Le Sommet de la Terre de Rio, Monbiot, Orru et le ridicule rigolo

L’ami Jean-Paul Brodier m’envoie la parfaite traduction d’un papier récent du Britannique George Monbiot (ici). J’ai beaucoup parlé de Monbiot dans les premières années de Planète sans visa, et presque plus depuis un long moment. Il y a une raison : Monbiot a publié un papier étonnamment favorable, dans mon esprit du moins, au nucléaire. Cela m’a secoué, au point que j’avais oublié l’essentiel : Monbiot est un grand journaliste, et malgré tout un véritable écologiste. Que Jean-Paul soit donc doublement remercié. Pour sa traduction, et pour m’avoir conduit à retrouver la mémoire.

Vous trouverez ci-dessous trois textes. Le premier est donc celui de Monbiot, qui revient sur le formidable désastre qu’a été la conférence de Rio, soi-disant Sommet de la Terre. Le deuxième, je l’espère en tout cas, vous fera rire, et sur le même sujet s’il vous plaît. Bien involontairement, je le crois et le crains, le directeur général du WWF en France, Serge Orru, se livre à un désopilant exercice au sujet de Rio. Je vous laisse découvrir son cri publié aujourd’hui même dans le quotidien gratuit 20 minutes, cela vaut la peine. Et d’autant plus que je vous glisse en prime une offre de travail originale. Tandis que les Serge Orru touchent des salaires de cadres très, très supérieurs, le WWF fait refaire ses plates-bandes par des jardiniers « bénévoles ». Ah les braves gens !

1/ Monbiot

Comment la « soutenabilité » est devenue la « croissance soutenable »

La déclaration de Rio se torche avec les principes de l’action environnementale

En 1992, les leaders mondiaux se sont engagés sur une chose dénommée « soutenabilité ». Peu d’entre eux avaient une idée claire de ce que cela signifiait ; j’en soupçonne beaucoup de ne pas avoir d’idée du tout. Peut-être en conséquence, il n’a pas fallu longtemps pour que ce concept se mue en quelque chose de subtilement différent : « développement soutenable ». Puis il a fait un saut vers un autre terme : « croissance soutenable ». Et maintenant, dans le texte que le Sommet de la Terre 2012 (ici) est sur le point d’adopter, il a subi une nouvelle mutation : « croissance soutenue ».

Ce terme apparaît 16 fois dans le document, il y alterne indifféremment avec soutenabilité et développement soutenable. Mais si la soutenabilité a quelque sens, c’est à coup sûr l’opposé de croissance soutenue. La croissance soutenue sur une planète finie est l’essence de la non-soutenabilité.

Comme l’observe Robert Skidelsky, qui aborde ce sujet sous un angle différent, dans le Guardian d’aujourd’hui (ici) : Aristote ne connaissait l’insatiabilité que comme un vice personnel ; il ne soupçonnait rien de l’insatiabilité collective, orchestrée politiquement, que nous appelons croissance économique. La civilisation du « toujours plus » l’aurait frappé comme une folie morale et politique. Et à partir d’un certain point c’est aussi une folie économique. Ce n’est pas seulement ni principalement parce que nous allons nous heurter bientôt aux limites naturelles de la croissance. C’est parce que nous ne pourrons pas continuer longtemps à économiser sur le travail plus vite que nous ne lui trouvons de nouveaux usages.

Plusieurs des suppressions les plus scandaleuses proposées par les États-Unis — comme toute mention des droits, ou de la justice, ou de responsabilités communes  mais différenciées — ont été retoquées. Par ailleurs, la purge du gouvernement Obama a réussi, en rejetant des concepts tels que « modèles non soutenables de consommation et de production » et la proposition de découpler la croissance économique de l’utilisation des ressources naturelles.

Au moins les États appelés à signer ce document n’ont pas déchiré les déclarations du dernier Sommet de la Terre, il y a vingt ans. Mais en termes de progrès depuis lors, voilà tout. La réaffirmation des engagements de 1992 est peut-être le principe le plus radical de toute la déclaration.

Le résultat est que le projet de déclaration, qui semble destiné à devenir le document final, ne mène précisément nulle part. Cent quatre-vingt dix gouvernements ont passé vingt ans à s’efforcer de « prendre en compte », « reconnaître » les crises environnementales et à exprimer une « profonde inquiétude » à leur sujet, mais pas à faire quoi que ce soit.

Ce paragraphe de la déclaration résume le problème pour moi :
Nous reconnaissons que la planète Terre et son écosystème sont notre maison et que l’expression Terre Mère est commune à un grand nombre de pays et régions, nous notons que certains pays reconnaissent les droits de la nature dans le contexte de la promotion du développement soutenable. Nous sommes convaincus que pour atteindre un juste équilibre entre les besoins économiques, sociaux et environnementaux des générations présentes et futures, il est nécessaire de promouvoir l’harmonie avec la nature.

Propos aimables, n’est-ce pas ? Ils pourraient être illustrés par des arcs-en-ciel et des licornes psychédéliques, et collés sur la porte de vos toilettes. Mais sans aucune proposition de moyens de mise en œuvre, on pourrait tout aussi bien leur trouver une autre fonction dans les mêmes lieux.

La déclaration se caractérise par l’absence de chiffres, dates et objectifs. Elles est bourrée de platitudes insensées, comme une publicité pour une carte de crédit, mais sans la menace nécessaire. Il n’y a rien là sur quoi travailler, aucun programme, aucune notion d’urgence, aucun appel à une action concrète au-delà des mesures inappropriées déjà actées dans de précédentes déclarations molles. Son ton et son contenu conviendraient mieux à un discours de départ en retraite qu’à un enchevêtrement de crises globales qui vont s’aggravant.

Le projet, probablement la déclaration finale, est fait de 283 paragraphes de vent. Il suggère que les 190 gouvernements appelés à l’approuver ont, effectivement, fait une croix sur le multilatéralisme, fait une croix sur le monde et fait une croix sur nous. Alors que faisons-nous maintenant ? C’est le sujet que je compte traiter dans mon papier de la semaine prochaine.

2/ Le texte de Serge Orru

L’écologie est joyeuse !

Créé le 27/06/2012 à 04h21
Après le piètre accord de « Rio+Vain » et les vicissitudes de notre monde accaparé par la sinistrose et le déferlement des crises, si nous devenions des écolos joyeux ? Imaginons que les gaz à effet de serre deviennent des gaz à effet de rêves ! On ne peut pas uniquement entraîner les peuples dans des démarches rébarbatives, quand bien même les constats sont alarmants. Il nous faut aussi diffuser des pratiques écologiques avec la dynamique de la joie et de la bienveillance aux autres et à la nature, car « L’indifférence, c’est le fléau », chante Michel Jonasz.?La vie est belle et notre planète magique est à préserver absolument pour nous et nos enfants chéris. Oui à l’éco-système ! Non à l’ego-système ! Antoine de Saint-Exupéry nous le dit : « L’avenir, tu n’as pas à le prévoir, tu as à le permettre. »

Serge Orru, directeur général? du WWF France

3/La proposition de travail du WWF

Prochaine mission bénévoles en Ile de France

Prochaine mission en Ile de France
Jardinage le Jeudi 5 juillet 2012

Nous vous proposons une matinée de jardinage le Jeudi 5 juillet 2012 de 9h à 13h au siège du WWF France.
Votre mission consistera à nettoyer une parcelle et à planter des fleurs sur une autre.
Nous avons besoin de 6 bénévoles (sans connaissances particulières) encadrés par Jacques, bénévole responsable.

Si vous êtes disponible pour cette mission, vous pouvez envoyez votre confirmation à benevolat@wwf.fr

Merci d’avance et bonne journée!

Service mobilisation & bénévolat
Fondation WWF-France
1, carrefour de Longchamp
75016 Paris

19 réflexions sur « Le Sommet de la Terre de Rio, Monbiot, Orru et le ridicule rigolo »

  1. Je n’ai pas pu m’empêcher d’écrire ma de candidature au WWF ! J’ai bien envie de l’envoyer…

    Monsieur Serge Orru, directeur général du WWF France,
    Cher Monsieur,
    J’ai pris connaissance avec intérêt de votre offre de mission bénévole pour une matinée de jardinage au siège du WWF.
    L’univers des jardins n’a plus de secret pour moi, ayant obtenu un BP de maraîcher bio. Fort de quinze années d’expérience à cultiver légumes et fleurs, je pense être l’homme de la situation.
    Je peux tout à fait me rendre disponible pour le 5 juillet, je peux même oublier toutes mes « connaissances particulières », puisque vous semblez préférer des personnes débutantes en la matière.
    Je comprends tout à fait que la situation économique difficile du WWF vous empêche d’embaucher les jardiniers qui aideront à aménager de beaux massifs.
    Je comprends parfaitement que le coût exorbitant du travail en France dissuade les petites associations comme le WWF de rémunérer un salarié, fût-il temporaire ou permanent.
    Je sais aussi que le développement durable qui vous est cher repose sur trois piliers fondamentaux : l’environnement, l’économique et la solidarité.
    C’est pourquoi je me déclare solidaire de toutes les petites structures qui agissent sans aucune aide comme le WWF. S’il le faut, je peux même vous apporter des graines de mon jardin, s’il en est besoin, je peux payer ma contribution pour avoir le privilège de travailler à la grande œuvre du massif fleuri de votre association.
    Je me tiens à votre disposition pour toutes informations complémentaires.

  2. les propos de S. Orru pourraient aussi  » être illustrés par des arcs-en-ciel et des licornes psychédéliques, et collés sur la porte de toilettes…et même trouver une autre fonction dans les mêmes lieux  » !
    Mais où est-ce qu’il trouve son gaz hilarant Frère Orru ? j’en veux ! ( en fait en le lisant je l’imaginais comme le curé du film « la vie est un long fleuve tranquille », guitare à la main, en train de chanter pour transmettre sa joie aux gogos qui planteront les bégonias pour la bonne cause)

  3. l’article de Monbiot est plutôt poilant aussi,
    « alors que faisons nous maintenant?  »
    aura t-on la traduction de son article suivant, pour voir ses propositions?

  4. Devenons des « écolos joyeux » qu’il dit Serge Orru ? A le lire la seule chose qui me parait joyeuse c’est que son billet, agglomérat de platitudes et de stupidité, pourraient normalement en éclairer quelques uns au WWF France sur la qualité d’écologiste de leur directeur.

  5. Serge, mon ange, je saute dans ma bulle et je vol te rejoindre sur ta planète. Je suis folle de joie que tu m’invites à titiller les limaces du WWF.

  6. Frédéric, je vous embauche comme jardinier (bénévole évidemment). J’ai un jardin, mais je suis piètre jardinière et je suis fauchée. Vous serez logé dans la demi-ruine qui donne sur le jardin, ce qui vous permettra de faire de considérables économies de temps et d’essence, et nourri avec le produit de votre travail (faut savoir motiver les employés). En plus de bien me dépanner, ça me donnera bonne conscience.
    Win-win, comme deal, non ?

  7. Flore,

    Ce n’est pas S. Orru, c’est G. Monbiot qui suggère de se torcher avec les déclarations de Rio. Faut suivre un peu !

  8. Jean-Paul, c’est vous qui avez mal lu. Flore a parfaitement compris qui a dit quoi. Elle dit juste que la suggestion de Monbiot s’applique parfaitement aux propos d’Orru.

  9. Valérie,
    J’ai bien reçu votre proposition d’emploi bénévole et je vous en remercie.
    Je viens d’envoyer ma candidature au WWF et j’ai bon espoir qu’avec ma lettre sacrément argumentée, ma motivation de winner et ma vision résolument volontariste au service d’un véritable développement durable et solidaire prônée par le WWF, mon offre de bénévolat soit retenue. Si mes talents de jardinier sont enfin reconnus, je gravirai les échelons un à un pour finir, qui sait, chef jardiner bénévole. Mais ne brûlons pas les étapes.
    Je suis donc dans l’expectative et ne peux, à cette heure, m’engager dans d’autres projets, ce que vous comprendrez, j’en suis certain. Ce n’est pas que votre proposition soit dénuée d’intérêt ; la perspective d’une demi-ruine de fonction et la possibilité de me nourrir des fruits de mon travail sont même beaucoup trop pour moi. J’ai peur qu’autant d’avantages sociaux ne fassent une concurrence déloyale à des petites entités comme le WWF. L’emploi doit se mériter de nos jours, n’est-ce pas ?
    Je vous propose donc de prendre un temps de réflexion et vous recontacterai pour vous donner de mes nouvelles,
    Frédéric

  10. Deutsche Bank: la déforestation entre en bourse… (que fait Mr Orru ?)

    « La Deutsche Bank aide FELDA à accaparer nos terres et déboiser la forêt tropicale. » Mazlan Aliman est le courageux porte-voix de l’opposition paysanne en Malaisie. Sa coopérative lutte contre l’introduction en bourse le 28 juin 2012 du géant de l’huile de palme FELDA, craignant de voir ces flux d’argent utilisés pour la destruction à grande échelle des forêts tropicales.

    La FELDA Global Ventures Holding espère lever 3 milliards de dollars de fonds par son entrée en bourse de Malaisie. Elle est aidée dans cette opération par la Deutsche Bank dans sa recherche d’investisseurs. A ce jour, FELDA est le troisième plus grand propriétaire de monoculture de palmiers à huile et premier négociant d’huile de palme au monde, ainsi qu’un producteur de sucre de premier plan.

    Une pétition à signer ici : https://www.sauvonslaforet.org/petitions/878?ref=nl&mt=1389

  11. salaire d’Orru : 110 000 € /an (brut) vive les carrières dans les ONG ! tout ce petit monde rumine gentiment dans son pré carré et joue aux chaises musicales ; Et nous on rigole…ou on pleure , c’est selon.
    hé,quand même ! 28h de boulot pour deux plates bandes ça fait de la bonne plate bande déjà,non ?, ils ont un parc au WWF ?

  12. Coucou,

    Merci. Merci aussi pour les commentaires. :)))

    Bénévolat. Il y aurait tant a dire sur le bénévolat. Les associations fonctionnent comme de grandes entreprises. Les bénévoles pensent bien faire, mais sont les « dindons » de la farce. Grosse la farce!

    Et si l’on fouille en arrière, années 39 – 45, c’est pas jojo. Je parle de l’humanitaire. Mais faut il pour autant cesser d’aider autrui dans le besoin en tant que bénévole au sein d’une association? Le mot pardon prend tout son sens.

    Beau samedi dimanche a toutes et tous,

  13. Valérie,
    Je vous avais promis de vous tenir informée des suites de ma candidature envoyée au WWF pour une offre d’emploi bénévole. La mission de jardinier était prévue aujourd’hui.
    Chaque jour, j’ai guetté ma boite aux lettres, vérifié jusqu’aux messages indésirables, des fois que, je m’imaginais flamboyant au sein d’une équipe jeune et dynamique, fière de semer les graines d’un monde nouveau.
    Ce soir, je dois me rendre à l’évidence : je n’ai pas été sélectionné.
    Soyez sans inquiétude, je pense, j’espère pouvoir me remettre de cette épreuve.
    Plaisanterie mise à part, vous imaginez le discrédit qui aurait été le mien, si ma candidature avait été retenue ? Déjà que je passe pour incongru, pour ne pas dire moins, avec ma lettre de motivation saugrenue…
    J’en viens à présent au poste de jardinier que vous me proposiez, avec ruine de fonction, fruits des récoltes et bonne conscience à bon marché. J’y ai lu tout à la fois un trait d’humour et une marque d’attention à laquelle je suis sensible.
    Je pourrais vous répondre que, malgré son intérêt, votre offre, qui a retenu toute mon attention, ne peut faire l’objet d’une réponse favorable, mais qu’à l’évidence, je conserve votre dossier dans l’hypothèse où une opportunité se ferait jour…
    Non, je laisse cette phraséologie aux professionnels du genre, vous savez, ceux qui ont rebaptisé licenciements en plans de sauvegarde de l’emploi, ceux pour qui il n’est plus d’exploités, mais seulement des défavorisés, ceux qui requalifient votre banquier de partenaire…
    Je vous répondrai simplement merci. Je vous dirai que, là où je vis, le potager qui me nourrit a besoin de mes attentions, particulièrement en ces temps difficiles. Je vous confierai qu’avec les années, je prends racine, de plus en plus ; un jour, je finirai épouvantail de mon état, un jour, il y aura de l’avenir là-dedans, on verra fleurir des offres d’emploi bénévole d’épouvantail pour sauver la planète, comme on dit.
    Pour l’heure, je continue de travailler avec la terre sans oublier d’ouvrir les fenêtres qui donnent sur les livres et sur les planètes où les visas ne sont pas de rigueur.
    Voilà, j’espère ne pas vous mettre dans l’embarras pour votre jardin, j’espère que mon commentaire n’est pas trop décalé avec le ton du site.
    Frédéric

  14. Frédéric

    C’est marrant, un ami (qui sait parler aux femmes) m’a déjà gentiment proposé un poste d’épouvantail dans ses vignes.
    Et moi aussi, comme vous, je prends racine. Au point que parfois ça m’inquiète.

    C’était une offre pour rire, bien sûr, mais en même temps je sens bien que mon jardin aurait apprécié vos soins, et moi votre conversation.
    Ce n’est peut-être que partie remise.
    En attendant, il nous reste ce drôle de lieu pour faire encore plus ample connaissance.
    Quant au décalage avec le ton (d’ailleurs, y a-t-il un ton sur Planète sans Visa ?), il y a ici pas mal de gens capables de ne pas s’en offusquer, je crois. Je ne citerai personne 🙂

    A bientôt
    Valérie

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