Mais où est donc leur plan B ?

Tous ces mecs m’insupportent, je pense que les lecteurs anciens de Planète sans visa le savent bien. Leurs mots, leurs têtes, ces fadaises répétées ad nauseam sur toutes les radios et télés, dans tous les journaux de la place, me rendent malades. La liste interminable contient presque tout le monde. Peut-être est-ce une pathologie que de détester son époque et tous ses défenseurs et metteurs en scène. Si tel est le cas, je dois bien avouer que mon cas est incurable. Tous. (Presque) tous.

Ce matin, discutant au téléphone avec l’un des meilleurs connaisseurs des questions d’énergie en France, j’ai réalisé grâce à lui que M.Sarkozy et sa bande, et ses bandes, sont plongés jusqu’aux narines dans cette pensée magique que j’évoquais dans le papier précédent. Je n’ai rien contre la pensée magique, mais tout contre ceux qui prétendent incarner la raison quand ils ne font qu’ânonner des formules de rituel barbare. Eux – pensez à cette insupportable Anne Lauvergeon, songez à cet impayable Henri Proglio, copain des Guerini de Marseille – défendent, ont défendu, défendront mordicus l’industrie de la mort  nucléaire.

Et ce matin, donc, j’ai réalisé, plus que d’habitude, à quel point ces gens sont fous et dangereux. L’un des principes élémentaires de l’intelligence humaine, c’est de disposer d’au moins une voie de secours dans le cas où le chemin principal serait impraticable. Cela s’appelle de la souplesse. Du pragmatisme. De l’adaptabilité. Le reste est pure sottise. Or Sarkozy et consorts nous imposent l’industrie nucléaire et son chaos prévisible – et même certain à terme – sans jamais évoquer une autre possibilité. Ou bien le nucléaire, ou bien le nucléaire. Il n’y a pas l’ombre d’un choix, pas la moindre once de liberté. Dans le cas d’un accident majeur en France, qui garantirait le monde tel qu’ils nous l’ont vendu, plein d’électricité dans le chauffage individuel, les panneaux publicitaires géants, les TGV, les télés dévoreuses de courant ? Une panne, comme dans le roman Ravage, de Barjavel, et tout s’effondrerait.

Dans leur stupide, stérile et criminelle conception du monde, il faut avancer le long d’un précipice, sachant qu’on ne peut se retourner faute de place, sachant que, tôt ou tard, on tombera. Et ces gens prétendent diriger, incarner l’avenir commun, réclamer de nous confiance et assiduité civique au moment des votes. Je me demande s’ils méritent autre chose qu’une révolte totale, et définitive. Je me demande.

31 réflexions sur « Mais où est donc leur plan B ? »

  1. …l’auteur de la grande implosion

    : « Considérons rapidement la question culturelle. C’est vrai qu’il y a un problème de culture, et ce n’est pas simplement pour faire riche que j’ai cité des tas d’auteurs dans ce bouquin : de Léon Bloy à Dostoïevski, en passant par Tocqueville, Michelet, Henry George, etc. Si je les cite, c’est pour souligner que de nombreux auteurs occidentaux ont expressément annoncé l’espèce de débâcle à laquelle on assiste aujourd’hui…. Tocqueville, par exemple, utilise des termes extrêmement saisissants pour définir ce qu’on appelle aujourd’hui la société de consommation. Il y a un siècle et demi, il annonçait qu’il y aurait des gens qui, grâce au progrès, pourraient satisfaire une multitude de petits désirs, et finiraient par ne plus vraiment vivre. L’État-Providence s’occuperait d’eux, et il le dit textuellement, ou quasi textuellement : « Que ne peut-on leur ôter le souci de penser et la peine de vivre ? ». Il comprenait qu’à force de revendiquer pour le confort, les biens de consommation et l’État-Providence, les gens seraient complètement entretenus, complètement vidés de substance. Vides, littéralement vides. Comment se fait-il que les Occidentaux ne relisent pas ces textes ?On peut donc en effet poser le problème en termes culturels : comment se fait-il que les gens lisent si peu, pourquoi n’ont-ils pas pris conscience de cette tradition critique qui existe bel et bien ?

    Je pense que Lévi-Strauss est un des auteurs les plus séditieux de notre temps. Il faut lire Le Regard éloigné, publié chez Plon. Il y a là des remarques d’une méchanceté énorme. Lévi-Strauss s’amuse à dire à peu près ceci : « Les anthropologues ont montré que la taille optimale d’une société qui pourrait vivre et se gérer humainement, est de 300 personnes ». Se mettre d’accord, faire une démocratie directe à 300, ce n’est déjà pas évident. Mais à plus de 300, on ne peut plus intervenir individuellement et se faire entendre : on est forcé de déléguer. Alors on délègue au délégué syndical, au président du syndicat, au député… et on se met en position d’impuissance. Ce n’est pas pour rien que les sociétés dites primitives ont souvent des effectifs relativement restreints : c’est peut-être une condition nécessaire pour avoir une identité réelle et un contrôle réel sur sa vie….
    .Ce qui est en cause, c’est une longue tradition culturelle qui conduit à la technocratie, ou pour prendre un exemple simple, au culte des experts. Tout cela contaminé par la domination de l’économie, conduit à des idées qui font que les gens de gauche comme les gens de droite trouvent normal, pour régler le problème des banlieues, par exemple, de raisonner en termes policiers, administratifs et financiers. On entend dire aujourd’hui qu’il faudrait faire un « plan Marshall des banlieues ». C’est d’une pauvreté humaine incommensurable
    Prenons l’exemple de l’écologie. Voilà un courant qui était fort au départ et qui s’est ensuite épuisé. Il y a quinze ans environ, ou un peu plus, dans le département Environnement où j’enseigne, les étudiants qui prenaient la parole étaient les « écolos » les plus durs; ils donnaient un sens quasiment spirituel — en tout cas très politique, très profond — à leur adhésion écologique. Cela recouvrait une critique de la société industrielle, de la société de consommation, de la pollution des nappes phréatiques et de l’atmosphère, du gaspillage, etc. Tout cela était indissociable, dans leur pensée, d’une crise humaine, d’une crise sociale. Or maintenant — peut-être à cause de la crise — les gens du même département n’évoquent pratiquement plus la critique globale, politique, culturelle de la société. Ils ne pensent qu’à se technocratiser et à se trouver un emploi à EDF ou chez Rhône-Poulenc, pour aller mesurer la pollution des cours d’eau.

    Compte tenu de la crise, on comprend qu’il en soit ainsi; ce n’est pas un jugement moral, mais un constat sur notre situation.
    Pour ce qui est de l’écologie, je trouve très sain que les gens ne fassent plus confiance au mouvement écologique tel qu’il a existé. Cependant le coeur du mouvement n’a pas disparu. Seuls ont disparu ceux qui s’en sont servi pour atteindre le pouvoir politique. Mais c’étaient des gens de pouvoir, pas des êtres d’idées. Il faut bien voir qu’il fut un temps où il y avait tellement de subventions destinées à l’écologie que les gens se précipitaient pour créer leur association et obtenir ainsi une place en vue au sein de la société. Cela a fonctionné tant que l’argent, beaucoup d’argent, a circulé. Mais tous ces gens, « de passage » comme dirait Nietzsche, n’étaient pas les vrais écologistes. Et personne n’a jamais été dupe, surtout pas eux…Je fais de nouveau référence à Lévi-Strauss, qui, je le répète, est un homme très séditieux. Il va jusqu’à dire qu’il faut savoir accepter des limites, qu’il faut ne pas être trop interculturel — ce qui est évidemment culturellement incorrect aujourd’hui. Selon lui, on ne peut se construire qu’en choisissant certaines valeurs et en en refusant d’autres. C’est le contraire du discours d’un certain nombre d’intellectuels que je m’abstiendrai de mentionner: « On n’aura plus une personnalité, une identité. Avant, les gens étaient soit le saint, soit le chevalier, soit le citoyen grec… Mais tout ça, c’est du passé, ce sont des bêtises. Dorénavant, on aura plusieurs identités dans une vie, et même plusieurs par semaine. » Mais qu’est-ce que ça veut dire ? Peut-on se dispenser d’avoir une identité culturelle ? Sans repères, on risque de s’étaler comme une bouse de vache trop molle qui n’a plus de limite nulle part.C’est de l’anthropologie générale : toute société — j’allais dire pour des raisons psychologiques — veut un papa, ou en tout cas des gens qui disent la vérité. Cela correspond sans doute à une exigence mentale. Toute la collectivité, même de trois cents personnes, a besoin d’avoir une certaine image du monde, une certaine image de ce qu’est l’Homme. Il fut un temps où on demandait cette image aux curés, et où la réponse se trouvait par exemple dans la Genèse. On expliquait ainsi comment le monde avait été créé, comment la vie était apparue.

    Avec la prise de pouvoir effectuée par la technique — qui ne se comprend aujourd’hui qu’en relation avec la science — on demande à présent la vérité aux scientifiques, même en matière de cosmologie ou de théologie. Et tout cela se fait avec la plus grande naïveté : pOui, il est clair que certains problèmes qui relevaient de la philosophie ou de la religion, sont aujourd’hui confiés aux scientifiques. À mes yeux, c’est une sorte d’abus de pouvoir. Comme j’ai tenté de l’exprimer dans mon bouquin, la spiritualité commence par une démarche élémentaire : s’élever au-dessus d’un monde d’épiciers, une culture d’épiciers, de gens qui pensent toute la journée au rapport qualité-prix, à leurs SICAV, à ce qu’ils lisent dans l’Equipe ou les revues sur les bagnoles, etc. Bref, il ne faut pas s’enliser dans le matérialisme grossier de la société de consommation; i’est une banalité, mais il faut la répéter : les gens ne prennent plus au sérieux que ce qui est « positif », rentable, quantifiable… Au nom de la raison, tout ce qui paraissait « religieux » a été discrédité comme étant oppressif et trompeur. Je ne tiens aucunement à défendre les religions, mais je constate que tout cela aboutit à une société de plus en plus dure, de plus en plus froide. Comme moi, vous devez connaître des élites qui se servent du mot « émotionnel » a peu près comme d’une injure. Le rationnel est bon, l’émotionnel est mauvais !Que peut-on attendre d’une société où il apparaît normal que le pouvoir administratif et politique soit remis aux mains d’élites formées d’une façon « scientifique », par la sociologie, le droit, la gestion, la mécanique quantique ou le calcul tensoriel ? Comment espérer qu’une telle société ait encore le sens de la poésie ?

  2. Peut-être une révolte des citoyens contre tous les biens inutiles qu´ils achètent avidemment, sans se poser de questions sur les conditions de production (humaines, énergétiques) et qui finissent plus ou moins vite à la poubelle, parce que l´heure a sonné de les remplacer par des modèles nouveaux. Ce que les consommateurs s´empressent de faire bien docilement.
    La sobriété comme moyen de résistance?

    On survit très bien sans télévision, on atteint même la soixantaine sans problèmes de santé 🙂

    Hors-sujet:
    Il y a sur le site suivant un article intéressant sur le WWF:
    http://krapooarboricole.wordpress.com/

    Pardon à l´avance si le sujet a déjà été abordé ici.

  3. Une révolte oui c sur
    « Ce que je constate : ce sont les ravages actuels ; c’est la disparition effrayante des espèces vivantes, qu’elles soient végétales ou animales ; et le fait que du fait même de sa densité actuelle, l’espèce humaine vit sous une sorte de régime d’empoisonnement interne —-si je puis dire—- et je pense au présent et au monde dans lequel je suis en train de finir mon existence. Ce n’est pas un monde que j’aime » C Lévi Strauss.

    Moi non plus je n aime pas ce monde et surtout ceux qui nous obligent à vivre et à construire ce monde excécrable.

  4. Pas de panique, et arrêtez, de dieu ! d’effrayer les ciber-gédéons et les turbo-bécassines; consommateurs assidus: le prix de l’essence à la pompe va diminuer mardi prochain. Alors, pourquoi voir tout en noir ?

  5. Je partage avec vous ce dégoût profond pour l’époque. La situation à mon sens est biblique et je relis « L’Arche de Noé » de Jules Supervielle. Mais je ne comprends pas bien votre obsession, Fabrice, de citer explicitement Caucescauzy. Je substituerai la fonction au nom propre. Son successeur sera bien pire, vous verrez, c’est une constante.

  6. Un révélateur de plus:beaucoup de monde ce prosterne devant des footballeurs millionnaires(alors qu’ils sont pauvres),les ames vide de télé réalité,alors quoi pensez?dévellopez une critique personnel devient rare;les courbes du cac(crack?)40 sont devenu des boules de cristale pour lire le malheur ou le bonheur futur.les chiffres,l’argent virtuel,fait perdre pied,et vas de toute façon dans les memes bourses.

  7. @ Marie,

    Merci pour cette pensée de Toqueville que j’ignorais . Et je suis tout à fait d’accord avec toi concernant la perte d’identité dans notre société . Le constat de l’éducation nationale à ce sujet est d’ailleurs intéressant puisque les enseignants ont , à présent, des cours sur la culture des religions pour commencer à y remédier . Mais qu’entend-tu par ce dernier terme  » société » ? En l’employant, il me semble que nous ne parlons jamais que de notre microcosme perdu au milieu des autres . Combien satisfont aujourd’hui une « multitude de petits désirs » ?
    Quant à affirmer que « la société » est aujourd’hui plus froide et plus dure …aux niveaux géographique et historique c’est un peu « just » , non ?

  8. TOUT A FAIT Bénèdicte.C’est un peu juste
    La VIOLENCE EST UNE MARQUE DE FABRIQUE HUMAINE; vOIR SOUFFRIR L’AUTRE,LE TORTURER,L’évicérer, le violer, l’assassiner procure à un grand nombre d’individus une jouissance morbide. Nos sociétés sont pires que celles de la guerre de cent ans ou celle des religions( des sectes qui connaissent parfaitement la souffrance pour l’avoir tant pratiquer sur les autres). Pire ! car nous avons tout fait pour atténuer cette violence à travers l’éducation de masse,le développement de la morale à travers nos lois et nos tribunaux. Rien n’y fait, les tueries se perpétuent, les viols,les violences de tout ordre que ce soit par le fait d’individus ou d’Etats.
    Notre espèce est en pleine régression intellectuelle et j’irai encore plus loin : génétique et cérébrale. Bien entendu la crise amplifie cette violence mais ne peut être en soi le moteur premoier de cette violence.

  9. Benedicte, ce passage n’est pas de Tocqueville mais de : THUILLIER (Pierre), 1932-1998. – La Grande implosion : rapport sur l’effondrement de l’Occident. référence postée par Luline.

    société ? je crois qu’il parle des sociétés occidentales principalement et des conséquences des valeurs culturelles défendues et érigées par elles sur les autres.. »

  10. je ne sais si j’ai bien compris ce que tu écris, mais Bénédicte, oui, dès que tu sors de ta bulle, ici, la société, à sa manière est de plus en plus dure; MAIS il faut sortir de sa bulle, et très peu de personnes le font, cultive disait qu’elle supportait de moins en moins le terme de « croissance », moi aussi mais j’ajoute que je supporte de moins en moins les gens dans leur bulles, dans leur routine! sortir de sa bulle et çà change tout le regard et le ressenti de ce qu’on y vit. aller aux confins, dans les interstices, sous les ponts, dans les services d’urgence..etc..et se retrouver soi même sans un des attributs que te procure le système pour s’y valoriser et y fonctionner: perte de carte bleue, souci de voitures, fourrière..etc….adresser la parole à des inconnus..tout cela permet de mesurer le déficit d’humanité auquels nous sommes arrivés.

  11. Bonjour,
    Il était un jour, j’étais adolescent, plein de questions, un homme m’a raconté une histoire japonaise. La voici, à peu prés : un petit pécheur avait du mal à nourrir sa famille. Il vivait au bord d’un lac. Une légende que lui avait rapporté les anciens, disait qu’il ne fallait pas aller pécher sur ce lac les soirs de pleine lune. Mais ça famille s’étant agrandi, la disette les menaçants, il pris le risque, durant une nuit de pleine lune, d’aller pécher. Est ce son imagination ou la réalité mais il fût pris d’une incompréhensible frayeur. Alors il revint vers la rive, sauta de son embarcation une fois arrivé à terre, se mit à courir et courir, de nuit comme de jour, sans manger ni boire jusqu’au moment ou il fût face à une falaise lisse et infranchissable et sans qu’il puisse faire autre chose que d’aller à droite ou à gauche, mais il savait que le temps de se décider il serait alors saisi par la chose effroyable par laquelle il pensait être poursuivi. Se retournant alors il ne vit rien.
    Ne sommes nous pas arrivés à la même sottise avec nos responsables politiques ? Il ne voit rien et en font leur objectif, disent ils au moins merci à ceux qui les enfument par leur conception stérile de l’humanité ?

  12. Un exemple montrant qu’il ne faut ne rien lâcher, ne pas désespérer et qu’une lutte peut s’achever par une victoire (voir gaz de schiste).

    INDE :LA FORET RENDUE AUX HABITANTS APRES UN SIECLE DE LUTTE
    de : Ashish Tripathi
    vendredi 12 août 2011 – 20h52

    Les villages tribaux de Surma et de Golbojhi ont célébré leur libération le 1er mai 2011, jour international du travail. Après 107 années de lutte, leurs habitants ont obtenu la propriété des forêts dont ils ont été tributaires des siècles durant. Habités par quelque 450 familles de la tribu Tharu, ces deux villages forestiers sont situés au cœur du parc national Dudhwa, dans le district de Lakhimpur d’Uttar Pradesh (U.P.).

    Bien que les zones tribales du pays soient contrôlées par le naxalisme, Surma et Golbojhi ont obtenu leur libération après des décennies de lutte démocratique non violente, sans tirer une seule balle. Les deux villages sont aussi les premiers établissements tribaux du pays, situés dans un parc national, à avoir bénéficié de la Loi sur les droits forestiers (FRA) de 2006.

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    Près de 700 acres de terres boisées ont été distribuées, chaque famille recevant un maximum de quatre acres. Le gouvernement d’Uttar Pradesh a accordé aux villages le statut d’Ambedkar, ce qui signifie qu’ils seront reliés par des routes, qu’ils auront une école primaire et un centre médicosocial. Les habitants tribaux ont maintenant le droit de bénéficier des divers plans d’assistance sociale des gouvernements étatique et central. Les villages seront bientôt les propriétaires de la forêt et de sa production ; leurs habitants pourront disposer de foin et de bois, de feuilles de tendu (ébène de Coromandel), d’herbes et d’autres produits forestiers pour nourrir leur famille et leur bétail.

    S’agissant d’une véritable réussite historique, plus de 5 000 habitants de la forêt sont venus de divers endroits d’U.P. pour participer aux festivités. Les gens ont maintenant de la terre à cultiver pour assurer leur subsistance, ils pourront envoyer leurs enfants à l’école et jouir des droits constitutionnels en tant que citoyens indiens. Ce succès leur a demandé des années de sacrifices, de difficultés et de souffrances indescriptibles. Paradoxalement, tout le processus a été ignoré par les médias conventionnels du pays, qui, pourtant, ne manquent jamais d’informer sur la violence naxaliste dans les zones tribales et accordent un large espace à ceux qui vantent et essaient de justifier le naxalisme ou le maoïsme. Beaucoup de révolutions pacifiques, comme celles de Surma et de Golbojhi, ont lieu en Inde sans que les médias leur accordent l’attention qu’elles méritent. C’est peut-être que la paix manque du dramatisme nécessaire pour attirer les regards et faire monter l’indice d’audience, et que les histoires de pauvres tribaux qui préfèrent la non-violence de la Satyagraha au naxalisme ne sont pas suffisamment émouvantes pour accroître le nombre des lecteurs.

    Moi, je pense que ces histoires stimulantes doivent être racontées aux jeunes générations, et surtout à ceux qui ont eu le privilège de naître dans une Inde libre. N’ayant pas eu à lutter pour la liberté, ils sont souvent insensibles aux souffrances de leur frères défavorisés. En 1904, les membres de la tribu Tharu perdirent leur terre lorsque les Britanniques enlevèrent à la reine de Khairgarh la forêt de son domaine, qui devint propriété du royaume d’Awadh. Pendant la deuxième guerre mondiale, toute la forêt disparut par suite de l’exploitation excessive. Les Tharus réussirent à régénérer les forêts au cours des vingt années suivantes. Le pays devint libre en 1947, mais l’héritage britannique continua dans le département forestier. En 1978, les membres des tribus furent déclarés intrus dans leur propre terre quand celle-ci devint un parc national. Sur les 37 villages de la zone, 35 furent réinstallés ailleurs. Les habitants de Surma et de Golbojhi refusèrent l’évacuation ; on leur avait accordé des terres pour se réinstaller, mais elles étaient plus petites que celles de leurs villages originels et, en outre, elles étaient déjà occupées par d’autres tribus. Ils s’adressèrent à la Haute Cour en 1980 mais, en 2003, ils perdirent cette bataille juridique qui avait duré 23 ans.

    Menacés d’expulsion et n’ayant plus d’options, ils décidèrent de s’engager dans un combat non violent. Les femmes prirent les devants et formèrent l’organisation « Tharu Adivasi Mahila Mazdoor Kisan Manch » pour diriger la campagne. Elles reçurent l’aide des activistes du « Forum national des peuples et des travailleurs des forêts » (NFFPFW). Les membres des tribus furent harcelés, battus et soumis à des tortures par les fonctionnaires forestiers. Lorsqu’ils cueillaient du bois mort et de la paille pour réparer les toitures de leurs maisons, pour l’artisanat ou pour faire du feu, le département forestier les accusait de braconnage, d’abattage d’arbres et d’invasion de propriété privée. Des procès criminels furent intentés même contre des enfants, contre des personnes mortes depuis longtemps et contre d’autres qui avaient quitté les lieux 20 ans plus tôt. « Si nous faisons du braconnage et de l’abattage d’arbres, j’aimerais qu’on m’explique pourquoi nous vivons toujours dans la misère la plus noire, alors que les fonctionnaires mènent une vie luxueuse », dit Lalmati, un autochtone.

    En 2006, le parlement adopta la loi FRA qui fut promulguée en janvier 2008, après deux années de débats. C’était une nouvelle stimulante pour les tribus, mais il fallut encore trois ans pour qu’elle soit appliquée. En fait, les membres des tribus et les activistes qui travaillaient avec eux m’ont dit que les trois dernières années ont été les plus difficiles. D’après eux, pendant cette période le département forestier, la mafia forestière et les forces féodales ont tout fait pour les expulser. On a mis le feu à leurs maisons, beaucoup d’entre eux ont été arrêtés arbitrairement. Alors que la loi FRA autorise les assemblées villageoises (gram sabha) à témoigner de la situation d’une personne en matière de résidence, des gardes forestiers ont été surpris à délivrer des certificats de domicile où les habitants figuraient comme des intrus, dans le but de confondre le gouvernement étatique ; heureusement, celui-ci était favorable à l’octroi de droits fonciers aux autochtones. Sur l’ordre de certains fonctionnaires en service, des fonctionnaires retraités ont présenté plusieurs pétitions au tribunal, pour empêcher le gouvernement de délivrer des titres de propriétés aux habitants originels de la forêt.

    Ram Chandra Rana, un autre autochtone, rappelle que quelques « passionnés de la nature » avaient rejoint le combat sous prétexte que les villages situés au milieu d’une réserve de tigres allaient mettre en danger ces derniers. « Notre réponse a été simple : des siècles durant, tant qu’elles ont été entre les mains des peuples tribaux, les forêts ont été en sécurité ; c’est après la formation du département forestier qu’elles ont commencé à péricliter et que la faune s’est trouvée menacée. Les tribus traitent la forêt comme une déesse, donc elles la protègent. La population de tigres a diminué quand les forêts sont passées sous l’autorité du département forestier mais, après l’adoption de la FRA, c’est-à-dire lorsque les autochtones ont commencé à obtenir des titres fonciers, le nombre des tigres a augmenté partout dans le pays », a-t-il dit. Quand on lui a demandé pourquoi ils n’avaient pas accepté la compensation monétaire et la parcelle qu’on leur offrait, il a répondu : « Nous ne pouvons pas vendre notre patrie. C’est une question de respect de soi et de dignité ».

    Après avoir entendu les récits des souffrances, des sacrifices et des réussites de ces personnes, comme l’activiste Ashok Da qui a consacré sa vie à lutter pour les défavorisés, j’ai dû me poser une question : « Qu’est-ce que j’ai fait, en plus de griffonner des mots dans mon bureau climatisé et d’être content de moi-même ? » J’ai trouvé la réponse dans Pourquoi je suis athée, écrit par le révolutionnaire Bhagat Singh en 1930 : « Une courte vie de lutte sans une fin aussi splendide sera elle-même ma récompense, si j’ai le courage de la vivre ainsi. C’est tout. Sans aucun motif égoïste, sans désir de récompense présente ou future, de façon tout à fait désintéressée j’ai consacré ma vie à la cause de l’indépendance, parce que je ne pouvais pas faire autrement. Le jour où il y aura un grand nombre d’hommes et de femmes qui penseront ainsi, qui ne pourront se consacrer à rien d’autre qu’au service du genre humain et à l’émancipation de l’humanité souffrante, ce jour-là l’ère de la liberté aura commencé… ».

    Le jour où 10% d’entre nous (la classe privilégiée) suivront ce que Bhagat Singh a dit, 90 % des problèmes de l’Inde seront résolus.

    Ashish Tripathi, journaliste indien et ami des habitants des forêts.
    Envoyé par Roma, NFFPFW (Kaimur) / Human Rights Law Centre, Uttar Pradesh, Inde, adresse électronique : romasnb (at) gmail.com
    http://jansangarsh.blogspot.com
    Proposé par le World Rainforest Movement

  13. @ Marie, pardon, je bullais un peu, d’où ce petit délai de réaction …A propos de Toqueville , si ça t’interesse, il a écrit des remarques interessantes sur l’esprit d’indépendance américaine / aux ingérances éventuelles de l’état dans la sphère privée .
    Perso, je ne pense pas que « la société » soit plus dure , mais que les choses durent et que nous demeurons dans l’étonnante incapacité de grandir .
    Tout de même, comme il m’arrive de mettre mon museau au vent de temps en temps , je ne peux être de ton avis, ou alors, il faudrait en parler avec tous les gars qui ont été condamnés à mort avant 1980 , exemple parmi tant d’autres .
    (0b Léonard, as-tu vraiment étudié les guerres du passé ??? La contre-réforme, etc, lis et on en reparle) .
    par contre, je suis contente que tu aies évoqué les urgences et le dessous des ponts . sachant que les plus pauvres , car c’est possible, se trouvent encore plus au sud .
    Pour moi, une véritable révolution serait que l’on trouve tellement inacceptable les sorts des gueux de ce monde que nous mettions continuellement notre énergie commune à leurs services. Le reste…le grand débat sur la société …il date de bien avant Jeanne Hachette, et quoi de neuf de ce côté ?
    MUTUALISONS NOS ENERGIES .

  14. « conserver des liens vivants entre tous ceux qui ont cherché et commencé à trouver des voies nouvelles. L’idée de réseaux stables, inventifs, fraternels est pour moi l’espoir principal. » On ne pourrait mieux dire .

  15. Au téléphone avec un des meilleurs experts en énergie et pro-nucléaire : je parie sur Jean-Marc Jancovici….

  16.  » Ou bien le nucléaire, ou bien le nucléaire. Il n’y a pas l’ombre d’un choix, pas la moindre once de liberté. » dit Fabrice.

    Certes, mais le vrai problème n’est pas tant « comment » on produit, mais qu’est ce qu’on produit et dans quel but. C’est surtout la finalité de la production au sens large qui devient cruciale maintenant, un peu moins le type d’énergie utilisée, qui de toutes les manières ne pourra qu’être extrait, puisé, spolié, arraché, pillé, sorti de notre propre terre.

  17. Postacarbone,

    Tout le monde peut se tromper… Ce n’était pas Jancovici, et compte tenu de ce que j’ai écrit sur lui, y compris dans mon livre Qui a tué l’écologie ?, je ne suis pas sûr qu’il me téléphonerait. Bien à vous,

    Fabrice Nicolino

  18. Permettez moi d’ajouter ce commentaire du zoologue philosophe Lamarck ,inventeur du terme « biologie  » :
    « l’homme est un être intelligent, qui communique à ses semblables sa pensée par la parole, et qui est le plus étonnant et le plus admirable de tous ceux qui appartiennent à notre planète. Dominateur à la surface du globe qu’il habite, dominateur même des individus de son espèce, leur ami sous certains rapports, et leur ennemi sous d’autres, il offre, dans ses qualités et l’étendue de ses facultés, les contrastes les plus opposés, les extrêmes les plus remarquables. Effectivement, cet être, en quelque sorte incompréhensible, présente en lui, soit le maximum des meilleures qualités, soit celui des plus mauvaises ; car il donne des exemples de bonté, de bienfaisance, de générosité … , tels qu’aucun autre n’en saurait fournir de pareils ; et il en donne aussi de dureté, de méchanceté, de cruauté et de barbarie même, tels encore que les animaux les plus féroces ne sauraient les égaler. Relativement à ses penchans, tantôt dirigé par la raison et par une intelligence supérieure, il montre les inclinations les plus nobles, un amour constant pour la vérité, pour les connaissances positives de tout genre, pour le bien sous tous les rapports, pour la justice, l’honneur … ; et tantôt, se livrant à l’égoïsme ,…l’homme, par son égoïsme trop peu clairvoyant pour ses propres intérêts, par son penchant à jouir de tout ce qui est à sa disposition, en un mot, par son insouciance pour l’avenir et pour ses semblables, semble travailler à l’anéantissement de ses moyens de conservation et à la destruction même de sa propre espèce. »
    Voilà, dire que notre époque serait plus dure reviendrait à déclarer « c’était mieux avant » ..et on ne peut agir tourner avec nostalgie vers le passé (attention, je ne dis pas de ne pas regarder le passé), au mieux on peut se transformer en statue de sel .
    Par ailleurs, en ce qui concerne l’art et la poésie, il y a, depuis toujours l’officiel, celui qui se vend en masse, et celui de la rue qui n’a jamais été autant démocratisé qu’aujourd’hui . Il suffit de se balader sur la toile et , mieux encore, dans la rue , dans les cafés , dans toutes les petites expos de quartier…

  19. attention, je ne milite pas sur la peine de mort:

    juste pour apporter un autre éclairage venant de ceux qui sont les premiers concernés : les condamnés à la perpétuité :

    http://forum.321auto.com/forum/m_Dix+detenus+reclament+la+peine+de+mort_2657402_8.html

    « La perpétuité est l’invention d’un non-dieu, d’une sauvagerie qui dépasse toute imagination». »

    Des italiens veulent se faire couper la tête
    310 Italiens veulent se faire couper la tête
    Des condamnés à la perpétuité réclament la peine de mort dans une lettre au Président.

    Ce sont d’anciens terroristes, de vieux parrains de la mafia, des détenus de droit commun. Au total, ils sont aujourd’hui 310 à réclamer le rétablissement de la peine capitale, abolie en Italie depuis 1948.

    Condamnés à la réclusion à perpétuité, ces prisonniers viennent en effet d’adresser une lettre au président de la République, Giorgio Napolitano, pour lui «demander que [leur] peine soit transformée en peine de mort» . Du fond de leur cellule, ils se déclarent «fatigués de mourir un peu chaque jour. Nous avons décidé de mourir une seule fois […]. La perpétuité est l’invention d’un non-dieu, d’une sauvagerie qui dépasse toute imagination».
    Cette pétition inédite est partie de Carmelo Musumeci, un ancien boss sicilien quinquagénaire et condamné à vie il y a dix-sept ans. Bien qu’enfermé dans des quartiers de haute sécurité, celui-ci a repris des études, passé son baccalauréat puis son diplôme de droit en présentant une thèse intitulée «Vivre la perpétuité». Aujourd’hui, il se bat contre cette «mort bue à petite gorgée» en faisant circuler sa lettre dans tous les pénitenciers italiens où se trouvent actuellement 1 294 condamnés à vie, dont près de 200 ont déjà accompli plus de vingt ans de réclusion. Et cela alors que loi actuelle permet, en principe, d’octroyer la semi-liberté au bout de ce terme et, en cas de bonne conduite, la liberté conditionnelle après vingt-six ans passés derrière les barreaux.
    Dans le pays, malgré l’appel des 310, personne n’envisage sérieusement de rétablir la corde ou la guillotine. D’autant que l’Italie a été, il y a quinze jours, chargée par l’UE de préparer une résolution pour un moratoire de la peine de mort dans le monde qui sera présenté lors de la prochaine assemblée générale des Nations unies. Mais la bataille des détenus a obtenu un écho auprès de parlementaires communistes. En novembre, la sénatrice Maria Luisa Boccia a déposé un projet de loi pour abolir la peine de prison à perpétuité et la remplacer par une peine maximale de trente ans. «Contre la cruauté de la perpétuité, il suffit de rappeler que, tout en prévoyant la peine de mort, le code pénal français du 28 septembre 1791 avait aboli la prison à vie, considérée comme beaucoup plus inhumaine, illégitime et inacceptable que la peine capitale», a-t-elle souligné dans les colonnes du quotidien La Repubblica. Plusieurs élus la soutiennent dans ce combat, ainsi que Monseigneur Giorgio Cainato, inspecteur général des aumôniers.

  20. Extrait de l’éditorial politique du Telegraph écrit par ,Peter Oborne, au sujet des émeutes de la Grande-Bretagne.

    « La criminalité dans nos rues ne peut pas être dissociée de la désintégration morale des plus hauts rangs de la société moderne britannique. Les deux dernières décades ont vu un déclin terrifiant des standards au sein de l’élite gouvernante. Il est devenu acceptable pour nos politiciens de mentir et de tricher. Il n’y a pas que la jeunesse sauvage de Tottenham qui a oublié qu’elle a des devoirs aussi bien que des droits, mais aussi les riches sauvages de Chelsea et Kensington .

    L’élite Londonienne est aussi déracinée et coupée du reste de la Grande-Bretagne que ces jeunes hommes et femmes sans emploi qui ont causé de si terribles dommages ces derniers jours. Peu d’entre eux s’embêtent à payer leurs impôts britanniques…Ainsi Richard Branson, le patron de Virgin, ou Philip Green, le patron de Topshop, pour éviter de payer leurs impôts sur les bénéfices n’ont-ils pas domicilié leur société dans un paradis fiscal ?…Quant à l’élite politique, elle est aussi mauvaise que les jeunes voyous, comme le montre le scandale des dépenses des parlementaires….. »

  21. deux des nombreuses videos sur ce qui se passe dans le Val di Susa depuis 2005; encore une fois je reste étonnée du peu de répercussion de ce qui se passe dans cette région italienne: une résistance forcenée; TAV Ici un opposant no tav explique, en français le projet et pourquoi cette opposition à ce projet qui s’inscrit dans un projet global européen de joindre l’europe occidentale à la Russie; « la terre ne peut plus soutenir ce type de développement »

    http://www.dailymotion.com/video/x4gg9r_no-tav-une-vallee-se-rebelle

    http://www.youtube.com/watch?v=JaJa6_a8HDE&feature=related

  22. @LeonardSimon
    « Notre espèce est en pleine régression intellectuelle et j’irai encore plus loin : génétique et cérébrale.  »
    Si je suis d’accord que la violence procure à beaucoup une jouissance morbide, je ne ferai pas le même constat sur l’évolution actuelle, l’éducation et l’histoire permettent à une partie de la population de s’affranchir de la violence, le problème c’est que les progrès dans ce domaine vont à la vitesse d’un marcheur, tandis que les innovations technologiques, qui ne sont pas toujours des progrès vu les utilisations qui en sont faites, avancent à la vitesse des GTI de nos blaireaux.
    Donc les cons violents, même si leur pourcentage diminue lentement ont toujours plus de moyens à leur disposition.

  23. @ Marie, je suis entièrement d’accord avec ces propos concernant la perpétuité . Par ailleurs, je suis terriblement choquée par l’état des nos prisons . Si on veut que la violence recule, au-delà de punir, il faut surtout instruire, guérir..et particulièrement en prison .

  24. Je suis dans le même état d’esprit, le nucléaire me déprime et en plus en ce moment je lis l’article sur l’EPR de GlobalChance… Le nucléaire me fait horreur. La France est foutue. Je ne sais pas ce qu’il faut faire pour changer ça. C’est coincé de partout. Aucune perspective d’avenir. J’aimerai être allemand !

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