L’aéroport qui valait 10 000 euros

Ce n’est pas démentiel, puisque c’est vrai. On apprend aujourd’hui qu’un aéroport à 200 km au sud de Madrid vient d’être acheté aux enchères 10 000 euros. Par des Chinois. Ciudad Real devait devenir le grand aéroport de Madrid, mais les vents contraires qui découragent l’investissement en ont décidé autrement. Malgré les centaines de millions d’euros d’argent public jetés aux poubelles, le désastre est total. Prévu pour plusieurs millions de voyageurs chaque année, il n’aura accueilli que 100 000 visiteurs en cinq ans. Cette gabegie est évidemment un crime, mais le code pénal ne peut rien contre les vrais grands brigands qui ont lancé ce projet.

Lesquels étaient socialistes, comme un certain Jean-Marc Ayrault, l’ancien maire de Nantes qui veut tant l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Comme je n’ai pas beaucoup d’énergie, je vous envoie ci-dessous des copies. D’abord, un article paru ce dimanche dans Le Point. Et puis des miens papiers de Planète sans visa. Où vous verrez qu’il ne sert à rien d’avoir raison contre le monde entier. Le monde entier sauf vous, cela va de soi.

LE POINT.

Un aéroport à 450 millions d’euros bradé aux enchères à 10 000 euros

L’aéroport de Ciudad Real, près de Madrid, abandonné à la suite de sa faillite en 2014, a été racheté aux enchères pour une bouchée de pain par un groupe chinois.

Publié le | Le Point.fr

L'aéroport de Ciudad Real

 

L’aéroport de Ciudad Real©Paul White/AP/SIPA

En cette période de soldes, c’est une très bonne affaire. La SARL d’investissement chinoise Tzaneen international est sur le point d’acquérir l’aéroport Ciudad Real pour la modique somme de… 10 000 euros ! Le complexe avait coûté 450 millions d’euros aux contribuables espagnols. En quatre ans, moins de 100 000 voyageurs ont emprunté les longues allées de ce terminal de 28 000 m2 et d’une capacité de 5 millions de passagers.

Bulle financière et plan de sauvetage espagnol

Premier aéroport privé d’Espagne et symbole de la bulle immobilière des années 2000, l’aéroport de Ciudad Real était destiné à devenir l’aéroport du sud de Madrid, dont il est pourtant éloigné de 200 kilomètres. L’infrastructure a fait faillite en 2010. Elle est en partie responsable du premier sauvetage bancaire du pays, celui de la Caisse d’épargne Caja Castilla-La Mancha, qui avait investi 300 millions d’euros dans ce projet pharaonique.

« Porte d’entrée de l’Europe » à la chinoise

L’acquéreur compte investir entre 60 et 100 millions d’euros prochainement afin de remettre en service l’aéroport, les pistes et le terminal afin d’en faire une « porte d’entrée de l’Europe » à la chinoise. Estimées à 40 millions d’euros, les infrastructures vendues aux enchères le 17 juillet seront-elles définitivement adjugées au mystérieux groupe chinois ? Cela dépendra des contre-offres. Le tribunal s’est donné jusqu’au 15 septembre pour trancher.

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ET LES ENTRÉES DANS PLANÈTE SANS VISA

Jean-Marc Ayrault a refait sa vie (en Espagne)

 À CEUX DE NOTRE-DAME-DES-LANDES (ET À MARIE)

Résumé des épisodes précédents. Jean-Marc Ayrault fut, comme on le sait, député-maire socialiste de Nantes pendant quelque trois siècles. Avant son départ précipité, il avait, dans un geste ultime de philanthropie, offert à sa ville la perspective grandiose et futuriste d’un nouvel aéroport à la campagne, sur les terres chouannes de Notre-Dame-des-Landes ( lire le résumé ici). On le sait, l’ingratitude du petit peuple est sans limites, et les paysans au front bas du bocage, poussés vers l’émeute par une chienlit écologiste, monta un jour à l’assaut de l’hôtel de ville de Nantes, fourches au poing, hurlant des obscénités sur le compte pourtant valeureux de monsieur Jean-Marc Ayrault. N’entendit-on pas ces criminels ensabotés, crottés jusqu’aux narines, hurler : « Ayrault, fumier, tu serviras d’engrais » ? Si. Ils le firent.

Alors, comme vous vous en souvenez tous, le maire fut contraint au départ, n’emportant qu’une maigre valise, embarquant in extremis à bord d’un antique Avion III créé par Clément Ader, doté de tiges de bambou, barbes en toile et papier de Chine. Pendant 120 ans environ, le sort de Jean-Marc Ayrault est demeuré inconnu, et je ne suis pas peu fier, aujourd’hui, de vous livrer en exclusivité un scoop de derrière les fagots, qu’on ne trouve pas sous le sabot d’un cheval, dont on parlera dans Landerneau, digne des meilleurs professionnels.

Ayrault a réussi à refaire sa vie en Espagne, sous un faux nom naturellement. Visiblement bien introduit sur place, il est parvenu en peu de temps à tenir une place aussi enviable que celle qu’il occupait chez nous. Car il est en effet président – socialiste toujours – de la région chère au cœur de l’Ingenioso Hidalgo Don Quijote de la Mancha, autrement dit Castille-La Manche. Mais se refait-on jamais ? Connu en Espagne sous le nom de José Maria Barreda, Ayrault a décidé, financé, soutenu de toutes ses vives forces un aéroport international appelé Ciudad Real. ll ne peut s’agir que d’un clin d’œil au formidable humour que l’on prête à Miguel de Cervantes. Car autant vous le dire, Ciudad Real signifie, comme vous ne l’ignoriez sûrement pas, Ville Réelle. Ville Royale d’abord, mais aussi Ville Réelle.

Mais quel facétieux, cet Ayrault-Barreda ! Après investissement de 500 millions d’euros – ce n’est qu’un début, une mise en bouche – et construction de pistes de 4 kilomètres de long pouvant accueillir des Airbus 380, l’aéroport est prêt à recevoir ses 2,5 millions de passagers par an ( lire ici). Beau travail, Jean-Marc (tu permets que je t’appelle Jean-Marc ?) ! Beau travail. Des centaines d’emplois ont été créés, et des entreprises ont installé des bureaux à prix cassés par les aides publiques. Normal : le TGV doit relier Madrid en moins de cinquante minutes, les autoroutes sont innombrables, et l’emprise directe au sol – 1250 hectares – permet d’envisager des agrandissements à répétition.

Bien sûr, il reste à régler quelques détails. Après le départ de la compagnie Air Berlin, l’Irlandaise Ryanair occupe à elle seule l’aéroport international, retenue au moment où elle pliait bagage par une subvention publique. En somme, tout est désert, fantasma. Les 24 comptoirs d’enregistrement sont fermés toute la sainte journée, on ne croise ni hôtesse ni passagers, mais tout de même quelques-uns des 300 employés chargés de l’entretien et de la gestion. Car il faut bien gérer, non ? La passerelle prévue pour relier l’aéroport à la ligne de train Madrid-Séville s’achève au-dessus du vide. On peut toujours sauter.

La réussite est complète. Deux ans après son inauguration, le bel oiseau a déjà creusé un trou de 300 millions d’euros, entraînant la faillite de la Caisse d’épargne de Castille-La Manche (CCM), obligeant la région de mon ami Jean-Marc-José à créer de toute urgence une société publique capable de financer les pertes astronomiques. Et c’est là, je vous le demande personnellement, que nous devons tous nous lever pour applaudir. Je vous en prie, faites-moi confiance au moins une fois dans votre vie. Standing ovation ! N’écoutant que son courage de grand élu socialiste, Ayrault-Barreda refuse de baisser les bras.

Fin mai, notre homme double s’est à nouveau engagé, en hidalgo : « El presidente de Castilla-La Mancha, José María Barreda , aseguró que el Gobierno regional hará todo lo posible, dentro de la legalidad, para que el proyecto del aeropuerto privado de Ciudad Real tenga viabilidad en el futuro y “pueda despegar definitivamente”». Vous pourrez lire le texte intégral (ici ), ou vous en tenir à mon court résumé. Ayrault-Barreda veut davantage de fric pour que Ciudad Real  « pueda despegar definitivamente ». Pour qu’il puisse « décoller définitivement ». J’espère que vous goûtez comme moi, et à nouveau, l’humour noir de Janus. Décoller. Définitivement. Cela ouvre bien des perspectives.

Dans un autre entretien, Ayrault-Barreda a finement présenté les deux termes de l’alternative.  Ou l’argent public coule à nouveau, ou l’on abandonne. Et si l’on abandonne, il ne faudra pas s’étonner que « crezca la hierba en la pista de aterrizaje y se estropeen las instalaciones ». Il y en a pour trembler, comme dit un vieil homme de ma connaissance. L’herbe pousserait alors sur les pistes, et les magnifiques installations rouilleraient peu à peu, avant de disparaître dans la poussière de Rocinante. Rossinante, quoi.

Et maintenant, avant de rendre l’antenne, deux post-scriptum.

Le premier : l’Espagne est en train de sombrer. Il est plaisant qu’un olibrius comme moi ait pu le dire si longtemps avant les commentateurs appointés (lire ici, ici encore, et  ). Elle sombre. Un million de logements y sont en vente. 40 % des jeunes de moins de 25 ans sont au chômage. La spéculation et la corruption de masse ont détruit un pays. Telle est la réalité. Extrait de l’article cité tout en haut de cette page : « Surtout, au lieu de construire 800 000 logements chaque année, l’Espagne va se limiter à 100 000 pendant plusieurs années. Avec un impact terrible sur la croissance et sur l’emploi : “Il faut réinventer 18 % du PIB”, résume un économiste ». Oui, c’est à eux, aux économistes, aux politiques responsables de ce désastre biblique qu’on demande de réinventer du PIB. PIB ! Paltoquets, Imbéciles, Branlotins. Nous en sommes là, au point zéro d’une histoire à recommencer.

Le second : la dette des régions d’Espagne atteint 95 milliards d’euros, une somme inouïe. Le siège luxueux des braves gens aux commandes, les ronds-points, les subventions à l’agriculture industrielle, aux barrages, aux transferts d’eau vers le Sud à sec, les aides aux villes fantômes du littoral, tout cela coûte cher. Au fait, Ségolène Royal ne se faisait-elle pas appeler la Zapatera, nom dérivé de celui de José Luis Rodríguez Zapatero, le cornichon socialiste en place à Madrid, qui achève de dynamiter ce qui reste ? le Figaro rapporte une visite de Royal à Madrid en octobre 2007. Elle vient donc de perdre face à Sarkozy. Et voici l’extrait du journal, qu’il faut savourer à la petite cuiller : « Zapatero aurait chaleureusement encouragé Ségolène Royal à se présenter à la prochaine élection présidentielle. “Je me sens très proche de Zapatero et de cette gauche pragmatique”, a commenté celle que l’on dénomme ici “la Zapatera francesa”. Enchantée de porter ce surnom, Royal a estimé qu’elle avait plusieurs points communs avec Zapatero : “Au départ, Zapatero n’était pas forcément le favori au sein de son parti. Il était jugé trop jeune, inexpérimenté ou sans stature, mais il a réussi à prouver le contraire…” ».

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Vous trouverez ci-dessous un choix de quelques articles que j’ai consacrés à l’Espagne. Vous y verrez, si vous avez le temps, qu’il était possible de voir autrement les mêmes choses. Quand Ségolène Royal encensait le Premier ministre Zapatero – coquette en diable, ne se laissait-elle pas appeler la Zapatera ? -, d’autres, dont je fais partie, racontaient le dessous des cartes. Après relecture, cela reste intéressant. Il me semble.

Considérations sur l’imbécillité (en Espagne et ailleurs)

Avouons que ce papier s’adresse d’abord à ceux qui croient encore dans la politique. Je veux dire la politique ancienne, celle qui émet les signaux que nous connaissons tous, celle de madame Royal, de monsieur Sarkozy. Celle venue en droite ligne de 200 ans d’histoire tourmentée.

On le sait, ou l’on finira par le savoir, je ne porte plus guère attention aux acteurs de ce jeu de rôles, mais je ne cherche pas à convaincre. Je ne fais qu’exprimer un point de vue. Et voici pour ce jour : j’aimerais vous parler d’Andrés Martínez de Azagra Paredes. Un Espagnol. Cet ingénieur, également professeur d’hydraulique, propose un néologisme : oasificación. Pour nous, Français, ce n’est pas très difficile à comprendre : il s’agit de créer des oasis. Martínez est un homme très inquiet de l’avenir de son pays, menacé par des phénomènes de désertification dont nous n’avons pas idée. Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au delà, comme aurait dit Montaigne. Mais nous avons grand tort, en l’occurrence, de ne pas tendre l’oreille.

Martínez, en tout cas, a des solutions ( attention, en espagnol : www.oasification.com). Cela consiste, sommairement résumé, à récupérer l’eau, de pluie surtout, et à restaurer un couvert végétal là où il a disparu. En mêlant savoirs ancestraux et technologies nouvelles. J’avoue ne pas en savoir bien plus. Est-ce efficace ? Peut-être.

Mais la vraie question est autre : l’Espagne devient un désert. Bien entendu, il est plus que probable que nous ne serons plus là pour admirer le résultat final. Le processus est pourtant en route (afp.google.com) : le tiers du pays est atteint par des formes sévères de désertification, et le climat comme la flore et la faune seront bientôt – à la noble échelle du temps écologique – africains. J’ai eu le bonheur, il n’y a guère, de me balader sur les flancs de la Sierra Nevada, cette montagne andalouse au-dessus de la mer. Je me dois de rappeler que nevada veut dire enneigée. De la neige, en ce mois de novembre 2005, il n’y en avait plus.

Pourquoi cette avancée spectaculaire du désert en Europe continentale ? Je ne me hasarderai pas dans les détails, mais de nombreux spécialistes pensent que le dérèglement climatique en cours frappe davantage l’Espagne que ses voisins. Et comme le climat se dégrade aussi en Afrique, notamment du nord, il va de soi que les humains qui ont tant de mal à survivre là-bas ont tendance à se déplacer plus au nord, au risque de leur vie quand ils tentent la traversée vers les Canaries ou le continent.

Et que fait le gouvernement socialiste en place ? Eh bien, avec un courage qui frise la témérité, il vient de décider la création d’un Plan national contre la désertification. Tremblez, agents de la dégradation écologique ! Je ne vous surprendrai pas en écrivant que les choix faits depuis 50 ans n’ont jamais qu’aggravé les choses. La surexploitation des ressources en eau, la déforestation, l’agriculture intensive et l’urbanisation sont les points les plus saillants d’une politique d’autant plus efficace qu’elle est évidente, et rassemble tous les courants qui se sont succédé au pouvoir.

Du temps de Franco, vieille et sinistre baderne aux ordres du pire, le choix majeur a été de vendre le pays au tourisme de masse. Une aubaine pour les vacanciers français découvrant, dans les années 60, la défunte Costa Brava, puis le reste. Les héritiers du Caudillo, de droite d’abord, puis de gauche, ont poursuivi dans la même direction, toujours plus vite, toujours plus loin. Le Premier ministre en place, José Luis Rodríguez Zapatero, ne cesse de vanter l’état de l’économie espagnole, qui lui devrait tant. Par parenthèses, faut-il rappeler l’enthousiasme de madame Royal chaque fois que quelqu’un l’appelle la Zapatera ?

Donc, Zapatero. Il me fait penser à DSK. Ou à Moscovici. Ou à Delanoé. Ou à tout autre, cela n’a pas la moindre importance. Il se vante donc de l’état de l’économie sous son règne, espérant bien remporter les élections générales du 9 mars prochain. Comme je m’en moque bien ! Car il y a tout de même un peu plus important. Certes, le socialistes locaux ont stoppé – pour combien de temps ? – le démentiel Plan hydrologique national de la droite, qui entendait détourner une partie des eaux de l’Èbre – fleuve du Nord qui a donné son nom à la péninsule – jusque vers l’extrême sud et les côtes touristiques.

Certes. Mais la soi-disant bonne santé du pays repose, pour l’essentiel, sur la construction. Qui n’est bien entendu que destruction. Jusqu’à la crise des subprimes, ces damnés crédits immobiliers américains, l’Espagne était considérée comme un modèle (www.lemonde.fr) à suivre partout en Europe. Écoutez donc cette nouvelle chanson, dans la bouche de Patrick Artus, gourou financier bien connu : « La crise récente risque de montrer qu’il s’agissait de “faux modèles” à ne pas suivre. Que reste-t-il du dynamisme de ces pays, une fois enlevés l’expansion des services financiers et de la construction, qui y représentaient 50 % à 80 % des créations d’emplois ? ».

Zapatero est un grossier imbécile. Je vous le dis, vous pouvez le répéter. Imbécile, je pense que cela va de soi. Grossier, car dans le même temps que sa ministre de l’Environnement faisait semblant d’agir contre l’avancée du désert, on apprenait la teneur de quelques chiffres officiels. L’an passé – de juin 2006 à juin 2007 -, les mairies du littoral espagnol reconnaissaient l’existence de projets immobiliers plus nombreux que jamais. Soit 2 999 743 nouveaux logements, 202 250 lits dans l’hôtellerie, 316 terrains de golf et 112 installations portuaires avec 38 389 places neuves pour les jolis bateaux. Sans compter 90 cas de corruption établis, impliquant 350 responsables publics (attention, en espagnol : www.glocalia.com).

Tout est malheureusement connu, et le Parlement européen lui-même a condamné sans appel des « projets d’urbanisation massive (…) sans rapport avec les véritables besoins des villes et villages concernés », contraires « à la durabilité environnementale » et qui ont des effets « désastreux sur l’identité historique et culturelle » des lieux (www.batiweb.com). Voilà pourquoi, bien qu’aimant l’Espagne et sa langue, je mets rigoureusement dans le même sac le PSOE – parti socialiste au pouvoir – et le PP, ou Parti populaire, de droite. Plutôt, parce que j’aime profondément l’Espagne. Mais vous aurez rectifié de vous-même.

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Zapatero, Zapatera, socialauds d’Espagne et d’ailleurs

Je souhaite ardemment que personne ne vienne prendre leur défense, ici tout au moins. Car ailleurs, je sais combien ils sont choyés, aimés, cajolés. Madame Ségolène Royal – dite la Zapatera – ne s’est-elle pas excusée il y a quelques jours, au nom de nous tous, auprès de son si cher ami José Luis Rodríguez Zapatero, Premier ministre espagnol en titre ? Ne lui a-t-elle pas demandé de pardonner des propos prêtés à notre Sarkozy national (ici) ? Si.

Or que font donc les socialistes espagnols ? Ils détruisent avec frénésie ce qui reste de ce pays de légende. En janvier 2008, avant donc l’annonce de la crise économique que vous savez, j’ai écrit (ici) sur quoi reposait le soi-disant miracle espagnol, avec ces taux de croissance admirés d’un bout à l’autre de notre Europe si malade. Tenez, je me cite : « Du temps de Franco, vieille et sinistre baderne aux ordres du pire, le choix majeur a été de vendre le pays au tourisme de masse. Une aubaine pour les vacanciers français découvrant, dans les années 60, la défunte Costa Brava, puis le reste. Les héritiers du Caudillo, de droite d’abord, puis de gauche, ont poursuivi dans la même direction, toujours plus vite, toujours plus loin. Le Premier ministre en place, José Luis Rodríguez Zapatero, ne cesse de vanter l’état de l’économie espagnole, qui lui devrait tant. Par parenthèses, faut-il rappeler l’enthousiasme de madame Royal chaque fois que quelqu’un l’appelle la Zapatera ?

Tout est malheureusement connu, et le Parlement européen lui-même a condamné sans appel des « projets d’urbanisation massive (…) sans rapport avec les véritables besoins des villes et villages concernés », contraires « à la durabilité environnementale » et qui ont des effets « désastreux sur l’identité historique et culturelle » des lieux (www.batiweb.com). Voilà pourquoi, bien qu’aimant l’Espagne et sa langue, je mets rigoureusement dans le même sac le PSOE – parti socialiste au pouvoir – et le PP, ou Parti populaire, de droite. Plutôt, parce que j’aime profondément l’Espagne. Mais vous aurez rectifié de vous-même.

Pourquoi ce rappel ? Mais parce que les socialistes au pouvoir à Madrid s’attaquent aujourd’hui au grand joyau ornithologique de la péninsule, l’Estrémadure. Je connais ce lieu, qui est rude au regard et au corps. Froide l’hiver, brûlante l’été, la région abrite une sorte de savane arborée méditerranéenne, la dehesa. Comme un compromis entre la nature et l’homme, immémorial, sur fond de chênes verts, d’oliviers sauvages, de genêts, d’arbousiers et de troupeaux. C’est aussi le pays des oiseaux. Des grandes outardes. Des vautours fauves, moines, percnoptères. Des grues. Des oies. Des canards. L’Éstrémadure est si pauvre que les bureaucrates madrilènes l’ont laissée en paix, tout occupés qu’ils étaient à ronger les côtes sublimes du pays.

Fini. Le gouvernement vient de décider une série de mesures scélérates au dernier degré. La plus extravagante est peut-être le cadeau fait à une transnationale étasunienne, Florida Power and Light (ici), qui pourra construire deux usines solaires cette année à Casas de Hito, en Estrémadure. 600 millions d’euros d’investissement – on ne sait rien d’autres arrangements éventuels, qui peuvent se produire néanmoins – et 100 emplois à la clé. 100 emplois en échange d’un paradis des oiseaux. En 2007, on a dénombré à Casas de Hito 11 325 grues. Et sept espèces d’oies, et 140 000 canards hivernant à trois kilomètres, sur le lac de barrage de Sierra Brava. Je dois vous avouer que je n’ai pas regardé de près les dangers que feront peser sur les oiseaux sauvages ces installations. Et vous renvoie à une pétition des naturalistes espagnols de SEO (ici). Ils sont déprimés. Moi aussi.

D’autres projets simplement criminels menacent l’Estrémadure. Une raffinerie de pétrole à Tierra de Barros, des centrales électriques, des parcs éoliens lancés dans des conditions douteuses de légalité, et qui sont apparemment dangereux pour des oiseaux comme les vautours. Lesquels sont magnifiques, à la différence de ceux qui traînent dans les bureaux des promoteurs d’Ibérie comme de France.

Je vois bien que naît sous nos yeux encore ébahis un capitalisme vert censé nous clouer le bec. Si vous avez le moindre doute, jetez un œil ici, je crois que nous nous comprendrons. Eh bien ? Au risque flagrant de me répéter, il n’est pas question de considérer ces gens-là, qui incluent évidemment nos socialistes comme de vagues cousins un (long) temps égarés. Ce sont des adversaires. Ce sont des ennemis. Et je vous jure que je les exècre. Zapatero, Zapatera, toutes ces camarillas, tous ces sbires, tous ces fifres et sous-fifres, tous ces petits marquis, ces Dray, Mélenchon, Royal, Hollande, Fabius, Weber, Bartolone, Aubry, Rebsamen, Le Guen, Hamon, Delanoé, Désir, Bloche, ad nauseam. J’ai pris le parti des oiseaux et du vol libre au-dessus des cimes, celui des migrations, celui de Nils Holgersson, celui de la beauté. J’ai pris le parti du soleil, de la lune, de la pluie et des arbres. Et ce n’est pas le leur.

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Espagne, castagnettes et dominos

Après la Grèce, l’Espagne ? Je n’ai pas le temps, hélas, de rechercher quelques perles égrenées par nos économistes-en-chef, nos politiques princiers, de droite et de gauche bien sûr. Il y a une poignée d’années, l’Espagne était LE modèle que nos élites proposaient à une France jugée malade, en tout cas assoupie. Son taux de croissance faisait chavirer le cœur de tous les abrutis qui croient penser, quand ils ne font que braire. Le problème est que tout reposait sur un château de cartes, un lointain château en Espagne que personne ne possèderait un jour.

La politique criminelle des élites espagnoles tient en peu de mots : corruption de masse, destruction de la nature, délire immobilier. On a détruit là-bas ce qui restait de rivage après la stupéfiante flambée franquiste des années soixante du siècle passé. Et construit, souvent au bord de l’eau, mais aussi dans d’improbables banlieues, des milliers de programmes immobiliers qui jamais ne trouveront acquéreurs. Jamais. Certains sont achevés, mais sans aucune adduction. D’autres sont commencés, et se trouvent à divers stades. Mais le cochon de client s’est évaporé. Il s’agissait d’une chaîne de Ponzi, la même pyramide que celle qui a conduit l’escroc Madoff en taule. Tant que les gogos achètent et que d’autres gogos se lancent à leur suite, tout marche à la perfection. Mais dès que le doute s’installe, c’est l’effondrement.

Cela fait longtemps que j’ennuie mon entourage en répétant que l’Espagne est d’une fragilité de verre. On conspue aujourd’hui les gouvernements grecs dans les rues d’Athènes. Il n’est pas exclu que l’on fasse pire demain avec ceux du Parti populaire (PP) espagnol et du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE). Car ils ont mené la même politique et créé les conditions du chaos. Je vous, je nous le demande : qui paiera pour ces appartements morts-nés ? Qui paiera le prix de la corruption et de la dévastation écologique ? N’oubliez pas que des banques ont massivement prêté aux margoulins pour faire leurs galipettes monétaires. Je vous l’annonce, pour le cas où vous ne le sauriez pas : celles de France sont plombées par le désastre immobilier espagnol. Pas toutes, non, et pas à la même échelle. Mais si mes informations sont bonnes, on peut s’attendre à des surprises. Et elles seront mauvaises.

5 réflexions sur « L’aéroport qui valait 10 000 euros »

  1. Vrai mais démentiel quand même !
    Et que vont en faire ces Chinois ?
    Bon, allez, on se cotise et l’on réunit 10 000 € pour acheter les terrains de NDDL avant qu’il n’y fassent un carnage ces socialauds ?

  2. Les Chinois vivent dans la premiere economie du monde, et connaissent encore une forte croissance. Ils sont dans leurs « 30 glorieuses » a eux, et font les memes conneries que nous a l’epoque, multipliees par 10 en magnitude (enfin non, pas tout a fait les memes conneries: Ils font juste assez de nucleaire pour se tenir au courant des dernieres techniques, mais pas plus. Ils ne feront jamais 75% de leur electricite en nucleaire). Bref… Peut-etre qu’ils croient encore qu’un aeroport en Europe c’est forcement rentable.

    Sur NDDL, la lecon est claire: Les politiciens et les banques poussent a la roue car quoi qu’il en soit, comme en Grece, le desastre ne sera pas pour eux, mais uniquement pour la population, qui payera la destruction de l’ecosysteme, la construction de l’aeroport, le remboursement des banques, et la destruction de l’economie qui resultera des conditions imposees par les banques pour notre « bail-out ». Comme les politiciens s’appuient sur des « rapports d’experts » tries sur le volet et sur des « votes democratiques » des elus locaux ils sont couverts, ils ne risquent rien, et les banques n’investissent qu’a la condition expresse, deja inscrite dans les contrats, qu’aucune responsabilite ne puisse jamais leur etre attribuee quoi qu’il arrive.

    Le projet de l’aeroport de NDDL c’est de nous pousser dans la situation de la Grece.

  3. Histoire d’avions (Commentaire limite hors-sujet, Fabrice je t’en voudrais pas si tu le mets de cote):

    Fabius va en Iran la semaine prochaine pour negocier des contrats. Un missile (par exemple, de la batterie de « patriot » allemande basee en Turquie et victime d’un virus la semaine derniere) et hop! le « nuclear deal » tombe en vrille, en meme temps que le ministre… Ca sera l’ISIL ou Al-Qaeda, comme d’habitude. En plus, au rythme ou tombent les avions en ce moment, ca nous surprendrait meme pas tant que ca…

    Sans avoir de sympathie excessive pour cet homme qui agit comme si assassiner quelques centaines de milliers d’inconnus ne valait rien face a l’objectif tres haut d’eliminer Assad, je lui conseillerais tout de meme de voyager dans une ligne reguliere avec un faux passeport, sans rien dire a personne, ca serait plus sur et ca ferait des economies. Ou meme en voiture, pourquoi pas? A ce niveau de « cible » (si j’ose dire), il est plus difficile de camoufler une attaque de voiture qu’une attaque d’avion. Et c’est pas seulement sa vie qui est en jeu mais les notres aussi…

  4. bonjour, je vais souvent sur bellaciao et y ait relevé un texte d’Uguen que j’ai commenté ici:
    http://bellaciao.org/fr/spip.php?article146858
    (j’ai travaillé à l’aéroport de Genève pendant 8ans chez les contrôleurs aérien comme technicien de maintenance des infrastructures (Clim, chauffage, elec téléphone etc) tout y est doublé triplé etc, des grandes surfaces de batterie, onduleurs, des radars en montagne et ailleurs, groupe electrogène etc) Les contrôleurs aérien civil et militaire sont depuis quelques année rassemblés dans la même salle (peu après la catastrophe d’Überlingen d’ailleurs qui a été un drame pour tout le monde.)

    Merci de transmettre ces arguments si cela vous semble utile,
    (pour un nouveau livre: « Ne sautez pas sur NDDL » lettre au parachutiste Vals…
    ou un autre avec Jean Ziegler (qui nous soutien aussi ici
    http://www.independentwho.org « la science au dessus de tout soupçon »…
    Tchao bon rétablissement
    http://www.quieryavenir.fr/fichiers-perso-dotclear/public/MOC_Declaration_du_31_Octobre_2012.pdf
    http://crasputas.canalblog.com/archives/2012/11/30/25705753.html
    à noter la perle nucléaire du jour(tout est lié à la guerre)http://www.contrepoints.org/2015/07/26/215583-lettre-ouverte-aux-journalistes-du-monde-detracteurs-du-nucleaire

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