La sécheresse fait le lit de la guerre

Cet article a été publié par Charlie Hebdo le 14 mai 2014

Et si la crise climatique était l’une des causes cachées du soulèvement syrien et des révolutions arabes ? Une pluie d’études montre que l’on a trop longtemps ignoré les fondements écologiques des guerres et des révolutions. Faut que ça change.

Ne plus avoir d’eau. Moins pour les hommes, plus pour les bêtes, plus pour la terre. En 2006, la Syrie connaît une première sécheresse, qui passe inaperçue. Le pays est aride – 45 % est même désertique – et dans les années « moyennes », il n’y pleut qu’entre 200 et 400 mm, contre 750 en France, avec des pointes de plus de 1100 dans une ville comme Brest.

En 2007, tout recommence, en pire. En 2008, tout recommence, en pire. Une situation qui, d’après l’ONU, n’a pas été vue depuis quarante ans. Mais entre-temps, la population est passée de 6 millions à 20, dont beaucoup, installés en ville, ont des exigences nouvelles. À la fin de l’été 2008, au moins un million de paysans et de bergers sont dans la détresse hydrique. Selon des estimations ridicules, mais officielles, 59 000 éleveurs ont perdu la totalité de leur cheptel, mort de soif. En 2009, tout recommence, en pire : 300 000 habitants de l’Est et du Nord-Est – autrefois le grenier à blé – quittent leurs terres, probablement à jamais, et s’installent à Damas, à Alep, à Deir ez Zor. En 2010, tout recommence, en pire : les exilés sont au moins 500 000. La récolte du blé passe de 4,1 millions de tonnes en 2007 – pour tout le pays – à 2,4. Or les Syriens ont besoin d’à peu près 4 millions de tonnes.

Là-dessus, la guerre civile, qui débute au printemps 2011, et une question qui tombe sous le sens : pourrait-il y avoir des liens entre sécheresse et révolte ? Le 27 janvier 2014, la chercheuse néerlandaise Francesca de Châtel publie un article éclairant dans la revue Middle Eastern Studies (1), qui permet de voir la Syrie tout autrement. Oublions un instant les djihadistes, les alaouites, les chiites, les sunnites, le Hezbollah libanais. La Syrie n’a-t-elle pas besoin avant tout d’eau ? De Châtel ne conteste pas l’existence de facteurs sociaux et politiques, mais juge que la question de l’eau les a influencés et a pu être modifiée par eux.

Comme tant d’autres ailleurs, le régime n’a rien vu venir, perdu dans ses rêveries de toute-puissance et d’expansion sans limites. Quand Assad le père – Hafez – arrive au pouvoir en 1970, 7,5 % de la surface agricole est irriguée. En 2006, on dépasse les 25 %. Dans son article, de Châtel met davantage en cause la gestion politique de la sécheresse par Damas que le phénomène lui-même. Le clan Assad, qui mise désormais sur la libéralisation à tout crin et la fin des aides publiques, aurait tout simplement laissé jouer le marché – le prix du fourrage double en quelques mois -, condamnant ses paysans les plus pauvres à l’exil intérieur.

Le dérèglement climatique expliquerait-il les sécheresses à répétition ? Le scénario est conforme aux prévisions régionales, mais de Châtel s’y intéresse d’autant moins que Bachar, le maître de Damas, tente de tout mettre sur le dos du climat, qui serait le seul responsable du désastre. Un autre travail passionnant permet en revanche de poser de nouvelles questions sur l’éventuelle dialectique entre changement climatique et le phénomène connu sous le nom de « révolutions arabes ». Publiée en février 2013 par un think tank américain proche des Démocrates – le Center for American Progress (2) -, l’essai à plusieurs voix ouvre sur un monde inconnu.

On connaît la vulgate répétée de télé en radio depuis des années. Un vendeur ambulant tunisien, Mohamed (Tarek) Bouazizi, s’immole par le feu le 17 décembre 2010 dans la petite ville de Sidi Bouzid. De proche en proche, magnifiée par les réseaux sociaux, la révolte gagne toute la Tunisie et plusieurs pays arabes, dont l’Égypte. Mais n’a-t-on pas oublié en route l’importance décisive du climat et de l’alimentation ?

Les auteurs ne font pas plus dans le simplisme que de Châtel. Les changements en cours du climat ne sauraient être la cause des changements de régime, mais leurs conséquences peuvent avoir allumé la mèche, faite des causes habituelles. Et ils reprennent à leur compte l’expression « threat multiplier » : la crise climatique serait un multiplicateur de menaces. L’extrême sécheresse de 2010 en Chine, qui a renchéri le prix du blé sur le marché mondial, a évidemment eu des répercussions sur l’Égypte, plus grand importateur de blé de la planète. D’une manière générale, les pays arabes sont fragiles, car ils disposent de peu de terres cultivables et de peu de ressources en eau, ce qui contraint la plupart à devoir importer entre 25 % et 50 % de leur consommation de céréales. En pointant des relations auxquelles le regard n’est pas habitué, comme celle entre la place Tahrir et la place Tienanmen, on court le risque d’être chahuté, voire ridiculisé par les chercheurs plus classiques, de loin les plus nombreux.

Et il est vrai qu’aucune preuve, au sens scientifique comme au sens policier, ne peut être apportée. Deux des rédacteurs de ce travail, Sarah Johnstone et Jeffrey Mazo concluent par ces mots : « Le printemps arabe se serait probablement produit d’une manière ou d’une autre, mais le contexte dans lequel il s’est produit n’est pas sans conséquences. Le réchauffement climatique n’a peut-être pas provoqué le Printemps arabe, mais il peut l’avoir fait arriver plus tôt ».

Ce n’est pas la première fois que des chercheurs – encore rares – s’intéressent aux liens pourtant puissants entre conditions écologiques et crises humaines paroxystiques. Aux Amériques, l’universitaire canadien Thomas Homer-Dixon – très connu, il a dirigé différents instituts traitant ce sujet – publie le 31 janvier 1992 (dans le New York Times) un article que beaucoup tiennent là-bas pour pionnier. Clinton vient d’être élu pour un premier mandat, et Homer-Dixon l’invite à agir au plus vite. S’appuyant sur les exemples du Bangladesh, de la Chine, des Philippines, d’Afrique du Sud, du Sénégal, de la Mauritanie, du Pérou, d’Haïti, il constate que « les pénuries de ressources renouvelables contribuent déjà à des conflits violents dans de nombreuses parties du monde en développement ». Et il ajoute plus loin : « Nous comprenons maintenant que [ces pénuries] produisent souvent des effets sociaux cachés et cumulatifs, comme les grandes migrations et des troubles économiques. Ces événements peuvent entraîner des affrontements entre groupes ethniques ainsi que des conflits civils et insurrectionnels ».

Dix ans plus tard, la guerre civile du Darfour semble bien lui donner raison. En 2003 commence dans l’ouest du Soudan – le Darfour – une guerre atroce entre les Janjawids et des tribus comme les Four, Massalit et Zaghawa. Les premiers sont des miliciens noirs arabisés, souvent nomades, les seconds des paysans sédentaires, noirs eux aussi.

La guerre devient si démentielle que, dès 2004, le Congrès américain la désigne comme un génocide, ce qui demeure contesté. Le fait est que le climat a changé entre le Nil et le lac Tchad. Le chercheur Jérôme Tubiana résume ainsi (3) l’état des lieux : « Au cours des quarante dernières années, [la région] a connu des vagues intenses de sécheresse, des précipitations de plus en plus variables et une diminution générale de la durée de la saison des pluies. On estime qu’au Darfour les températures ont déjà augmenté de 0,7°C entre 1990 et 2005 ».

En 2007 (le 16 juin), le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon se paie une tribune retentissante dans le Washington Post. « Si la violence a éclaté au Darfour pendant la sécheresse, écrit-il, ce n’est nullement par hasard. Jusque-là, les bergers nomades vivaient tranquillement au contact des agriculteurs sédentaires. Un récent article décrit la manière paisible dont les agriculteurs partageaient leurs puits et accueillaient les éleveurs qui sillonnaient le pays en faisant paître leurs chameaux. Mais quand les pluies ont cessé, les agriculteurs ont clôturé leurs terres de peur qu’elles ne soient ravagées par les troupeaux ».

Est-ce aussi clair que semble le penser Ban Ki-moon ? Le Darfour a donné lieu, dans les marges, à des débats de grande qualité. Ainsi cet article inspiré du chercheur Marc Lavergne (CNRS, Groupe d’études et de recherches sur la Méditerranée et le Moyen-Orient), publié dans Revue Tiers Monde (Le réchauffement climatique à l’origine de la crise du Darfour ?). S’interrogeant sur les liens entre déplacés et mouvements de population d’une part, dérèglement climatique d’autre part, il note : « Le réchauffement climatique fait (…) office de facteur déterminant d’explication de ces mouvements de population. Cette « récupération » (…) peut conduire à des schématisations outrancières, voire à des erreurs permettant d’évacuer les responsabilités des acteurs effectivement à l’origine des crises ou des conflits ».

De fait, les autorités de Khartoum – la capitale soudanaise – ont surabondamment exploité l’explication « climatique ». Car non seulement elle masque leurs écrasantes responsabilités, mais elle fait retomber la faute historique sur les sociétés du Nord, qui sont bel et bien le déclencheur de la crise climatique. Mais malgré l’excellence des autres arguments avancés par Lavergne, il ne fait pas de doute que le climat devient une question politique majeure, au Darfour comme ailleurs.

La revue bien connue Science publiait le 1er août 2013 une méta-analyse portant sur 60 études publiées et 45 conflits (4). Le résultat – controversé – montre une corrélation évidente entre des événements climatiques parfois mineurs et l’irruption de conflit. À toutes les échelles spatiales et temporelles. On passe des violences domestiques à cause d’une canicule aux meurtres sur fond de sécheresse, des révoltes paysannes à l’effondrement de civilisations comme celles de Mésopotamie ou des Indiens mayas. Une fois encore, les auteurs – Solomon Hsiang, Marshall Burke, Edward Miguel – insistent sur les limites de leur travail. Le climat, en toute hypothèse, viendrait se surajouter à des causes plus coutumières, et ne serait pas nécessairement la cause principale des affrontements entre humains.

Corrélation ne veut pas dire explication. Mais le chantier qui vient de s’ouvrir ne fermera pas de sitôt. Selon des extrapolations tirées de cette dernière publication, le risque de guerre civile pourrait augmenter de 50 % dans un grand nombre de pays au cours des prochaines décennies.

(1) The Role of Drought and Climate Change in the Syrian Uprising: Untangling the Triggers of the Revolution
(2) The Arab Spring and Climate Change
(3) In « Darfour-Tchad : s’agit-il de la première guerre du climat ? »
(4) Quantifying the Influence of Climate on Human Conflict

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Entre récoltes et génocide

Faut-il ajouter le climat aux autres facteurs expliquant le génocide rwandais de 1994 ? En 1984 et surtout 1989, des sécheresses graves ont en tout cas frappé le pays et provoqué des famines. Avec entre les deux, les pluies surabondantes de 1987, détruisant les cultures de pommes de terre, de haricots et de maïs.

La suite n’est pas plus réjouissante. Dans un article publié en 1996 (Climat et crise rwandaise), l’agrométéorologue de la FAO René Gommes rapproche les conditions climatiques locales et la tenue des massacres. À l’automne 1993, quelques mois avant le début des tueries, « les pluies de septembre et d’octobre sont très faibles et conduisent à une réduction notables des rendements et des surfaces plantées. La première récolte de haricots est perdue, et les pluies insuffisantes ne permettent pas de replanter ». En mars 1994, quelques semaines avant l’embrasement, c’est pire, car des centaines de milliers de réfugiés du Burundi aggravent une situation alimentaire devenue critique. « Dans le nord, le déficit de production est du à la sécheresse et à des déplacements massifs de population (…)  Le sud a été particulièrement affecté par la sécheresse et la population est confrontée à des déficits alimentaires de proportions très inhabituelles. On signale des morts dus à la famine ».

Une autre question, totalement ignorée, pourrait avoir joué un rôle : l’érosion des sols. Dès 1992, l’agronome allemand Dieter König alerte sur la disparition du sol arable sous l’action des pluies : « Au Rwanda, écrit-il, les dégâts d’érosion peuvent être observés partout. La plupart des collines sont complètement déboisées et intensément cultivées ». 100 tonnes de sol par hectare, selon König, disparaissaient chaque année, à jamais. Rappelons que le Rwanda est un pays de 26 000 km2 – la Bretagne en fait 34 000 -, dont la population est passée de 1 830 000 habitants en 1949 à 6 750 000 en 1990, soit près de quatre fois plus. Juste avant le génocide, la densité de population pouvait atteindre 500 habitants par km2 à la campagne, conduisant les paysans à défricher toujours davantage. Un cercle vicieux menant à l’épuisement accéléré des sols et donc à une baisse des rendements de cultures vitales pour l’alimentation, comme le sorgho, les petits pois ou les haricots.

Pour le Rwanda comme pour d’autres pays, l’évocation de causes autres que politiques, sociales, économiques peut hérisser le poil. Le livre de l’Américain Jared Diamond « Effondrement » (Gallimard, 2006) concentre les critiques, car l’auteur y écrit notamment : « La population rwandaise a augmenté à un taux moyen de plus de 3 % l’an (doublement en moins de 24 ans). Le développement économique du Rwanda fut stoppé par la sécheresse et l’accumulation de problèmes environnementaux. Le pourcentage de la population consommant moins de 1600 calories par jour (niveau en dessous de celui de la famine) était de 9 % en 1982, 40 % en 1990. D’où le génocide en 1994. Il n’est pas rare, depuis, d’entendre des Rwandais soutenir qu’une guerre était nécessaire pour diminuer une population en excès et pour la ramener au niveau des ressources en terre disponibles. »

18 réflexions sur « La sécheresse fait le lit de la guerre »

  1. Ton article est épatant, faisant la part des choses entre les conneries des pouvoirs en place et le rôle très aggravant de la sécheresse…
    Avant hier lundi 19 j’écrivais sur ce thème (blog cailloux dans l’brouill’art, titre « On change le monde… à temps? »)en présentant 2 ouvrages dont j’ai piqué les titres dans des commentaires (en pluie!) d’un de tes articles…
    « L’effondrement de la civilisation occidentale » et « un millions de révolutions tranquilles » (ed.Les Liens qui Libèrent, tous 2). Le 1° commence sur les catastrophes de montée du niveau de la mer, le 2° sur celles de sécheresses : bref, le dérèglement climatique…
    Dont l’humanité est responsable, du moins la volonté de ses dirigeants fous qui font « pleuvoir du fric » dans leurs poches, via dictatures et guerres…
    Mais ESPOIR, nous disent par exemple ces milliers de femmes en Inde qui – méprisant la bureaucratie impuissante – font reverdir leur région, renouant avec des vieilles traditions plus du modernisme bien choisi. Etc.

  2. On ne prend des pincettes pour dire qu’une tragédie a plusieurs causes que parce que ça sert aux responsables à se dédouaner.
    En 1789, deux causes : 1) « Du pain ! » 2) « Qu’on leur donne de la brioche. » La seconde couvait depuis longtemps. Ne manquait qu’une année de disette (Rocard a retenu la leçon, il a inventé le rmi).
    Au Rwanda : « Du pain ! » et « Qu’on leur donne deux missiles sol-air. »

  3. KES, merci de rappeler que 1789 n’aurait peut-être pas eu lieu sans la famine. La faim n’est pas la cause des révoltes, elle est plutôt le facteur déclenchant, c’est en quelque sorte le détonnateur.Mais n’allons pas trop vite, il faut une profonde transformation de la société en profondeur pour qu’émerge une « Révolution » et non de simples révoltes.

  4. Merci pour cet article qui met courageusement les projecteurs sur une question delicate.

    Parmi les references, on pourrait ajouter « Late Victorian Holocausts » (Holocaustes de l’epoque victorienne tardive) de Mike Davis, qui montre comment « Des millions de personnes sont mortes, non en dehors du « systeme mondial moderne », mais du processus meme de leur incorporation forcee dans ses structures economiques et politiques. Elles sont mortes a l’age d’or du capitalisme liberal; En fait, beaucoup furent assassinees (…) par la mise en application des principes sacres de Smith, Bentham et Mill »

    Aussi, le livre moins connu « Drowned and Dammed, Colonial Capitalism and Flood Control in Eastern India » par Rohan D’Souza, explique de maniere plus ciblee et tres technique, comment la destruction du delta de l’Orissa a engendre les famines necessaires a la creation du proletariat requis par le capitalisme colonial.

    Faut-il s’abandonner a la « theorie du complot » et imaginer que les promoteurs du liberalisme en Syrie avaient pour but d’assassiner 150000 personnes et de chasser des millions hors de leurs maisons et quartiers?

    Surement pas de maniere literale, mais les conditions creent la possibilite.

    En ce sens, l’ecologie est une des meilleures protections contre le terrorisme. L’ecologie et le partage creent la resilience d’une societe.

  5. Bonjour
    et merci pour cet article.
    Le thème du Rwanda me paraît extrêmement glissant, on peut effectivement citer la promiscuité ou les problèmes de nutrition comme facteurs aggravants, dans la mesure où ils ont pu contribuer à mettre une partie de la population dans un état de plus grande malléabilité. Aller au delà suppose du temps et de la mesure. Ce que, je l’ai noté, vous ne faites pas, vous contentant de citer Diamond, qui avec son « d’où le génocide » n’est pas loin de décrédibiliser tout ce qu’il a pu dire d’intéressant par ailleurs.
    J’avoue que je suis un peu gèné par cet extrait, j’aurais aimé savoir si vous le citez en considérant que, même si elle souffre d’un manque de rigueur important, cette réflexion apporte des éléments, où si vous y souscrivez?

    Je me permets également de commenter un commentaire : Kes, ce genre de trait d’esprit permet de se faire mousser avec peu d’efforts, mais ne résiste pas à deux secondes de réflexion. D’autant que ce n’est pas vide de sens : parler des missiles n’est pas anodin, cela montre à quel point la propagande des Péan, Mermet, etc. a fait mouche en focalisant l’attention sur l’attentat du 4 avril 1994.

  6. Guillaume Desgranges,

    Non, bien sûr, je ne souscris pas. J’aurais dû être plus clair, mais comme si souvent dans la presse, j’étais déjà bien trop long. Mais j’aurais dû, en effet, même si je prends tout de même mes distances en introduction à la citation de Diamond.

    Ceci posé, il est très difficile d’aborder la question démographique sans être accusé aussitôt du pire. Or il ne fait guère de doute qu’elle joue un rôle dissolvant sur les sociétés, en s’ajoutant – cela va de soi pour moi – à quantité d’autres causes bien connues.

    Bien à vous,

    Fabrice Nicolino

  7. la « question/bombe/explosion » « demographique » est l’image intellectuelle qui a permis la transformation du malthusianisme original, selon lequel la pauvrete est un facteur necessaire a la croissance de la richesse nationale, et les pauvres sont les moteurs de la prosperite collective, en neo-malthusianisme, qui soutient la these exactement inverse: Les pauvres se multiplient comme des lapins, mangent toutes les ressources, polluent l’environnement, et menacent les riches. (Merci a Debal Deb pour son analyse erudite, dans « Beyond Developmentality »). Que le malthusianisme ait ainsi pu se retourner comme un gant en seulement 150 ans, pose des questions sur la clarte de ces idees!

    Et pour moi qui ait vecu a Paris et sa banlieue, et a Kolkata et sa banlieue, deux regions urbaines qui se distinguent du reste du monde par une forte densite de population -30 a 70.000 hab/km2 selon les quartiers- il ne fait aucun doute que la forte densite de population joue un role stabilisateur, securisant et motivant sur les societes. Ou vous sentez-vous le plus en securite? Dans un metro bonde ou dans une rame vide? Dans une rue animee ou dans un no-man’s land desert?

    Et quelles sont les regions soumises a la guerre aujourd’hui?

    Des regions riches (en ressources utiles aux autres) et a faible population.

    Le but de la guerre est de couper le lien entre une population et son environnement, pour la soumettre. En d’autres termes, l’asservissement d’une population passe par la destruction de son ecologie.

    Voila les outils intellectuels -oui, intellectuels- sur lesquels travaillent bon nombre des auteurs Americains cites, dont le travail souvent ambigu (un peu comme ces technologies « dual use ») ouvrent des avenues nouvelles a la guerre contemporaine: guerre ecologique et terroriste.

  8. « ce genre de trait d’esprit permet de se faire mousser avec peu d’efforts, mais ne résiste pas à deux secondes de réflexion. D’autant que ce n’est pas vide de sens » (Guillaume D.)
    Essayez d’aller jusqu’à trois secondes.
    Comment appelle-t-on les gens qui veulent vous expliquer que ce que vous dites fait sens ?
    Un « thème glissant » où on se « fait mousser »… vous avez un problème avec le savon ?

  9. Merci Fabrice pour cette réponse. Je souscris à votre remarque sur la question démographique, cela fait partie des sujets presque impossibles à aborder rationnellement. Et c’est probablement un sujet déterminant.

    Je me permets de squatter encore un peu votre espace, je ne sais pas si cela à un sens, mais pour moi c’est important de dire ce qui suit

    Kes,
    je vais tenter de vous expliquer ma réaction.
    J’aurais probablement dû être plus précis, mais il est pour moi difficile de rentrer dans le vif du sujet sans écrire un essai, tant le thème est délicat. Ce qui n’a pas l’air d’être un problème de votre côté.
    L’assassinat d’ « environ » un million de personnes, identifiées comme Tutsi et Hutu refusant le massacre, c’était il y a tout juste vingt ans. Il y a donc des rescapés qui peuvent nous lire, des responsables qui se promènent, des complices, au Rwanda, en France, ailleurs. Cela suppose à mon avis deux choses lorsqu’on s’exprime dans la sphère publique.
    Premièrement, de la pudeur. Quand le sang est encore frais, il semble préférable d’éviter les calembours.
    Ensuite, un extrême précision, une grande mesure, dater, sourcer, rendre son propos inattaquable. Pourquoi ? Au delà du respect dû au victimes, sachez que le dossier n’est pas clos. L’impunité est la règle, particulièrement concernant les responsabilités françaises. Nous sommes donc en pleine guerre de la mémoire, et cette guerre se joue dans une large mesure sur le terrain médiatique.

    Et nous avons marqué des points.

    Aujourd’hui, il devient très difficile de contester les liens très étroits d’une partie de l’exécutif français avec le régime d’Habyarimana, en place avant le génocide ; de même qu’on ne peut plus soutenir qu’il s’est agit d’un déchaînement de violence spontané. Les détails concernant la planification méthodique sont nombreux.
    Un discours très médiatisé a émergé ces dernières années : c’est l’assassinat d’Habyarimana (son avion a été abattu) qui est l’origine du génocide, c’est le Front Patriotique Rwandais de Kagamé qui est responsable de l’attentat, donc c’est le FPR qui est à l’origine du génocide. Et, par conséquent, les français n’y sont pour rien.

    Sauf que tout était prêt, au sens de prévu, pour que le génocide démarre, l’attentat n’est pas à l’origine du génocide, il a par contre permis la prise de pouvoir de l’Akazu, le clan le plus extrémiste, qui a formé son gouvernement provisoire dans les locaux de l’ambassade de France.

    Sauf que la thèse selon laquelle le FPR a tiré deux missiles sol-air depuis une base de l’armée régulière à été réduite à néant par une expertise balistique incontestable.

    Sauf que le FPR, s’il s’est clairement rendu coupable de crimes de guerre, n’a pas provoqué le génocide, il y a mis fin.
    Cette propagande à été abondamment relayée, notamment par Daniel Mermet, dont l’audience dans les milieux contestataires est importante.
    Voilà pourquoi, lorsque je constate une focalisation sur les missiles, l’attentat, je vois l’ombre de la propagande négationniste ; grâce à laquelle trop de monde s’en tire à peu de frais, grâce à laquelle on ne voit pas pourquoi l’histoire ne se répéterai pas.

    En introduction, récemment Jacques Morel a écrit un bouquin chez l’Esprit Frappeur qui est très bien, et bien documenté. Plus simple, il y a L’inavouable de St Exupéry chez les Arènes, vous pouvez également chercher une biliographie chez Survie.org .

  10. Guillaume,

    Je n’ai fait aucun calembour.

    « très difficile de contester les liens très étroits d’une partie de l’exécutif français » (…) « une focalisation sur les missiles, l’attentat, je vois l’ombre de la propagande négationniste »

    S’il est négationniste de dire que l’État français a fourni deux missiles sol-air, alors Patrick de Saint-Exupéry est négationniste.

  11. Que la démographie soit un sujet qui fâche, certes; mais réfléchir et prendre des décisions sur le sujet est fondamental. Et comme en ce qui concerne l’environnement, on attendra qu’il soit trop tard pour lever les tabous.

  12. Nous sommes sous l’emprise du Front International de la Libération du Carbone , Front qui a juré la perte de l’espèce humaine en brûlant terre mers et atmosphère !
    L’histoire du monde moderne, de la Révolution française à ce jour, est souvent considérée comme une série de libérations – de la tyrannie, des mystifications, et ainsi de suite. Ou, de façon plus positive, la libération du peuple, des esclaves, des femmes, jusqu’au mouvement pour la libération des animaux. Mais si la chose qui a vraiment obtenu sa libération, dans les temps modernes n’avait rien d’humain ou d’animal, mais n’était plutôt qu’un élément: le carbone?
    Le capitalisme fonctionne sur les combustibles fossiles – sur le carbone. Il le « libère » à partir des gisements de pétrole et de charbon, pour faire tourner la machine de l’économie marchande, et déverse ainsi le carbone comme déchets dans l’atmosphère et les océans. On dirait que dans cette frénésie consumériste, tout le monde est enrôlé, dans un « Front de libération du carbone» corollaire à l’avènement de l’ère de la montée du capitalisme triomphant ! Et maintenant que le ‘ génie » est sortie de sa fiole, il nous fait voir de toutes les couleurs et bien malin celui qui pourrait le remettre à sa place !
    L’occident et ses possessions : Europe + Amériques + Océanie ; 61,256 M² km² logeant 1 783,1 M² d’habitants , soit une densité de peuplement de 29,1 hab/km²
    Le reste du monde : Afrique + Asie , couvrant 74,950 M² de km² des terres émergées logeant 5 652 M² d’habitants, soit une densité de peuplement de 74,4 hab/km². C’est plus de 2,5 fois que l’occident !
    Qui est donc à l’étroit?
    Le monde ne serait en paix qu’avec une répartition de la population au prorata des ressources disponibles ! En Méditerranée s’exerce le mouvement migratoire par osmose naturelle ! Le flux migratoire de la région la plus peuplée vers la moins peuplée . ce mouvement ne cesserait qu’à l’équilibre des densités soit 55 terriens / km² !
    Anticipant cette quête légitime, l’Occident semble avoir adopté le principe ‘ la meilleure défense c’est l’attaque’ en vu de réduire les effectifs de l’ORIENT ?
    Il a commencé par le maillon faible MENA ?
    De quel droit l’Europe « démocratique », avec ses excroissances que sont l’Océanie et l’Amérique, soit 1 780 M² de bipèdes, veut -t’elle continuer à imposer sa volonté au reste du monde que sont l’Afrique et l’Asie, et leurs 5 650 M² de bipèdes ?
    La vrais cause des tentions géopolitiques, c’est cette répartition anachronique de la population mondiale, qui a été biaisé par le fait colonial !

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