Quand Monsanto se planque pour mieux avancer

Merci à Jean-Paul Guyomarc’h, qui a déniché l’information, et me l’a transmise. Vu le titre que j’ai trouvé, le suspense ne sera pas bien grand, mais faisons comme si. Et commençons par la lecture d’un site internet (ici), qui nous annonce une bien grande nouvelle : la société Scotts France « lance son appli jardin ». Certes, cela peut paraître modeste, mais c’est tout de même bien joli. Disponible sur les smartphones, cette nouveauté « propose un diagnostic complet des maladies et des nuisibles rencontrés dans un jardin et détermine le traitement adéquat ». C’est gratos, c’est sur le téléphone, c’est hyperpratique et hypramoderne, cela devrait donc faire fureur. Ne compte-t-on pas 17 millions de jardiniers en France, ainsi que 12 millions de smartphones à la fin de 2011 ? Si.

Insistons sur un point digne d’intérêt : il s’agit de proposer un traitement. Car l’application magique recense, en sa banque d’images, 110 maladies et « nuisibles » de la plante. C’est la guerre, voyez-vous, mais les armes de destruction massive sont à portée de pulvérisateur. Elles s’appellent KB, Carré Vert, Fertiligène et Naturen. En « géolocalisant » les magasins qui produisent ces excellents biocides, puis en établissant un itinéraire grâce à Google Map, on court les acheter les yeux fermés. Et si par malheur l’agressé ne trouve pas l’agresseur dans la liste des 110, eh bien, il lui reste la possibilité d’appeler un expert. Un expert de chez Scotts, la noble société qui offre ainsi ses si admirables services.

Poursuivons. Pour en savoir plus sur l’application gratuite, il est conseillé de se rendre sur un autre site appelé La pause jardin (ici). Un tel nom donne confiance, je trouve. Surtout qu’on vous annonce de suite qu’on « n’a jamais été aussi bien dans son jardin ». Pour celui qui a envie de jouer à l’ombre de son figuier, « un grand concours Agriculture biologique », qui peut permettre de gagner un kayak. Quantité de braves gens dont on ne connaîtra que le doux prénom – Nathalie, par exemple – répondent à nos questions, tandis qu’un gentil organisateur offre un voyage virtuel dans la magnifique bambouseraie d’Anduze, dans le Gard. « C’est les vacances », « Découvrez le Land’art »« Jardinez à l’ombre » : tout est à ce point sympathique qu’on a envie de tirer une chaise, et de s’asseoir en si bonne compagnie. Il faut vraiment être une vilaine engeance pour se concentrer sur les discrètes mentions concernant les bons produits de la maison, qui ont nom Substral, Fertiligène, KK, etc.

Et d’ailleurs, quel est donc le propriétaire de ces marques, dites-moi ? La page ne signale rien qui permette de comprendre qui est qui. Il faut aller aux toutes dernières lignes, et se munir d’une loupe binoculaire pour découvrir ceci : « Vous êtes sur le site Scotts France destiné aux produits grand public ». Et nous voilà bien avancés, car qui est donc Scotts France ? Vous connaissez peut-être, mais en ce cas, vous faites partie d’une minuscule cohorte. Oui, qui est Scotts France ? Patience. C’est en tout cas une entreprise fortement « citoyenne », pour reprendre un mot si galvaudé qu’il en est devenu obscène. Regardez plutôt ce film d’une minute où l’on voit le directeur de Scotts France parler de ses relations avec les parcs naturels régionaux : c’est ici.

Il n’est que temps de parler du round-up, désherbant le plus vendu en France, et dans le monde. La très belle association Eau et Rivières de Bretagne a mené un homérique combat judiciaire de six années – tribunal correctionnel, cour d’appel de Lyon, Cour de cassation – contre le fabricant du round-up, c’est-à-dire Son Altesse Monsanto Elle-Même. Et elle a gagné de façon spectaculaire : lire ici. Monsanto a été condamnée pour publicité mensongère. Sans état d’âme, la transnationale plaquait sur ses flacons : 100 % biodégradable ou encore Respecte l’environnement. Plaisantins, va !

Mais Monsanto n’était pas la seule entreprise poursuivie. Car si la marque fabriquait, une autre commercialisait. Et cette autre a pour nom, mais vous l’aurez sans doute deviné, Scotts France. Quels sont les liens entre les deux ? Bonne question, que je vous remercie de me poser à distance. Ce n’est pas si clair. Des documents présentent Scotts France comme une « division » de Monsanto, mais je n’y crois guère. Les sources les plus sérieuses que j’ai pu lire indiquent que Scotts Miracle-Gro est une entreprise américaine qui a passé des accords exclusifs avec Monsanto. Il n’est pas exclu que des liens plus discrets existent entre les deux, mais en ce cas, j’en ignore tout.

La question du jour est de savoir pourquoi Monsanto a renoncé à commercialiser sous son nom l’un de ses produits-phares, le round-up. Les explications sont sûrement nombreuses, mais je vais vous proposer la mienne, exceptionnellement optimiste : le nom de Monsanto est associé à tant de saloperies que la firme étasunienne aura préféré cacher ce nom devenu synonyme de crime. En confiant le bébé à une boîte totalement inconnue, Scotts, elle aurait réussi à gagner un peu de temps et à tromper un peu plus les pauvres nigauds que nous sommes tous.

Je le reconnais, ce n’est qu’hypothèse. Mais voyez comment font les entreprises malades de leur nom et de la réputation associée. Dans les années 80 et 90 du siècle passé, le marché de l’eau, en France, a permis d’apprendre beaucoup sur la corruption des élus locaux, qui est grande. Qu’est donc devenue la Lyonnaise des Eaux, créée en 1880 ? Entre 1980 et 2000, son président s’appelait Jérôme Monod, qui fut aussi un des plus grands pontes du RPR de Chirac. Et c’est sous son règne qu’Alain Carignon, jadis maire de Grenoble et toujours ami proche de Sarkozy, fut envoyé en taule pour avoir signé un « pacte de corruption » avec la Lyonnaise. Je vois que la police est bien faite : si vous tapez Lyonnaise des Eaux sur Google, vous verrez comme moi combien Wikipédia sait se montrer miséricordieux avec les crapules.

Je m’éloigne. La Lyonnaise est désormais noyée – oui, c’est un mauvais jeu de mots – dans le groupe Suez Environnement et distribue tranquillement de l’eau à près de 20 % des Français. On a enterré le passé avec l’ancien nom : bien joué. Et la Compagnie générale des Eaux, fondée elle en 1853, vous voyez ? Si oui, quelle chance ! Extrait du journal Libération du 10 octobre 1996 : « Au troisième jour du procès, les deux hauts dirigeants de la
Compagnie générale des eaux (CGE) ont craqué.
« Nous voulons vous dire exactement comment les choses se sont passées », a déclaré Jean-Dominique Deschamps, hier matin, à la reprise de l’audience, devant le tribunal correctionnel de Saint-Denis de la Réunion. Son collègue à la direction générale de la CGE, Jean-Pierre Tardieu, a embrayé pour reconnaître qu’une commission « de 4 millions de francs, dont la moitié devait être versée autour de la première année, avait été convenue » avec la mairie de Saint-Denis, alors dirigée par le socialiste Gilbert Annette ».

Mais où est passée la Générale ? Après avoir été confiée au vertueux Jean-Marie Messier, si proche conseiller d’Édouard Balladur, alors ministre des Finances – 1987 -, elle se transforme ensuite, par un coup de baguette magique, en Vivendi Environnement. Ni vu ni connu, j’t’embrouille. Un autre coup de chiffon, et la voilà devenue Veolia, ripolinée de manière à tenir au moins le siècle : elle emploie plus de 330 000 salariés et se présente en toute modestie comme « leader mondial des services collectifs ». Pfuit ! Plus aucune odeur, plus aucun relent d’égout.

Je ne dresse pas la liste interminable de ces astucieux changements. Vous en connaissez probablement vous-même, en France ou à l’étranger. Un dernier mot : dans l’indépassable 1984, la bataille des mots et de la mémoire est centrale. Décisive. L’Angsoc, qui règne de la manière qu’on sait, repose sur un triptyque audacieux : « La guerre, c’est la paix », « La liberté, c’est l’esclavage » et « L’ignorance, c’est la force ». À côté de l’anglais classique, bien trop proche de la vérité, est apparu le newspeak, que nous avons traduit par novlangue. Monsanto a bien mérité de la patrie orwellienne.

38 réflexions sur « Quand Monsanto se planque pour mieux avancer »

  1. Merci pour cette information qui malheureusement n’est que la partie visible de l’iceberg des manipulations des grandes multinationales. Ces tours de passe-passe ne sont toutefois pas étonnants dans la mesure où les grandes sociétés essaient par tous les moyens de se donner une image respectable après des décennies d’actes et décisions irresponsables. Greenwashing et sociétés écrans sont donc de mise. Le seuil détail, mais il est de taille, c’est que de plus en plus de gens s’informent et que ces manœuvres n’ont souvent en définitive qu’un résultat inverse à celui escompté.Et les consommateurs avisés ont la mémoire longue, surtout quand on essaie de les prendre pour des c… idiots…

  2. c’est bien délirant tout ça…
    il est certain que le nom de monsanto effraie, de plus « le monde selon monsanto » de MM Robin a été diffusé à la télé, j’ai vu qu’il y a sa version italienne aussi. Une fois à la radio j’ai entendu un scientifique dire que le roundup était l’amiante demain.
    Maintenant est-ce que ce gadget à la c…va permettre de vendre un peu plus de poison ? ça reste à voir. J’ai un bouquin pour diagnostiquer les maladies des plantes, très bien fait, qui préconise des remèdes « classiques », mais sans citer de marques, et on peut tout à fait s’en servir comme un outil de diagnostic. Il est probable que les gens qui vont utiliser cette application seront les mêmes qui vont chercher des conseils à deux balles et souvent erronés dans les jardineries, grandes surfaces des végétaux amputés d’une partie de leur âme, où les employés pallient à leur ignorance par une assurance voire une arrogance souvent risible. Et qu’il va bien sortir un de ces 4 une application « bio », on n’arrête pas le progrès.
    C Bourguignon souligne aussi l’utilisation de ce vocabulaire guerrier. Quelle triste vision du monde derrière tout ça.

  3. Tu es bien optimiste, Flore. l’expérience de tous les jours prouve que les gens se laissent très facilement prendre à ces infamies peinturlurées de vert. j’ai encore chez moi (qu’en faire?) un paquet de Round Up acheté sur la foi de leurs pubs mensongères et, plus récemment, des graines de phacélie, engrais « vert » patenté qui se sont révélées « enrobées » sans que j’aie pu savoir de quoi, et je constate quotidiennement que des gens pleins de bonne volonté mais n’ayant pas le temps de se tenir au courant de façon pointue et permanente se laissent avoir par toutes les ruses du greenwashing.

    Les remèdes classiques sont souvent moins efficaces et plus complexes à utiliser, et beaucoup de gens ne veulent « pas s’emmerder », préférant utiliser, sans se poser trop de questions, un truc qui tue vite et bien.

    Ainsi, leur badigeonner de vert les poisons les plus violents peut suffire à tranquilliser leur conscience…

    Par contre, il est bien vrai que Monsanto, depuis le Round Up, le fameux « Terminator », et les divers transgéniques, et surtout le livre de Marie-Monique Robin est un peu perdu de réputation. Alors, utiliser un autre nom peut se révéler tout à fait rentable.

  4. @ Cultive ton jardin : ah, non, tu te trompes, je suis une pessimiste chronique(qui l’assume). Je voulais dire que je ne suis pas certaine que cette ‘appli » augmente tant que ça le volume de poisons vendus. Parce que les gens susceptibles de l’utiliser pour acheter des merdes chimiques,et bien ils en achètent déjà. Et ça, oui, je le sais bien. (Je vois toujours les paquets de 5 kg de métaldéhyde en tête de gondole chez LM dés qu’il pleut, et les gens en acheter comme des imbéciles et moi ce truc bleu me rend verte.)

  5. « Monsanto ne doit pas nous faire oublier les Bayer, B.A.S.F., Syngenta et consorts. » (René):

    En effet, Monsanto est la partie émergée (à regret) de l’iceberg toxique. Il serait temps de « faire leur fête » aux autres également.

    Et aussi, pour chacun de nous, de faire l’inventaire local de leurs excroissances.

  6. Monsanto n’est pas toujours planqué:

    site à explorer: http://www.pro-mais.org/

    chercher les 10 membres: Monsanto France S.A par exemple

    et puis chez un autre membre, Caussade semences, chercher Agriculture bio

    Syngenta Seeds etc…

    Les paysans du Sud Ouest ne se sentent pas toujours bien libres.
    http://www.popcorn.fr/#/actualites/

    Les écolos non plus d’ailleurs:
    http://www.tela-botanica.org/page:evenements?action=8&id_fiche=3314

    Tout ceci à propos des épandages aériens sur le mais chez nous, certains demandés sur des champs de mais doux à popcorn.

  7. « je ne suis pas certaine que cette ‘appli” augmente tant que ça le volume de poisons vendus » (Flore):

    Leur objectif n’est sûrement pas d’augmenter (chez nous, je veux dire), mais de freiner l’inéluctable diminution chez les particuliers. Dont beaucoup se sont enfin aperçu que c’est idiot de se donner du mal pour cultiver son propre jardin si c’est pour y foutre (à plus haute dose parfois) les mêmes saloperies que dans l’agriculture industrielle.

    Par contre, ceux qui font seulement « jardin d’agrément », comme ils ne bouffent pas leurs fleurs et au contraire tiennent à une belle apparence, ceux-là sont une cible qu’il suffit de déculpabiliser avec un peu de peinture verte.

  8. Un jour, je me suis dit : il est urgent de réapprendre les gestes de semer, d’accompagner les plantes dans leur aventure de vivre. Sans béquilles chimiques, sans rien d’autre que des savoirs paysans des siècles passés.
    J’ai appris, je continue d’apprendre.
    Déclarer la guerre au potager, c’est perdu d’avance. L’humain n’est pas de taille. Accepter quelques pertes, la part des limaces, des merles, des pigeons. Admettre que l’essentiel se fait quand on ne fait rien.
    Ce qui se joue, à travers ces diagnostics assistés par smartphone, ces armes de guerre et ces géolocalisations de magasins, c’est la négation du lien à la terre, des valeurs d’humilité, d’autonomie, de respect élémentaire, qui devraient être celles de tout bon jardinier. C’est finalement la logique commerciale qui l’emporte encore et toujours. Faire commerce de tout, rendre l’individu dépendant…
    Les semenciers se sont approprié les semences sélectionnés depuis des siècles par les paysans qui doivent dorénavant payer des royalties appelées « contributions volontaires obligatoires », s’ils veulent ressemer le fruit de leurs récoltes. Admirons au passage l’inventivité des linguistes qui nous gouvernent.
    Au fond, les dons de la nature, par essence gratuits, sont insupportables pour les industriels du hold-up. Dans ce système, tout se tient :
    – Empoisonner les sols sur lesquels pousseront des plantes malades que l’on mettra sous perfusion chimique,
    – Remplacer les variétés anciennes par des semences stériles (les fameuses hybrides F1) gourmandes en chimie lourde pour être productives,
    – Rendre les gens malades pour leur vendre des pilules…
    Parfois, je me demande si la disparition de l’abeille n’est pas recherchée par les multinationales, volontairement ou involontairement. Vous imaginez ça, une abeille qui pollinise gratuitement des fleurs ? Inadmissible pour les marchés de la croissance économique. Il faut d’urgence rendre ce service payant…
    Alors oui, il est urgent, vraiment, de réapprendre les gestes de se nourrir.
    Frédéric

  9. Coucou,

    Merci.

    Le 28 novembre 2011, le parlement adoptait une loi sur les « certificats d’obtention végétale ». Les agriculteurs doivent désormais payer une indemnité pour resemencer leur propre récolte. Une menace pour les semences paysannes traditionnelles soit l’expropriation d’un droit démocratique fondamental constitutif de notre humanité.

    A compter du 1er avril 2011, la vente de tous les produits à base de plantes médicinales sera interdite sur le territoire de l’Union européenne…s ‘ils ne sont pas au bénéfice d’une autorisation.

    BREVETS. Conçu à l’origine pour les inventions industrielles portant sur des objets, le brevet est aujourd’hui l’outil de protection de la propriété intellectuelle le plus répandu au monde. Son application s’étend progressivement au vivant (micro-organismes, organismes végétaux et animaux) et donc aux semences.

    Un bunker contenant des millions de graines des plantes cultivées partout dans le monde a été crée pour protéger la biodiversité de notre planète. Dans l’un des lieux les plus reculés du monde, à Svalbard (près de l’Océan Arctique), Bill Gates investit des millions pour rassembler toutes les semences du monde dans une chambre forte. Ses partenaires sont la Fondation Rockefeller, Monsanto, la Fondation Syngenta et le gouvernement de Norvège.

    Henry Kissinger « Si vous contrôlez le pétrole vous contrôlez le pays ; si vous contrôlez l’alimentation, vous contrôlez la population ».

    Capito? :)))

    PS. Un petit sujet vacance nous ferais le plus grand bien. Merci.

  10. Pour ceux-ce qui voudraient cultiver leur jardib d’eden en totale liberté, en prévision d’un monde libéré de Monsento & consor, petit stage de 3 jours qui s’annonce fort utile : « Design d’implantation d’un jardin-forêt, jardinage en permaculture pour l’autosuffisance alimentaire d’une famille, gestion et optimisation des ressources en eau ».
    ça se passe dans les cotes d’armor, fin aout.
    Plus d’infos ici : http://bregeat.unblog.fr/

  11. « ils » ont peut-être analysé que les jardiniers amateurs cultivent 25% d’hectares en plus que les agriculteurs en bio ;
    même si beaucoup de jardiniers amateurs sont en culture organique…
    de mémoire jardins: 1 000 000 ha / agriculture organique 800 000 ha
    ( chiffres entendus lors d’une conférence d’Isabelle Urban spéciliste d’horticulture)

  12. Bonjour,

    Merci Mr Phamb.

    Leur miroir leur donne quel reflet d’eux même? Un jour ils se réveilleront, mais ils sera trop tard …

    Bien a vous,

  13. C’est dans l’édition réservée aux abonnés, j’imagine que je suis donc une grande délinquante. Vous viendrez m’apporter des oranges à Fleury-Mérogis ?

    Les paysans, otages des semenciers industriels

    LE MONDE | 02.08.2012 à 15h23 • Mis à jour le 02.08.2012 à 15h23

    Par Laurence Girard

    En ces premiers jours d’août, les moissonneuses-batteuses commencent juste à grignoter les rangs des champs de blé de Christian Boisleux, à Wancourt, dans le Pas-de-Calais. La récolte s’annonce bonne. Et comme les prix du blé frôlent les sommets – même si lui les considère comme « normaux, si on les compare à la hausse du prix du pain depuis vingt ans » –, tous les voyants sont au vert. Il va moissonner cette année 70 hectares de blé. Mais il ne vendra pas tout. Il gardera une partie de la récolte pour ses semis de septembre.

    L’exploitant pratique ce que l’on appelle la semence de ferme. « Je n’achète que l’équivalent de 5 à 6 hectares de semences de blé chaque année. Le reste, ce sont mes propres semences, explique-t-il. Cela me coûte moins cher et elles sont de meilleure qualité. »

    Christian Boisleux n’est pas un cas isolé. Loin d’être le fait de quelques agriculteurs dissidents, la semence de ferme est une pratique très largement répandue en France. Mais son usage est aujourd’hui menacé par les appétits des semenciers industriels.

    Selon les chiffres publiés en juin par le Syndicat des trieurs à façon (Staff), les semences de ferme représentent 42 % des semences agricoles plantées en France. Le blé tendre est l’espèce la plus représentée. Mais la démarche concerne bien d’autres variétés.

    LA LIBERTÉ DE SEMER SE RESTREINT

    « Je pratique la semence de ferme pour le blé, mais aussi le colza ou les fèveroles », témoigne Jean Tasiaux, chef de culture de la ferme de la Woestyne, propriété de la famille Bonduelle à Renescure, dans le Nord, qui s’étend sur 400 hectares dont 200 de blé. « Je ne suis pas satisfait des variétés vendues par les semenciers. Elles sont très peu stables, explique-t-il. Il y a une vingtaine d’années, une variété durait quatre, cinq, voire six ans. Aujourd’hui, après deux saisons, elle doit être remplacée. »

    Le sujet est très sensible en France. Il touche au cœur de l’activité agricole. Preuve en a été donnée lorsque Bruno Le Maire, alors ministre de l’agriculture, a fait passer, le 28 novembre 2011, une loi qui prévoit d’instaurer une redevance sur les semences de ferme. Il s’agit de verser des royalties aux semenciers, qui disposent du droit de propriété intellectuelle sur les variétés par le biais de « certificats d’obtention végétale ».

    Un tel mécanisme existe déjà pour le blé tendre : tout agriculteur qui livre sa récolte à un organisme collecteur doit verser une contribution de 5 centimes par quintal de blé livré. Mais le texte visait à étendre ce principe à 21 semences (avoine, orge, colza, pois…).

    Le projet, très controversé, a été jugé par ses opposants comme une tentative de passage en force des semenciers avant les élections présidentielles. Deux syndicats d’agriculteurs, la Confédération paysanne et la Coordination rurale, en ont demandé l’abrogation.

    LE DOSSIER POURRRAIT ÊTRE ROUVERT EN 2013

    A l’inverse de la FNSEA, dont le président, Xavier Beulin, est monté au créneau pour le défendre, estimant « normal que les agriculteurs participent au financement de la création variétale, puisqu’ils en bénéficient ». Devant la fronde, les décrets d’application n’ont pas été publiés, rendant pour l’instant le texte inopérant.

    Pour les prochains semis, les agriculteurs pourront continuer à utiliser leurs propres graines. Mais le dossier pourrait être rouvert en 2013.

    Les opposants au texte, transposition d’un règlement européen, ne sont pas tous contre l’idée de payer une redevance. Ce qui les inquiète le plus, c’est de voir la liberté de semer se restreindre au profit des semenciers, au fur et à mesure de l’apparition de nouveaux textes réglementaires.

    Car si la loi autorise la pratique des semences de ferme, moyennant le versement de royalties, pour les 21 espèces visées, il l’exclut de fait pour les autres espèces, dont le maïs, le soja, mais aussi toutes les semences hybrides. « L’étau se resserre d’année en année sur les semences de ferme », estime Sylvain Ducroquet, président du Syndicat des trieurs de semences.

    VARIÉTÉS HYBRIDES DONT LE RENDEMENT BAISSE AU FIL DES ANNÉES

    Certains agriculteurs se disent prêts à opter pour des semences industrielles si elles sont le gage de rendements améliorés. Or, pour accroître les rendements, les semenciers ont axé leurs recherches sur les variétés hybrides, dont les résultats baissent si les on les sème plusieurs années de suite. Ce qui oblige en réalité à en racheter tous les ans.

    Sur des espèces comme le maïs, devenu en quelques années à 100 % hybride, les semences de ferme ont quasiment disparu. « C’est une course contre la montre, les hybrides se développent pour le colza et les travaux se multiplient sur les hybrides de blé », dit M. Ducroquet.

    L’étau pourrait encore se resserrer sur la liberté de semer les graines de son choix, à l’issue d’une partie de bras de fer qui se joue actuellement à Bruxelles. Son issue pourrait redessiner l’avenir des pratiques semencières en Europe. « Nous nous attendons, d’ici à la fin de l’année, à une proposition législative qui refondera l’ensemble complexe de la mise sur le marché des variétés et des semences pour les vingt prochaines années », indique François Desprez, président de l’Union française des semenciers (UFS).

    « L’objectif est de renforcer les titres de propriété de l’industrie au détriment du droit des paysans », dénonce le Réseau semences paysannes.

    AUX ÉTATS-UNIS, LA SEMENCE DE BETTERAVE A QUASIMENT DOUBLÉ

    L’industrie semencière ne présente pourtant pas un front uni. Avec le développement des biotechnologies et des OGM, les géants mondiaux de la chimie – Monsanto, Syngenta ou DuPont, devenus leaders du marché de la semence – ont changé la donne. Dans les industries qu’ils représentent, le brevet est la règle. Et ils souhaitent l’étendre au monde végétal.

    Les semenciers européens défendent, eux, le certificat d’obtention végétale. Plus souple que le brevet, il permet aux semenciers d’employer dans leur sélection une variété protégée pour en créer une nouvelle. L’UFS veut que ce droit s’applique aussi en Europe à la sélection de variétés incluant des inventions biotechnologiques brevetées.

    « Le développement des OGM crée un basculement de la valeur de la semence, avec une valorisation très forte du trait OGM au détriment de la recherche variétale », commente M. Desprez. Et de citer le cas de la semence de betterave, dont le prix a quasi doublé aux Etats-Unis avec l’arrivée des déclinaisons OGM, passant de 150 à 270 dollars (de 122 à 220 euros).

    Sur les 120 dollars de redevance liée à la technologie, plus de la moitié revient à Monsanto, qui détient le brevet sur le gène. Les semences deviennent alors un maillon d’une chaîne de production agricole industrielle. Ce qui explique l’importance des enjeux, et l’âpreté de la bataille des semences.

    Laurence Girard

    La justice européenne contre les semences « libres »

    Les tenants du droit des paysans à multiplier et à échanger librement leurs semences ont été désavoués par une décision du 12 juillet de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Celle-ci a donné raison à l’industrie semencière dans un procès qui l’opposait à Kokopelli, une association distribuant des semences potagères anciennes ou rares pour faire vivre la biodiversité agricole. Kokopelli avait été attaquée par la société Graines Baumaux pour concurrence déloyale en 2005. Contre l’avis de l’avocate générale, la CJUE a considéré que l’Europe a raison d’imposer l’obligation de ne commercialiser que des semences de légumes recensées dans des catalogues officiels. La Cour estime que l’objectif premier des lois européennes en vigueur « consiste à améliorer la productivité des cultures de légumes ».

  14. @ Millanbrun »La Cour estime que l’objectif premier des lois européennes en vigueur “consiste à améliorer la productivité des cultures de légumes”. »

    encore de la novlangue, pour faire passer la pilule auprès de la population, la réalité : « La Cour estime que l’objectif premier des lois européennes en vigueur “consiste à améliorer les bénéfices des principaux semenciers et à accroître leur monopole » est moins vendeur dixit les conseillers en communication.

    PS laurent berthod au pied!

  15. Voici le film « Du grain au pain », tourné chez
    des paysans-conservateurs de semences de blé , en Lot et Garonne, lors d’une rencontre internationale:

    http://vimeo.com/44970285

    Hier,on m’a donné du blé « Rouge de Bordeaux » que je vais distribuer autour de moi ! Il sera semé à l’automne.
    Je suis curieuse de savoir combien de paysans vont rentrer dans le rang ,à propos de cette taxe supplémentaire révoltante sur les semences (encore merci Sarko et la FNSEA !!).

  16. 07 août 2012
    Déclaration d’INTERPOL concernant la notice rouge publiée à l’encontre de Paul Watson de la Sea Shepherd Conservation Society
    LYON (France) – Suite à la confirmation par les autorités allemandes que Paul Watson n’a pas respecté les conditions de sa mise en liberté sous caution fixées par un tribunal allemand et a quitté le pays, les autorités du Costa Rica ont à nouveau demandé au Secrétariat général d’INTERPOL de publier une notice rouge réclamant sa détention ou son arrestation en vue d’extradition.

    Cette demande de notice rouge se fonde sur un mandat d’arrêt national délivré par les autorités du Costa Rica à l’encontre de M. Watson, recherché en vue de poursuites pénales pour « avoir causé un risque de noyade ou de catastrophe aérienne », en lien avec un incident survenu en avril 2002.

    Eu égard au non-respect par M. Watson des conditions de sa mise en liberté sous caution fixées par le tribunal allemand, et au vu du complément d’information fourni par le Costa Rica relativement aux chefs d’accusation invoqués, il a été conclu qu’une notice rouge pouvait être publiée en accord avec le Statut et la réglementation d’INTERPOL. La notice en question a été publiée le mardi 7 août.

    Une notice rouge n’est pas un mandat d’arrêt international. C’est une demande transmise par INTERPOL à ses pays membres afin que ceux-ci déterminent s’ils peuvent détenir ou arrêter une personne pour que le pays requérant puisse demander son extradition. INTERPOL ne peut exiger d’aucun de ses pays membres l’arrestation d’une personne faisant l’objet d’une notice rouge.

    Chacun des 190 pays membres d’INTERPOL détermine s’il peut détenir ou arrêter la personne recherchée d’après sa législation et ses normes nationales.

    Toute demande d’informations complémentaires sur la notice rouge publiée à l’encontre de Paul Watson doit être adressée aux autorités du Costa Rica.
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    http://www.interpol.int/fr/Internet/Centre-des-médias/Nouvelles-et-communiqués-de-presse/2012/N20120807Bis

  17. Interpol donne la chasse à l’écologiste Paul Watson
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    A la demande du Costa Rica qui l’accuse d’avoir mis en danger des pêcheurs de requin, Interpol a émis une «notice rouge» contre le fondateur de l’ONG Sea Shepherd, spécialisée dans la défense des animaux marins.
    Interpol a demandé l’arrestation de l’écologiste américano-canadien Paul Watson, enfui d’Allemagne, relayant un mandat d’arrêt du Costa Rica, où le fondateur de l’organisation Sea Sheperd est accusé d’avoir mis en danger un équipage lors d’une opération contre la chasse aux requins en 2002.

    Sur le site d’Interpol, une photo montre celui qui a fondé Sea Sheperd en 1977, après sa rupture avec Greenpeace, en pull marin, moustache et chevelure blanches.

    «Suite à la confirmation par les autorités allemandes que Paul Watson n’a pas rempli les conditions de liberté provisoire (…) et s’est enfui du pays, le Costa Rica a renouvelé sa demande de Notice rouge», bulletin d’Interpol visant à une arrestation en vue d’extradition, pouvait-on lire mercredi sur le site de l’organisation policière internationale, basée à Lyon.

    Après avoir refusé d’avaliser une première demande, Interpol justifie son accord «sur la base d’informations supplémentaires fournies par le Costa Rica» concernant ses accusations. L’organisation policière, interrogée par l’AFP, n’a pas souhaité préciser quelles étaient ces «informations supplémentaires».

    La Notice rouge a ainsi été diffusée par Interpol dès mardi aux polices de ses 190 pays membres. Recherché par le Costa Rica, Paul Watson, 61 ans, avait été arrêté à l’aéroport de Francfort le 13 mai. Il avait été remis en liberté et assigné à résidence contre une caution de 250 000 euros, mais s’était enfui fin juillet.

    Selon Sea Shepherd, Watson craignait, une fois au Costa Rica, que le Japon cherche à obtenir son extradition, pour des activités hostiles à la chasse à la baleine. Connu pour harceler régulièrement les bateaux de pêche à la baleine japonais dans l’Antarctique, en bloquant leurs hélices par exemple, les méthodes de celui que ses militants appellent affectueusement le «Capitaine» sont en effet qualifiées de «terroristes» par les autorités japonaises.

    Sea Shepherd a réagi mercredi à l’annonce d’Interpol, en dénonçant une «bataille répondant à des motivations politiques» selon l’expression de Susan Hartland, directrice adiministrative de l’organisation.

    «Le Costa Rica est la marionnette du Japon dans cette affaire», a-t-elle accusé, évoquant la volonté de «revanche» de Tokyo.

    L’ONG s’est aussi étonnée qu’Interpol invoque le chef d’accusation de mise en danger de naufrage, sur la base de l’usage par Paul Watson d’un canon à eau lors de l’incident de 2002, alors que le Costa Rica avançait jusqu’ici une violation du droit maritime.

    L’organisation renvoie aux images du documentaire tourné ce jour-là, «Sharkwater» («Les Seigneurs de la mer», dénonçant la pêche des requins), qui selon elle montrent que «les accusations sont factices» et que le jet du canon à eau ne menace pas de couler le navire. L’équipage du bateau de pêche costaricien visé accuse quant à lui l’organisation d’avoir voulu les tuer.

    Dans un entretien à l’AFP en mai en Allemagne, Paul Watson disait trouver inhabituel qu’une demande d’extradition puisse être émise «pour une affaire relativement mineure, quand personne n’a été blessé et aucun dommage causé».

  18. Bon article sur un sujet maintes fois abordé… Mais l’auteur confond matieres actives, marques, produits, societes, etc.

    Scotts a racheté la branche produits de traitement jardin de Rhone Poulenc (Substral, Fertligene, KB…pas KK …quoique).
    Meme s’il vend du Roundup, il ne fait pas parti du groupe Monsanto.

    Donc le titre de l’article est bidon (sic)

  19. Pierrick le biojardinier,

    J’avoue ne pas bien comprendre ce commentaire. Il me semble bien que, comme tant de lecteurs pressés du net, vous ne m’avez pas vraiment lu. Car j’ai écrit : « Des documents présentent Scotts France comme une « division » de Monsanto, mais je n’y crois guère. Les sources les plus sérieuses que j’ai pu lire indiquent que Scotts Miracle-Gro est une entreprise américaine qui a passé des accords exclusifs avec Monsanto. Il n’est pas exclu que des liens plus discrets existent entre les deux, mais en ce cas, j’en ignore tout ».

    Quant au titre, il signifie ce qu’il signifie. Selon moi – cela se discute, mais c’est ce que je pense -, Monsanto trouve intérêt à se camoufler derrière Scotts. À se planquer, donc. Mon titre peut ne pas vous plaire, mais il exprime ce que je pense. Bien à vous,

    Fabrice Nicolino

  20. j’espere que c’est Europe Ecologie Les Verts de Y.JADOTqui va gagner les elections presidentielles ; car la France peut rembourser sa dette de 3 milliards d’euros envers l’europe avec ce parti politique . Je ne voterai ni pour Fr.F, ni pour l’extreme droite

  21. Ils ré-apparaissent sans cesse sous de nouveaux « noms d’emprunt », comme on le dit pour le simple délinquant. Merci en tout cas pour cet article. Je cherchais aujourd’hui à en savoir plus sur le « fertiligène » et ses… descendants, dont j’ai entendu vanter la… douceur très récemment dans je ne sais quelle pub.

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