pour ma vie et celle de mes proches (…)

Je veux croire que cette lettre, que ma conscience et le respect de mes proches m’ont dictée, vous conduira à renoncer à votre projet. Dans le cas contraire, vous saurez que vous me portez gravement atteinte ainsi qu’à tous mes proches et à ceux qui, professionnellement, me font confiance.

Salutations
Christian Marletta.

Un nouveau compagnon

En complément de l’article précédent, écrit ce matin du 16 janvier, une brève mention de la visite à Paris du prix Nobel de la Paix Rajendra Pachauri (http://afp.google.com/article). J’ai donc un compagnon de plus, et je ne m’en plains pas.

Le président du Groupe d’experts sur le changement climatique, ou Giec, prône un changement de mode de vie basé sur une moindre consommation de viande, une moindre utilisation de la bagnole et un moindre gaspillage au travers du shopping. Entre ici, Jean Moulin !

Au passage, cette lourde pierre dans le jardin vert de Pierre Radanne (http://fabrice-nicolino.com). Pachauri, qui est Indien, condamne sans appel la bagnole à 1700 euros, la Tata. Après avoir déclaré, il y a quelques jours, qu’elle serait un « cauchemar pour l’environnement », il récidive, déclarant selon l’AFP : « Ce n’est certainement pas la solution dans un pays comme l’Inde, avec tellement de pauvres. Il vaudrait mieux développer les transports publics ». Entre ici, etc.

Nota bene : Tout le monde ne connaît pas le discours d’André Malraux, en 1964, au moment du transfert des cendres de Jean Moulin, responsable de la Résistance, au Panthéon. Il se trouve que je me souviendrai toujours de cette voix, de ce ton, et de ce début de phrase : « Entre ici, Jean Moulin ».

Bien choisir ses compagnons

Promis, je vais tâcher de ne pas vous assommer de mauvaises nouvelles. Il n’y aurait pas à chercher loin, vous le savez. Mais avant d’en arriver où je souhaite, je me dois de vous signaler deux faits, très brutaux.

Le premier concerne l’Antarctique, ce continent de l’extrême sud qui commande en partie le climat de la planète et le niveau des océans mondiaux. Une équipe du Jet Propulsion Laboratory de la NASA vient de publier une étude fracassante, le mot n’est pas trop fort, dans la revue Nature Geoscience. La conclusion est simple : ça fond. Beaucoup plus vite que prévu. L’estimation parle de 192 milliards de tonnes (Gt) en 2006, cette fonte étant concentrée dans la partie ouest de l’Antarctique.

Le second touche l’Arctique, le nord donc, dont le réchauffement est deux fois plus rapide qu’ailleurs sur terre. En 2007, la fonte de la banquise a battu un record amplement historique. En septembre, les glaces ne couvraient plus que 4 millions de km2 de l’océan, en recul de 23 % par rappport au niveau le plus bas, enregistré en 2005. Le si fameux passage du Nord-Ouest a pu être emprunté pendant cinq semaines par les navires, en août et même en septembre : du jamais vu. Même constat au Groenland.

Alors ? Ce n’est pas rigolo, car ce qui se cache derrière ces phénomènes, c’est que les prévisions officielles, pourtant sinistres, sont bien trop optimistes. Le Giec, ce groupe de spécialistes internationaux du climat, produit depuis vingt ans des rapports peu à peu démentis par l’évolution réelle de la crise.

Où allons-nous ? Je ne le sais pas plus que vous, mais nous y allons de plus en plus vite. Bien entendu, ces craintes majeures mettent en mouvement des millions d’êtres humains. Pour le meilleur souvent, mais pas toujours, il s’en faut. Car la mobilisation en cours crée aussi, dans son sillage, quantité de niches, postes et hochets de toutes sortes.

C’est fatal, nul n’y peut rien. Comités Théodule, instituts machin-chose, commissions, bureaux, expertises, commentaires à la télé ou à la radio, jetons de présence, etc. Je le répète, c’est inévitable. Mais pour être sur la photo, pour être considéré, pour être accepté par la machine dominante, il faut donner des gages de bienséance. Encore heureux ! Imaginez qu’un écologiste vienne en direct condamner en bloc l’économie, la marchandise et l’aliénation. Cela ferait désordre et, notez, cela ne s’est pas encore vu. Sauf pour d’expresses raisons de folklore.

En revanche, on trouvera toujours des Pierre Radanne et des Dominique Voynet. Si je prends ces deux noms, qu’on me croie ou non, ce n’est pas par détestation. Non. Radanne (http://fabrice-nicolino.com), que je sache du moins, est un homme honnête, et sincère. Voynet, de son côté, même si je l’ai souvent secouée, vaut largement d’autres politiques. Ce qui n’est pas sous ma plume, il est vrai, un très grand compliment.

Radanne est devenu un expert « vert ». Qu’on invite et qu’on reçoit. Que les patrons tutoient. Qui tutoie les patrons. Mais pour en arriver là, bien entendu, il lui aura fallu polir son propos, arrondir les angles et finir par admettre que les solutions peuvent être trouvées dans les marges du système. D’où cet incroyable soutien à la voiture indienne Tata, sur quoi je ne reviens pas.

Voynet, de son côté, entendait faire carrière. Depuis quand ? Est-ce que je sais ? Une chose est sûre, il lui fallait adapter son discours. Car les socialistes qui lui ont offert son poste de sénatrice n’auraient pas dealé avec une écologiste véritable. Laquelle n’aurait d’ailleurs rien demandé.

Ce processus est vieux comme le monde, et ne m’émeut plus guère. Pour ne prendre qu’un exemple, le mouvement socialiste, entre 1880 et aujourd’hui, n’a cessé de perdre, génération après génération, ses plus fougueux partisans. L’on commençait par hurler : « Mort à la guerre ! », et puis l’on se retrouvait dans un gouvernement anti-boches, sous la conduite de Clemenceau. Ou bien l’on parlait jusqu’à l’ivresse de révolution sociale – le cas Mollet – avant que de couvrir la torture de masse en Algérie.

Non, rien de neuf. Mais ce qui reste essentiel, selon moi, c’est de distinguer. De très nombreuses personnes sont sincèrement à la recherche d’une voie. Et parmi elles, quantité dont je me sépare, par des points essentiels de mon itinéraire ou de ma pensée. De cela, je me moque bien, je vous le jure.

Car ce qui compte, c’est la vérité. Ou la cohérence, pour reprendre le nom d’un formidable réseau créé en Bretagne par un homme que j’admire, Jean-Claude Pierre. Le réseau Cohérence rassemble 140 associations de cette seule région, autour d’un objectif central de « développement durable et solidaire ». Je ne crois pas au développement durable, et pourtant j’applaudis. Jean-Claude, à mon sens, prépare le terrain aux mutations majeures qui sont devant nous. Il parle aux élus – de droite ou de gauche -, aux patrons, aux syndicats, aux paysans même. Et les incite à bouger. Et leur montre, conduisant des délégations en Allemagne ou en Suisse, le mouvement réel en marche.

A Lorient, il est parvenu, avec une poignée d’amis, à stopper un projet de barrage sur le Scorff, et à convaincre la mairie d’installer un chauffage au bois pour tous les équipements publics. Et à diminuer sensiblement la facture d’eau – par une baisse de la consommation – des usagers. Et, et, et, je n’en finirais plus.

Quelle différence entre un Pierre Radanne et un Jean-Claude Pierre ? Le premier a couru si vite derrière la réalité que celle-ci l’a rattrapé, et digéré. Le second a conservé ses semelles de vent. Et n’oubliera jamais de rêver.