Des algues vertes pour chaque petit Français

Publié par Charlie Hebdo le 15 janvier 2014

La farce est splendide. D’un côté, on prétend mobiliser contre les marées vertes sur les côtes. De l’autre, le mal s’étend jusqu’en Méditerranée, et le gouvernement fait de nouveaux cadeaux aux porcheries industrielles.

Ce gouvernement est vraiment très con. Pas plus que sous Sarkozy, mais pas moins. Dans le même temps qu’il annonce chaque matin un plan de lutte contre les algues vertes, on apprend que ces dernières ont essaimé. On les trouvait en Bretagne, l’été ; elles sont désormais partout, et même en hiver. Qui le dit ? Un pompeux machin officiel nommé Commissariat général au développement durable (CGDD). Dans une note publiée ces jours-ci (Les proliférations d’algues sur les côtes métropolitaines), notre bel organisme publie une carte qui ne laisse place à aucun espoir : y en a partout. Partout.

Outre la Bretagne – 51 plages et 33 vasières touchées, mais bien plus selon les écologistes de la région -, toute la façade atlantique est dévastée, et même la Méditerranée. Bienvenue au club des gros dégueulasses pour le Calvados, les îles de Ré et d’Oléron, la Vendée, les débouchés de la Loire, de la Gironde, de l’Adour, du Rhône, du Var. C’est un festival. Dans un commentaire plutôt décoiffant, le CGDD constate l’existence de : « blooms phytoplanctoniques potentiellement dangereux pour la santé » Le bloom, c’est la floraison, ou plutôt l’explosion, et le phytoplanction les algues elles-mêmes, qui peuvent être microscopiques et atteindre plusieurs millions d’unités par litre d’eau. Millions.

Le CGDD distingue, sans s’appesantir sur ce vilain sujet, trois types de toxines. Les diarrhéiques, dans le genre Dinophysis. Les amnésiantes, qu’on trouve chez les Pseudonitzschia. Et les paralysantes, chez les Alexandrium. La bonne nouvelle, que Charlie transmet aimablement aux offices de tourisme concernés, c’est qu’on ne trouve pas de toxines paralysantes en Bretagne Sud. Ailleurs, si.

D’où vient le poison ? Sublime, le CGDD note scrupuleusement : « Selon les bassins hydrographiques et les années, de 54 % (Seine-Normandie) à 90 % (Loire-Bretagne) de l’azote présent dans les cours d’eau seraient d’origine agricole ». Or cet azote, qui vient du lisier des bêtes d’élevage, déversé par milliers de tonnes, provoque les marées vertes. Chacun le sait depuis bien quarante ans, mais tous les ministres de l’Agriculture depuis Chirac – il a occupé le poste entre 1972 et 1974 – ont préféré pisser dans un violon que d’embêter les porchers industriels.

La situation générale est donc hors de contrôle, mais il en faudrait davantage pour émouvoir nos Excellences. Au cours de la calamiteuse Conférence environnementale de septembre 2013, le gouvernement a affirmé du bout des lèvres, sans y croire une seconde, qu’il se donnait dix ans pour éliminer les algues vertes en…Bretagne. Ah ! les farceurs.

Un qui ne rit pas tous les jours de ces blagues lourdingues, c’est le Jean-François Piquot, pilier de l’association Eau et Rivières de Bretagne (http://www.eau-et-rivieres.asso.fr). L’homme ne se déplace jamais sans un chapeau sous lequel se cache une forte tête. Et pour lui, il est clair que « la guerre du cochon est rallumée ». Piquot ne parle pas directement des algues vertes, mais d’un incroyable décret passé inaperçu, publié en catimini le 27 décembre dernier. Jusqu’ici, il fallait une autorisation spécifique pour ouvrir toute porcherie de plus de 450 porcs. Grâce à Ayrault et Le Foll, le seuil passe à 2 000 bêtes. En dessous, que dalle. Pas d’enquête publique, pas d’étude d’impact.

« C’est un très mauvais coup porté à la protection de l’environnement, gueule Piquot. Alors que la France est déjà mise en cause par l’Europe pour l’inefficacité de ses actions de reconquête de l’eau, baisser la garde sur les outils qui permettent de réguler la concentration de l’élevage hors sol est une aberration ». Inutile de dire que la concentration de porcheries industrielles de grande taille ne peut qu’augmenter les épandages de lisier sur des surfaces agricoles déjà saturées d’engrais azotés. Et donc aggraver en proportion les marées vertes.

Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, sait tout cela, comme il sait où mènera le projet de « Ferme des 1000 vaches » raconté ici fin décembre. Mais ce proche de Hollande a une mission, et une seule : empêcher que la FNSEA ne tire à son  tour sur l’ambulance de l’Élysée. Pour l’instant, ça tient. À peu près.

12 réflexions sur « Des algues vertes pour chaque petit Français »

  1. Avec du développement durable on va pouvoir valoriser ces algues vertes de la providence par méthanisation pour faire de l’électricité labellisée écoresponsable.

    C’est magnifique toute cette richesse dans le vocabulaire pour maquiller l’horreur de la réalité en points de PIB.

    Je suis triste et amer de poster un commentaire aussi cynique.

  2. je n’ai pas de commentaires a faire, l’article est assez « parlant »..ces ministres me donnent juste..la nausée..Bien a vous.

  3. Bonsoir,

    Merci.

    Hors sujet.

    Le PDG de Total, Christophe de Margerie, a salué, dimanche 26 janvier, la décision de Bruxelles de laisser la voie libre à l’exploitation du gaz de schiste dans l’Union européenne, et la volonté d’Arnaud Montebourg de convaincre François Hollande d’avancer sur la recherche dans ce domaine.

    ——-

  4. A f656,

    Bien sûr que si !
    Il est mis en place et soutenu par 66 000 000 de fans écologistes protecteurs acharnés de la nature.
    (dont moi)

    :mrgreen:

  5. @f656, il a autant de pouvoir qu’un député en Russie ou qu’un sénateur aux USA, en comparaison avec un milliardaire, pas grand chose.

  6. On parie que ça n’empêchera pas certain(e)s d’aller mettre leur petit bulletin dans l’urne pour EELV aux prochaines élections municipales et européennes en croyant défendre la planète 😉

  7. Insulter le gouvernement est à la mode, c’est toutefois une bien curieuse manière de grandir le lecteur ! Une simple réflexion de bon sens : il a des algues tout le long du littoral français, mais il n’y a pas d’élevages partout, surtout pas à Noirmoutier, ni sur le littoral méditerranéen. J’en déduis que les élevages de porcs sont les boucs émissaires qui arrangent bien les politiques, comme par exemples les élus des communes littorales avec des stations d’épuration incapables de traiter les populations touristiques. D’ailleurs la boucle est bouclée puisque ça profite aussi aux associations dites environnementales largement subventionnées par ces municipalités.

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