Archives mensuelles : juin 2009

Un mot sur le racisme

On lira – ou pas – le commentaire que j’ai fait à la suite de l’article consacré à Hugo Chávez. Un lecteur de ce site, Raton Laveur, m’a alerté sur une ignominie. Un autre lecteur – Thierry – conseillait la lecture d’un livre antisémite. Je voudrais juste vous dire un mot personnel sur le racisme. Nous sommes le 21 juin 2009, et voici 36 ans aujourd’hui, j’étais dans les rues de Paris.

Le 21 juin 1973, alors que j’avais 17 ans, le mouvement fasciste Ordre Nouveau organisait au Palais de la Mutualité, à Paris, un meeting raciste au titre explicite : « Halte à l’immigration sauvage ! ». Ceux qui étaient visés étaient sans contestation possible les travailleurs arabes de France, dix ans après la fin de la guerre d’Algérie. Les crimes racistes étaient alors monnaie courante. Je m’en souviens tristement comme si c’était hier.

Une poignée de mouvements d’extrême-gauche décidèrent une contre-manifestation destinée à empêcher par la force la tenue de ce rassemblement. Je dis par la force, car c’est ainsi que nombre de conflits se réglaient, dans l’après-68. Le ministre de l’Intérieur, Raymond Marcellin, interdit tout regroupement antifasciste, mais les organisateurs décidèrent de passer outre. Et cette journée du 21 juin 1973 reste gravée dans la tête des 1500 à 2000 jeunes présents autour de la Mutualité, casqués et dotés de barres de fer, prêts à en découdre tant avec les nazillons qu’avec les policiers.

J’en étais. J’étais là avec mes amis de l’époque, moi le jeune banlieusard révolté. Avec Ben, Jean-Pierre, Jean-Jacques, Luc j’imagine. Ce fut la manifestation la plus violente de ces années pourtant extrêmes. Environ 75 policiers furent hospitalisés, et le meeting eut lieu,  sous la protection des CRS et des gendarmes mobiles. Je dois dire que je ne regrette rien. J’ai changé fondamentalement de pensée, j’ai renoncé à la violence pour exprimer mes idées, je ne suis plus le même. Mais je ne regrette pas d’avoir été présent ce jour-là, dans ces conditions-là. Car le racisme demeure à mes yeux une abomination qui commande de se lever à la seconde. J’ai continué à me lever plus d’une fois, et j’espère bien le faire jusqu’au bout.

PS : Je ne pourrai pas intervenir demain lundi 22 juin. Il faudra, en cas de nécessité se rapportant à cette triste affaire, attendre mardi.

 

Hugo Chávez est un salaud

Parler de ce bonhomme-là ici ? Cela ne va pas de soi. Le président du Venezuela se désintéresse totalement de la crise écologique. Son projet infâme de gazoduc à travers l’Amazonie a été stoppé par…le Brésilien Lula, adepte du soja transgénique et des biocarburants. Vive les gauches, hein ? Ce qui compte réellement, pour Chávez, ce sont les cojones. Celles qui apparaissent sous la culotte vert olive. Celles qu’on sortira si nécessaire pour montrer qu’on en a. Des cojones. Des couilles, bien sûr. Je crois que peu de lecteurs français imaginent à quel point le machisme traverse aujourd’hui encore toutes les sociétés latino-américaines, et leurs « élites » politiques.

Mais de cela, en la circonstance, je me fiche bien. Ce qui compte ce jour, c’est le fervent soutien que Hugo Chávez vient d’apporter à la petite frappe fascistoïde qui préside au destin de l’Iran, vous aurez reconnu Mahmoud Ahmadinejad. La situation à Téhéran ne saurait être plus claire : le tyran a perdu les élections, et de très loin. Le scénario de la fraude est même connu dans le détail grâce à un fonctionnaire d’un rare courage, qui a tout raconté. Mais Chávez considère pour sa part comme une « extraordinaria jornada democrática » la farce de Téhéran. Et Ahmadinejad comme « un amigo, un hermano de Venezuela », mais aussi un « valiente luchador en la defensa de la revolución islámica y contra el capitalismo (ici) ». Je ne pense pas que vous ayez besoin de traduction. De toute façon, on trouve la même chose en français : « Le Venezuela exprime son ferme rejet de la campagne de discrédit, féroce et infondée, déclenchée à l’étranger contre les institutions de la République islamique d’Iran, avec l’objectif de troubler le climat politique de ce pays frère (ici) ».

Si j’évoque Chávez, c’est pour la même raison que je parle de telle ou telle aventure politique. Nous sommes aveugles. Sourds. Imbéciles. Embarqués dans de pauvres croyances qui doivent à toute force disparaître, de manière que nous puissions bâtir sur de vraies fondations. Nombre de personnes critiques apprécient le président vénézuélien. En particulier dans cette frange altermondialiste qui ne sait pas faire le deuil de la culture stalinienne, laquelle inclut l’adoration du chef et de l’autorité en général. Sans remonter à Mathusalem, on aura vu, depuis cinquante ans, la plupart des gauches radicales françaises se vautrer dans le vil soutien à Castro, puis au Nicaragua de Daniel Ortega – lui aussi vient de tricher aux dernières élections locales – , enfin dans une filandreuse « solidarité » avec Chávez. Un journal comme Le Monde Diplomatique est le symbole le plus puissant de ce tropisme insupportable à mes yeux.

L’affaire Chávez-Ahmadinejad, car il faut l’appeler ainsi, a un arrière-plan terrible. Je ne suis pas de ceux qui crient à l’antisémitisme à tout instant. Je sais la politique coloniale d’Israël à l’encontre des Palestiniens. Mais je sais aussi que l’antisémitisme existe, et qu’il est une merde de l’esprit humain. Or il ne fait pas de doute pour moi – j’ai déjà eu l’occasion de le dire ici ou là, pas nécessairement sur ce blog -,  que  Chávez est antisémite. Je rappelle qu’il doit une bonne part de son abominable formation politique à un négationniste argentin appelé Norberto Ceresole.

Un négationniste de la Shoah, comme l’est Ahmadinejad. Est-ce un hasard ? Bien entendu, je ne peux administrer de preuve, mais je crois à un accord fondamental entre les deux hommes, sur fond d’antisémitisme. Attention ! Ceresole, mort en 2003, était une authentique canaille, liée à la pire racaille fasciste d’Argentine. Il était l’ami des militaires, ces tortionnaires qui tuèrent par milliers leurs opposants à la fin des années 70. Néanmoins,le 21 mai 2006, au cours de sa fameuse émission télévisée Aló Presidente, Chávez osait encore parler de Ceresole comme d’« un grand ami ». Ajoutant : « il était un intellectuel respectable ».

Pour en revenir à nos oignons hexagonaux, et pour reprendre la métaphore sur les fondations, si nécessaires à notre ouvrage commun, je dirai volontiers que nul ne peut construire longtemps sur du sable. Il est temps d’appeler Chávez un salaud.

Besset, Bové, Jadot (et Guy Mollet)

Encore une polémique ? Je ne crois pas. Je pense plutôt que ce qui suit est l’amorce d’un débat. Que j’aie raison ou tort ne change rien à ma bonne foi. Je suis plus convaincu que jamais qu’il faut ouvrir toutes les écoutilles. Le vent du large doit passer !

Nous ne pouvons être tous d’accord, même ici. Je connais pour ma part, personnellement, trois des nouveaux députés écologistes. D’abord Yannick Jadot, ancien de Greenpeace. Ensuite José Bové, et depuis bien plus longtemps qu’il ne passe dans le poste. Enfin Jean-Paul Besset, mon cher vieil ami de vingt ans, pour qui j’ai de l’affection.

Aucun d’entre eux ne mérite le bûcher. José, malgré les critiques que je lui ai souvent faites, a joué un rôle important en France depuis 35 ans. Je n’oublie pas un instant qu’il s’installa sur le plateau du Larzac quand tant d’autres passaient leur chemin. Yannick me semble très attiré par la carrière politique, mais après tout, ce n’est pas un crime. Quant à Jean-Paul, je sais son honnêteté insigne, sa sincérité, sa valeur.

Mais alors, d’où vient mon opposition à ce que je considère comme une distribution de calmants et d’hypnotiques ? D’où vient que leur élection me gêne tant ? Voyez-vous, c’est presque simple : ces gens sont dans le cadre. Oui, malgré leurs discours – et à cause d’eux -, ils agissent exactement comme si la vraie crise, celle qui mord la nuque, répand la famine et broie les cerveaux n’était pas à nos portes. Ils sont les véhicules de l’illusion. On eût appelé cela sans détour, dans mon jeune temps, du « crétinisme parlementaire ». C’est-à-dire une certaine façon de poser – et de penser résoudre – nos problèmes.

Tout est question d’appréciation. Si nous disposons de temps, comme certains d’entre vous semblent le penser, eh bien, pourquoi pas Bruxelles et Strasbourg ? Pourquoi pas des manifestes qui n’engagent que leurs rares lecteurs ? Pourquoi pas un prochain rendez-vous dans cinq ans, qui préparera au mieux le rendez-vous de 2020 qui lui-même, etc. Les écologistes officiels, pardonnez-moi si vous le pouvez, se comportent comme les radicaux-socialistes de la Troisième République. Ou encore comme les mollettistes de l’ancien parti socialiste, appelé SFIO. Mollettiste vient de Mollet, Guy, chef du parti qui braillait toujours des discours gauchisants pour mieux couvrir d’infectes pratiques, comme en Algérie par exemple.

Je ne dis pas que les écologistes officiels sont comme lui. J’affirme qu’ils utilisent des méthodes très ressemblantes. Un Cochet fera claquer des dents sur la crise du pétrole pour, la minute suivante, se demander gravement s’il faut aller assister au discours de Sarkozy devant le Congrès à Versailles. Et les exemples sont si nombreux que je pourrais en distribuer à chacun d’entre vous. Baste ! Le moment est venu de changer. C’est bête, n’est-ce pas ? Sans doute, mais changer signifie rompre. Innover. Inventer de nouvelles pratiques et de nouvelles représentations. Now ! comme on dit dans les séries américaines pour marquer qu’on ne plaisante plus. Now !

Le temps passé dans des cirques électoraux qui n’ont rien changé d’important et ne changeront rien d’important est un temps perdu à jamais. Ceux qui jouent encore perdent à coup certain. Il n’est aucune autre urgence que de trouver la manière de signifier notre refus radical de ce monde et de ses objectifs. Je vous rassure, je ne prétends pas avoir trouvé. Mais je cherche, Par Dieu ! Je cherche. Je ne dis pas que Jadot, Bové ou Besset sont des traîtres à la cause ou des imbéciles. Je dis, parce que je le crois, qu’ils se trompent lourdement. Très lourdement. Mutatis mutandis, ils nous jouent la sérénade de l’automne 1938, après les soi-disant accords de Munich. Ils pensent qu’on peut éviter la guerre. Mais elle est déjà là. Seulement, nous n’avons pas – pas encore -, les yeux pour la voir. Croyez-moi, j’aimerais beaucoup me tromper sur toute la ligne. J’en serais heureux pour la raison que je préfère regarder pousser les arbres et chanter le rouge-queue noir. Vrai, le temps étant compté pour chacun, je préférerais le passer en bonne compagnie, dans toutes les positions souhaitables et avantageuses. Mais je ne puis.

Mañana por la mañana (confirmation péruvienne)

La victoire se précise. A-t-il dû avoir peur, ce bon monsieur Alan García ! Je vous ai parlé ces derniers jours de la révolte des Indiens de l’Amazonie péruvienne, qui refusaient, ces imbéciles, de voir la grande forêt tomber aux mains des transnationales. Peut-être une vingtaine de policiers sont-ils morts au cours des émeutes de Bagua, à 1 000 km au nord de Lima. Le président péruvien jouait encore, ces tout derniers jours, les hommes inflexibles. Son chef de cabinet Yehude Simon menaçait les Indiens des pires représailles, ajoutant comme le mauvais comédien qu’il est : « Hay una deuda muy grande e inmensa con los policías mártires, tengo que reunirme con los familiares para decirles primero que el Estado no los va a olvidar y la patria tiene un agradecimiento fundamental con ellos ». En gros, que l’État n’oubliera pas les policiers martyrs et que la patrie leur doit un immense remerciement. Tu parles !

García s’est tout simplement écrasé,  et les deux décrets qui ouvraient la voie à l’exploitation tous azimuts du pays indien et de la forêt seront annulés, purement et simplement. Ridicule, un peu plus ridicule qu’à l’ordinaire, García a dit souhaiter  « un espacio de reconciliación, pacificación y espera (ici) ». On le croit, cela ne fait pas l’ombre d’un doute. En attendant, esperando, les Indiens nous administrent la preuve qu’il faut parfois savoir ne pas reculer. Ils ne le sauront jamais, mais je les embrasse.

Complément made in France (sur Bové et Cohn-Bendit)

L’article précédent sur la Chine manque singulièrement de ce petit ajout sur la France. En plus du reste, nous sommes d’évidence plongés dans une confusion mentale ébouriffante. Si ébouriffante même que rien de sérieux ne sera gagné – je vous donne là ma conviction profonde – tant qu’elle perdurera.

Je ne vais pas être long, car vous savez tout comme moi la forme de la pantomime en cours. La liste Europe-Écologie a réussi une percée aux dernières élections européennes. Je n’y reviens pas. Ou plutôt, je reviens une seconde sur l’alliance extraordinaire conclue pour l’occasion entre Cohn-Bendit et Bové. Le premier avait appelé à voter oui au traité européen, en 2005, qui ouvrait un peu plus la voie à la destruction du monde par la production et la vente de marchandises. Ce qui est d’une logique parfaite, car Cohn-Bendit est le défenseur du « libéralisme économique », dont on admire les résultats à chaque seconde qui passe.

Mais la chose rigolote – si, rions malgré tout -, c’est qu’en 2007, José Bové entraînait dans son aventure personnelle des élections présidentielles quelques centaines de militants sincères, qui pensaient alors poursuivre le combat engagé en 2005 contre le traité européen. Bové était en effet de tous les meetings en compagnie de Buffet, Mélenchon, Besancenot et consorts. Poing levé, comme il se doit. À cette date affreusement lointaine, il considérait cette Europe-là comme le symbole du malheur social et écologique. Puis, en 2007, cohérent comme ce ne devrait pas être permis, il annonçait venu « le temps de l’insurrection électorale contre le libéralisme économique ». Rien que cela.

Et puis donc, cette alliance. Aucune explication. Aucun clarification. C’était ainsi. Ce sera comme cela. À prendre ou à laisser. Je vois dans ces sinuosités sans fin l’un des fondements principaux de la crise des esprits. Et, partant, de notre incapacité à seulement penser la crise écologique. Quant à s’interroger sur les liens entre consommation ici et désastres continus en Chine, évidemment, cela reste hors de portée. Je sais bien que c’est désagréable à lire. Mais la situation est désagréable. Il me semble bien.