Qui entendra jamais le point de vue de Raoni ?

On peut commenter de mille manières le pauvre « Accord historique » conclu à Paris samedi. Celle de Raoni vaut bien les embrassades ridicules et les trémolos de Fabius et tous autres. C’est un extrait du journal Libération :

Raoni «très triste» à la lecture du projet d’accord

Le cacique Raoni, Indien du Brésil âgé de 85 ans venu à Paris défendre la cause des indigènes et de la forêt amazonienne, confie à Libération sa «tristesse» à la lecture du texte de l’accord :

«Une fois encore, c’est beaucoup de négociations pour arriver uniquement à des promesses. Des solutions existent, mais les chefs d’Etat ne veulent pas les entendre. Avec d’autres chefs indigènes de tous les continents, nous avions transmis 17 propositions à Ban Ki-moon, notamment la reconnaissance du crime d' »écocide » par la Cour pénale internationale, et la sanctuarisation de tous les territoires occupés par des populations autochtones autour de la planète, car ils sont le plus à même de protéger les forêts. Aucune de nos propositions n’a été reprise. Je suis très triste de voir que les chefs d’Etat sont restés dans leur bulle.»

Relisez l’interview que Raoni a accordée à Libération avant la présentation du projet d’accord.

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J’ajoute une information venue de Survival – Jean-Patrick Razon, salut ! -, qui montre une réalité fort éloignée de celle des grandes organisations « conservationnistes » comme Conservation International (CI),  Wwf ou Nature Conservancy. Ces dernières plaident le plus souvent pour des réserves naturelles d’où auraient été chassées les hommes, en l’occurrence ces peuples autochtones qui finissent inexorablement dans les bidonvilles. Survival rapporte le cas renversant d’une réserve indienne où la population voisine avec des tigres. Extrait : « Entre 2010 et 2014, le nombre de tigres vivant au sein de la réserve naturelle Biligiri Ranganathittu Tiger (BRT) dans l’État du Karnataka a augmenté, passant de 35 à 68 tigres ». C’est ici : ici.

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Un dernier commentaire. Quand le texte de la COP21 est signé dans l’allégresse samedi passé, personne ne sait clairement ce qu’il contient. Évidemment ! Personne. Tous ceux qui osent s’exprimer sur cet « Accord historique » ne sont donc que des perroquets répétant ce que les services officiels prétendent, au grand profit de Laurent Fabius, de la diplomatie française et bien entendu des transnationales. Je retiens le tweet de Cécile Duflot, qui aura passé sans doute mille fois plus de temps à ferrailler pour son poste qu’à réfléchir aux conséquences du dérèglement climatique : « Formidable ! C’est maintenant que tout commence ! Aux actes ! ».

Heureusement, la Confédération paysanne, Alternatiba et Attac (grâce à l’excellent Maxime Combes) sauvent un peu notre honneur.

31 réflexions sur « Qui entendra jamais le point de vue de Raoni ? »

  1. Tant que l’on restera sur une vision idéologique de croissance donc de productivisme, de consumérisme, tous ces rendez-vous ne serviront strictement à rien.

    Nous devrons tôt ou tard, réduire notre production et notre consommation.

    Nous sommes formatés pour produire et consommer.

    Ce ne sont pas les partis quels qu’ils soient ou la société civile qui changeront qoui que ce soit.

  2. J ‘émet une hypothèse sur ce qu’il peut contenir : des mesures dont certaines (pas toutes) pourraient (on n’en est pas sûr) être prises, si les gouvernements et les entreprises le souhaitent (peu probable vu les décisions actuelles : loi macron, principe pollueur payeur non appliqué,ayrauport…. ici, gaz de schistes aux us, sables bitumineux au Canada, pollution à tout les étages en Chine…).
    Une chose est sure, si tu souhaitent intervenir, tu est considéré comme in terroriste.

  3. Maintenant deux choix possibles
    – Le premier, on se met tous à la sobriété énergétique et le réchauffement sera inférieur à 3 °, ce qui permettrait d’encaisser le choc si les liens sociaux et si le peuple contrôle les secteurs clés : alimentation, énergie, finance…
    – Le deuxième, si on continue sur la lancée, le réchauffement dépasserait les 4°
    http://climatevolution.com/2015/11/22/comparaison-modele-climat-evolution-avec-cmip5/
    les zones polaires fonderaient, ce serait l’emballement et le chaos.

    1. Entièrement d’accord avec toi, sauf qu’on reste ridicules en économisant l’eau de notre lavage de dents, quand les saoudiens dépensent des millions de m3 d’eau (donc de pétrole ) pour que les golfeurs européens puissent s’entraîner en hiver sur de jolis greens… Donc fatalement on va largment dépasser les 4 degrés, déjà je sais pas si t’as vu mais c’est Noël bientôt et il fait 16 degrés dans le ajrdin ce lundi, j’ai des plantes qui refont des fleurs et qui ont encore des fruits, il y a des bourdons qui se baladent, à mon avis c’est le début de la fin, et plus proche qu’on veut bien le croire !
      Bien amicalement

  4. Voici un excellent documentaire sur les indiens AWAS et la déforestation en Amazonie, que j’ai montré à mes élèves en clôture de la séquence sur les fronts pionniers .
    Ce documentaire fait le lien entre la coupe de bois illégale et notre consommation en Europe, de quoi faire réfléchir les jeunes consommateurs :
    https://www.youtube.com/watch?v=ArojXfUemG0

  5. Dès ce soir sur France 3 pays de Loire, Retailleau annonce qu’il rencontre demain Valls pour mettre en route l’évacuation de Notre Dame des Landes, encore un qui a tout compris. Pauvres de nous; Voila ce qu’il écrit entre autre. Un bel amalgame!!!!
    « Dans cette affaire de Notre Dame des Landes, vous ne pouvez plus faire preuve de faiblesse et de renoncement. Car si l’Etat n’évacue pas la ZAD, alors c’est l’Etat que vous évacuez de la ZAD, en donnant le signal que la République est incapable de se défendre. Et ce signal-là est terriblement angoissant à l’heure où la France est gravement menacée. »

  6. Bonjour à tou-te-s,

    Il n’y a pas que Nantes dans la région des Pays de la Loire et il y a beaucoup beaucoup d’opposants à ce projet d’aéroport stupide . Nous nous attendions à cette réaction de Mr Retailleau( Villieriste faut-il le rappeler, ultra catho, avec des idées, euh, des idées quoi…).
    Nous l’attendons…

    En ce qui concerne les propos lus ici et là, les commentaires plus ou moins infects entendus au cours de mes pérégrinations, je ne m’étalerai pas dessus; juste que les français n’ont pas besoin de grand chose pour dévoiler leur hideux côté pétainiste et collabo… Ca ne change pas des masses en fait…

    Alors au boulot! Et il y en a!!

  7. Ce respect de la nature et de ses habitants par les « peuples autochtones » est surtout vrai pour les chasseurs-cueilleurs. Ça change avec la présence de l’agriculture et de l’élevage, ce qui a commencé au Néolithique chez nous.

    Quel contraste avec la France où la présence de 300 loups suffit à déclarer l’espèce comme ennemi public, pourtant un prédateur autrement moins redoutable que le tigre. La France, pays « écologiquement exemplaire » selon le brouet officiel, mais où les pertes de bétail par loup sont 30 fois plus élevées qu’en Allemagne, 10 à 20 fois plus que dans la plupart des pays d’Europe, 2 fois plus qu’au Portugal, Slovénie, Croatie. Et forcément, puisque mettre tous les moyens de protection, gardiennage compris, même subventionné par l’état, est découragé par « l’écologie punitive » chère à S.Royal, et sa politique de tirs à tout va.
    Et ceci dit, pour ce cas particulier, la Conf’ ne fait mieux que la FNSEA.

    « L’écologie punitive », la vraie, c’est, entre-autres, le tsunami climatique qui se prépare, et pas les tribulations de Mme Royal …

  8. Bonjour
    Que la COP21 soit une quasi mascarade (je suis modéré) est une affaire entendue.
    Je m’interroge depuis quelques temps sur certains « climatoréalistes » (dont un en particulier que je ne citerai pas ici) pour lesquels le CO2 ne résiderait pas plus de 30 ans dans l’atmosphère.
    Ayant lu la somme de Jean Claude Duplessy et Gilles Ramstein « paléoclimatologie » la notion d’un temps de résidence de ce CO2 de 10 000 à 100 000 ans est récurrente.
    Je n’ai cependant pas trouvé la preuve de ce temps de résidence que je puisse opposer à ce climato sois disant réaliste et ses contempteurs.
    Cher Fabrice peut-être pouvez vous m’aider. Je n’ai pas écrit à J C D & G R de peur d’avoir sauté le paragraphe clé dans leurs bouquins 🙂
    Bien cordialement
    Dominique

  9. Ce n’est pas la maison commune qui brûle. Plutôt ses locataires qui consument leur existence.

    Ce n’est pas l’avenir de la vie qui se joue. Mais celui de l’homme.

    La Terre saura oublier. Cette COP 21 avait douze jours pour se souvenir que ses habitants, eux, ne peuvent se passe d’elle.

    Le mot Terrien, en langue des oiseaux. ? 🙂

  10. Merci cher Fabrice de nous faire connaitre ces deux points de vue si rafraichissants, et d’ailleurs pas si différents du banal bon sens des lors qu’on s’éloigne un peu des rives de l’Europe ! Tout le monde doit lire le court article de Survival, il décrit une réalité bien connue en Inde mais là c’est très frappant car il s’agit du tigre et les faits chiffrés sont tout simples. Pour ceux que la notion que les tigres et la nature prospèrent grâce aux hommes et pas malgré eux, il faut réaliser que la destruction écologique agit de manière différente en Europe et ailleurs. En Europe c’est une culpabilité, une malédiction intérieure, un renversement des valeurs. En Inde, et j’ai l’impression dans le reste du monde aussi, c’est une invasion, un « écocide » comme dit si bien Raoni, une destruction en masse, qui a son tour subjugue et asservit les hommes. La perception Européenne –et c’est aussi un mode d’action- explique aussi pourquoi la mythologie de la fin du monde est si forte en Europe (avec par exemple les thèmes de « la bombe P », du « peak oil », du « déclic » qui se produira a 2 ou 4 degrés de réchauffement, et du « grand effondrement » de Pablo Servigne, et aussi, avec un décor différent en toile de fond mais c’est la même histoire, le dernier bouquin sordide de Houellebecq). Il faut essayer de connaitre les deux perceptions et les deux modes d’action, l’implosion intérieure en Europe et l’invasion hors d’Europe, pour vraiment comprendre ce qui se passe. Car le très beau paradoxe c’est que malgré des modes d’action si différents, la reconstruction écologique elle, est en fait exactement la même partout sur la planète : Les actions pratiques, matérielles et concrètes sont exactement les mêmes, et reconstruisent les valeurs de respect, de patrimoine et d’équilibre. Nous sommes différents, avec des histoires et peut-être des destins différents, mais des lors qu’il s’agit d’une action matérielle pratique, et plus d’idéologie, de croyance ou même de « spiritualité » – que chacun définit a sa manière – nous sommes quand même entièrement d’accord et nous faisons exactement la même chose jusque dans le moindre détail (je parle des écologistes) ! If faut donc essayer de connaitre les deux points de vue. Ne serait-ce que pour, en Europe, tenir en respect cette tendance a l’introversion centrée sur l’ego qui tourne facilement a la misanthropie ou au malthusianisme, et qui s’associe si bien avec tous les fascismes.

  11. Non, Laurent (Fournier), le dernier Houelbecq et le bouquin de Pablo Servigne (« comment tout peut s’effondrer) n’ont aucun rapport, tu fais là dans la fausse symétrie. As-tu lu ce livre ?
    Il y a d’un côté des évidences argumentées dont certaines sont déjà bien engagée (effondrement des populations de gros poissons par exemple…) et de l’autre du gros fantasme à relents xénophobes. C’est gonflé et totalement erroné de les placer sur le même plan ! Vraiment injuste.
    A part ça, bien d’accord pour dénoncer certaines politiques de conservation de la nature qui non content de mettre l’homme en dehors de tout tendent à nuire considérablement aux peuples racines et aux populations locales (je suis adhérent/sympathisant de Survival depuis longtemps : depuis mes années de lycée…ça commence à dater et ça reste une très belle association, indispensable ;-).
    Et oui bien entendu pour une approche de la crise écologique qui donne toute sa place à des perceptions et des solutions non « européo-centristes ».
    Cela dit, quand on vit en Europe, on agit en européen… rien de plus « normal » et rien d’immoral là-dedans. En ouvrant l’oeil et en respectant ce qui se fait ailleurs, cela devrait aller de soi pour des écologistes.

    1. Cher P.P., tout d’abord je dois t’avouer que je n’ai pas lu le bouquin de Servigne, mais seulement ses interviews, et tu sais probablement deja ce que j’en pense puisque nous avons eu un argument: J’ai un vrai respect pour Servigne, mais je n’adhere pas a sa vision que je qualifierai d’apocalyptique, et qui consiste a renverser la cause et l’effet: C’est la destruction des societes qui provoque la destruction ecologique et non l’inverse. Ce n’est pas qu’une nuance! La distinction est essentielle. La destruction ecologique est une arme de guerre, pas la « cause » de guerres. Il est extremement important d’avoir un avis la-dessus. Et pour cela, de verifier les faits, soi-meme, la ou on se trouve et dans la mesure de ses moyens. Je n’ai rien a dire de plus sur Houellebecq, qui n’est pas sur mes priorites de lecture, a part que lui aussi joue sur le theme de l’apocalypse, ce qui bien sur n’est pas tres original. Je t’accorde donc que le parallele entre Servigne et Houellebecq est donc tres superficiel, puisqu’il englobe de milliers de gens, des plus fins aux plus mediocres… Je voulais juste souligner par cette comparaison un peu « a la legere », que le theme de l’apocalypse est tres present, tres vivant dans la culture Europeenne, et qu’il est bon de savoir qu’il existe d’autres visions du monde. Enfin, agir « en Europeen », bien sur! Il faut endosser cette responsabilite, et la question de l’identite est une question a laquelle il faut repondre, chacun de nous. Mais il faut aussi se connaitre. Se voir dans les yeux des autres, ca aide.

  12. Bonsoir cher Laurent. Merci sincèrement d’avoir pris le temps de me répondre. Tu sais que j’apprécie beaucoup ce que tu fais ici pour que l’on puisse dialoguer. Restons en aux idées (désolé si je suis un peu virulent, j’aime bien les combats d’idée… peut-être devrais-je me soigner, mais voilà, j’avoue…!).
    Donc :
    Ce n’est pas à moi qu’il faut demander de « savoir se connaître dans les yeux des autres » … si tu savais combien de temps je passe à chercher ailleurs des solutions et des idées 😉 Mais nous sommes bien d’accord sur ce point.
    En même temps, ça me fatigue un peu quand les européens croient sans cesse (avec un certain nombre de charlatans qui en profitent) que le salut est forcément… exotique ! Un peu de sagesse tibétaine, un zeste de massage ayurdévique et hop, le monde va nécessairement mieux. Et bien non, pas nécessairement. Et à des problèmes profondément européens, les solutions sont aussi européennes : ici et maintenant c’est valable partout.
    Ce n’est pas regarder ailleurs qui me gêne : il faut regarder et connaître l’ailleurs, ce n’est pas la question. C’est simplement que c’est souvent un pretexte pour fuir et ne pas prendre les choses à bras le corps ici quand le problèmes est ici.
    Pour le reste, notre européocentrisme (ou occidentalocentrisme) épistémologiquie m’horripile terriblement et ce dans toutes les sciences, surtout humaines : « L’homme ceci… l’Homme cela… quand la plupart du temps ce n’est pas l’Homme mais… le nombrilisme occidental, nous sommes bien d’accord !

    Pour Servigné, franchement, lis- le, il n’est EN RIEN apocalyptique ! Bien au contraire, il l’explique lui même dans son livre.
    Sauf si tu trouves apocalyptique d’énoncer des vérités telles que : 90 % des gros poissons ont disparu des océans du fait de la surpêche. C’est ce qu’il fait dans son livre, en se livrant à des prospectives argumentées et chifrées de façon extrêmement rationnelle (c’est un vrai scientifique le Servigné, bien plus que moi !).
    Là encore, le parallèle avec Houelbecq n’est pas seulement « superficiel » : il est tout simplement faux, complètement faux, c’est ce que j’appelle donc une fausse symétrie. Et c’est tout à ton honneur de reconnaître que c’est au minimum superficiel. Là on sera presque d’accord aussi 😉

    Une demande si tu as le temps car je trouve quand même ça intéressant même si Servigné n’est pas du tout dans l’apocalyptique : à quoi opposerais-tu en Inde ce qui en Europe est pour toi apocalyptique ? Je veux dire par là, à la place des mouvements apocalyptiques (que je ne peux m’empêcher de trouver pitoyables), qu’y a-t-il en Inde.

    Pour terminer sur ce sujet, si tu trouves l’Europe apocalyptique (pas autant que tu ne le vois donc, cf Servigné que tu n’as pas compris), je trouve que les mouvements islamistes extrémistes sont terriblement apocalyptiques. Ils sont même de terribles sectes apocalyptiques extrêmement violentes.

    Je termine aussi avec Servigné : tu as le droit de mettre en doute l’idée que la crise Syrienne est AUSSI dûe à des problèmes d’ordre écologique, mais de la à condamner l’idée sans la connaître et sans avoir mené la moindre recherche à ce sujet, je trouve ça vraiment bizarre pour rester sympa.
    Comment peux-tu être sur à ce point que les problèmes écologiques n’y sont pour rien ? Servigné est accessible, tu peux le contacter et au moins lui demander sur quoi il se base avant de le mettre au ban aussi vertement si j’ose écrire 😉

    Quant à décréter nécessairement que c’est la destruction des sociétés qui provoquent la crise écologique, je ne comprends absolument pas comment tu peux affirmer ça aussi catégoriquement, comme un dogme à mon avis erroné là aussi.
    Un seul exemple qui (à mon avis) montre que ça ne tient pas (il y en a plein d’autres) :
    Notre civilisation occidentale industrielle est bien une société. Quand elle fonctionne bien, avec de la croissance, des autoroutes, de grandes centrales nucléaires magnifiques, etc… tu trouves qu’elle a attendu de se détruire pour créer de la crise écologique ? Elle n’a jamais aussi bien fonctionné que pendant les « 30 glorieuses »… qui lui ont servi de grand élan pour détruire le monde ici et partout ailleurs ou presque.
    Qu’est ce que c’est une société « détruite » d’ailleurs ? C’était « mieux avant » ? Avant quoi ? Elle faisait quoi de la nature et de l’écologie cette société ou une autre avant qu’elle ne te semble « détruite » ?
    Je ne suis pas ironique : je ne comprends pas du tout ton raisonnement. A l’aide, donc 😉

    1. Cher P.P.

      Sur la Syrie: Si vraiment la destruction écologique était une cause de la guerre, alors aurait-il vraiment été nécessaire de dépenser tant de milliards pendant 5 ans pour la détruire? Et de continuer à s’acharner encore aujourd’hui, alors qu’elle bouge encore ?

      Dire que la destruction écologique est « une des causes » de cette guerre c’est peut-être « scientifique »… Mais alors il est tout aussi « scientifique » que la respiration humaine est « une des causes » du réchauffement climatique ! (par l’émission de gaz carbonique ! Joggeurs, ralentissez !!!)

      Mais ce qui me choque dans cet argument est plus sérieux que des discussions à couper les cheveux en quatre :

      Dire que la destruction écologique est la cause de la guerre, ou « pourrait être » une cause de guerre, c’est une idée populaire en Europe qui probablement remonte a Malthus. On parle depuis une bonne trentaine d’années des « futures guerres de l’eau »… qu’on attend toujours !

      Oui les OGM, la déforestation massive, la destruction et la mise hors-la-loi des semences de ferme, les grands barrages, etc. sont effectivement, d’un certain point de vue, des « armes de guerre », des moyens de faire la guerre. Mais on n’a pas encore vu, à ma connaissance, le cas contraire : Déforestation ou désertification ayant déclenché, ou justifié une guerre.

      Pourquoi faut-il être attentif ici ?

      Parce qu’il y a assez souvent une confusion, dans tout ce qui touche de près ou de loin à la politique, entre la cause et l’effet. Et cette confusion est une sorte de « prophétie auto-réalisatrice », ou plus exactement, de « théorie justifiant par avance l’action qu’elle prétend expliquer ».

      Si j’arrive à rendre crédible l’idée qu’il existe, ou qu’il pourrait exister, des « guerres de l’eau », et que d’une certaine manière faire la guerre « à cause » d’un problème écologique relève d’une sorte de conduite rationnelle, alors je rends possible pour moi-même la conduite d’une guerre pour cette même raison.

      Je ne tire pas les choses par les cheveux. Car c’est exactement ce qui est en train de se passer pour la fameuse « guerre de civilisation ». Depuis une trentaine d’années on nous explique que faire la guerre pour des raisons idéologiques c’est vieux jeu, que la guerre moderne doit être « civilisationelle ». Et ce faisant, on utilise, effectivement, les « civilisations » (c’est-à-dire les croyances) comme des armes de guerre. Donc on a rendu intellectuellement possible, intelligible, rationnellement justifiable, la conduite de guerres qui visent à détruire des régions entières, de très vastes régions, et peut-être, des « civilisations ». Aujourd’hui les « civilisations » ne sont aucunement la cause de guerres. (Et ne dit pas « une des causes » s’il te plait ! Ou alors il faut admettre que l’école est « une des causes » de la guerre, sous prétexte que les armes des destruction massive ont toujours été inventées par des gens qui ont fait des études supérieures, et mises en œuvre par des gens qui ont été a l’école…) En revanche, elles sont probablement la cible des guerres modernes, et pire encore, un moyen de les faire.

      Dans le cas de la destruction écologique, elle a commencé de manière massive à l’époque coloniale, s’est concentrée dans les colonies, et n’a fait qu’accélérer depuis. Dans bien des cas, on peut voir cette destruction comme un moyen de faire la guerre, de subjuguer des populations, des pays entiers, de les asservir en détruisant leurs moyens de subsistance. Maintenant si je fais croire qu’il a existé, qu’il peut exister, et qu’il y aura, des guerres « causées par » la destruction écologique, alors je fais d’une pierre deux coups : 1) Je crée un nouveau genre de prétexte pour ma prochaine guerre (et comme on sait, une guerre a toujours besoin d’un bon prétexte, et bien des guerres ont été évitées par l’habileté de gens qui ont su supprimer le prétexte, comme l’a montré l’histoire toute récente) et 2) Je justifie après-coup la destruction écologique comme moyen de guerre, en créant une confusion entre la cause et l’effet des catastrophes déjà réalisées.

      Sur le thème de l’apocalypse en Europe, je pense surtout à C.K. Raju, mathématicien et historien des sciences. Dans son livre « The Eleven Pictures of Time » il décrit les différentes notions du temps en relation avec la physique, l’histoire et l’éthique. Raju est connu entre autres pour avoir montré qu’une erreur d’Einstein était due à sa compréhension imparfaite de la theorie de la relativité de Poincaré. C’est trop pointu pour moi mais en gros ce que j’ai compris c’est qu’Einstein, moins radical que Poincaré, n’avait pas réussi à se défaire complètement de toute notion « d’éther », c’est-à-dire de « substance » de l’espace-temps, et c’est pour cela qu’il n’a jamais accepté, jusqu’à la fin de sa vie malgré la quantité croissante de preuves du contraire, l’existence « d’effets à distance », qu’il trouvait « inquiétants »…

      Il y a un certain nombre de papiers de Raju sur le temps et sur l’histoire des maths, disponibles en PDF sur le net. Le point de départ de sa réflexion sur le temps est celui d’un mathématicien intéressé par la physique, qui a essayé de concilier « le temps du physicien », dont les actes n’obéissent pas entièrement a des lois puisqu’il peut décider de faire des expériences, et « le temps de la physique », qui dans la philosophie occidentale post-Augustin est sensée obéir a des lois, dévoilées par le physicien. Donc la question de départ de Raju c’était : Le physicien fait-il partie du monde physique ? (« Time, a consistent theory »). Et puis il a lié cette question aux conceptions du temps « non-Augustiniennes » si j’ose dire, c’est-à-dire de l’antiquité, chrétienne et non-chrétienne, d’avant Augustin, qui avaient toutes une conception, plus ou moins élaborée, que Raju appelle « quasi-cyclique ». En gros, la « spirale ». « Quasi-cyclique » est un nom imparfait car il fait référence à la conception Augustinienne, mais il n’y a en pas d’autre pour le moment. Mais Raju évoque aussi les conceptions d’aujourd’hui de l’Islam, du Bouddhisme et du Jainisme, qui toutes ont des conceptions du temps, de la logique et par conséquent de la causalité, bien différentes, et dont certains aspects sont bien plus compatibles avec la physique, que la théorie Augustinienne dominante en Europe, qui divise le monde en deux parties étanches : Celle de la physique et celle du physicien, réunies par… l’action divine ! Aujourd’hui avec le retour des théories « monistes » (non-dualistes) (Deleuze, Badiou…) en Europe, le travail de Raju sur le temps et l’histoire des sciences est sans doute moins difficile à saisir.

      Mais il est drôle de constater que la conception Augustinienne s’accroche bien, par exemple par la voix de Hawkins, lorsqu’il déclare, en dernier ressort, son « axiome chronologique » (« chronology condition ») qu’il ne peut pas prouver mais auquel il donne un statut supérieur à celui d’une hypothèse : « condition » = axiome indispensable ! Hawkins dit « chronologie » pour être plus technique mais bien sur ce qu’il veut sauver c’est la causalité en physique, c’est-à-dire l’idée de « lois naturelles », qui est la condition d’existence de la science en Europe depuis St Augustin et St Thomas d’Acquin. Raju démontre longuement que l’idée de « loi de la nature » est un concept métaphysique qu’il est impossible de prouver ni de démentir, donc un concept extérieur à la physique et aux sciences en général.

      Bon ca c’était les références livresques… En fait ce qui me touche le plus chez Raju c’est qu’il décrit quelque chose que j’ai vécu intérieurement : Lorsque je vivais en France j’avais en permanence le sentiment que « tout allait sauter », que la fin du monde était pour demain matin. Les centrales nucléaires, les déchets qui s’accumulent pour l’éternité, le sol détruit, la pollution partout, l’économie de la destruction (la « croissance »), l’architecture de plus en plus laide, de plus en plus impossible à faire, etc. etc. Reconnait que mon sentiment n’était pas très original… Prend des titres de livres comme « l’insurrection qui vient », « Arrêter le nucléaire avant la catastrophe c’est possible », « la défaite de la pensée », « achever Clausewitz », « matin brun », le ton d’ouvrages comme « l’encyclopédie des nuisances », un journal comme « La Gueule Ouverte », et aussi dans une moindre mesure, « Charlie Hebdo », (les deux ont bercé ma –petite- enfance). Quel est le point commun ? (Tu peux aussi ajouter les livres de mon premier post qui t’ont fait sursauter !). La catastrophe, le point de non-retour… l’apocalypse sous nos yeux, ou sinon pour demain matin. Certains comme Guillebaud prennent le contre-pied mais ils sont rares (et encore plus rares à avoir son talent !)

      Depuis quinze ans que je vis en Inde, curieusement ce sentiment m’a progressivement quitté. Je vis dans une ville plus polluée que Paris, plus sale, ou il est plus difficile de trouver de la belle architecture, et l’Inde essaye de rattraper la Chine dans la course à la destruction écologique la plus massive du monde. Donc je n’ai pu trouver autour de moi aucune raison matérielle objective de me rassurer. Mais ce sentiment a bel et bien disparu, remplacé par celui-ci : « la vie continue » !

      Sur tes autres questions, la société, etc. mon commentaire est déjà tres long ! Mais en bref, même en supposant que ce que l’on entend par « 30 glorieuses » ait un sens, ce qui est douteux vu que les gens de cette époque de pensaient pas qu’elle était « glorieuse » et que cet épithète lui a été donne après… Bref, que penser de la santé d’une société qui dure « 30 ans » ???

      1. Bonjour, en me souhaitant une « Bonne Nouvelle Annee Gregorienne », Prof. C.K. Raju m’a envoye ces liens ce matin meme:

        Video: https://www.youtube.com/watch?v=MvpuC7Dg4e0
        Presentation: http://ckraju.net/papers/presentations/A-Tale-of-Two-Calendars.pdf
        Article: “A tale of two calendars”, in Multicultural Knowledge and the University, ed. Claude Alvares, Multiversity, 2013, pp. 112-119.

        Digest: http://ckraju.net/papers/ckr-calendar.html

        Bonne « Annee Gregorienne » a tous!

        (A Kolkata on se souhaite « Happy New Year » le 1er janvier, et « Subho Novo Borsho » (« bonne annee » en Bengali) le premier jour de l’an Bengali, qui ne tombe pas toujours la meme date de l’annee Gregorienne…)

  13. Bon, je voulais une réponse, j’en ai une ! Un grand merci à toi de t’être donné le temps de l’écrire.
    J’ai très peu de temps ce soir, je vais essayer de revenir là-dessus quand j’aurais moins de choses à faire.
    Mais déjà : bien d’accord avec toi sur les méfaits des prophéties auto-réalisatrice auxquels j’ai eu à me heurter il y a longtemps déjà et ce n’est jamais terminé, en effet, dont le nauséabond « choc des civilisations » (ou la si stupide « fin de l’Histoire »…), mais oui, là on est d’accord et pour le coup je comprends vraiment mieux ta position. Tu crains donc ce risque.
    Mais pour moi, faire preuve de lucidité quant aux catastrophes qui non seulement s’annoncent… mais ont commencé, ce n’est en rien un prophétie auto-réalisatrice mais bel et bien une réalité très dure car une réalité de fait. Et ils sont têtus les faits, tu le sais bien.
    Ca n’a aucun rapport avec une prophétie auto-réalisatrice. Derrière ces prophéties, il y a toujours un autre objectif idéologique, stratégique, etc… : la fin de l’Histoire, conforter l’idée qu’il n’y aurait qu’une issue et qu’un système, ce lui de l’ultralibéralisme… le choc des civilisations, justifier les guerres etasuniennes (et onusiennes…) pour le pétrole (entre autre) en les faisant passer pour des guerres concernant le droit international ou la sécurité internationale (Guerre du Golfe de 1991 et toutes les suivantes notamment, matrices de bien des désastres actuels au Proche et Moyen-Orient…).
    Et… dire qu’il y a une effondrement parce que nous avons détruit 90% des stocks de gros poissons, quoi d’autre qu’un fait établi avec ses causes et ses conséquences ? Pas une prophétie, pas du tout. De même pour la plupart des choses que Servigné avance dans son livre. Il y parle beaucoup de toi c’est à dire de ta façon de voir les choses, tu n’imagines pas !
    Mais lis-le ce livre, (il n’est vraiment pas long) pour te faire une idée. Il dit des choses parfois très proches de ce que tu avances (pas la prophétie bien entendu…).

    Allez, j’essaye de reprendre dans quelques jours car là, à mon avis, avec les 19 travaux écrits sur mon tableau noir (mon pense-bête multiforme…) c’est pas ce soir qu’on va pouvoir continuer !

  14. Bonsoir à tous les deux. Intéressante votre discussion.

    Laurent, je ne suis pas d’accord avec toi. Je trouve que tu vas chercher midi à 14h dans tes explications. Pas besoin d’aller chercher de la philosophie pour analyser ce qu’il se passe.

    Ce qui est indéniable, c’est que les problèmes écologiques entraînent des dégradations des conditions de vie et/ou des déplacements de populations (quand ils sont suffisamment globaux). Ce qui fait monter les tensions dans certains pays, et ces tensions se superposent à des tensions existantes. Il n’y a donc pas une cause unique de déstabilisation des sociétés, et séparer la part écologique est très difficile, sauf quand elle devient très grave. Elle peut être la goutte d’eau qui fait déborder le vase, jouer un rôle de détonateur. Peut-être en Syrie, où un afflux de population dans les villes, poussé par l’avancée du désert, aurait pu augmenter les rancoeurs contre le régime.
    Ne pas oublier aussi la révolution française : les famines entrainées par des éruptions cataclysmiques en Islande auraient pu faciliter des mouvements qui étaient plus ou moins latents dans la société française de l’époque.

    Je ne suis pas d’accord pour dire qu’en général c’est l’effondrement des sociétés qui provoquent des catastrophes écologiques, tout au moins au niveau global, car ça peut être vrai localement (ex : déforestation et braconnage de subsistance pendant la guerre des Balkans).

    Autre chose, concernant les théories « apocalyptiques », ce qui est un bien grand mot à mon sens, je préfère de loin le terme d’effondrement des sociétés (et ce n’est pas du tout une « mythologie »). Ce thème est loin d’être circonscrit à l’Europe, on peut citer des auteurs américains comme Naomi Oreskes ou Lester Brown (parce que, modestement, je les ai lus :-)).
    C’est loin d’être de la philosophie puisque les auteurs constatent qu’à la vitesse où ça va (démographie, consommation des ressources en eau douce, en matières premières, destruction des sols arables, extinction des espèces avec effondrement des chaînes trophiques, climat (où là on peut très bien avoir un emballement exponentiel incontrôlable avec point de non-retour à un équilibre viable), ça ne peut que conduire à un effondrement rapide des sociétés actuelles. 2 exemples récents, et concrets, montrent que nos sociétés sont des géants aux pieds d’argile :
    – le système financier et économique actuel est très instable (très peu d’économistes avait prévu le crash de 2008)
    – la sécheresse du printemps 2011 en France a été un joli coup de semonce quand on voit le nombre de têtes de bétail qui ont dû être abattues vu le manque de fourrage.

    On peut aussi citer le cas d’école de l’île de Pâques qui est un « proto » à l’échelle réduite de ce qui nous pend au nez à l’échelle planétaire.

    Alors la philosophie, indienne ou pas, peut faire ce qu’elle veut, mais le côté implacable des faits et des chiffres actuels est bien là. Et si beaucoup de personnes comme toi ont du mal à l’intégrer car ce n’est jamais arrivé au global, il ne faut pas oublier que l’humanité s’engage sur des terres inconnues jusque-là. En 1940, nos généraux n’avaient jamais vu les panzers traverser les Ardennes, pour eux ça relevait de la « mythologie »… Ils se sont réveillés brusquement à Sedan, et notre Sedan planétaire n’est probablement plus très loin.

    Ce que tu dis là, finalement, pourrait très bien satisfaire « les marchands de doute » qui poussent toujours plus loin leur fuite en avant. Prudence…

    En prime, un lien intéressant qui parle des réfugiés climatiques :

    http://rue89.nouvelobs.com/2015/11/23/francois-gemenne-lurgence-climatique-lurgence-terroriste-posent-meme-question-262127

  15. PL, tu dis ce n’est pas une mythologie, libre a toi mais il se trouve que cet ensemble de croyances que tu preferes appeler « effondrement des societes » au lieu de « apocalypse » est tres circonscrit geographiquement et historiquement: L’occident christianise par l’eglise. Attention je ne dis pas « les Chretiens »!!! L’expression « catholiques zombies » est tres juste de ce point de vue. On peut avoir ete imbibe de culture « catholique » (ou « protestante ») et n’avoir pas grand-chose a voir avec le christianisme… Tu dis « les Americains sont aussi concernes » et bien sur tu as raison. Mais de ce point de vue les Americains sont des Europeens. Je dirais meme des Europeens au carre!!! Toute la science-fiction Americaine, et aussi toute une litterature et culture technologique au marges de la science-fiction, comme Vernor Vinge (« The technological Singularity », « True Names ») et Ray Kurzweil, etc. sont au coeur de cette culture que j’appelle « apocalyptique » et que tu preferes appeler « de l’effondrement des societes ».

    (je prends soin, depuis le reproche de P.P. de melanger les torchons et les serviettes, de ne plus citer QUE des auteurs que j’apprecie!)

    En gros tu dis que mes references philosophiques ne sont qu’une interpretation plaquee sur des faits qui, selon toi, parlent d’eux-memes.

    Ma foi, je ne vois guere quoi ajouter, a part peut-etre juste ceci: la « puissance de recuperation du capitalisme », tu as entendu parler?

    Deleuze et Guattari en parlent dans « L’anti-Oedipe, capitalisme et schizoprenie », un livre fantastique et plus facile a lire qu’on ne croit. Et aussi Deleuze dans ses cours.

    Au fond la question qui nous divise c’est: Est-ce la societe ou l’ecologie qui s’effondre en premier?

    On peut refuter la question en disant qu’elle est « philosophique » (c’est a dire non-pratique).

    Mais la maniere dont on y repond a des consequences directes sur l’action que dans laquelle nous nous engageons!

    Anupam Mishra a une reponse assez scintillante, clairvoyante, a cette question precise:

    http://fabrice-nicolino.com/?p=1665

    Je l’ai recopiee dans le dernier commentaire au billet de Fabrice du 1er Janvier 2014, qui s’ouvrait sur un merveilleux poeme de Rene Char, qu’on peut relire et relire… Lien au dessus!

  16. Au fait, a propos d’exotisme et d’orientalisme… remarquez comment Jaime Semprun et Anupam Mishra se retrouvent, non seulement dans le fond, mais aussi dans l’humour et l’ironie, un peu plus grincante, voire lugubre ici, et un peu plus legere la-bas…

    « Quand le citoyen-écologiste prétend poser la question la plus dérangeante en demandant : « Quel monde allons-nous laisser à nos enfants ? », il évite de poser cette autre question, réellement inquiétante : « A quels enfants allons-nous laisser le monde ? » »

    http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/03/19/penser-la-deraison-du-monde_1495591_3232.html

    Encore une indication que l’ecologie rend vraiment intelligent, elle brise les frontieres de l’exotisme et de l’orientalisme!

  17. J’ai toujours très peu de temps pour poursuivre la discussion et merci à vous deux de l’avoir fait. Le sujet est fort intéressant bien entendu !
    PL, tu as écris en beaucoup mieux ce que j’aurais pu écrire, je suis 100% d’accord avec toi. Je comprends aussi un peu mieux ton approche Laurent.
    Mais oui, bien sûr que le capitalisme peut tout récupérer, absolument tout ! Partant de là, faut-il ne rien faire ? Ne rien penser ? Non.
    Tu dis est-ce la société ou l’écologie qui s’effondrent en premier… Je ne peux pas m’empêcher de dire : est-ce si grave finalement de savoir qui démarre le processus ? Car pour moi, c’est évident que les deux s’effondrent en ce moment et alimentent l’une et l’autre leur propre effondrement et l’une celui de l’autre et vice-versa !
    Quant au reste … en tant qu’instit, je ne peux pas rester insensible à ton très à propos « A quels enfants allons nous laisser le monde ? »
    Je passe presque tous les jours plusieurs heures par jour avec eux…
    Je suis désolé de devoir clore ici car j’ai encore 18 tâches à accomplir sur mon tableau (c’est mieux que 19 l’autre fois, non ?).
    Ce serait bien de trouver un support plus facile que les commentaires de notes pour parler de tout ça… peut-être une rencontre « Planète sans visa » un jour ????
    Désolé pour le réflexe mais… à Lyon le 16 déjà !;-) C’est à combien de km de l’Inde et de ses tigres ?

    1. P.P, le plus important c’est tes eleves en effet, et je pense qu’ils ont de la chance d’avoir comme instit quelqu’un d’aussi passionne par la vie, que toi. Une bonne annee pour eux et pour toi!

  18. Parler de croyance ne me paraît pas un terme adapté, on peut parler de théorie, puisque tout ce qui n’est pas réalisé reste une théorie dans l’absolu, même si elle est très étayée. Parler de croyance reviendrait à mettre sur le même plan par exemple le créationnisme et l’évolution selon Darwin.
    Des spécialistes, comme Pierre-Yves Longaretti du CNRS, bossent sur ces questions et s’appuient sur des données chiffrées, et l’étude des sociétés anciennes qui se sont effondrées (Romains, mayas, Île de Pâques…).
    Si ce thème est circonscrit selon toi géographiquement et historiquement, ce n’est pas pour rien :
    – Historiquement, c’est la première fois que l’humanité se retrouve dans une telle situation planétaire. Et c’est la première fois depuis 65 millions d’années que la biosphère voit un tel rythme d’extinction en masse planétaire.
    – Géographiquement c’est l’Europe et les USA qui ont initié cette pente savonneuse dans les années 1950 et 1960. Il n’est que temps dans ces pays qu’on finisse par réaliser vers où on se dirige. J’ai l’impression qu’ailleurs, et entre-autres en Inde dans laquelle tu baignes, on est dans « l’euphorie de la croissance » tel qu’on pouvait l’être en Occident il y a 50 ans. D’ailleurs c’est à partir des années 1970, vers la fin de ce pic de croissance (les 30 glorieuses) que la conscience écologique a pris de l’ampleur, au vu des destructions accélérées en cours.

    Ce n’est pas parce que ce sont seulement les premiers moutons au bord de la falaise qui commencent à bêler, alors que ceux qui sont derrière ne se sont aperçus de rien, que la falaise n’existe pas !

    De toute façon, mythe ou croyance occidentale, ou pas, quand on voit ce que nous servent les média, nos dirigeants, ou quand on voit l’attitude de la plupart de nos concitoyens, pour eux l’effondrement sociétal n’est pas une réalité possible ou probable. S’il y a mythe ou croyance (que je ne vois pas), ça ne dépasse justement pas le stade du virtuel des films à grand spectacle.

    « Au fond la question qui nous divise c’est: Est-ce la societe ou l’ecologie qui s’effondre en premier? »

    Il suffit de regarder autour de nous pour avoir la réponse. Le fait est que l’écologie est en train de s’effondrer sous nos pieds (ce qui est bel et bien l’objet de Planète sans visa), alors que nos sociétés sont toujours là. Mais pour combien de temps ?
    Voir aussi, outre l’île de Pâques, la civilisation Maya, probablement victime, d’après des recherches récentes, d’une sécheresse historique, peut-être provoquée par une déforestation excessive qui aurait modifié la pluviométrie régionale.

    « Mais la maniere dont on y repond a des consequences directes sur l’action que dans laquelle nous nous engageons! »
    Bien sûr, et la réponse que j’ai formulée implique une action qui s’appelle le principe de précaution ! Dont le capitalisme n’a cure puisqu’il est basé sur une accumulation de court-terme, et après lui le déluge. Non, la « puissance de recuperation du capitalisme », tel que tu le formules avec les références de bouquins, je ne connais malheureusement pas…
    Ça me fait penser qu’il (le capitalisme) ne peut que se frotter les mains avec le dérèglement climatique : géo-ingéniérie, assurances des biens, travaux curatifs, etc. Formidable réservoir de croissance ! Les traitements contre le cancer, ça rentre aussi dans le PIB n’est-ce pas ?

  19. Bon, je viens de lire le texte de Anupam Mishra (il me fait penser à Pierre Rhabi, dans une certaine mesure).

    Effectivement, on ne parle pas de la même chose : Tu parles d’effondrement « moral » ou des mentalités (si j’ai bien compris). Nous parlons (PP et moi) d’effondrement « physique » : effondrement des circuits économiques, des structures politiques, de l’organisation sociétale.

    Il faut appeler un chat un chat. Il est bien évident qu’un effondrement moral peut entraîner un effondrement écologique : c’est ce qu’on constate actuellement. Mais à son tour, cet effondrement écologique finit par entraîner l’effondrement physique des sociétés.
    CQFD ? 🙂
    Après je n’ai pas forcément d’admiration systématique pour les sociétés anciennes ou « traditionnelles ». Celle que tu décris m’apparait digne d’admiration, si elle n’est pas embellie. Notre propre société européenne du Moyen âge par exemple, avait en elle la mentalité et les fruits de ce qui se passe actuellement. Elle a juste été empêchée par un manque de moyens. Mentalité certainement liée au christianisme : « tu soumettras la Terre » (quoique le surpâturage en zone méditerranéenne est probablement antérieur). Ce qui expliquerait la différence avec la société indienne traditionnelle que tu décris.
    Ce manque de respect a probablement commencé au néolithique avec l’agriculture et l’élevage, et s’est plus ou moins accentué suivant les religions et les systèmes de valeurs (la « psyché » des sociétés). Opinion perso, je ne suis pas sociologue :-).

    1. Bon, on se rapproche, petit a petit!

      C’est drole tu dis: « Après je n’ai pas forcément d’admiration systématique pour les sociétés anciennes ou « traditionnelles ». Celle que tu décris m’apparait digne d’admiration, si elle n’est pas embellie ».

      Que se passerait-il si tu avais ecris, apres le texte de Frederic Wolff:
      « Après je n’ai pas forcément d’admiration systématique pour la nature vierge ou « sauvage ». Celle que tu décris m’apparait digne d’admiration, si elle n’est pas embellie ».

      Ouh le vilain! Hors d’ici! Pas de ca sur Planete sans Visa!!!

      Je ne juge pas, je m’interroge.

      Il faudrais aussi demander a (par exemple) un habitant d’une ile reculee des Sundarbans, desservie par un bateau le matin et un l’apres-midi, qui a toujours dans sa famille proche plusieurs personnes mangees par un tigre, amputees par un requin, empoisonnees par un serpent, qui chemine la moitie de l’annee sur des chemins de boue profonde, a plus de 5 heures du medecin ou de la pharmacie la plus proche, ce qu’il pense de la nature sauvage, de la ville, des smartphones (oui les antennes, les petits panneaux solaires, sont partout, pas les medecins ni les pharmacies…)

      Notre desir d’embellir est-il juste?

      Je pense souvent a cette phrase de Novalis: « Nous vivons toujours des fruits d’epoques meilleures ». Elle me semble completement vraie, meme si completement illogique. La nature et la societe toutes les deux meritent notre respect, notre effort « d’etre a la hauteur ».

      1. Ce que j’entendais par embellir, c’est cette admiration béate, citadine, culpabilisatrice, et sans aucun recul, pour les sociétés rurales ou « traditionnelles » que l’on trouve trop souvent chez les journaleux des grands médias. Alors que, dans certains cas, ces « traditions » ne peuvent n’être que des prétextes fallacieux pour exclure l’autre, le citadin, l’étranger, l’animal sauvage qui ne rentre pas dans la catégorie « gibier ».
        Cela me rend naturellement méfiant vis-à-vis de ces sociétés « traditionnelles » et je ne juge que sur pièces.
        Je pense par exemple à Jean Lassalle et son IPHB dont la rhétorique « patrimoniale » et « traditionnelle » n’a servi qu’à conforter son pouvoir clanique.
        Je pense aussi à Jean de Florette de Pagnol, qui est une fiction, mais tellement vraie.

        D’accord avec toi sur l’exemple que tu donnes. Nos ancêtres aussi avaient des circonstances atténuantes pour les dommages qu’ils ont pu commettre, étant donnée la dureté de la vie, ou de la survie. C’est pourquoi ces sociétés du passé ne me paraissent pas plus enviables que les excès actuels.
        Alors, que ceux qui veulent éradiquer telle espèce dans notre pays, au nom d’une tradition de pacotille dévoyée et au nom de la dureté de vie de leurs ancêtres (et de nos ancêtres : ils oublient souvent que quelques générations en arrière, la majorité de la population était rurale), alors qu’ils abandonnent camions, tracteurs, subventions, et tutti quanti, et là ils pourront honnêtement se prévaloir des mêmes arguments.

        PS : Fabrice, quand on écrit un commentaire et qu’on le relit soigneusement pour trouver le mot juste, et qu’à la fin on clique sur « envoyer »…oh m…j’ai oublié le nom et l’adresse mail dans l’enthousiasme général. On est renvoyé sur une page « erreur » sans possibilité de revenir en arrière, et là on a tout perdu ce qu’on a écrit pendant 3 heures. Et puis on recommence, mais ce n’est plus pareil, on a perdu « la grâce » et « l’inspiration » (opinion toute personnelle :-)) du texte perdu qui est sorti spontanément. Help !!

        1. PL, c’est tout simple: Tu fais « control-A » (tout selectionner) puis « control-C » (copier), puis tu ouvres un traitement de texte, et « control-V ». Voila, ton texte est sauve pour l’eternite! (je fais ca lorsque j’ecris des longs commentaires car les site web, en general, sont d’une fiabilite sans garantie). Tu peux aussi « faire glisser » avec la souris apres avoir selectionne. Je fais ca avec tous les articles de journaux que je lis. Certains journaux comme Reporterre ou La Croix proposent gentiment une version PDF, mais sinon pour les autres sites, pour garder une copie c’est « faire glisser » qui en general marche le mieux.

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