Mince, le peuple a encore trahi (élections 2)

Un court avis à tous, mais à quelques-uns en particulier. Je veux parler, sans insister, de ceux qui prétendaient hardiment incarner le peuple. Le 5 mars 1953, ce cher camarade Staline claque. Beria le remplace au pied levé, et sous ce pied, des millions de cadavres. Dans les colonies soviétiques créées après 1945 à l’est de l’Europe, des nigauds croient que l’heure de la liberté est arrivée. Notamment dans cette partie de l’Allemagne où des cadres communistes staliniens, à peine sortis de Dachau et Buchenwald, sont devenus les cadres, y compris policiers, de « L’Etat des ouvriers et des paysans ».

L’Allemagne de l’Est de 1953, de même que Cuba d’aujourd’hui, n’est évidemment pas une dictature. Pensez. Un pays où le NKVD (MVD) et la Stasi font la loi – et la changent à volonté – ne saurait être que progressiste. Le 13 mai 1953, le parti communiste local, qui s’appelle par fantaisie bureaucratique Parti socialiste unifié (SED), augmente les normes de travail de 10 %. Il faut d’un coup travailler 10 % de plus, sans un mark supplémentaire. Des émeutes ouvrières éclatent les 16 et 17 juin, mais l’excellent Walter Ulbricht, patron du pays délégué par Beria, demande aux troupes soviétiques d’intervenir. Pardi ! ne s’agit-il pas d’une sinistre manœuvre impérialiste ?

Bon, les chars russes tirent, la police politique arrête. Il y a de nombreux morts – le chiffre réel ne sera jamais connu – et environ 13 000 personnes sont encabanées. Mais dans une prison du peuple, ce qui change tout. À ce moment de l’histoire, un certain Bertolt Brecht, décide enfin d’avoir le sens de l’humour. Revenu à Berlin-Est après son exil américain, le dramaturge a jusqu’ici fidèlement servi le régime stalinien. Mais ces émeutes lui lèvent le cœur, et il écrit alors ces mots célèbres :

Die Lösung

Nach dem Aufstand des 17. Juni
Ließ der Sekretär des Schriftstellerverbands
In der Stalinallee Flugblätter verteilen
Auf denen zu lesen war, daß das Volk
Das Vertrauen der Regierung verscherzt habe
Und es nur durch verdoppelte Arbeit
Zurückerobern könne. Wäre es da
Nicht doch einfacher, die Regierung
Löste das Volk auf und
Wählte ein anderes ?

Ce qui veut dire : « La solution. – Après le soulèvement du 17 juin, le secrétaire de l’Union des écrivains fit distribuer dans la Stalinallee des tracts sur lesquels on pouvait lire que le peuple s’était aliéné la confiance du gouvernement et qu’il ne pourrait la reconquérir que par un travail redoublé. Est-ce qu’il ne serait quand même pas plus simple que le gouvernement dissolve le peuple et en élise un autre ? ».

Encore deux points. Le premier : ce poème de Brecht n’a été connu qu’après sa mort. Stalinien un jour, stalinien toujours. Le second : je dois la traduction du texte à Jacques Poitou.

20 réflexions sur « Mince, le peuple a encore trahi (élections 2) »

  1. Fabrice, tout le monde sait ce que le stalinisme a incarné, aussi bien comme idéologie que comme effets sur la vie des gens. Ne parlons pas de la nature, asservie elle aussi aux programmes communistes.
    Mais Hitler aussi a prétendu incarner le peuple, tout comme le FN actuellement qui joue à fond le populisme, avec le succès que l’on constate.
    Alors extrême droite ou gauche, même combat ! 🙁

  2. Hélène,
    tout à fait d´accord avec vous.

    Je conseille la lecture (ou la relecture) de l´Anti-Oedipe, de Gilles Deleuze et Félix Guattari inépuisable source de réflexion.
    « Enfin, l´ennemi majeur, l´adversaire stratégique (alors que l´opposition de l´Anti-Oedipe à ses autres ennemis constitue plutôt un engagement tactique) : le facisme. Et non seulement le facisme historique de Hitler et de Mussolini qui a su si bien mobiliser et utiliser le désir des masses, mais aussi le facisme qui est en nous tous, qui hante nos esprits et nos conduites quotidiennes, le facisme qui nous fait aimer le pouvoir, désirer cette chose même qui nous domine et nous exploite. » écrit Michel Foucault dans la préface de la traduction américaine de l´ouvrage.
    Je trouve cette notion de « facisme ordinaire » ou « facisme du quotidien », particulièrement intéressante. On a l´habitude de disserter doctement sur les grands systèmes d´oppression, qui, soit dit en passant, fonctionnent tous de la même manière, grâce à leur instrumentaire de terreur, mais un questionnement au niveau de l´individu pourrait s´avérer bénéfique, même s´il gêne quelque peu aux entournures de notre ego.

  3. Un ami avec qui je discutait de certaines tendances fascistes de l’Inde d’aujourd’hui, dont tout le monde s’accorde a reconnaître qu’elles proviennent de la classe moyenne, m’a dit:

    « la classe moyenne a une tendance au fascisme. C’est d’ailleurs elle qui a mis Hitler au pouvoir ».

    Cet ami et moi, lui professeur d’université, moi architecte, appartenons indiscutablement a la classe moyenne.

    Ca m’a fait penser…

  4. Une précision sur la traduction de la phrase :
    Das Vertrauen der….
    il faut plutôt traduire par :
    Après l’insurrection du 17 juin,
    Le secrétaire de l’union des écrivains
    Fit distribuer des tracts dans l’allée Staline.
    Le peuple, par sa faute, a perdu
    La confiance du gouvernement
    Et ce n’est qu’en travaillant doublement
    Qu’il pourra la regagner.
    Ne serait-il pas plus simple
    Pour le gouvernement
    De dissoudre le peuple
    Et d’en élire un autre ?

  5. @Eric Pruvot,
    loin de moi l´intention de vouloir couper les cheveux en quatre à propos de la traduction, mais le passé composé ne reproduit pas le sens de « Verscherzt habe ». C´est ce qu´on appelle en allemand le mode « Konjonktiv », traduit improprement par « subjonctif ». Le plus-que-parfait n´est pas non plus tout à fait exact, j´emploierais plutôt le conditionnel passé, « se serait aliéné ».
    Pardon pour ce petit accès de pédanterie, je baigne au quotidien et ceci depuis trente ans dans la langue de Goethe, et même si je ne m´exprime pas avec autant de raffinement que lui, j´en connais déjà bien les finesses ! 🙂

  6. Certains semblent n’avoir pas compris que le conseil de Bertolt Brecht était ironique :

    A indithakarai (Tamil Nadu, Inde), avec plus de 56,000 (oui, cinquante-six-mille) procédures policières et judiciaires pour la seule année 2011 et pour une seule centrale, voila un nouveau record spectaculaire pour le nucléaire !

    Ces procédures en cours incluent 6,000 cas de « trahison », de nombreux cas de « guerre contre l’état », et plusieurs cas de « tentative de meurtre » (visant les figures les plus en vue), et cela n’inclue pas les procédures intentées en 2012, car les villageois n’osent même plus sortir de leur village assiégé par la police sous crainte d’être arrêtés.

    Voila ce qu’il en coûte, dans « la plus grande démocratie du monde », de demander de manière non-violente l’application de la loi en vigueur a une centrale nucléaire !

    Tant que la classe moyenne en Inde ne s’intéressera qu’a la manière de trouver un job aux Etats-Unis, ce « récit » gouvernemental de trahison et d’anti-patriotisme continuera de « fonctionner », même s’il implique des méthodes aussi outrancières.

    Pour la presse Indienne, il ne se passe rien a Indithakarai. Pas un mot.

    A propos, les efforts de guerre contre la Syrie et l’Iran augmentent-ils ou réduisent-ils les chances d’un anti-nucléaire Iranien de se faire entendre ? Un discours remettant en cause l’énergie nucléaire en Iran a-t-il la moindre chance d’avoir une quelconque légitimité, la plus petite possibilité d’être simplement audible ?

    Le nucléaire c’est « la guerre a tous les étages ».

    http://www.dianuke.org/koodankulam-pmane-announces-indefinite-hunger-strike-from-starting-may-day/

  7. (…) « Je n’ai pas dormi de la nuit. J’aurai dû me méfier des Bruns dès qu’ils nous ont imposé leur première loi sur les animaux. Après tout, il était à moi mon chat, comme son chien pour Charlie, on aurait du dire non. Résister davantage, mais comment ? Et ça va si vite, il y a le boulot, les soucis de tous les jours. Les autres aussi baissent les bras pour être un peu tranquilles, non ?

    On frappe à la porte. Si tôt le matin, ça n’arrive jamais. J’ai peur. Le jour n’est pas levé, il fait encore brun dehors. Mais arrêtez de taper si fort, j’arrive ! »

    Franck Pavloff / Matin Brun

  8. Sarko a voulu manger le FN en prenant de ces membres en eminence grise,Buisson and co,tout ces discours super a droite ecrit par ces fascistes,pas de grand changement sauf que c’est lui qui est mangé par le FN et bien c’est raté,c’est lui qui va imploser et le Fn qui le mange restera,ce sera la droite de demain,bon et alors,les tacatiques de ces gens sont si degueulasses que heureusement la pluie tombe sur la terre et les arbres chantent,le reste ,le cloaque interieur de l’humanité,rebelote40%dans le gard,mazette!!!!

    le blog de hubert Huertas sur mediapart,un des seul journaliste a FC qui voit et dit.

  9. Entendu sur F.I.P, à 14h03 :
    Sur l’air traditionnel de SE CANTO

    JE VOTE

    J’ai un beau costume

    Et un nœud papillon

    J’suis pour les coutumes

    Et aux urnes j’irons

    REFRAIN

    Je vote je vote

    Car je suis un veau

    Et tous les veaux votent

    Gloire aux godillots

    De bon matin dans l’urne

    Je m’en vais poser

    Triste et taciturne

    Mon petit papier

    REFRAIN

    Qu’importe la liste

    La liste des élus

    Qu’importe la liste

    Je l’aurai dans l’cul

    REFRAIN et FIN

    Il parait que ce sont des « barricadiers » de Mai 68 qui ont commis ce pastiche

    Mais que fait le C.S.A ??!!

  10. Un vent d’espoir souffle sur les orangs-outans de Sumatra : les autorités compétentes pour la protection du climat ont établi que le producteur d’huile de palme PT Kallista Alam a systématiquement et délibérément enfreint la loi indonésienne.

    Maintenant, c’est au tour des ministères de l’environnement et de l’intérieur d’intervenir dans une affaire qui pourrait faire évoluer de manière significative l’Indonésie en matière de protection de l’environnement.

    http://www.sauvonslaforet.org/succes

  11. Désolé pour les orangs-outans et autres animaux sauvages mais l’huile de palme a de l’avenir, c’est la première matière grasse utilisée au Monde avec 30 % du marché.
    Pour faire reculer les plantations,il faudrait pour commencer, que les consommateurs que nous sommes,n’achétent plus aucuns aliments en contenant mais consomment d’autres matières grasses, bien plus chers,à base de tournesol ou de colza,olive,etc
    Malheureusement,tout ceci n’est qu’une simple histoire d’argent,toujours acheter le moins cher conduit au massacre d’animaux sauvages mais aussi à la ruine de nombreux pays.

  12. oui Paul, nous ne savons pas et n’avons pas les moyens, d’en fabriquer de façon indépendantes, l’homme n’est pas autonome… mais la rumeur urbaine dit qu’il est libre…

  13. Bonjour, pour rebondir sur l’huile de palme (hors sujet, j’en conviens) méfiez-vous des produit bio qui peuvent en contenir (par ex. « Gaufre au miel Bjorg »). Sous l’appellation « Bio » on peut trouver n’importe quoi

  14. Pour compléter le hors sujet de l’huile de palme :

    Crime environnemental : sur la piste de l’huile de palme
    par Sophie Chapelle (Bastamag / 17 AVRIL 2012)

    L’huile de palme est massivement importée en Europe. Elle sert à la composition d’aliments comme aux agrocarburants. Avec le soutien de la région Languedoc-Roussillon, une nouvelle raffinerie devrait voir le jour à Port-la-Nouvelle, dans l’Aude. À l’autre bout de la filière, en Afrique de l’Ouest, l’accaparement de terres par des multinationales, avec l’expropriation des populations, bat son plein. Basta ! a remonté la piste du business de l’huile de palme jusqu’au Liberia.

    Quel est le point commun entre un résident de Port-la-Nouvelle, petite ville méditerranéenne à proximité de Narbonne (Aude), et un villageois du comté de Grand Cape Mount, au Liberia ? Réponse : une matière première très controversée, l’huile de palme, et une multinationale malaisienne, Sime Darby. D’un côté, des habitants de Port-la-Nouvelle voient d’un mauvais œil la création d’« une usine clés en main de fabrication d’huile de palme » par Sime Darby, en partie financée par le conseil régional du Languedoc-Roussillon.

    À 6 000 km de là, les paysans libériens s’inquiètent d’une immense opération d’accaparement des terres orchestrée par le conglomérat malaisien, en vue d’exploiter l’huile de palme et de l’exporter vers l’Europe, jusqu’à Port-la-Nouvelle en l’occurrence. Un accaparement de terres qui pourrait déboucher sur des déplacements forcés de population et mettre en danger leur agriculture de subsistance.

    La suite de l’excellent article de Sophie Chapelle : http://www.bastamag.net/article2311.html

  15. Eh oui, c’est peut être hors sujet mais tant que les consommateurs ne verront pas plus loin que leur porte monnaie, les animaux sauvages disparaîtront.

    Mais attention , le pire est à venir, les milliardaires de tout poils et de tout pays s’intéressent de plus en plus aux terres agricoles.
    Alors que notre environnement souffre de l’excès de l’agriculture intensive , les agriculteurs de plus en plus conscients de leur pratique, auront besoin de soutien pour produire plus propre.
    Hors,les financiers ayant essuyés de nombreux revers ces dernières années commencent à lorgner sur le foncier.
    Continuer à être agriculteur demain risque alors de n’être réservé qu’à quelques privilégiés qui se partageront le territoire francais et il en sera fini de l’agriculture encore familiale,qui malgré certains reproches ,respectent encore assez bien leur cadre de vie.
    Dans certains départements francais le prix des terres flambent outre mesure,les agriculteurs sont à bout, si rien n’est fait rapidement de la part de la profession agricole et de l’état, ce sera une véritable catastrophe pour la ruralité et aussi pour l’écologie des territoires.
    C’est bien gentil de vouloir protèger des animaux sauvages à l’autre bout de la planète mais il faudrait commencer par le faire chez nous.

  16. ^^

    Bonsoir,

    « C’est bien gentil de vouloir protèger des animaux sauvages à l’autre bout de la planète mais il faudrait commencer par le faire chez nous. »

    Il n’est pas incongru et impossible de faire les deux.

    Plus d’huile dans les salades, pour les frites, et protéger, acceuillir ou nourrir les animaux en détresse près de chez nous.

    Idem, pour le reste. Ne pas consommer idiot, pour favoriser l’esclavage à l’autre bout de la planète. Et aider ceux dans le besoin, au plus près.

    C’est peut être de là que vient l’expression: Ne pas mettre les oeufs dans le même panier!

    Si je vous le dit! 🙂

    Amitiés,

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