Archives mensuelles : janvier 2011

Une pétition de combat (sur les gaz de schistes)

La bataille contre l’exploitation des gaz de schistes en France commence. Il y a une pétition. Je n’accorde pas une importance démesurée aux pétitions, mais je viens de signer celle dont le texte figure ci-dessous, que je lance avec José Bové et une poignée d’amis. L’objectif n’est pas d’attraper quelques signatures, mais de faire déferler des milliers, des dizaines, des centaines de milliers de volontés. Et c’est pourquoi je vous demande avec solennité de signer et de faire circuler ce texte. À lui seul, il n’est rien. Mais si on le voit comme un début – c’est mon cas -, il peut et doit servir de socle. Utilisez vos carnets d’adresse. De la première à la dernière. Nous sommes face à la barbarie dans toute sa splendeur morbide. Ils veulent achever le travail si bien commencé, et détruire ce qui reste encore hors de leur portée. Je vous le dis comme je le pense : il faut se lever. Tous, et très vite. Compte tenu des enjeux, ce texte restera en ligne quelques jours sur Planète sans visa. En avant !

Gaz de schiste : non merci !

Sans aucune information, sans aucune consultation, le gouvernement français  a offert, à des sociétés nationales et étrangères le droit d’explorer le sous-sol français à la recherche de gaz et de pétrole de schiste.

La technique pour ramener le gaz à la surface est nouvelle, délicate et surtout, désastreuse sur le plan environnemental. La «fracturation hydraulique horizontale», consiste à provoquer des failles à l’aide d’un liquide envoyé à très forte pression, pour libérer le gaz et le pétrole pris dans la roche compacte, à environ 2000 mètres de profondeur. Trois «ingrédients» sont nécessaires pour créer ces mini séismes : des quantités phénoménales d’eau (entre 15 000 et 20 000 m3), des produits chimiques (plus de 500) pour attaquer la roche et des micro-billes pour maintenir ouvertes les failles.

Aux Etats-Unis, le bilan de l’extraction de ces énergies fossiles est catastrophique : pollution massive des nappes phréatiques et de l’air, destruction des paysages et de milieux naturels, etc. Leur exploitation, en France, conduirait inéluctablement aux mêmes dégâts ainsi qu’à des émissions accrues de gaz à effet de serre, alors même que notre pays s’est engagé à les diviser par quatre.

Les autorisations de prospection sur plus de 10% du territoire ont été accordées sans débat sur les besoins énergétiques à moyen et long terme, sans discussion sur la nécessité de lutter contre le gaspillage, rechercher une meilleure efficacité énergétique et les alternatives renouvelables.

Pour toutes ces raisons, nous exigeons un débat public avec la société civile, les élus locaux et nationaux, pour dresser un inventaire complet des conséquences environnementales, sanitaires, économiques et sociales de cette «nouvelle folie industrielle».

C’est pourquoi nous demandons un gel immédiat des prospections et la suspension des permis de recherche de gaz et pétrole de schiste sur l’ensemble du territoire français.

Coordination des collectifs pour un moratoire sur la prospection du gaz de schiste

POUR SIGNER EN LIGNE : http://www.petitions24.net/signatures/gaz_de_schiste__non_merci

Quand Borloo se met hors-la-loi (sur les gaz de schistes)

En décembre 2007, Borloo, devenu ministre de l’Écologie, se baigne à Bali (Indonésie), bien entendu sous l’objectif des caméras. S’il plonge ainsi dans l’océan le 13 décembre 2007, en marge de négociations internationales sur la question climatique, c’est pour réimplanter un morceau de corail sur un massif malmené. En tout point charmant. Borloo prétendra que l’opération n’était pas prévue au programme – télés, radios, journaux étaient bien entendu présents – et pour preuve, prétendra ne pas disposer de maillot de bain ad hoc. On verra donc le ministre, qui pilote alors le Grenelle de l’Environnement depuis septembre, sauter à l’eau dans un caleçon bleu qu’on vient par miracle de lui trouver. Bleu comme la mer. Comme c’est beau.

Nul ne s’en souvient, pour cause, mais alors, tous les écologistes officiels, du WWF à France Nature Environnement (FNE), en passant par la fondation Hulot et Greenpeace, ne tarissaient pas d’éloges sur le grand écologiste que Sarkozy avait donné à la France. Tous lui donnaient du Jean-Louis, le tutoyant et trinquant à l’occasion. Un petit monsieur nommé Arnaud Gossement, en ce temps porte-parole de FNE, est aujourd’hui (discrètement) lancé en politique au côté du Parti radical de Borloo, et je vous fais le pari qu’il réapparaîtra avant l’élection présidentielle de 2010. Hulot, de son côté, continue à voir son « ami » Borloo. Pour les autres, je ne sais. Mais je serais fort étonné que le contact ait été rompu. C’est trop bon. Dès qu’on a goûté, on en reprend.

Pourquoi évoquer Borloo, dont la personne m’indiffère tant ? Parce qu’il est une quintessence de ce qu’est devenue la politique. Un jeu de farces et attrapes. Ou de bonneteau. De loin, ce serait presque rigolo. De près, attention aux vomissures. Je veux parler d’une simple signature, qui engage pleinement la responsabilité personnelle de Jean-Louis Borloo. En catimini, sans en dire un mot, l’ancien ministre de « l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat » – son titre officiel -, a signé le 1er mars 2010 des arrêtés scélérats. Je vous en cite un, qui vaut pour tous les autres : « Par arrêté du ministre d’État (…) le permis exclusif de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux dit « Permis de Villeneuve de Berg » est accordé à la société Schuepbach Energy LLC pour une durée de trois ans à compter de la date de publication du présent arrêté au Journal officiel de la République française. Pour cette période, l’engagement financier souscrit par la société est de 39 933 700 euros ».

La même autorisation, qui concerne aussi bien le pétrole que le gaz, a été accordée sur environ 8 % du territoire français. Je n’ai pas le décompte précis, mais tel est l’ordre de grandeur : 40 000 km2. De quoi s’agit-il ? Grâce à une nouvelle technique dite de « fracturation hydraulique », il est désormais possible d’exploiter des gaz et pétroles « non conventionnels » piégés dans des roches sédimentaires profondes, dont des schistes. Le petit malin qui a inventé cela [ajout le 11 janvier 2011 : la question de la fracturation hydraulique est plus complexe que ce que je croyais. Mais Halliburton est bien leader] est la société américaine Halliburton, longtemps dirigée par Dick Cheney, devenu ensuite vice-président de Bush. Je ne détaille pas les incroyables affaires que cette entreprise a faites avec l’armée américaine en Irak. Halliburton c’est la lie.

Les gaz de schistes sont d’ores et déjà un Eldorado aux États-Unis, où les puits se comptent par centaines de milliers. Je répète : centaines de milliers. Pour arriver à un tel chiffre, il faut massacrer des territoires entiers. Et utiliser des quantités d’eau astronomiques que l’on injecte à très, très haute pression dans le sol de manière à faire exploser la roche. On y ajoute pour faciliter le travail jusqu’à 500 produits chimiques différents, dont une grande partie se retrouvera dans les nappes phréatiques. La machine criminelle qui a lancé cette nouvelle aventure s’abrite derrière le secret industriel pour refuser de fournir la liste de ces poisons. Diverses enquêtes convergentes, bien qu’incomplètes, indiquent qu’un grand nombre est mutagène, cancérigène, reprotoxique, perturbateur endocrinien.

En France, Borloo a ouvert la boîte de Pandore, donnant des permis à des entreprises américaines, à Total, à GDF-Suez. Malgré la destruction assurée d’espaces naturels. Malgré une pollution des eaux qui pourrait se révéler sans précédent connu. Et malgré la loi française sur l’énergie de 2005 (ici) qui impose à la France de diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre. Car évidemment, lancer une production massive de pétrole et de gaz chez nous ne peut que ruiner les engagements de la France et achever ce qui reste de négociation sur le climat. Borloo a donc, et sans détour, violé la loi de la République française, ce que personne ne lui reprochera jamais. Car il est du côté des maîtres, et du manche. Et nous ne sommes, pour l’heure du moins, que poussière.

Si vous avez le temps, regardez donc le film Gasland (ici). Vous verrez ce qui nous attend en France, grâce à Borloo et aux petits malins écologistes qui l’ont porté aux nues. Notez que la résistance s’organise. Vivement. Ouvrez les oreilles. Je vous tiendrai au courant.

Pourquoi je déteste Mélenchon (sur Cuba, encore et encore et encore)

Mélenchon. Je ne vais pas reprendre toute la litanie, non. Petit ponte de l’immonde organisation appelée OCI à Besançon dans le début des années 70, il a été membre du parti socialiste 31 ans, sous-ministre de Jospin jusqu’en 2002, non sans s’être emparé en 1991, avec son compère Julien Dray – ce grand amoureux des montres – de l’association humanitaire Frères des Hommes, pour les besoins de son courant politique.

J’ai pointé ici les inepties prononcées par lui au sujet du Tibet. Et son formidable soutien à une bureaucratie chinoise qui envoie sur les routes 200 millions de mingong, ce qu’on appelait chez nous, il y a 150 ans, des chemineaux. Des vagabonds. Voilà qu’il récidive au sujet de Cuba, où les frères Castro virent de la fonction publique 500 000 personnes, sur une population de 11 millions 500 000 personnes. En attendant de tripler ce chiffre fou, et au-delà. Mélenchon vient de déclarer que Cuba n’était pas une dictature, et que les Cubains « choisissent librement leurs affaires ». Texto.

Seule l’injure me vient à l’esprit, et de la pire espèce, croyez-moi. Mais je ne m’abaisserai pas devant pareil personnage. Seulement, je veux clamer ce que je ne glisse ici, en règle générale, que par allusions. L’ignoble histoire dont se gargarise ce pauvre monsieur s’appelle le stalinisme, sous toutes les formes possibles. Staline serait-il vivant que Mélenchon nous vanterait probablement les avantages des kolkhozes et des sovkhozes. Mais je vous dis qu’il est un autre fil de l’histoire, qui ne se confond pas avec la barbarie stalinienne.

Moi, quand je pense au siècle des massacres qu’a été le vingtième, je n’oublie jamais mes frères. Ce sont les révoltés de Kronstadt de mars 1921, levés contre la dictature du parti bolchevique, réclamant la liberté pour le peuple, et qui finirent étranglés, fusillés, déportés. Ce sont les braves de l’armée de Makhno, cette makhnovchtchina créée en octobre 1918, et qui combattit pendant quatre ans l’Armée rouge et les armées blanches tsaristes. Ce sont ceux du groupe Los Solidarios, formé à Barcelone vers 1922 par les anarchistes Francisco Ascaso, Buenaventura Durruti,  García Oliver, Gregorio Jover, Antonio Ortiz, Ricardo Sanz,  décidés à rendre coup pour coup à la violence sociale. Ce sont ceux de la colonne Durruti, bataillant par force, en 1936, contre la soldatesque fasciste de Franco et les sbires de la police politique stalinienne espagnole, encadrée par des tueurs venus de Moscou.

Je me fous que cela paraisse grandiloquent. Je m’en fous. Entre un Mélenchon, qui n’aura jamais rien fait que diriger, et d’autres, dont je fais partie, il y a, il y a toujours eu, il y aura toujours des fleuves de sang. Bureaucrates soviétiques, bureaucrates chinois, bureaucrates cubains ne forment qu’une seule et même canaille. Mais tout le monde n’aime pas la servitude. Mais tout le monde n’est pas prêt à applaudir Mélenchon ou se laisser impressionner, si peu que ce soit, par ses moulinets et ses poses robespierristes.

¡ Y que se vaya, él ! Que se vaya al diablo. Que se vaya a la mierda.

PS : En l’occurrence, je suis bien certain que les lignes ci-dessus ont intimement partie liée avec la crise écologique. C’est aussi parce que les mots et la pensée qui les forge ont été pervertis qu’il est si difficile d’avancer. Réfléchissez avec moi. Le changement – valeur cardinale face au danger qui nous cerne de tous côtés – s’exprime depuis cent ans dans une langue surchargée par le mensonge. Si l’on veut du neuf, il est nécessaire de parler autrement. Et donc franchement. Et donc, en disant leur fait aux nombreux Mélenchon de la place.

Chávez, Castro et Mitterrand (ode aux belles idées)

Je mords une nouvelle fois la ligne jaune. Pardon aux lecteurs occasionnels de ce site, auxquels je dois une courte explication. Les autres savent mon vilain penchant. Planète sans visa est consacré à la crise écologique, exclusivement. Presque. Je fais une solide fixation sur le stalinisme, l’esprit du stalinisme, les différentes apparitions historiques, géographiques, politiques du stalinisme. Lequel vit encore, au profond, jusqu’en France. Ce n’est pas seulement que je déteste avec violence le culte du chef, les versions verticales du pouvoir, et tous les goulags, quels que soient leur nom. C’est aussi et surtout que je vois de nombreux jeunes gens sincères verser dans le soutien à des caudillos comme Hugo Chávez, quand ce n’est pas cette canaille de Castro. Je vous livre donc deux infos ci-dessous concernant cette question de principe. Et une autre qui n’a rien à voir, sauf que si.

Information numéro 1 : le plan cubain de « reordenamiento laboral », qui pourrait se traduire en français par « ajustement social », commence ces jours-ci. Il s’agit de lourder pour commencer 500 000 salariés de la fonction publique, fortement encouragés à créer leur propre petite entreprise de restauration, de coiffure, de cirage de pompes et bien entendu, pour les moins « adaptables », de chômage perpétuel. Ils devraient progressivement être rejoints dans ce grandiose effort pour la patrie par 1,3 million d’autres employés de l’État. Soit au total 1,8 million de fonctionnaires jetés sur le marché libre où les renards libres s’occupent si bien des poules libres. Rappelons que Cuba compte 11 millions 500 000 habitants. Une telle révolution dans l’emploi signifierait, en France, 16 millions de personnes contraintes de trouver un nouveau boulot. Soulignons que dans ce pays de rêve, les flics, les militaires, les bureaucrates du parti et ceux qui ont de la famille aux États-Unis paient en dollars et peuvent, à condition d’en avoir assez, tout s’offrir. Les autres se contentent de la libreta de abastecimiento. Un livret de rationnement qui permet de se régaler de patates à moitié pourries et de poissons avec beaucoup d’arêtes.

Le magnifique, c’est que la nouvelle du chamboulement a été annoncée par le syndicat unique appelé Centrale des Travailleurs cubains (CTC), qui non seulement approuve, mais aussi soutient cette mesure barbare. Vous avez toujours voulu savoir ce qu’est le totalitarisme ? Eh bien, c’est cela. C’est quand tout l’espace social, tous les interstices publics sont investis par les mêmes sous différents noms. Quand il n’y a plus de place aucune pour nous. Pour la liberté réelle. Je sais qu’il se trouvera toujours des soutiens de Cuba pour évoquer l’impact de l’embargo américain et les intrigues de l’impérialisme américain. Je plains les plus naïfs. Je maudis tous les autres. Castro est au pouvoir depuis cinquante ans à la place de son peuple.

Information numéro 2 : je n’adore pas le journaliste Jean-Pierre Langellier, correspondant du Monde en Amérique latine, installé à Rio. Mais je le lis, car c’est du moins un professionnel sérieux. Il écrit le 5 novembre une chronique glaçante sur les meurtres qui endeuillent chaque jour Caracas, capitale du « socialisme bolivarien » de Chávez, cher au cœur de tant d’altermondialistes. Caracas est devenue la ville la plus violente d’Amérique latine, avec 16 094 homicides en 2009, dont 93 % restent impunis. Probablement encore une entourloupe de l’impérialisme. Par rapport à 1998, juste avant que le grand jefe Chávez ne prenne le pouvoir, les chiffres ont été multipliés par quatre. Si je comprends bien, plus la révolution triomphe et profite au peuple, et plus le peuple s’étripe lui-même. Car ce sont bien sûr les pauvres qui se tuent entre eux, en priorité. Y a quelque chose qui cloche là-dedans, j’y retourne immédiatement.

Information numéro 3 : quinze ans après la mort de François Mitterrand, une bonne partie des Pleureuses officielles se retrouve donc au cimetière de Jarnac – Jarnac ! – pour un émouvant hommage au cher disparu. Il y aura là Aubry, Royal, Cresson, Lang, etc. Notons parmi les etc. Roland Dumas, éternel complice de Mitterrand, qui vient d’aller embrasser le satrape Gbagbo sur la bouche, à Abidjan. Notons de même Gilles Ménage, héraut des écoutes téléphoniques sous le règne de son maître. Notons encore Michel Charasse, serviteur de chaque instant du monarque défunt, copain comme cochon avec Pasqua. J’arrête là, car à quoi bon ?

Nos socialistes ne rêvent que de recommencer une politique – celle de Mitterrand – qui a sacrifié les banlieues, réhabilité le capitalisme financier le plus débridé – Tapie -, vendu la télé publique, sans produire une seule mesure contre la crise écologique. Qui leur donnera sa voix contresignera ces objectifs-là, et aucun autre. Au total, comme je l’ai déjà écrit douze milliards de fois, il faut sortir du cadre. Les socialismes, qu’ils soient caudillistes ou à bajoue social-démocrate, n’ont plus le moindre souffle. Et n’en retrouveront pas. Je le crois. Je le veux.

Ce qu’Obama nous dit de la France

La situation aux États-Unis annonce exactement ce qui se passe et se passera en France.

Rappelons aux oublieux, nombreux ce me semble, que la crise écologique planétaire est notre destin. Nul n’y échappera. Elle devrait conduire nos politiques, en Europe comme ailleurs, depuis des lustres, mais elle en est absente. Totalement. Sans être décisive, la responsabilité des écologistes officiels, estampillés et même régulièrement décorés, est engagée. Je parle là du WWF, de Greenpeace, de la fondation Hulot et de France Nature Environnement (FNE). Quant à Europe Écologie, dont bien des lecteurs de ce blog sont des électeurs, je ne vois aucune raison de ne pas lui appliquer le même traitement.

La crise écologique, c’est maintenant. Pas quand on aura accumulé tant de forces, dans 5600 ans, que l’on pourra enfin mener les affaires autrement. Maintenant. Ou nous sauvons une partie des équilibres écosystémiques, ou ils disparaîtront. Et nos sociétés d’opulence ne survivraient pas à la perte d’incommensurables services rendus gratuitement. N’insistons pas, en ce début d’année 2011, sur les conséquences hautement probables qui s’ensuivraient. Je veux en tout cas vous parler du cas Obama. J’ai écrit ici, en novembre 2008, plusieurs articles pour dire que je ne misais pas un cent sur le mandat du nouveau président Obama. Ce qui m’a valu – je ne m’en plains aucunement – de nombreux courriers de protestation. Vous pouvez relire ce que j’écrivais alors, car je n’en retire pas un mot. Le premier papier, celui du 5 novembre, résume bien mon propos (ici).

Nous sommes le 5 janvier 2011, plus de deux ans après, et Obama n’a rien fait de réellement important. Le peu qu’il a tenté – une réforme de la santé que nous jugerions ici insultante – risque d’être détricoté par la nouvelle majorité républicaine du Congrès. En deux mots, elle entend opérer des coupes drastiques dans tous les budgets publics, notamment dans ceux de la santé et de l’écologie. Normal ? Oui, normal. Mais poursuivons. L’excellent journaliste du Monde Sylvain Cipel, installé à New York, a publié hier un papier intitulé Plus c’est gros…, dans lequel il revient sur la commission Financial Crisis Inquiry Commission (FCIC), instituée par Obama pour tenter de dénouer les fils et intrigues de la crise financière commencée en 2008 (ici). Comprenant à la fois des démocrates et des républicains, dont deux anciens conseillers de W.Bush, elle devait éclairer le peuple ébloui sur la responsabilité évidente, écrasante, de la dérégulation de l’économie et la puissance hypertrophiée des transnationales. J’ajoute qu’il y a un précédent célèbre : la Commission Pecora, créée en 1932, au milieu de la Grande Dépression, et dont les travaux débouchèrent sur de vraies décisions. Par exemple, la séparation entre les activités bancaires de dépôt et celles touchant directement au business.

Tel n’a pas été le cas avec la FCIC. Incapable de se mettre d’accord, cette commission ne rendra pas de rapport unique. C’est que les Républicains refusent tout net l’emploi de (gros) mots comme fonds spéculatifs, Wall Street, corruption, risque systémique, etc. Le seul responsable à leurs yeux de cette énième catastrophe du capitalisme, c’est l’État. Il serait trop ou pas assez intervenu, il aurait incité les Américains à s’endetter, il aurait tenté même de réguler ce qui ne doit en aucune circonstance l’être – l’avidité -, bref, il serait le monstre venu des profondeurs. Il s’agit certes d’idéologie, et concentrée. Mais est-ce bien là le problème ?

La situation américaine montre de manière limpide l’impasse historique qui est la nôtre. On vote, ou pas. Mais de toute façon sur des sujets totalement secondaires, qui embuent le regard, et font perdre un temps qui ne reviendra jamais. Les énergies – pensez à la jeunesse américaine pro-Obama, enflammée tout au long de l’année 2008 ! – se dispersent et se changent en aigreur. Pendant ce temps, la destruction avance, sans masque. Il faut sortir du cadre, sachant qu’on n’y retournera jamais ! Voyez ce qui se passe en cette année 2011 chez nous. Les quelques forces pour l’heure disponibles sont polarisées par la ridicule élection présidentielle du printemps 2012 qui ne changera rien à la seule question politique qui vaille. Qui est, comme chacun devrait le savoir, la création d’une coalition mondiale des refusants, des dissidents, des solidaires, des combatifs, des courageux. Tous ceux qui ne renoncent pas à l’idée de l’homme. Tous ceux qui ne renoncent pas à l’idée de l’animal. Tous ceux qui ne renoncent pas à l’idée de la plante. Tous ceux qui ne renoncent pas à l’idée d’une vie digne d’être vécue. Potentiellement, cela fait du monde. Il faut et il suffit de rassembler. Les élections, oui, oui et encore oui : un piège à cons.