Puisqu’il faut parler du cancer (et du diable)

http://bastet.centerblog.net/2247472-Encore-le-diable-de-TASMANIE

Pas très folichon, n’est-ce pas ? Sarcophilus harrisii est un marsupial carnivore. Son nom en français inciterait la plupart à changer de trottoir, car il s’agit du diable de Tasmanie. Vous situez cette île au sud de l’Australie ? Sachez qu’elle est grande – 68 000 km2 – et qu’elle a dû attendre 1642 pour être enfin découverte par des gens civilisés. Nous, sans me vanter. Mais comment faisaient les pauvres Aborigènes de là-bas ?

Je m’égare. Le diable. Il pèse entre 6 et 8 kilos et boulotte ce qu’il trouve. Charognes de brebis, reptiles, poissons, oiseaux, wallabies. Moi, quoi qu’il fasse, je l’aime. Ce doit être de la sensiblerie. À moins que ? Mais je m’égare encore. Le problème, avec le diable, c’est qu’il meurt. En grand, en couleurs, et à vitesse accélérée.

Depuis 1996, une maladie a été identifiée, la Devil facial-tumour disease (DFTD), ou maladie de la tumeur faciale. C’est simplement horrible : le museau disparaît peu à peu dans une bouillie qui se change souvent en cancer. La moitié des diables seraient morts depuis douze ans. La moitié.

Et voilà qu’on apprend les résultats d’une étude officielle australienne, menée par l’Institut national de mesure (en anglais : theaustralian.news.com). L’autopsie de 16 diables a révélé la présence dans leur corps d’hexabromobiphényl et de décabromobiphényl. À des concentrations très anormales. Ces goûteux produits de la chimie moderne servent à empêcher – ou ralentir – la propagation d’un feu dans des ordinateurs ou certains meubles.

Reste deux menues questions. La première : pourquoi tant d’hexabromobiphényl dans une île à 240 km des côtes australiennes ? Disons qu’il serait bien injuste que nous soyons les seuls à supporter une telle pollution, et passons à la seconde. Y a-t-il un lien entre cette contamination massive des diables et les tumeurs souvent cancéreuses qui menacent désormais leur survie ?

Je vous remercie de m’avoir aidé à formuler ma pensée. Oui, y a-t-il un lien ? Le premier mouvement pousserait à dire oui, car les retardateurs de flamme qui pourrissent les tissus gras des diables sont connus pour perturber les systèmes immunitaire et nerveux. Ils sont en outre cancérigènes.

Mais pour qui ? That is the question. Car si l’on a pu prouver leur rôle délétère chez les animaux, aucune étude ne confirme leur action chez les hommes. Eh, eh, je crois qu’on va finir par s’en sortir. Certes, le diable est un mammifère, comme l’homme. Mais qu’est-ce que cela prouve, dites-moi ? D’ailleurs, le plus simple est d’écouter cet officiel australien, Warwick Brennan : « Il est encore trop tôt pour dire si ces composés chimiques jouent un rôle dans le développement de ces tumeurs » (lemonde.fr).

Et voilà, n’en parlons plus. On ne va tout de même pas se fâcher pour une histoire de diable, si ? Cet animal meurt, il est farci de produits cancérigènes qu’on ne devrait pas retrouver en Tasmanie, c’est entendu. Par ailleurs, les cancers flambent d’un bout à l’autre de la planète, dans le temps même ou des milliers de molécules nouvelles et toxiques ont été relâchées dans la nature sans pratiquement aucun contrôle. L’incidence du crabe a pratiquement doublé en France entre 1980 et 2005. Et alors ? Et alors ? Et alors ?

Anne Lauvergeon, patronne du nucléaire français ( et ci-devant conseillère personnelle de notre grand homme de poche, François Mitterrand), part ce soir en Afrique du Sud avec Son Altesse Sérénissime Nicolas 1er. Pour vendre du nucléaire au président Thabo Mbeki. Je crois que j’ai loupé ma carrière.

16 réflexions sur « Puisqu’il faut parler du cancer (et du diable) »

  1. qu’ils aillent au diable ! (oh , facile !)J’ai rejeté plusieurs fois des opportunités dans ma vie, mais je n’ai ni remords, ni regrets à leurs sujets . qu’Anne lauvergeon parte donc avec le président le plus ridicule de la planète . Caresses à la bête au passage (de tasmanie).

  2. Désolé de revenir encore sur quelques détails qui peuvent paraître futiles vu la gravité de la question, mais je n’ai toujours pas réussi à comprendre les chiffres dont on parle depuis trois jours.
    Notamment, ce ne semble pas être l’incidence des cancers qui aurait augmenté de 93% de 1980 à 2005, mais le nombre brut de cas. Il est vrai que l’on trouve les deux phrases simultanément sur le site de l’INVS, alors que la différence induite serait de l’ordre de 37 à 45% (là aussi selon les paragraphes !). J’ai dû refaire moi-même les calculs d’après les sites insee et ined pour comprendre de quoi on parle exactement.

    Je pense vraiment que le rapport de l’INVS est (volontairement ?) inutilisable en l’état au vu de ses multiples contradictions, et que cela peut expliquer la frilosité de la presse (en tout cas la mienne) sur ce sujet.
    Personne ne conteste l’augmentation réelle des cancer, et il vaut mieux effectivement ne pas attendre de savoir si c’est 50%, 25%, ou même seulement 5% (on peut trouver tous ces chiffres si on les cherche !), pour réagir. Mais ça serait quand même plus crédible avec des données correctes.

  3. Pour DM,

    J’apprécie votre sens de la précision, et ce n’est pas de l’ironie. Mais franchement, je suis légèrement stupéfait. Car vous avez lu comme moi le communiqué de l’InVS, qui note précisément ceci : « En 25 ans (1980-2005), l’incidence du cancer a quasiment doublé chez l’homme (+93%) et fortement augmenté chez la femme (+84%). Ces augmentations sont liées notamment à l’essor démographique et au vieillissement de la population, mais 52% des cas supplémentaires chez l’homme et 55% chez la femme sont dus à l’augmentation du risque ».
    Si, comme vous semblez le croire, l’InVS n’est pas fiable en la matière, à qui se fier ? Et là, oui, c’est de l’ironie.

    Bien à vous pour de vrai,

    Fabrice Nicolino

  4. Pour Fabrice :
    C’est bien ce que je dis, il y a plusieurs contradictions entre la présentation générale et la présentation détaillée (le fichier PDF associé) :

    « Depuis 1980 où le nombre de nouveaux cas de cancers s’élevait à 170 000, ce nombre a presque
    doublé chez l’homme (augmentation de 93 %) et a progressé de 84 % chez la femme. »

    Et ainsi de suite, et c’est très grave.
    Par nature, j’ai plus confiance dans la présentation détaillée que dans la générale…

  5. @ valérie, je ne connaissais pas, c’est un bon site, merci .Il ya un petit guide vendu en biocoop de Corinne gouget : »danger additifs alimentaires » . elle a pris le temps de décripter pour nous tous les E-machinchose . très pratique et également démistificateur.

  6. Pour DM,

    J’avoue simplement ne pas (vous) comprendre. L’incidence, d’après Monnerot-Dumaine, est «le nombre de cas de maladies qui ont commencé ou de personnes qui sont tombées malades pendant une période donnée, dans une population».
    N’est-ce pas exactement le cas ? L’InVS écrit qu’en 1980, 170 000 nouveaux cas de cancer étaient recensés en France. Et 320 000 en 2005. Il s’agit bien de l’incidence. Et elle a bel et bien augmenté de 93 % chez l’homme en 25 ans. Et de 84 % chez la femme. Que remettez-vous en question là-dedans ?

    Bien à vous,

    Fabrice Nicolino

  7. Non, l’incidence est le nombre de cas rapporté à une population donnée (un échantillon de 100.000 personnes, soit correspondant à la structure française, soit mondiale, ce qui n’est déjà pas neutre…).
    Elle comprend donc déjà l’évolution de la démographie.

    Ici, il s’agit bien des cas bruts, auxquels il faut donc déduire l’influence de l’évolution démographique, estimée à 45% (j’ai vérifié cela pour l’effectif, mais je n’ai pas vérifié en détail la pondération de probabilité de cancer par âge).
    Donc il reste bien une augmentation de 52% pour la totalité des autres facteurs, c’est à dire :
    – amélioration des conditions de détection (techniques ou campagnes)
    – facteurs environnementaux.

    Il est précisé que 70% des nouveaux cas détectés chez l’homme sont des cancers de la prostate.
    Et il est aussi précisé que les pays voisins (Danemark) n’utilisant pas le nouveau test de détection utilisé chez nous (car contesté) n’ont pas remarqué une telle augmentation.

    Et il n’y a plus aucun chiffre précis auquel se fier à partir de là !

    J’essaierai de trouver quelques chiffres sur l’impact des campagnes (notamment le cancer du sein) pour estimer, par soustraction, de combien les facteurs environnementaux augmenteraient les cancers (entre 0 et 50% : une telle fourchette n’est absolument pas crédible, on peut raconter tout ce que l’on veut).
    Pour l’instant, je maintiens intégralement mon post d’il y a deux jours.

  8. Pour DM,

    Je n’ai pas de raison de douter de vous, mais je suis d’autant plus perplexe que je viens de trouver cette autre définition de l’incidence :
    [médecine] Nombre de cas nouveaux d’une maladie ou de sujets atteints d’une maladie dans une population déterminée et durant un laps de temps donné.

    Sauf grave erreur de ma part, elle me semble claire et coller au sens des communiqués de l’InVS. Mais au-delà, que je puisse me tromper, moi, c’est l’évidence même. Mais pourquoi diable un service de santé publique et d’alerte comme l’InVS se ridiculiserait-il en commettant une telle erreur ? Si vous avez une hypothèse, je prends.

    Fabrice Nicolino

  9. Inutile d’aller si loin, la définition de l’incidence est donnée dans le premier paragraphe du fichier PDF ! (mais ça concorde : une population DONNEE, et non la population tout court…)

    « Le taux annuel d’incidence standardisé correspond au nombre de nouveaux cas qu’on observerait dans
    une population (« standard ») dont on a fixé la taille et la structure d’âge. Il a le grand avantage de
    s’affranchir des considérations démographiques et représente un risque moyen sur l’ensemble des
    classes d’âge ; il n’évolue dans le temps que si des changements surviennent dans les facteurs de
    risque ou dans les pratiques médicales. »

    Pour compléter mon message précédent, l’exemple Danemark/prostate ou d’autres que j’ai commencé à lire me laissent penser que les progrès des méthodes de détection entre 1980 et 2005 seraient vraisemblablement responsables de plus de la moitié de l’augmentation de l’incidence (mais je n’y connais strictement rien personnellement).
    La fourchette restant disponible pour les facteurs environnementaux est donc entre 0 (voire négatif en cas d’amélioration, comme pour le tabac) et 25%.
    On est très loin des 93% de départ.

    Quand à la raison de ces erreurs, je suppose que la conclusion générale a été rédigée par une personne qui n’avait pas les compétences nécessaires, et que l’article n’a pas été correctement relu.

    Cela expliquerait pourquoi la presse (si les correspondants médicaux aiment autant les chiffres que moi) n’a tenu compte que de la présentation détaillée, beaucoup moins alarmiste.

    Sinon, j’ai déjà vu des études d’organismes public (CEMAGREF et EDF pour ne pas les nommer) où la conclusion était rédigée avant le lancement même de l’étude, mais où les données brutes étaient publiées telles quelles (même si elles ne la corroboraient pas).
    D’où mon réflexe de lire les données avant de lire ce qu’on me dit que je dois en comprendre…

  10. interessant, certes, comme d’autres …sauf si on attend des chiffres « sûrs à 100% » ce qui veut également tout et ne rien dire, pour bouger . la pluspart des produits industriels contenus dans nos peintures, biberons, aliments, pluies, tout en fait, sont reconnus comme des produits pouvant potentiellement être des perturbateurs endocriniens, cancérigènes, ect . so what ? on refait les calculs comme dupont et dupond sur le navire , ou ? personnellement je me fous de savoir qui a tord ou raison sur cette question de totaux , pardonnez moi . je pense aux familles chinoises, indiennes, qui désossent nos ordis en attendant qu’un ange passe , je pense à tous les diables de tasmanie . le débat est plutôt là pour moi .

  11. Consultez Porc Magazine de février.
    C’est terrible.
    On en est arrivé à faire naître les futures truies pour les élevages industriels médicalisés par césarienne, pour éviter tout agent pathogène.
    Les installations sont juste en dessous de P3.
    Le transport vers les élevages se fait par camion sous air filtré.
    Les malades de leucémie ne disposents pas de telles installations.

    Pour les pesticides en 7 secondes ils sont dans le sang par les voies aériennes.
    Beaucoup plus grave que ingérés puis en partie évacués.
    97% des produits partent dans l’air pour retomber sur les partie humides et plus fraîches.
    Les brouillards, rosée sont très chargés.
    C’est le même problème pour les incinérateurs.

  12. Bien sûr, les exemples du même genre abondent et, personnellement, mon idée est faite là-dessus, hélas.
    Cela dit, la contestation des chiffres de l’InVS menée par dm me semble utile, surtout si la conclusion (?) est que ces chiffres sont tels qu’ils favoriseraient une analyse moins alarmiste (et si c’est le cas, je ne crois guère à l’explication par l’incompétence d’un rédacteur…).

  13. Bonjour,

    Mes collegues australiens de The Wilderness Society soupconnent depuis plusieurs années un lien entre le napalm utilisé pour raser les forêts primaires et les cancers du diable de Tasmanie.

    Plus d’info, sur le site des Amis de la Terre ou on bataille pour dénoncer la certification de gestion durable par le label PEFC de ces méthodes dévastatrices ou sur le site de The Wilderness Society.

    (PS; désolé de ne pouvoir préciser les liens, je suis a l’étranger avec un acces réduit a Internet}

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