Sarkozy et moi, sans oublier le WWF et la forêt

Franchement, il y a quelque chose de pourri dans ce royaume délabré de l’écologie. J’ai écrit, certains de vous le savent, le livre Qui a tué l’écologie (éditions LLL), paru le 16 mars 2011. J’y ai révélé quantité de choses, parfois très graves, sur les collusions entre les associations écologistes principales et l’État, ou les transnationales. J’ai donné pour la première fois des informations précises sur les modes de financement de telle ou telle, sur l’histoire à mes yeux abominable du WWF. Et ? Rien. Silence de mort. Aucun procès – pardi ! tout est vrai -, seulement un silence organisé.

Car ce silence a été organisé entre cheffaillons de la « Bande des Quatre », comme j’ai appelé le WWF, Greenpeace, la fondation qu’on appelait Hulot et France Nature Environnement (FNE). Jacques Thomas, qui organise chaque année à Paris le festival du livre et de la presse d’écologie, a tenté d’organiser un débat entre eux et moi. Cela devait se passer en juin. Puis en septembre. J’avais prévenu Jacques qu’il aurait le plus grand mal à réussir. Et cela n’a pas manqué : ils se sont défilés. Et ils se sont défilés parce qu’ils ont peur du débat et de la liberté. Lesquels peuvent se rapprocher dangereusement de la vérité.

Une anecdote pour rire. Je tiens d’un témoin on ne peut plus fiable le récit d’une saynète qui m’a beaucoup réjoui. Nous sommes à l’Élysée, en mai dernier, et Nicolas Sarkozy reçoit des associations écologistes officielles pour continuer son habituel travail de manipulation. Tous les preux que je dénonce sont là. L’un d’eux, soudainement, comme un pauvre gamin pleurnichard, se tourne vers notre président, et lui lâche à peu près :  « Monsieur le président, c’est insupportable. Nous sommes pris à partie dans un livre qui vient de paraître sous le nom de Fabrice Nicolino…». Sarkozy, à ce moment-là, et sursautant : « Mais qu’est-ce que c’est que cette histoire …? ». Selon mon témoin, Serge Orru, directeur du WWF-France, aurait alors couru à mon secours, en deux temps. D’abord en tançant celui qui venait de me « dénoncer ». Ensuite, en vantant ma personne et mon travail. Si tel est le cas, et je le crois vrai, je dois à mon tour remercier Orru, car j’ai proprement assassiné dans mon livre l’association qu’il dirige.

La suite. Vous trouverez ci-dessous deux articles. Le premier vient de Courrier International. Le second, signé Laurence Caramel, a été publié dans Le Monde. Vous apprécierez comme je l’ai fait l’état des lieux. Voilà où en est le WWF. Mais valons-nous – collectivement – bien mieux, nous qui ne faisons rien pour déclencher enfin le scandale planétaire que cette situation exige pourtant ?

D’abord Courrier International

WWF accorde trop facilement son label
25.07.2011?|?The Guardian

Il y a du laisser-aller au WWF… C’est du moins ce qu’affirme un rapport publié par Global Witness, une ONG qui lutte contre le pillage des ressources naturelles dans les pays en développement. Selon ce document, cité par The Guardian, plus de 70 grandes entreprises spécialisées dans l’exploitation forestière battent aujourd’hui pavillon écolo : elles ont obtenu le label « exploitation équitable » accordé par WWF, pour leur bonne gestion des ressources forestières et leur lutte contre l’exploitation illégale. Mais ce réseau d’entreprises n’est pas aussi respectueux des bonnes pratiques qu’elles veulent bien le laisser croire, assène le rapport.

Elles suppriment des pans entiers de forêt primaire afin de récupérer le bois et d’y planter leurs propres essences. C’est le cas notamment en Malaisie, dans la forêt de Bornéo, l’une des plus riches du monde en terme de biodiversité, qui est par ailleurs inscrite dans les programmes de conservation du WWF. Dans cette forêt sévit l’entreprise Ta Ann Holdings Berhard, qui supprime l’équivalent de 20 stades de foot par jour en tailladant dans la forêt vierge, et détruit l’habitat naturel des léopards et des orangs-outangs. Une entreprise pourtant labellisée WWF.

Le WWF, qui fête cette année ses cinquante ans, est très critiqué par d’autres ONG pour ses liens avec les entreprises minières, forestières… Et les industries d’exploitation et de transformation des matières premières en général, rappelle l’article. « Nous ne faisons que poursuivre le dialogue », rétorque quant à elle l’ONG au panda.

Et maintenant Le Monde

WWF est accusé de servir de couverture à des sociétés peu scrupuleuses

édition du 28 juillet 2011

Le réseau  » forêts et commerce  » de l’ONG entretient la déforestation, selon Global Witness
L’organisation non gouvernementale (ONG) Fonds mondial pour la nature (WWF), connue dans le monde entier pour sa défense du panda, sert-elle de caution à des entreprises qui participent à la destruction des dernières forêts primaires ?

C’est l’accusation portée par Global Witness contre le WWF, avec la publication, lundi 25 juillet, du rapport  » Encourager les bûcherons « . Il est rare de voir des ONG se critiquer entre elles. A fortiori quand les deux protagonistes jouissent d’une notoriété aussi établie.

Or la charge menée par Global Witness n’est pas légère. Elle met en cause le Réseau international forêt et commerce (RIFC), l’un des programmes phare du WWF, initié il y a vingt ans et destiné à garantir une production durable du bois en encourageant les exploitants forestiers ou les traders du secteur à entrer dans des démarches de certification.

Ce réseau associe aujourd’hui près de 300 entreprises à l’origine d’environ 20 % du commerce international du bois et de la moitié du bois certifié FSC (Forest Stewardship Council). Il bénéficie du soutien financier du gouvernement américain et de la Commission européenne notamment.

Or, dénoncent les auteurs du rapport, ce programme dont l’objectif est d’éliminer les mauvaises pratiques du secteur forestier manque de transparence. Il fournit peu d’informations sur les performances de chaque membre ou sur l’impact du programme entier.

Les règles d’adhésion au RIFC sont insuffisantes et permettent à certaines entreprises d’en abuser systématiquement. « Alors qu’une grande partie du budget annuel de ce projet est payée par les contribuables, ceux-ci ont le droit d’avoir la garantie que leur argent ne sert pas à financer du « greenwashing » « , affirme Tom Picken, directeur de la campagne Forêts de Global Witness, et réclame une évaluation indépendante.

 » Vingt terrains de football « 

Le rapport pointe en particulier trois entreprises. La société forestière malaisienne Tan Ann, qui détruit  » de la forêt pluviale à un taux équivalent à vingt terrains de football par jour, y compris dans les zones d’habitats d’orangs-outans « . Le fournisseur de matériel de construction britannique Jewson, qui continue, selon Global Witness, à s’approvisionner en bois illégal. Enfin, en République démocratique du Congo, la société Danzer, qui  » possède une filiale impliquée dans des conflits avec les communautés locales, causant des violations des droits de l’homme « , alors que  » le groupe Danzer continue de profiter de son adhésion au réseau « .

Sollicité par Le Monde, George White, responsable du programme au WWF, réfute catégoriquement les allégations de Global Witness.  » Les entreprises partenaires sont évaluées chaque année. Si elles ne font pas de progrès ou si elles ne respectent pas les règles, nous suspendons ou mettons un terme à nos contrats, justifie-t-il, en regrettant que Global Witness ait choisi de se concentrer sur des détails au lieu de regarder le chemin parcouru depuis vingt ans pour améliorer la transparence du projet. « M. White précise que WWF a lui même engagé une enquête sur les agissements de la filiale de Danzer et qu’aucun nouvel engagement ne sera pris avant que les conclusions soient remises.

Laurence Caramel

10 réflexions sur « Sarkozy et moi, sans oublier le WWF et la forêt »

  1. Sans aller très loin, un exemple de labellisation abusive : le maire de lescun, M. Bayle, dans les Pyrénées Atlantiques, possède un gîte labellisé « panda »… tout en étant un anti-ours affiché. Las !

  2. Et voilà t’y pas que désormais pour se voir attribuer un agrément, en tant qu’association loi 1901, il faudra alors compter 2000 adhérents… Que vont devenir les petites structures qui œuvrent à l’écologie dans les petits cantons,villages ou hameau ? Comment vont ils pouvoir lutter contre ce qui est officiel mais pas forcément efficace ? Il me semble qu’une fois de plus la mutualisation de la solidarité reste un recours ?
    Merci de cette tribune ouverte.

  3. Cet après-midi dans les rues de Lille les militant(e)s du WWF interpellaient les piétons pour obtenir des dons ou de nouvelles adhésions.Ayant moi même été « choisi » par l’un d’eux je tentai une ébauche de dialogue en demandant si ce militant connaissait l’historique du WWF et ses convergences avec des tas de gens peu fréquentables : il m’a alors demandé de passer mon chemin… bizarre cette façon d’envoyer balader les gens et de ne pas vouloir débattre de la part de personnes censées agir pour un bien commun ! Auraient-elles reçu des consignes de ne pas répondre à ceux ou celles qui ont lu « Qui a tué l’écologie? »

  4. Les pommes de terre de mon jardin sont exceptionnellement belles cette année. Pas de « parasites »(taupier), peau lisse et fermeté. Vive l’agriculture bio!

  5. Vietnam: l’armée accusée de trafic de bois au Laos par une ONG, Hanoï dément

    BANGKOK – Une ONG de défense de l’environnement a accusé jeudi l’armée vietnamienne de jouer un rôle pivot dans le trafic de bois brut venu du Laos, activité lucrative qui menace les forêts dont dépendent des millions de Laotiens.

    Il n’y a pas de trafic de bois ou d’abattage au Laos de la part de l’armée Vietnamienne, a immédiatement démenti la porte-parole du ministère vietnamien des Affaires étrangères, Nguyen Phuong Nga, assurant que son pays était très attentif à la protection des forêts.

    Le rapport de l’Agence d’investigation sur l’environnement (EIA) publié jeudi dénonce le rôle pivot joué par l’armée vietnamienne et en particulier par la Compagnie de coopération économique (COECCO), propriété de l’armée, dans le trafic de bois.

    L’armée vietnamienne doit être exclue des opérations d’abattage au Laos, a réclamé Faith Doherty, responsable du secteur forêt de l’ONG basée à Londres.

    Les forêts, dont la population majoritairement rurale continue à dépendre pour son alimentation, couvraient dans les années 1940 quelque 70% du territoire laotien. Mais ce pourcentage est tombé à 41% en 2002, selon l’EIA, qui craint une chute à 30% d’ici 2020.

    L’interdiction d’exportations de bois brut décidée par Vientiane est ignorée de façon flagrante, a ajouté Faith Doherty. Notamment grâce à la corruption généralisée dans l’administration laotienne en charge des forêts, selon le rapport.

    En juin, le Premier ministre laotien Thongsing Thammavong avait ordonné aux autorités de renforcer les mesures contre ce trafic, selon le quotidien officiel Vientiane Times, qui avait noté le rôle des responsables corrompus dans l’augmentation du commerce illégal de bois.

    Selon l’EIA, au moins 500.000 m3 de bois, d’une valeur de plus de 150 millions de dollars, passent chaque année la frontière entre le Laos et le Vietnam. Les produits transformés, notamment des meubles, sont ensuite exportés vers les Etats-Unis et l’Union européenne malgré leurs législations interdisant les importations de bois illégal.

    Le Vietnam, qui a pris des mesures sur son territoire, a quasiment annexé des parties du Laos pour nourrir son industrie de transformation du bois en plein boom, a souligné Julian Newman, de l’EIA, notant toutefois que beaucoup d’entreprises vietnamiennes utilisaient du bois certifié.

    28 juillet 2011

  6. Merci Fabrice,

    Ils se serrent les coudes.
    Ils ne bronchent pas, parce qu’ils savent ce qu’il en résulterait.

    Sans vouloir entrer dans la paranoïa, maintenant que Sarko a eu vent de vos écrits, a l’avenir, trouvez vous une bonne planque!

    Je ne rigole pas!

    Belle soirée, Léa.

  7. Les jeunes que vous voyez dans la rue pour les collectes des grosses assis comme le WWF, Greenpeace (…) ne sont ni bénévoles, ni passionnés par la cause pour laquelle ils prêchent. J’ai eu plusieurs fois des discussions avec eux dans les rues de Rouen, avant mon exil pour la Roumanie, et ils m’ont expliqué que les associations en question faisaient appel à des entreprises privées pour organiser ces collectes. Les jeunes sont payés et doivent donc être rentables, c’est pourquoi ils prennent rarement le temps de discuter s’ils savent que vous ne signerez pas le formulaire de prélèvement automatique. Ils ont une très courte formation sur l’histoire et les combats des asso qu’ils doivent défendre, mais ça reste superficiel. Imaginez-vous devoir vanter les mérites du WWF un jour, de Greenpeace le lendemain, de AIDS le surlendemain…
    Quand ils vantaient Greenpeace, je leur demandais s’ils connaissaient Paul Watson et s’ils avaient lu « Au nom des mers ». La réponse a toujours été non… mais probablement qu’aucun d’entre eux ne le lira jamais, parce que ce n’est pour eux qu’un job d’été.

    Quant à « Qui a tué l’écologie », même s’il était gratuit, je ne suis pas sûr que les gens qui adhèrent au WWF voudraient le lire. La majorité donne au panda pour avoir bonne conscience. C’est triste, mais on est encore loin de la révolution !

  8. Merci Mr NICOLINO pour l’info, j’ai vu récemment un article concernant l’horrible sort de pauvres villageois se révoltant contre un gros producteur d’huile de palme indonésien fournissant -entre autres- le groupe UNILEVER , fabricant des margarines Fruit d’Or et Planta Fin … des policiers ou milices ont froidement abattus ces villageois …

    Et ce fait est loin d’être isolé ….

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