Après l’Ours, le Loup, le Lynx, le Vautour, le Cormoran, la Grue

Je sais qu’ils s’en foutent, mais j’en veux à ceux – Bové, une bonne part de la Confédération paysanne, nombre d’altermondialistes, y compris journalistes – de soutenir la chasse au Loup, qui tue désormais chaque semaine et parfois chaque jour des animaux revenus dans ce qui est pourtant leur pays, de toute éternité. Ces ennemis du sauvage, s’alliant comme si de rien n’était avec les gros durs de la FNSEA et les chasseurs extrémistes, ont mis le doigt dans un engrenage qui les mènera fatalement plus loin. J’ai écrit ici quantité de papiers sur le sujet (notamment ici, ici, ici, ici, ici). Sur le Loup, sur l’Ours, sur le Vautour, ce dernier transformé pour les besoins d’une cause indéfendable en prédateur.

Voilà que – Raymond Faure, merci – la haine s’attaque aux grues, ces grâces ailées qui nous font l’immense honneur de nous survoler. Il fallait s’en douter : les grues, y en a marre. Il faut laisser ces braves gens faire pousser leur maïs aux pesticides, et trucider par millions poulets, canards, oies, cochons et bovins. Y en a marre. La FDSEA de la Haute-Marne – structure départementale de la FNSEA – vient d’obtenir de la région, gérée par nos bons socialistes, 100 000 euros pour faire face aux « dégâts » créés par les grues, ces barbares des airs. Un monsieur Jean-Louis Blondel,  président de cette FDSEA, a même déclaré à l’AFP : « Les nuisances sont surtout dues au nombre croissant de grues qui restent pendant l’hiver, et en cas de surpopulation déraisonnable il faudrait réguler cette espèce ». On admirera ici l’usage de l’euphémisme. Flinguer, cela s’appelle désormais, chez les tueurs, réguler.

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La dépêche de l’AFP :

Le lac du Der, havre de paix des oiseaux migrateurs

08 Nov 2014

 

 

 

 

A peine le jour levé qu’une immense clameur signe le réveil des échassiers qui s’élèvent en nuée dans un ciel orangé: à l’automne, des dizaines de milliers de grues cendrées font escale au lac du Der-Chantecoq en Champagne avant leur migration vers l’Espagne.

Plus grand lac artificiel d’Europe, le Der offre depuis sa création en 1974 un havre de paix aux grands oiseaux migrateurs qui se massent sur les îlots et les vasières pour y passer la nuit à l’abri des prédateurs.

Il aura fallu engloutir trois villages et des forêts de chênes pour construire ce réservoir de 4.800 hectares bordé de 77 kilomètres de rives à cheval entre la Marne et la Haute-Marne afin de prévenir et réguler les inondations du bassin parisien. « Un projet gigantesque qui serait probablement largement contesté de nos jours », remarque Aurélien Deschatres le coordinateur national du réseau « Grues France » de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO).

Selon lui, plus de 200 espèces d’oiseaux dont des animaux rares -pygargues à queues blanches, butors étoilés ou encore hérons pourprés- peuplent le site classé depuis 1986 « zone spéciale de conservation » par le réseau « Natura 2000 ». Mais ce sont surtout les grues cendrées et leurs envols matutinaux majestueux qui ont fait la réputation du lac auprès des amoureux de la nature.

« Les grues qui passent l’été en Europe du Nord se regroupent en Allemagne avant d’entreprendre la traversée vers la péninsule ibérique. Dès la création du lac, elles ont trouvé des conditions d’escales idéales et sont chaque année de plus en plus nombreuses à se poser et même à demeurer pendant les hivers doux », explique M. Deschatres.

Selon les estimations de la LPO, entre 80.000 et 100.000 de ces échassiers, soit près d’un quart de la population européenne, ont été dénombrés aux abords du lac fin octobre et environ 60.000 séjournaient encore sur le Der la première semaine de novembre, attendant des conditions météorologiques favorables à la poursuite de leur voyage.

Un long vol plané synchronisé

« Celles qui décident de partir exploitent les ascendances pour gagner de l’altitude avant de prendre un cap sud-ouest profitant si possible d’un vent de dos pour augmenter leur vitesse », explique l’ornithologue.

« Mais si la douceur persiste, entre 20.000 et 40.000 grues sont susceptibles de passer l’hiver sur place en se nourrissant de graines dans les champs alentours », précise-t-il.

Ce plus grand échassier d’Europe (2 mètres d’envergure pour 4 à 6 kilos) au plumage gris ardoise avec un cou noir, tache rouge sur la tête et queue touffue, quitte aux premières lueurs de l’aube son dortoir en « claironnant » continuellement et vole en formation serrée avec ses congénères vers les champs fraichement labourés ou les pâtures pour trouver sa pitance. A la nuit tombée, les grues repues se reposent au milieu du lac dans un long vol plané synchronisé.

Inquiets des quelques dégâts provoqués par les volatiles dans leurs champs, les agriculteurs ont négocié une enveloppe de 100.000 euros auprès de la Région Champagne-Ardenne.

« Les nuisances sont surtout dues au nombre croissant de grues qui restent pendant l’hiver, et en cas de surpopulation déraisonnable il faudrait réguler cette espèce », estime pour sa part Jean-Louis Blondel, le président de la FDSEA de Haute-Marne.

Un scénario inimaginable pour la LPO qui rappelle que la grue cendrée est un animal protégé depuis 1967 et pointe l’apport économique d’un « tourisme ornithologique » en pleine croissance.

Selon l’office du tourisme du lac du Der, en plus des 200.000 touristes recensés l’été, près de 100.000 amateurs d’oiseaux venus de toute l’Europe fréquentent le site d’octobre à mars offrant aux commerçants locaux une manne touristique à l’année.

Point de rendez vous de ces amoureux de la nature, le « Festival international de la photo animalière et de nature » de Montier-en-Der qui attire chaque près de 40.000 visiteurs chaque 3e week-end de novembre.

21 réflexions sur « Après l’Ours, le Loup, le Lynx, le Vautour, le Cormoran, la Grue »

  1. Arrivés au bout de leur productivisme, les agriculteurs n’ont plus d’autres prétextes que d’éliminer celui qui pilleraient la moindre graine… FNSEA, le S devient sniper.

    Tu m’étonnes que la population ailée à perdu plus de 400 millions de ses membre, m’est avis que ces zamoureux de la nature et de la terre n’ont pas attendus une enveloppe officiells pour passer à l’action et dézinguer directement ou indirectement n’importe quel passereau audacieux.

  2. « et en cas de surpopulation déraisonnable il faudrait réguler cette espèce”,
    Je suis totalement d’accord,il y à surpopulation humaine,les hommes de cette espèce sont à réguler,

  3. MERCI.

    Pas que les grues,

    L’Europe a perdu 421 millions d’oiseaux en 30 ans.

    C’est une véritable hécatombe. Elle touche principalement les petits oiseaux et les espèces les plus communes comme l’alouette et l’étourneau. Le moineau domestique, celui de nos villes, aussi : il y en a 60 % de moins qu’il y a 30 ans et ce chiffre monte à 80 % pour la tourterelle. Au total, il y a 420 millions d’oiseaux de moins en Europe que dans les années 80.

    Cette disparition des oiseaux est liée à deux phénomènes principaux : les méthodes modernes d’agriculture tout d’abord. L’usage intensif de pesticide tue en effet les insectes dont se nourrissent les oiseaux, qui meurent alors de faim. C’est ensuite la disparition de leur habitat qui participe de cette hécatombe.

    Pour le coauteur de l’étude Richard Gregory, ce constat est alarmant, et les conséquences graves. Les espèces concernées sont les plus importantes pour notre écosystème. Elles maintiennent les grands équilibres. Ce sont ces oiseaux-là qui pollinisent, dispersent les graines, luttent contre la prolifération des insectes ou encore nettoient les charognes.

    Les scientifiques sont pessimistes pour les années à venir et ne voient pas la tendance s’inverser. Et c’est tout l’environnement qui risque d’y laisser des plumes.

    Bien a voutoustes,

  4. Notre pays abrite aussi d’autres indésirables à plumes, exotiques de surcroit, sur lesquels les chasseurs ou agents de l’Oncfs peuvent – ou pourraient – faire des cartons : l’ibis sacré, l’ouette d’égypte, la bernache du canada, le cygne noir.

  5.  » « Les nuisances sont surtout dues au nombre croissant de grues qui restent pendant l’hiver, et en cas de surpopulation déraisonnable il faudrait réguler cette espèce ». On admirera ici l’usage de l’euphémisme. Flinguer, cela s’appelle désormais, chez les tueurs, réguler. »

    en parlant de nuisances et de surpopulation déraisonnable … quid de celles de l’espèce humaine ??? – pas pour ça que l’on sort les « flingues », quoique…

  6. Il faut aussi se poser ces questions : combien d’hectares de prairies situées en bordure du Lac du Der et au niveau d’autres zones humides ont été « retournés » et drainés pour en faire des champs de céréales?
    Quelles ont été les conséquences sur l’environnement : qualité de l’eau…

  7. @ nath : ne t’inquiète pas pour la « régulation de l’espèce humaine », le changement climatique s’en charge. Merci en passant aux pétroliers et aux « décideurs » qui décident ostensiblement, tous les jours, de ne rien faire face à l’enjeu historique majeur de l’histoire humaine, en passe de s’achever de la plus sinistre des façons.

  8. 11 novembre 2014. Au bord du Der ça « caille ». Peu à peu c’est l’envol des Grues. Mon amie est émue aux larmes. Nous n’avions jamais eu un tel spectacle : 206 582 Grues !

  9. Deux bonnes raisons de venir en Haute-Marne cette semaine : venez admirer les grues sur le lac du Der et profitez-en pour assister au magnifique festival de photo nature de Montier. Ça commence ce jeudi (20 nov) jusqu’à dimanche (23 nov). ici, la chasse est… photographique !

    http://www.festiphoto-montier.org

  10. Stan, nous en avons vu une toute petite partie, environ 250,au coucher du soleil.Elle traversaient le fleuve Gironde, qui ce jour-là était un miroir d’eau,et nous les avons suivies des yeux, minuscules points, jusqu’à l’Océan.
    Leur chant, dans ce paysage si beau et si calme,m’émut beaucoup aussi.

  11. Olivier R.
    « Merci en passant aux pétroliers et aux décideurs qui décident ostensiblement, tous les jours, de ne rien faire…
    Ceci dit sans la moindre animosité, mais je trouve cette phrase plutôt à côté de la plaque. Elle exprime une manière commode de se forger une bonne conscience, mais elle est irresponsable. Les décideurs, comme on les appelle par confort et lâcheté, ne sont pas à l´origine du désastre, c´est l´humanité elle-même qui en porte l´entière responsablilité. Car, en fait, ce serait à nous de décider, si nous en avions le courage, et la dignité. Pas l´impression que cette idée fasse vraiment son chemin dans la tête des citoyens, toujours prêts à farfouiller dans l´oeil d´autrui pour y chercher la paille, sans voir la poutre qu´ils trimbalent dans leurs orbites. Et pour beaucoup d´entre eux, il ne s´agit pas simplement d´une poutre mais d´une charpente complète ! Une charpente qui soutient une construction mentale faite de bric et de broc, une sorte d´homonculus sourd et aveugle que seule la satisfaction immédiate et égoïste de ses besoins motive. Parfois je m´amuse (si l´on peut dire) à porter un regard d´ethnographe en travail de terrain et je note les aberrations quotidiennes de notre mode de vie, y compris le mien. Un champ d´études certes restreint, comme le « mandala » de David Haskell dans sa forêt, mais une source inépuisable d´observations, toutes plus consternantes les unes que les autres. Nous appréhendons « le monde » uniquement en fonction de ce que nous en attendons, du bénéfice que nous pouvons en tirer, sans nous demander quelles sont et seront les conséquences de nos actes. Nous avons beaucoup de talent pour ignorer ou pour refouler les questions qui pourraient nous gêner aux entournures. Les décideurs ne sont pour rien dans les mécanismes de notre « fonctionnement », ils n´en sont pas la cause mais ils s´en servent pour arriver à leurs fins. D´ailleurs sans difficultés notoires, vu que nous sommes un matérieau très malléable entre leurs mains. Ce que j´observe quotidiennement autour de moi n´incite pas à l´optimisme. Parfois, dans les moments de lassituve, j´envie ceux qui depuis septembre se réjouissent et préparent fébrilement la venue prochaine du gros alcoolique en costume rouge 🙂 !

  12. Oui, c´est exactement de cela qu´il s´agit : une élévation de conscience. Je partage tout à fait ce point de vue. Et ce ne sont pas les décideurs politiques qui nous aideront à y parvenir, bien au contraire. Ils ont besoin, pour continuer leur oeuvre destructrice, d´une masse amorphe de citoyens anesthésiés, imcapables de penser par eux-mêmes. Mais ils ne peuvent pas nous empêcher de réfléchir et d´avancer. Encore faut-il que nous le voulions. Et c´est bien le hic !!!

    Un texte et une initiative intéressante quand on se demande ce que l´on peut faire concrètement : « Pour la protection des ours, loups, vautours…, une seule solution : NE PLUS ACHETER ni agneau, ni fromage de brebis, ni de nuitée chez un éleveur ! »
    http://www.buvettedesalpages.be/2014/11/pour-une-veritable-politique-nationale-de-protection-de-la-nature.html
    Le boycott des produits issus de l´élevage des ovins est un bon début. C´est le seul choix possible pour un défenseur des loups, des ours et des vautours lorsqu´il se veut congruent. Il faut arrêter de soutenir la mafia des éleveurs qui trouvera toujours des raisons de hurler et de gémir, même si le loup, pourchassé par sa hargne incoercible, venait à disparaître de nos paysages.

  13. Bonjour
    Juste une petite précision, ce n’est pas la FDSEA de la HAUTE-MARNE qui a obtenu une enveloppe de 100 000€ pour financer les éventuels dégâts générés par les grues cendrées, c’est la Région Champagne-Ardenne qui est à l’initiative de ce dispositif qui concerne trois départements (la Haute-Marne, l’Aube et la Marne). Ces dispositions existent depuis plusieurs années (début des années 2000) et permettaient jusqu’ici d’obtenir bon an, mal an, la paix civile. Il est certain qu’aujourd’hui d’autres actions devront être expérimentées pour limiter l’impact de la présence des grues sur le territoire. Nous avons ainsi demandé au Ministère de l’Agriculture des dérogations à la Loi Nitrates pour que les agriculteurs volontaires puissent laisser les chaumes de maïs le plus longtemps possible. Il est certain que la disparition d’un grand nombre de pâtures est également préjudiciable.
    Il faut également se poser la question des conditions qui favorisent la venue des grues cendrées au lac du Der. Il est évident qu’en créant un vaste lac artificiel et en plantant tout autour du maïs, on offre le gite et le couvert à l’espèce. Il ne faut pas s’étonner ensuite qu’elles se pressent à table au contraire il faut l’assumer et faire en sorte que les équilibres perdurent d’autant que la migration des grues cendrées est devenu un phénomène extrêmement suivi et engendre des retombées économiques non négligeables sur un secteur géographique qui ne peut prétendre à de nombreux atouts.
    Etienne Clément
    Président LPO Champagne-Ardenne

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