Comment parler à ceux qui se foutent du Pantanal ?

Une amie m’envoie un diaporama sous fichier pps. J’espère vivement que vous pourrez l’ouvrir et le savourer comme je l’ai fait. Il faut et il suffit de cliquer sur ce qui suit : [ Le 13 mars 2013 : il apparaît que ce montage photo a été volé à son créateur, et je le retire de Planète sans visa. Ma bonne foi est totale, mais preuve est faite, une fois de plus, qu’Internet est le lieu de toutes les arnaques] . Bon, il s’agit de photos du Pantanal, la plus vaste zone humide de la planète. Elle couvre, mais les chiffres sont incertains, environ 200 000 km2, peut-être même jusqu’à la moitié de notre petite France. Où ça ? Entre Brésil, Paraguay et Bolivie. Imaginez – mais qui peut imaginer pareille beauté ? – une plaine basse parcourue par quantité de cours d’eau et d’innombrables méandres, recouverte par les eaux pendant quatre mois par an sur 80 % de son territoire.

Non, je n’ai pas l’envie ce jour de vous parler des menaces qui pèsent sur cette Toison d’or, infiniment plus belle encore que celle recherchée jadis par Acaste, Jason, Argos, Autolycos et tous les Argonautes. Je ne pense, au moment où je vous écris, qu’au jabiru, au nandou, au toucan. Je ne rêve que de loups à crinière, de jaguars, de tamanoirs, de caïmans, de jiboias-constritoras, de capucins, de chiens des buissons. La région compte – à peu près – 650 espèces d’oiseaux, 80 de mammifères, 400 de poissons, 50 de reptiles, et la plus stupéfiante collection de plantes aquatiques au monde.

J’en arrive à ma question du jour : comment parler à quelqu’un qui serait insensible à cette beauté-là ? C’est pour moi une question essentielle. Et nul n’est besoin du Pantanal pour la formuler. Aussi bien, comment échanger avec quelqu’un qui ne s’émeut pas au spectacle d’un troglodyte s’arrachant à la haie du jardin ? Que partager réellement avec qui se fout des chardons et des pins sylvestres, et des démentiels cadeaux octroyés par les infatigables abeilles, et du chant de la rivière où je me baigne tant que je peux, et du vol des vautours fauves au-dessus de mon vallon chéri, et de l’ombre gagnant, au soir, Combalongue, que je vois depuis ma terrasse ?

Ce n’est pas rhétorique. La quasi-totalité des commentateurs de ce monde malade autant qu’abruti détestent ou méprisent la nature. Et leurs maîtres, qui tiennent les commandes du vaisseau – si mal -, de même. Ils ne voient pas. Ils n’entendent rien. Ils sont incapables de seulement admirer. Comment pourraient-ils protéger ? Non, les amis, ce n’est pas rhétorique. L’aversion de la société officielle, et du même coup dominante, pour ce qui est d’évidence le plus important, cette aversion me fout plus la trouille que tout le reste.

36 réflexions sur « Comment parler à ceux qui se foutent du Pantanal ? »

  1. Ahhh ! Le Pantanal ! Pour mon anniversaire, MER-CI !;-)
    J’en ai parlé longuement un jour avec une amie brésilienne qui ouvrait de grands yeux pour en parler, elle était intarissable en la matière !

  2. Bonsoir,

    Merci. Superbe.
    Je vous crois les yeux fermés.
    Enfin … un oeil, 😉

    Pas pu ouvrir le lien, il me manque un « machin ». Suis trop cornichonnette ( coucou Mr Wolff 🙂 ) pour l’installer.

    http://www.youtube.com/watch?v=hqS33IVxjc8&feature=related

    Ils ne peuvent pas voir, ni entendre.
    Revoyez vos classiques, merci.
    Les divertissements futiles les hypnotisent. C’est malheureusement ainsi.
    Le seul positif, c’est qu’ils ne viennent pas nous gonffffler dans les vallons chéris.

    :)))

    Bien a vous,

    Mr P.P Bel anniversaire.

  3. Merci Fabrice pour ce moment de pur bonheur. Ils sont bien à plaindre les gens qui ne savent pas apprécier les merveilles de la nature !

  4. JJ Rousseau : 5ème promenade
    « Quand le soir approchait je descendais des cimes de l’île et j’allais volontiers m’asseoir au bord du lac sur la grève dans quelque asile caché ; là le bruit des vagues et l’agitation de l’eau fixant mes sens et chassant de mon âme toute autre agitation la plongeaient dans une rêverie délicieuse où la nuit me surprenait souvent sans que je m’en fusse aperçu. Le flux et reflux de cette eau, son bruit continu mais renflé par intervalles frappant sans relâche mon oreille et mes yeux, suppléaient aux mouvements internes que la rêverie éteignait en moi et suffisaient pour me faire sentir avec plaisir mon existence sans prendre la peine de penser. De temps à autre naissait quelque faible et courte réflexion sur l’instabilité des choses de ce monde dont la surface des eaux m’offrait l’image : mais bientôt ces impressions légères s’effaçaient dans l’uniformité du mouvement continu qui me berçait, et qui sans aucun concours actif de mon âme ne laissait pas de m’attacher au point qu’appelé par l’heure et par le signal convenu je ne pouvais m’arracher de là sans effort. »

  5. Voir ce pps m’a remis en mémoire deux souvenirs:

    une excursion avec une classe dans les gorges du Toulourenc , au pied du Ventoux: on ne peut s’y déplacer que dans l’eau un jour de très beau temps, car le ruisseau se gonfle et devient dangereux s’il y a menace d’orage; des élèves émerveillés par les spectacle inhabituel, les plantes des parois à portée de main etc..

    deuxiéme souvenir: une herborisation photographique sur les bords d’une tourbière d’Auvergne: la beauté familière des plantes que nous nommions, la proximité de la menace d’enlisement subit, et la tiédeur de l’eau au contact des jambes.

    Et puis l’histoire des sciences: les explorations de Humboldt et Bonpland en Amérique du Sud au début du 19°. Les récits de Humboldt et de ses découvertes de la nature tropicale ont enchanté nos ancêtres et peuvent encore nous émouvoir si on les relit avec en tête les images actuelles que l’on retrouve dans ce pps. Voir et lire aussi Etre plante à l’ombre des forêts tropicales de Patrick Blanc (ed.Nathan)

    Merci à Fabrice pour cet éclair de nature en beauté qui nous permet de souffler un peu.

  6. Si je me demande un instant ce qui l’a emporté, pour faire grandir en moi l’éveil à l’écologie, si j’essaie de faire la liste de tous les déclics, je pourrais évoquer mes lectures, les analyses, les arguments échangés, les discussions interminables à refaire le monde, les rencontres…
    Chacune de ses explications a sans doute eu sa part.
    Mais ce qui, je crois, a été déterminant, c’est l’automne qui s’attarde dans les arbres, c’est le va-et-vient des mésanges à ma fenêtre quand l’hiver resserre son étreinte, ce sont les primevères sur le talus derrière le tas de bois, c’est l’arc des fougères qui se déploie avec l’été…
    Rien de bien spectaculaire. Juste des rencontres avec la beauté du monde ici, sous mes yeux. Un sentiment d’amitié d’empathie avec tout ce qui vit. Une impression d’être relié au chant affolé du merle quand vient le soir, la certitude d’être uni au chant du monde.
    Parfois, je me dis que rien n’est plus important que ça. Savoir encore s’émerveiller pour les plus simples choses, se laisser embarquer par le chant d’un pinson, un soir d’été.
    Pouvoir partager ces instants là est précieux. Précieux et rare.
    C’est en effet une vraie désolation, de croiser des regards qui se ferment quand le ciel cherche ses couleurs à l’aube d’un jardin. C’est même plus qu’une désolation. C’est une tragédie.
    Parce qu’au fond, on ne respecte que ce qu’on aime. Et comment aimer ce qu’on ne voit pas, ce qu’on n’entend pas ? Comment imaginer éveiller des consciences si rien ne les relie au spectacle des vies belles et fragiles ? Cette une infirmité terrible, que d’être aveugle et sourd à tout cela.
    Peut-être qu’il faudrait commencer par là : réapprendre à voir et à entendre ces lumières, ces murmures de la vie. Peut-être qu’après, tout redeviendrait possible.
    J’entendais l’autre jour quelqu’un vanter les mérites des enseignements transmis à l’école sur la nature, le développement durable. Il suffit désormais de placer les élèves devant un écran d’ordinateur et de cliquer sur les figures d’une nature modélisée, de simuler des actions et d’analyser les réactions.
    C’est donc devenu ça, l’éveil à la nature. Un écran d’ordinateur, quelques clics, des images et des chants d’oiseaux préenregistrés.
    L’autre jour, l’enfant d’une amie s’est arrêté un instant devant le grand châtaignier dans le fond du jardin. Il n’a rien dit. J’ai vu passer quelque chose dans ses yeux. Dans ses yeux, il y avait l’arbre tout entier et le merle et le ciel et les profondeurs de la terre en même temps. Alors j’ai pensé, l’espace d’un instant, quelques secondes à peine, que peut-être, peut-être, tout n’était pas perdu.
    Frédéric

  7. Ne dit-on pas « la beauté est dans l’oeil de celui qui regarde »?
    Je crois que dans l’étymologie du mot respect il y a l’idée du regard et qu’on ne peut respecter personne si on n’a pas appris à « ocserver’
    (comme dit mon papa -qui a quitté l’école à 11 ans mais qui vous perçoit un rayon de cire construit par un essaim d’abeilles à la tombée de la nuit dans un bois de chênes, ou un lactaire sous 10 cm d’ aiguilles de pin – )

    merci aussi aux commentateurs de ce blog pour le pouvoir évocateur de leur texte

  8. Ce petit paradis sud-américain est un merveilleux éloge à la beauté, à l’équilibre, à la diversité et à la vie sous toutes ses formes.

    En résumé, tout ce que tentent d’éradiquer avec un acharnement diabolique les grands prédateurs de l’industrie, de l’administration et de la finance…

    Une petite histoire qu’aime à raconter Pierre Rabhi donne une bonne idée de la différence de perception qui peut séparer deux regards.

    « A la fin d’une journée de travail pénible avec un de mes voisins ardéchois, nous nous asseyons tous les deux dans le champ. Face à nous, un superbe chêne centenaire et le spectacle magnifique du coucher du soleil derrière les collines. Enchanté par ce moment unique et par l’incroyable beauté de l’arbre, je confie à mon compagnon : il est vraiment magnifique !
    A mon grand étonnement, sa réponse fut la suivante : oui, il doit bien faire au moins 5 stères »

  9. Ah, j’oubliais…

    Un immense Merci à vous tou(te)s qui, comme notre hôte, savez si bien décrire vos petits et grands bonheurs nature au quotidien… Comme c’est agréable et rassurant de pouvoir les partager avec vous !

  10. je ne trouve pas bien de taper sur YAB qui a le mérite de toucher le « grand public, une interface utile quoi! comme hulot . et que ceux qui n’ont jamais péché leur jetent la première pierre. d’un coté les « purs » intouchables, vraiment? et de l’autre les impurs ..je crois que chacun amène sa pierre avec ses limites. le tout est de ne pas tromper et d’avoir l’oreille des gens; il est sur que le public ne PEUT pas entendre unabomber

  11. D’abord merci pour ce PPS. Pour répondre à la question je pense qu’on devrait réaliser un PPS décrivant le véritable coeur des villes (pas celui qu’on montre, celui où l’on vit) et faire la comparaison !

  12. F.Wolff écrit  » C’est donc devenu ça, l’éveil à la nature. Un écran d’ordinateur, quelques clics, des images et des chants d’oiseaux préenregistrés. »

    A propos « ordinateur » et son côté artificiel, je crois que l’on vient d’approcher l’ultime fond du ridicule: il y a une société qui fabrique, en l’occurence qui  » habille » les ordinateurs à la mode Louis XV ou style Louis XVI, avec nacres et pierres précieuses, pour propriétaires de châteaux…C’est possible pour 17000 euros le premier modèle. Le concepteur et fabricant a un carnet de commande bien rempli. Sommes-nous au bord de la vraie connerie ou bien peut-on aller plus loin ?

  13. Les amis, j’espere que vous me pardonnerez une petite reflexion qui m’est venue recemment, et que j’essaie (maladroitement) de relier au Pantanal tout a la fin…

    Quelqu’un dans l’audience a pose une question lors d’une discussion-diner sur le theme des « valeurs du developement durable » payee par United Technologies a l’hotel 5-etoiles Taj Bengal, a Kolkata:

    « Qu’est-ce que l’architecture durable? »

    Apres quelques secondes de silence dans l’assemblee de promoteurs immobiliers, architectes, entreprises de climatisation, d’ascenseurs et autres technologies du batiment, la reponse est venue, assenee comme une evidence par le maitre de ceremonie de la soiree, l’architecte Karan Grover:

    « C’est une architecture qui reduit au minimum la consommation d’energie »!

    Pendant l’aperitif je lui ai demande en tete a tete, « comment faites-vous pour convaincre les clients d’utiliser des moyens non-toxiques pour lutter contre les termites, au lieu d’impregner le batiment avec du Chloropyrifos ? » Il m’a donne sa carte en repondant, « c’est tres interessant, on reste en contact, on en reparlera… »

    Ca m’a fait penser qu’il n’avait pas repondu a la question, et personne d’autre non plus, « Qu’est-ce que l’architecture durable ? »

    Pourquoi sommes-nous si obsedes par l’energie ? Par peur d’en manquer ? Et ce mot, « durable » (traduction aproximative de « sustainable » en Anglais)… Que voulons-nous faire durer, exactement ? Notre style de vie actuel ? Voulons-nous faire durer le petrole et le charbon autant que nous le pouvons, pour que nos arrieres-petits-enfant puissent continuer a polluer et a perdre des heures dans les embouteillages, exactement comme nous?

    C’est etonnant comment ce concept d’energie a tout envahi, comme s’il avait une puissance explicative superieure: la physique bien sur, mais aussi l’ingenierie, la politique (le nucleaire) et la geo-politique (le moyen-orient), et maintenant aussi l’architecture.

    Peut-etre que revenir au concept de « travail », avant sa transmutation en celui d’ « energie », nous aiderait a secouer cette fascination pour un concept trop fige, trop lie a l’avarice et a la peur de manquer.

    Le travail est actif, l’energie est passive.

    Le travail est toujours en recherche de possibilites pour se realiser, l’energie est toujours en voie d’epuisement.

    Le travail est un concept qui peut se generaliser a tous les regnes de la vie et qui engendre le futur, l’energie incite au reductionnisme et ne peut etre, par definition, qu’un resultat du passe.

    Enfin, la seule realite observable, en physique comme ailleurs, est le travail.

    L’energie n’est qu’une idealisation destinee a simplifier certaines equations.
    Bref, une croyance.

    Qu’il faut peut-etre remettre en question, meme dans le vocabulaire, partout dans nos vies.

    Que voyons-nous dans ces images du Pantanal? Des oiseaux, des crocodiles, des fleurs, des arbres, des rivieres… qui font leur travail d’oiseau, de crocodile, de fleur, d’arbre, de riviere, etc. Et aussi quelques traces du travail des hommes, des maisons, des prairies a l’herbe coupee (et meme des pistes d’atterrissage, aille aille aille!). Mes jeunes enfants ont regarde les photos du Pantanal. C’etait « Oooh ! » « je sais ce que c’est, la maitresse nous en a parle en classe! » Emerveillement. Joie, beaute.

    Ca sonne etrangement « Petainiste », mais voici peut-etre ce que nous les hommes avons de meilleur en commun avec la nature: la joie au travail.

  14. Diksha,
    A propos des ordinateurs Louis XV, a-t-on touché le fond ? Je pense qu’on peut faire mieux encore, beaucoup mieux. Ayons confiance dans l’inventivité de nos ingénieurs et dans l’acquiescement quasi-général.
    J’avais lu Hervé Kempf (« Comment les riches détruisent la planète »). Il évoquait Veblen pour qui chaque classe adopte le modèle de consommation de la classe située juste au-dessus dans l’échelle sociale. La possession matérielle aurait pour but de se différencier. Cette quête de distinction sociale passerait par une consommation ostentatoire (qu’il appelle une « rivalité ostentatoire ») et donc, un gaspillage généralisé.
    C’est vrai que l’ordinateur sans fioritures, c’est d’un ringard. Même le bon peuple en possède un, il devient donc vital, pour ceux de la haute, de marquer leurs différences !
    Sur l’ordinateur à l’école, une nouvelle méthode découverte ces derniers jours : les dictées se font désormais sur ordinateurs individuels dans la salle de classe, reliés en wifi à l’ordinateur de l’enseignant. C’est pas génial ?
    Frédéric

  15. Montage absolument ignoble dans sa forme (aaaah les « transistions »…). Commis une fois de plus par des qui pensent qu’user d’un logiciel suffit à avoir le métier. Ouvrons mes yeux, merdRe ! La bonne volonté ne suffit pas. Et le sujet est gâché. Un peu de tenue.

  16. Mets l’I.S,

    Peut-être un peu de calme ? Je sais ce qu’est la photographie de nature, et d’autant plus que j’ai travaillé avec un homme comme Vincent Munier, qui est devenu un ami. Ce pps n’était et n’est pas une oeuvre d’art. Il était et demeure un moyen, pour moi, de poser une question. Et il donne à voir, au passage, ce qu’est une terre qui n’est pas maltraitée, ou peu en tout cas. Bien à vous,

    Fabrice Nicolino

  17. Je défends les ordinateurs et leur utilisation actuelle par le bon peuple (j’en fais partie) des sciences « citoyennes »; sous ce terme que je n’aime pas trop, n’importe lequel d’entre nous peut noter le lieu et la date d’observations d’animaux ou de plantes communes et familières et envoyer cette « donnée » à un centre de recueils de données; le Museum d’Histoire Naturelle par exemple, mais il y en a bien d’autres,plus locaux, les sites de la L.P.O. Ca permet d’établir des cartes de répartition, des listes et de suivre l’évolution de l’histoire d’ espèces et notamment d’espèces, même communes qui risquent de disparaitre: les oiseaux des espaces cultivés par exemple. C’est une évolution récente de l’observation des êtres vivants. Toutes ces données peuvent rendre aussi service quand il s’agit de discuter dans une commission préfectorale avec les chasseurs ou les piégeurs par exemple. Les arguments chiffrés et localisés prêtent moins à contestation pour faire enlever des espèces de la liste des nuisibles (voir le travail juridique de l’ASPAS par exemple) Mais c’est trop nuancé pour être expliqué dans un commentaire.

    Il y a bien d’autres bienfaits des ordinateurs, en particulier à l’école. C’est une autre histoire. On peut apprendre aussi aux jeunes à rédiger des commentaires courtois; on repère rapidement ceux qui n’ont pas suivi cet apprentissage.

    Les naturalistes sont le plus souvent des gens qui apprécient le contact avec la beauté, au besoin avec une loupe, ou une paire de jumelles, ce qui change un peu la vision de la nature souvent en l’améliorant. Regardez les petites araignées à la loupe…ou les plantes pubescentes en faisant jouer la lumière sur leurs poils.
    Vous m’en direz des nouvelles.

    I

  18. Par chez moi, il n´y a pas de toucans, pas de jaguars, de tamanoirs, ou de capucins.
    Par chez moi, le paysage, la faune, la flore ne sont pas très variés.
    Par chez moi, l´homme a trop façonné l´environnement, c´est un peu monotone. Pourtant, je m´y suis toujours baladée avec plaisir, à pied, à vélo, je connais les moindres recoins de la forêt. C´est elle qui m´a repêchée quand la vie flanquait les mauvais coups qu´elle réserve à chacun de nous. Les amis m´accueillaient toujours avec bienveillance et générosité. Mes ents à moi, que je rejoignais en suivant les petits sentiers sinueux qui s´enfonçaient dans le sous-bois. Vous avez tous probablement fait l´expérience de vous asseoir quelque part dans la forêt, elle se referme sur vous, elle vous intègre généreusement et ses battements de coeur reprennent après un cours moment de silence. Les oiseaux se remettent à chanter, les petits rongeurs s´affairent à nouveau, et même si les écureuils vous font clairement comprendre que votre présence ne leur plait pas, au bout de quelque temps ils s´en sont accomodés. J´ai même eu un jour la joie d´observer une laie avec sa progéniture qui batifolait sur la mousse. Adossée à un arbre, j´ai fait semblant de dormir (à vrai dire, je n´étais pas complètement rassurée), les yeux mi-clos, complètement immobile. Les moustiques s´en sont donné à coeur joie, ils ont fait une belle prise de sang, mais la scène de cette petite troupe était si belle que cela valait largement la peine de sacrifier quelques globules 🙂
    Aujourd´hui, ce n´est plus une forêt, la surexploitation la réduit à une plantation d´arbres, striée de voies aussi larges que des routes nationales, où circulent les lourds engins forestiers. Pendant longtemps j´ai entendu les camions chargés de fûts gigantesques traverser mon village. Maintenant, le calme est revenu. Il n´y a presque plus de grands fûts. Ma forêt est partie en Chine, elle s´est réincarnée en meubles bon marché, on l´a débitée en stères pour en faire des espèces sonnantes et trébuchantes.
    Le plus triste, c´est que très peu de gens réalisent ce qui se passe tout à côté de chez eux. La forêt n´intéresse personne si ce n´est comme terrain de jeux. On fonce comme un dingue sur son VTT, semant derrière soi ses emballages de barres vitaminées et minéralisées, en groupe on fait de la marche nordique en discutant très fort du prix de l´essence, des promotions de l´hypermarché, des vacances, de la nouvelle coloration de la collègue ou des programmes de la télé, on organise un petit barbecue « sympa » entre copains, même si c´est interdit, et au printemps on vient s´exercer sur la moto après la pause de l´hiver.
    Je vais de moins en moins saluer la forêt, je préfère ne pas voir les crimes perpétués à son encontre par l´avidité et la bêtise humaines.

  19. Aucun manque de calme, très cher.
    Un constat. Plutôt triste. Assez désabusé. Et j’en ai absolument marre de voir massacrés des sujets importants par les « réalisateurs » ou des « monteurs » qui n’ont pas d’yeux pour voir, agressent ainsi ceux des autres, et laissent de la sorte une… image dégueu. du sujet qu’ils pensaient défendre. Aucun manque de calme. Aucun. Je demande simplement (?) du respect (respect du sujet, du sens, du récepteur, etc.). Est-ce manquer de calme que de ne pas accepter l’inacceptable ? Ignore-t-on à quels autres massacres mène le massacre du sens ? C’est « tout ». Bonne soirée. & merci pour ce blogue.

  20. Trop beau, je me demande toujours comment nous les humains trouvont bien mieux de bousiller tous ça juste pour avoir un tas de ferraille qui roule vite un tas de beton pour s enfermer dedans un tas de fric toujours plus gros pour crever quand meme ….

  21. Bonjour,

    Je consulte régulièrement ce blog, et si je m’exprime pour la première fois, c’est que la question soulevée par Fabrice dans ce billet est en effet, à mes yeux, essentielle.
    Qu’est devenue la poésie, la beauté, chez l’être humain ? Avons-nous perdu toute sensibilité aux choses simples de la vie ?
    Faudra-t-il encore supporter longtemps le langage de l’oligarchie ? Un exemple tout frais : lisez le rapport du gouvernement intitulé « feuille de route pour la transition écologique » (ça commence mal)
    http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Feuille_de_Route_pour_la_Transition_Ecologique.pdf
    Il y a tout un chapitre sur la biodiversité. Cherchez le mot « oiseau », « papillon », flore » ou même simplement « nature »…
    Et ensuite comptez le nombre de fois où apparaît le mot « biodiversité ».
    Ce rapport est triste à pleurer.

  22. Pour en revenir à la question de Fabrice : « Comment parler à quelqu’un qui serait insensible à cette beauté-là ?  »

    L’insensibilité passe par le succédané : comme ce café qui nous rend insensible à la fatigue. Pour apprécier nos existences à électrocardiogramme plat, on se fait des petites frayeurs et ainsi on peut se sentir vivre. On retourne à ses « obligations », en refermant les yeux sur une beauté qu’on a à peine regardée mais dans laquelle on s’est « éclaté ». La vie moderne ne laisse pas le temps et la place à autre chose qu’une respiration brève pour reprendre son souffle et replonger immédiatement. En plus, trop peu de personnes apprécient se retrouver seules, face à elles mêmes. On vit en permanence connectés à nos semblables humains qui nous renvoient en permanence une « pression culturelle ». Pour pouvoir être sensible « au flux de la nature », encore faut-il être connecter en soi même et accepter de ressentir un peu de fraicheur, chaleur, douceur, rugosité… Le petit confort quotidien endort la vie.

  23. Il y a quelques années, un soir, dans un petit hameau perdu des Cévennes, sur la terrasse d´un restaurant, nous avons noué une conversation avec des gens très sympathiques, assis à la table voisine. Des gens vraiment affables, je ne plaisante pas. Ils nous ont raconté qu´ils « faisaient » d´abord les Cévennes et qu´ils allaient aussi essayer de « faire » la Provence. Ce serait juste mais en passant peu de temps pour chaque destination, ils pensaient y parvenir!!! Et vous, demandèrent-ils, un peu essoufflés par l´énumération saccadée de tout ce qu´ils avaient déjà « fait », comment passez-vous vos vacances ? Je n´oublierai jamais la stupéfaction qui s´est peinte sur leurs visages quand nous leur avons raconté que nous ne nous déplacions pratiquement jamais en voiture, que tout était à notre portée pour nos randonnées contemplatives, les heures passées à observer la faune et la flore, à humer les senteurs, allongés sur un tapis d´aiguilles de pin, à découvrir des pierres, des roches, tout un trésor aujourd´hui niché au creux du coeur, un trésor qu´aucune crise financière ne mettra en danger. « Ben alors, vous vous contentez de bien peu » nous dirent-ils en hochant la tête, souriant mais incrédules 🙂

  24. Martine, votre histoire est drole, et ca me rappelle une invitation que j’ai recue, ou il etait marque que cette invitation etait pour les gens qui avaient « been there, done that » (en Anglais, ca veut dire « ete la-bas, fait cela »…). Ca m’a decourage d’y aller !

  25. A Laurent Fournier,

    « Pourquoi sommes-nous si obsedes par l’energie ? »
    Parce-que l’énergie nous permet de fournir du travail, au sens physique du terme. Et du travail, on en produit tellement au-delà de ce qu’il convient.
    En physique, travail et énergie s’expriment avec la même unité (le Joule). Les animaux de la nature sont également en recherche permanente d’énergie pour assurer leur survie. Pour eux, les seules ressources, c’est la bouffe et le soleil. C’est rude, ça limite l’expansion, ça n’interdit pas noblesse et beauté.
    Nous avons cherché des sources d’énergie externes à nous-mêmes pour nous épargner de la peine, aller plus vite, plus loin, plus haut, et c’est là qu’a commencé quelque chose qui est devenu le problème, qui nous rend maintenant accro à l’énergie. Aurions-nous pu nous arrêter au travail de l’artisan, du paysan ? Pourrions-nous (pourrons-nous) y revenir, reprendre lien intime avec les éléments, porter attention à ce qui est ténu, épargner ce qui est rare ou faible, utiliser modérement ce qui est abondant, bref être sensible à ce qui nous entoure et pas à notre vanité ?

  26. les très belles images de ce pps sont peut-être « dégueu », mais je ne suis pas une spécialiste comme Mets pour en juger. en revanche, je suis très sensible des oreilles (arrgh, la pollution sonore actuelle), et ce qui m’a frappé, c’est l’épouvantable soupe sonore kitchissime tenant lieu de musique qui a choisie pour être associée à ces images, et le fait que personne ne l’a relevé. à mon sens, le silence aurait été infiniment plus éloquent, à défaut de disposer d’une prise de son réelle allant avec les images.
    je crois qu’en fait, le problème est là: les gens ne voient plus parce qu’ils ne regardent plus;
    les gens n’entendent plus parce qu’ils n’écoutent plus; et s’ils ne regardent et n’écoutent plus, c’est parce qu’ils ne savent plus le faire, et s’ils ne savent plus le faire, c’est qu’ils n’en ressentent plus le besoin; et s’ils n’en ressentent plus le besoin, c’est que la perception du monde induite par la société industrielle dans laquelle nous vivons ne passe plus par les sens et le contact direct, mais par une représentation artificielle et virtuelle qui la dématérialise et la banalise. Ne reste que l’image de la réalité, seule compte désormais la forme, mais le contact avec le contenu est rompu, et du coup, le contenu ne compte plus: on en est arrivé à croire qu’on n’a plus besoin de la nature pour exister.
    à mon avis, le seul moyen d’intéresser à la vie de la nature quelqu’un qui s’en fout serait de lui parler des crottes de son chien ou de son chat, mais je doute que cela soit efficace…

  27. Claudia,

    Je dois avouer de suite que je n’ai pas écouté, car j’avais opportunément coupé le son de la machine. Je suis désolé de vous avoir cassé les oreilles. Bonne journée,

    Fabrice Nicolino

  28. Daniel, ce que je propose c’est justement de remplacer le mot « energie » partout ou on l’emploie par celui de « travail ».

    Par exemple, on ne cherche pas de l’energie pour fournir du travail, on absorbe le travail des autres (autres hommes, mais aussi autres etres animes ou inanimes, de la nourriture a la chaleur du soleil en passant par les vetements, etc.) pour fournir notre propre travail.

    Puisque comme vous le soulignez les deux concepts sont mathematiquement equivalents il n’y a aucune difficulte logique a faire ce remplacement, au moins a titre d’exercice intellectuel volontaire.

    L’interet de l’exercice vient du fait qu’en depit de leur equivalence mathematique, les concepts de travail et d’energie ont des significations tres differentes.

    En effet, si je dis « le petrole contient de l’energie fossile », cela suggere qu’il existerait une sorte de reservoir dans lequel il nous suffirait de puiser, quelquechose de « disponible », a notre disposition.

    Pareil pour l’energie nucleaire, si je dis « E=mc2 » je pense a l’immense « reserve » d’energie disponible sous la forme de la matiere dont est fait l’univers.

    Les mathematiques sous-jacentes sont exactes, mais l’attitude implicite ne l’est pas ! Rien n’est « a notre service » dans l’univers. Ce n’est qu’a nos risques et perils que nous pouvons risquer de croire autrement.

    Au contraire, si je dis « le petrole resulte du travail d’une quantite immense d’etre vivants pendant les eres geologiques du passe » alors je pense en termes de processus, et l’utilisation que je fais (ou ne fais pas) du petrole aujourd’hui ne peut etre separee de ce processus, il en est la continuite. Et il aura aussi des consequences inevitables, aussi inevitables que la vie et le travail gigantesque de ces etres vivants ont produit ce petrole.

    Penser, imaginer, esperer autrement, que nous pourrions en quelque sorte « prelever gratuitement » est illogique et cela apparait evident si l’on emploie les mots corrects, tires de la realite.

    Penser en termes de travail et pas d’energie nous incite a nous penser nous-memes, et notre propre travail humain, comme faisant partie inseparable du processus (et du « travail ») de l’univers.

    Enfin, puisque la seule chose physiquement observable est le travail et jamais l’energie, ca a l’avantage d’etre plus realiste.

  29. A Claudia,

    Faites donc un tour sur : France sauvage-le travail de bruitage-

    Pour le reste, dommage, mais malgré la science, la technique, les concepts, personne n’a « pondu » le magnétophone à odeurs.

    😀

  30. À Claudia.

    Pitié, lisez avant de reprendre des termes hors contexte…

    « […] j’en ai absolument marre de voir massacrés des sujets importants par les « réalisateurs » ou des « monteurs » qui n’ont pas d’yeux pour voir, agressent ainsi ceux des autres, et laissent de la sorte une… image dégueu. du sujet qu’ils pensaient défendre[…] »

    UNE IMAGE DÉGUEU DU SUJET QU’ILS PENSAIENT DÉFENDRE.

    Oké ?

    Si vous lisiez, vous auriez pigé que justement je déplore de voir saloper ces images.

  31. Mais pour moi qui n’ira probablement jamais au Pantanal (on n’a qu’une vie), je suis bien content d’avoir vu ces images, d’avoir lu ces explications! Ca m’a rappelle le Tonle Sap au Cambodge, les Sundarbans… Merci !

  32. A Laurent Fournier,

    Oui, pourquoi pas si ça pouvait infléchir notre consommation galopante. Alors inventons de nouvelles unités plus responsabilisantes, plutôt que le Joule ou le Watt.heure : le jour.homme,le mois.hectareforêt, l’année.tonnecompost…
    Quand je vois une lampe allumée, je pense toujours à l’effort de l' »homme-pédalant » qui pourrait l’alimenter.

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