Ratonnade anticampagnol à Notre-Dame-des-Landes

Cet article a été publié dans Charlie Hebdo le 7 janvier 2014

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Grande manif à Nantes le 22 février, juste avant les municipales. De part et d’autre de la barricade, on graisse l’artillerie. Les travaux de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes vont-ils commencer cette année ?

C’est donc reparti. Comme en 14. Flamberge au vent, comme il se doit, le père Ayrault s’apprête à fondre sur le camp retranché de Notre-Dame-des-Landes. On se souvient sûrement que c’est là, dans ce petit bourg du bocage, près de Nantes, que le Premier ministre veut déposer sa crotte, sous la forme d’un vaste aéroport international. Que se passe-t-il à l’entrée dans 2014 ?

Pas mal de choses, à commencer par les arrêtés concernant l’eau et la biodiversité, pris le 20 décembre par le préfet de Loire-Atlantique. En résumé approximatif, les textes comportent une dérogation à la Loi sur l’eau, ainsi que le « déplacement » d’espèces protégées par la loi, et qu’il est en principe interdit de buter purement et simplement. Parmi elles, le triton marbré – noir, tacheté de somptueuses peintures vertes -, dont Ayrault, Vinci-le-bétonneur et tous leurs chers amis se contrefoutent. L’emmerde, c’est qu’il est classé parmi les espèces vulnérables dans le Livre rouge des vertébrés de France. Il faut donc mettre les gants, et concrètement les choper dans les mares du très éventuel futur chantier, puis les déposer dans d’autres mares, ailleurs.

Bien entendu, c’est une fumisterie de première, mais elle est en tout cas légale. Et de même pour quantité d’autres espèces animales et végétales, qu’il faut faire semblant de sauver du béton par la grâce de « mesures compensatoires ». Selon le réseau des Naturalistes en lutte, auteur collectif d’une impeccable étude de terrain (http://naturalistesenlutte.overblog.com), les petits rigolos des arrêtés préfectoraux ont purement et simplement oublié en route « 13 espèces nouvelles pour la Loire-Atlantique », qui ne sont connues que sur le territoire visé par Vinci, ainsi que « 6 espèces supplémentaires, rares et protégées par la Loi ».

Dernière ligne droite dans ce domaine : le campagnol amphibie. Vivant près des mares et des cours d’eau, la bestiole nage, plonge et n’emmerde jamais personne, discrète au point que peu de gens connaissent son existence. Pour lui régler son compte, il faudra quand même attendre une réunion du (consultatif) Conseil National de la Protection de la Nature (CNPN), qui devrait donner un avis le 16 janvier. Commentaire général des Naturalistes en lutte : « Il n’y a pas qu’en Amazonie où des espèces sont massacrées, à Notre-Dame-des-Landes aussi grâce à l’aval de l’État français ! ».

À bien regarder la situation générale, il n’y a pas de doute : tout est en place pour un vaste drame. Côté bouffons, Ayrault pense qu’il ne peut pas reculer. Il a trop promis au complexe industriel, et sa défaite ici marquerait le déclin certain de sa carrière politique. Du côté des opposants, c’est plus grave. Les 200 (jeunes) occupants du chantier virtuel, installés dans des cabanes au fond des bois (http://zad.nadir.org) estiment à juste titre être des habitants légitimes. La plupart ne sont pas du genre à tendre la joue gauche après avoir pris un pain sur la droite. Quant aux indigènes – habitants des hameaux ou paysans de la Confédération paysanne -, une bonne partie est fortement engagée dans la bagarre contre l’aéroport.

Nul doute que Hollande a plutôt intérêt à une issue de secours, faute de quoi tout indique des violences d’un niveau rarement vu. Sur le plan politique, les paris sont ouverts. Le parti écologiste (EELV) pourrait-il rester au gouvernement en cas de début des travaux à Notre-Dame-des-Landes ? Un vieux routier de l’écologie, impliqué dans l’opération Europe Écologie de 2009, lâche à Charlie : « En principe, nos ministres quitteraient aussitôt le gouvernement, car nous n’avons jamais cessé de soutenir les opposants. Mais nous sommes quelques-uns à redouter une énième manœuvre de Placé. En restant au gouvernement, son clan provoquerait une scission, mais qui le débarrasserait d’une bonne partie de ses critiques internes. Ce serait pain béni ».

En attendant, action. On prépare à Nantes une manifestation géante. Ce sera le 22 février, juste avant les municipales. 100 000 personnes ? 200 000 ? On sera là pour compter.

9 réflexions sur « Ratonnade anticampagnol à Notre-Dame-des-Landes »

  1. L’examen par le CNPN du dossier « Campagnol amphibie » a été reporté sans explication par le ministère. Est-ce parce que l’étude a été réalisée en une semaine au mois de septembre (en période d’étiage, le territoire de l’espèce est à son minima)et que ça risque de ne pas faire très sérieux ? Monsieur Martin n’a pas de commentaires à faire…

  2. C’est l’homo sapiens qu’il n’est pas nécessaire de protéger, même contre lui-même. Les espèces animales qui auront survécu dans ce qu’il restera de nature, seront enfin peinardes quand il aura enfin disparu.
    Plus de Ayrault, plus de Vinci, ..plus de Monsanto :
    le paradis sur terre !

  3. Rien à attendre d’EELV, J.V Placé ou pas, ils sont en effet tout à fait capables de rester au gouvernement en cas de coup dur à ND des Landes. C’est pour moi évident.

  4. Je pense que si cet aéroport se fait, ce sera un sacré coup dur pour ceux qui croit à une autre société, Personnellement, je pense que nous n’aurons pas le temps d’inventer autre chose. Et puis, sur 7 milliards d’humains, entre ceux qui crèvent la dalle, ceux qui ne veulent certainement pas toucher à leur petit confort personnel, qui veulent continuer à prendre la bagnole pour le moindre déplacement, prendre l’avion pour bronzer dans des pays pauvres, acheter des produits qui détruisent toujours plus notre planète, il reste quoi ?? En attendant, on va essayer d’empêcher la construction de ce truc, parce que nos politiques n’ont pas compris que dans qq années, c’est pas d’aéroport ou d’avions dont on aura besoin, c’est de terres agricoles pour se nourrir, à moins que cette humanité débile et arrogante ait (enfin ??) disparue.

  5. il faudrait une convergence de toute les oppositions à ce régime pourri, de l’extreme droite (oui, je sais, c’est le diable) à l’extreme gauche. Quenelle à Ayrault et merde à l’Ayraultport.

  6. A P.P

    Il se dit : On ne change pas une équipe qui gagne ! 😆

    A Jean Pierre,

    Je me souviens de concerts – bidons – pour Bure !
    🙁

    A qui veut bien,

    Certaines assos prennent des études d’impact…pour des raisons de trésorerie ! 😡

    A Céline,

    Des terres agricoles pour se nourrir…Tant pis alors, pour la faune et la flore ! 8)

    A Fabrice,

    Rien pour toi ! 😉

  7. A stan

    Je me souviens bien (parce que je commence mon quatriéme âge) d’avoir vécu à une époque sans concert bidon, sans étude d’impact par des bureaux d’étude , sans Bretzgne vivante. J’ai vu arriver les tracteurs américains après la guerre remplacant les chevaux, j’ai vu arriver l’arrosage en grand du maîs, j’ai vu disparaitre les plantes messicoles à cause de la chimie répandue sur le sol etc…etc.. J’ai vu, j’ai vu..Je n’ai jamais vu de campagnol amphibie, et si cela continue, je ne risque pas d’en voir devant l’inconscience d’Homo fi sapiens. Et je dis merci à Fabrice pouu ses écrits, surtout pour ceux où je ne suis pas trop d’accord. Merci à Stan de me tendre la perche pour pouvoir m’exprimer

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