Notre maison brûle… (par Frédéric Wolff)

Les raisons de désespérer ne manquent pas. Celles d’espérer sont-elles perdues ? Je veux croire que non. Des brèches s’ouvrent par où la marge humaine pourrait faire tomber des murs de notre vieux monde. Entre le pire et le possible, mon balancier hésite. L’équilibre viendrait-il de n’occulter ni l’un ni l’autre ?
« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. » C’était il y a 13 ans. L’avenir de la vie sur terre vacillait et pouvait se réduire à des cendres si nous ne changions rien au cours du monde.

Qu’en est-il aujourd’hui ? L’incendie est-il endigué ? Avons-nous épargné des flammes les bases de la maison commune ? Où se portent nos regards ? Quelle formule faudrait-il employer pour saisir les temps où nous sommes ?

Une phrase s’est imposée à moi, alors que ces questions me tourmentaient : « La maison brûle et nous soufflons sur le feu. »

Le feu… Nous n’avons d’yeux que pour lui. Nous n’avons Dieu que lui. Toute notre intelligence, tous nos moyens techniques sont mis à son service. Des pyromanes, c’est ce que nous sommes, nous les sociétés de l’âge industriel. Nous laissons derrière nous une terre incendiée, un monde suffocant, une eau qui porte le contraire de la vie.

Le feu, il n’y a plus que lui. Les autres éléments, tant pis. Ils ne font pas le poids. La terre, l’eau, l’air, adieu. Adieu à tout ce qui les peuple. Ce n’est qu’une question de temps. Place à la reproduction artificielle de la vie. Nos chercheurs y travaillent. Nos politiques y voient des gisements de croissance et d’emploi. L’âge des mutants approche. Il a déjà commencé. Soyons sans crainte.

Tous les feux sont au rouge et nous accélérons. L’ivresse nous gagne. Tête baissée, nous courrons vers notre mise à mort. Les piques, les banderilles, nous ne les voyons pas. Nous ne voulons pas les voir. Seule importe la cape agitée devant nous.

Le climat, l’agonie des sols et des océans, l’empoisonnement et l’irradiation qui gagnent où que l’on soit… Tous les indicateurs sont au rouge. Il serait fastidieux et déprimant de les énumérer, tant ils abondent.

Qu’importe que nous les connaissions, que nous les déplorions. Nous accélérons. Mais comme nous sommes des sociétés soucieuses du bien commun, n’est-ce pas, nous couvrons de vert les feux de signalisation. Le temps doit se plier à nos humeurs. Nous n’avons plus la patience d’attendre. Quelques minutes de nos élites sont plus précieuses qu’une montagne à éventrer pour faire passer un TGV ; des terres vivantes ne pèsent rien, en regard d’un aéroport, d’un centre de loisirs, d’une zone d’activités, de galeries marchandes…

Le temps réel a congédié le réel, chaque seconde de nos vies doit être connectée, c’est-à-dire asservie, mais il faut parler la langue de son temps, on ne peut être contre son temps, alors réjouissons-nous, restons connectés pour le meilleur et le pour meilleur.

Innover, croître, le mot d’ordre est sans appel. Le mal est devenu le remède. Nous n’avons foi qu’en ce qui nous dévore, nous les Prométhée brûlant de tous les feux, qu’ils soient nucléaires, chimiques, électromagnétiques, génétiques, nanotechnologiques… Une nuisance s’ajoute à une autre et nous place dans une situation de non-retour. Le totalitarisme du système technique, c’est aussi cela : s’imposer sans débat et perpétuer ses nuisances pendant des millénaires. Comme il faut aller de l’avant, comme il faut prendre de vitesse l’offre et la demande, la conscience et la contestation du désastre, il est inconcevable d’évaluer quoi que ce soit et d’en tirer les conséquences.

Ce que fabrique notre âge technologique ? Des monstres. Et comme tous les monstres dignes de ce nom, ils nous échappent. Les conséquences possibles de nos innovations sont telles qu’elles deviennent impensables, imprévisibles. Tout se conjugue pour nous rendre hyper-insensibles à la banqueroute générale : la complexité, l’étendue des dévastations dans le temps et dans l’espace, le déni qui est le nôtre…

Comment se représenter l’irreprésentable ? Qui contrôle encore quoi que ce soit, de la réaction en chaine, chaotique comme jamais ?

La profusion des biens et des services nous rend-elle plus heureux, plus riches ?

Qui est riche, qui est pauvre, dans ce monde où l’on fait commerce de tout ? Dans « Les origines de la pensée grecque », Jean-Pierre Vernant écrit ceci : « La richesse remplace toutes les valeurs […]. Elle ne comporte aucune limite […]. L’essence de la richesse, c’est la démesure […]. » A sa racine, on trouve « la pléonexie : le désir d’avoir plus que les autres, plus que sa part, toute la part. »

C’est contre cette convoitise que s’est construite la philosophie. « Celui qui s’accommode avec la pauvreté est riche, en effet, et on doit estimer pauvre non celui qui a peu de choses, mais celui qui en désire davantage », énonçait Sénèque. Quant à Aristote, il notait déjà que « les plus grands crimes » étaient perpétués « pour se procurer le superflu et non le nécessaire. »

Quelle inversion des valeurs, quelle régression. Ces crimes, dont parlait Aristote, sont devenus nos commandements :

– Se goinfrer de futilités et qu’importe si d’autres sont privés du nécessaire.

– Avaler du bitume et tant pis si les agro-carburants font mourir de faim des misérables par millions. Tant pis si l’or noir du Nigéria empoisonne l’air, la terre et les cours d’eau, tant pis s’il repose sur la guerre et sur la famine. Tant pis si le nucléaire détruit le monde, nos voitures atomiques valent bien ça.

– Rester connecté quitte à ce que des esclaves fabriquent nos smartphones. Quitte à ce que des êtres humains soient empoisonnés par nos déchets électroniques et par les mines de métaux rares. Quitte à ce que tout le reste du vivant soit irradié.

– Etendre la société marchande à toutes les sphères de l’existence, fabriquer des jamais assouvis, des frustrés perpétuels, des êtres de pacotille et, un jour ou l’autre, des invendus, des incendiés.

Et voilà que, dans le brasier, des individus tentent de sauver ce qui peut l’être. Ils se réapproprient leur alimentation, leur énergie, leur habitat, leur santé, leur pensée, leur humanité. Ils tentent de s’affranchir des tutelles où s’étiolent leurs jours. Ils incarnent leurs valeurs, ils habitent le monde autour d’eux et le rendent habitable pour d’autres qu’eux. Ils prennent la défense des zones où foisonne la vie. La vie dans une poignée de terre, dans une mare, dans des arbres mémorables, la vie dans nos lambeaux d’humanité, ils la préservent. Ils mettent en actes leurs idées.

Serait-ce le début d’un grand chambardement ? Le ferment du monde à venir serait-il dans ce flot d’initiatives ? Ces gouttes vertueuses, ô combien nécessaires, suffiront-elles à vaincre la fournaise ? Que faudrait-il en plus pour peser vraiment ?

Je ne me risquerai pas à jouer les devins. Le sursaut à opérer me semble si colossal que ses formes et ses contours dépassent l’imagination, en tout cas la mienne. A quatre pattes dans ma pépinière d’oignons et de poireaux, je laisse venir les pensées, sans volonté d’aucune sorte.

Ce qui surgit d’abord, ce sont des questions, des doutes…

– Cultiver son jardin, bien sûr, mais les nuages chimiques et radioactifs, les terres qui deviennent des déserts ? Refuser les téléphones et les compteurs intelligents, fort bien, mais leurs nuisances et l’emprise de la planète intelligente ?

– Comment faire nombre ? Comment franchir le seuil critique au-delà duquel un basculement est possible ?

– Où commencent, où s’arrêtent les alliances possibles ?

– La fin est-elle dans les moyens ? Devons-nous prendre les armes de nos adversaires ? Les armes sont-elles neutres, selon l’usage que l’on en fait ? Quel horizon, à ce jeu-là, sinon devenir de parfaits techniciens ou des guerriers perpétuels ?

– Tous les arguments sont-ils bons à prendre ? Doivent-ils être jugés prioritairement à l’aune de leur efficacité ? Comment imaginer que nous gagnions quoi que ce soit à cette aune-là, terrain de prédilection de la Machine, justement ? Devons-nous taire nos valeurs morales, au motif qu’elles sont inaudibles ? Faut-il leur préférer des arguments pragmatiques, économiques et financiers ? Qu’avons-nous à attendre vraiment d’une victoire remportée pour de mauvaises raisons ?

– Faut-il souscrire à l’accord tacite, passé entre les pouvoirs et les organisations citoyennistes, ne remettant nullement en cause les fondamentaux, mais restant dans le cadre dicté par l’oligarchie : la gestion des nuisances, le marchandage de simulacres, la concertation – le mot fétiche pour ne pas dire l’acceptation –, l’oubli des causes premières au profit du fonctionnement, de la communication, de la reconnaissance ?

A mesure que la pépinière s’éclaircit, les questions laissent place aux rêveries. Les chants d’oiseaux portent en eux des refrains qui se cherchent…

Ça serait un jour du printemps, un jour quand on serait plus mort. Partout, ça ferait comme un chant jusque dans l’âme et dans le corps. L’ivresse et les écrans plasma avec facilités d’paiement, on pourrait vivre sans tout ça et s’offrir enfin du bon temps. On démissionn’rait des usines et des ministèr’s à croqu’-mort qui font turbiner les turbines et les supermarchés d’la mort. Jusque dans les tréfonds d’nos vies, partout ça sonn’rait l’angélus. On serait plus des engloutis. Un jour, on serait tant et plus, que dans les vill’s et les faubourgs, dans les campagn’s et les prairies, y aurait partout, jour après jour, inflation sur le goût d’la vie…

Allongé dans l’herbe, les yeux rêvant dans les nuages, je me laisse emporter par le chant. J’imagine un mouvement qui grandit, des appels à la prise du pouvoir, à commencer par le pouvoir de non-achat ! Quelle force nous avons là si, collectivement, nous savions en faire usage. Commencer par se mettre en grève des achats superflus et nuisibles…

– Ne plus être des compulsifs, des consommateurs qu’on somme de consumer le monde, en finir d’être des têtes de gondoles que d’autres se payent à moitié prix, en avoir soupé des vieilles lunes de la croissance, de la relance, du gagner plus…

– Ne pas prendre plus que notre part, parce qu’il y va de la vie des autres, parce que nous ne serons jamais ni repu(e)s, ni épanoui(e)s à vouloir toujours plus.

– Pourvoir à nos besoins essentiels par nous-mêmes, à l’échelle locale, faire une œuvre commune de nos paroles, retrouver la mémoire de nos mains, devenir artisans et, pourquoi pas, artistes de nos vies.

– Cesser de travailler à notre asservissement et à celui des autres.

– Refuser d’être des cibles, des données exploitées par les algorithmes. Ne plus se laisser réduire à des chiffres, à des comportements prévisibles et obéissants.

– Remplacer les détecteurs électroniques de fumée, de présence humaine, de bactéries dentaires indésirables, de frigo intelligent à remplir… par des détecteurs d’enfumage et de mensonges proférés par les marchands, les décideurs et les valets.

– Proclamer la nuit debout du 4 août avec, autour de la table, les oubliés de toujours, je veux parler des misérables que notre mode de vie décime, je veux ne pas oublier les animaux au supplice dans les bagnes industriels et tous ceux, toutes celles qu’on empoisonne, les vies humaines et non-humaines qui n’ont plus leur place sur la terre…

– Promulguer la Déclaration de nos droits et de nos devoirs.

Sans un coup de canon, des empires, que l’on croyait indestructibles, s’écrouleraient. Ce ne seraient plus seulement des gouttes d’eau que l’on verserait sur l’incendie. La fable tant de fois citée proposerait une autre version. C’est aux pyromanes en chef que l’on s’attaquerait. Leurs forfaits seraient très clairement dénoncés et des sanctions tomberaient. Ils cesseraient d’être des mécènes, des demi-dieux adulés. Nous nous passerions d’eux, enfin. Pour prendre une autre métaphore, nous fermerions le robinet au lieu d’éponger sans fin l’eau qui déborde de partout.

Le souffle serait tel qu’au lieu de relancer les flammes, il les éteindrait une à une.

Pris dans mes folles spéculations, je m’enflamme… Les questions de méthode se dissipent et une évidence s’impose : le mouvement se trouvera en marchant.

Retour sur la terre sacrée. Qui l’emportera de l’incendie ou du grand souffle de la vie ?

De jour en jour, ma pépinière n’en finit pas de grandir. Partout, la végétation s’épaissit, partout les arbres deviennent plus foisonnants. Ce matin, une nouvelle exhortation me vient, avec la renaissance du soleil…

Dès à présent, s’accroupir dans un arpent de jardin sauvage, regarder les millions de brins d’herbe et de gouttes de rosée qui font comme des soleils multipliés. S’imprégner de cette beauté-là et se découvrir millionnaire. Millionnaire en brins d’herbe et en constellations.

La beauté, l’étonnement, la gratuité, les racines de la vie… Gardons-les serrés sur notre cœur. Mais je sais que ces fortunes vous sont précieuses, ami(e)s des causes communes que je salue, dans les beaux jours du printemps.

12 réflexions sur « Notre maison brûle… (par Frédéric Wolff) »

  1. Frédéric, ton si beau texte me donne envie de vous parler de ça, c’est très simple et c’est sûrement aussi toute la force de la simplicité qui fait que ça fait beaucoup de bien… et puis deux autres idées à la fin…:

    1 – Vous savez que contrairement à mon voisin et ses pulvérisateurs de poisons, j’ai laissé pousser toutes les herbes folles dans mon jardin sauvage. C’est une habitude depuis que j’ai la chance de pouvoir disposer de quelques arpents de terre… de Terre … ?
    Heureusement, le voisin empoisonneur est loin de mon petit espacer de bonheur, de l’autre côté de la rivière et de la route même… ce qui ne me console pas pour tout ce qu’il détruit chez lui mais aussi en aval, sans même s’en douter …
    Vous savez quoi ? Ce qui pousse dans mon petit jardin sauvage au pied de la montagne aux châtaigniers est une splendeur !
    Ceux qui coupent tout ce qui dépassent dans un bruit épouvantable ne savent pas de quoi ils se privent. Je n’utilise qu’une faux manuelle et une serpette, uniquement pour avoir un chemin vers le lieu ou l’on étend le linge à sécher.
    Parmi ce qui pousse, il y a par exemple une sorte de « Diplotaxis » (si je me souviens bien) haut quasiment comme moi… et Fabrice, quand on s’est vus à Lyon, tu m’as dit que j’étais bien grand 😉
    Donc cette plante est géante, impressionnante (elle est montée en 15, 20 jours seulement !) et elle porte un multitude de petites fleurs blanches, support et nourriture pour des myriades d’insectes de toute beauté : abeilles, fourmis, scarabés minuscules à reflets métalliques…
    Pour mes enfants, toutes les semaines, je réalise un petit bouquet multicolore de toutes ces différentes fleurs, comme une petite quintessence de ces splendeurs que je pose ensuite dans un vase très sobre sur la table de la cuisine.
    Et bien cette mini cueillette crée un lien que je n’imaginais pas : ça me permet une sorte d’inventaire de cette biodiversité florale et simple et je me dis que les autres années, j’ai raté quelque chose : savoir qui pousse où et comment, savoir que la diversité est vraiment étonnante…

    2 – Merci à toi, Frédéric, de placer nos tourments sur le plan de la mythologie prométhéenne, de faire référence à l' »hubris » des grecs… oui, ce sont bien les fondements même qu’il faut revoir.
    Lisez donc « L’événement anthropocène » de Christophe Bonneuil, lisez le, vous verrez combien les événements que nous vivons et dont nous sommes tous responsables dynamitent complètement jusqu’à notre manière de penser notre connaissance du monde : nous vivons aussi une révolution « épistémologique »… il faut en tenir compte ou nous en crèverons tous ! La science a pris un de ces coups de vieux… notre arrogance rationaliste aux relents positivistes aussi !

    3 – Un outil pour un monde meilleur : la fin de l’héritage ! Si certains aiment ça (chacun ses vices), ils peuvent accumuler toutes les richesses qu’ils veulent tout au long de leur vie. Mais à leur mort, toutes ces richesses sont cédées à la collectivité.
    Faites comme John (Lennon) : i-ma-gi-nez ! Oui, imaginez les conséquences… ! Immenses à mon avis… et plutôt positives !

    Qu’en pensez-vous ?

    1. ^^

      Je sais que les Beatles connaîtront le succès comme aucun groupe ne l’a encore connu. Je le sais très bien, car pour ce succès, j’ai vendu mon âme au diable.  » John Lennon à R. Coleman (en 1962)

  2. En interruption de lecture de « La poésie sauvera le monde », sorte de manifeste très dense, intense et beau du poète (etc.) Jean-Pierre Siméon (ed. Le Passeur, janvier 2016), je lis ce billet… tout aussi dense, intense et beau du jardinier (etc.) Frédéric Wolf !:

    Chacun à sa façon, voilà deux lanceurs d’alerte parmi tant d’autres, mais dont la maîtrise de pensée lucide et la qualité d’écriture est rare. D’autant plus efficace…

    Le fait est que, partis de domaines différents (schématiquement la culture pour Siméon et la nature pour Wolff), on en arrive (en gros) à la même conclusion :
    à savoir que la fenêtre de l’espoir est étroite, mais que le désir de « remettre le monde à l’endroit » est irrépressible, ce qui est la force vitale de nos luttes…

  3. (re)mettre le monde NATUREL à l’endroit, mais pas (re) mettre la société humaine à l’endroit, juste la « mettre » à l’endroit… car pour moi, il n’y a pas eu un âge d’or où elle était à l’endroit, pas d’endroit à (re)trouver mais à créer de tout pièce (enfin j’exagère un peu mais pas le temps ) nous avons donc à créer cet « endroit » contraire de l’envers que nous vivons et non pas à le (re)créer.
    Je dis souvent aux opposants de l’ours dans les Pyrénées qu’ils prônent « un monde à l’envers » avec les animaux domestiques en liberté et les animaux sauvages en enclos… 😉

  4. Merci pour ce texte qui me fait esperer une epoque ou la politique sera poesie, ou elle aidera chacun a donner le meilleur de soi-meme, au lieu de nous infantiliser, de nous controler et de nous distraire dans des polemiques stupides…

    Sur l’endroit et l’envers: Je comprends ce que tu veux dire P.P. mais les expressions « remettre a l’endroit », « re-donner », « se-reapproprier », « retrouver le bon sens », etc. qui ont aussi leur equivalent en anglais (« reclaim », etc.) ont un sens profond meme si, a priori, elles sont paradoxales concernant des choses qui n’ont probablement jamais ete a l’endroit, qui n’ont jamais ete notre propriete, etc. Il y a un mystere concernant le patrimoine: Tout ce qui nous vient du passe nous apparait comme bon, meme si la notion que le passe est meilleur que le present defie toute logique. C’est peut-etre du a un phenomene de « decantation »: Seul ce qui est bon survivrait assez longtemps pour etre transmis, le reste disparaissant « dans les poubelles de l’histoire » comme on dit… Ou alors ce n’est peut-etre qu’une illusion? Pensons a la tres haute idee que les Francais se font de leur revolution, cet episode de violence et de terreur qui a enfante Napoleon et ses guerres folles, precurseur de Hitler… Pensons a la tres haute idee que se font les Americains de ces gens qu’ils appellent « les peres fondateurs » et de l’ideal qui les animait… ces gens responsables du pire genocide connu de l’histoire humaine! Et maintenant, si on applique la notion de patrimoine a la nature (et non plus seulement a la culture) on a un paradoxe encore plus difficile: De la nature qui a evolue de concert avec la culture, on veux conserver quoi exactement, et surtout comment? Peut-etre que le texte de Frederic Wolff donne une indication de la direction ou chercher! Poesie qui devient politique, politique qui devient poesie, un avenir que l’on peut faire, que l’on peut vouloir?

  5. Le discours est beau mais la réalité est si différente. Pour qu’on puisse sauver les choses, il faudrait encore que les choses soient là, mais le désert s’étend: arbres, fleurs, plantes, animaux, insectes. Il n’y pratiquement plus rien. Que des miettes. Ok, après tout, on peut se goinfrer et tout détruire, on vit. On peut aussi se contenter des quelques miettes qui restent, mais vit-on longtemps avec des miettes?
    Je lisais il y a 2 jours un article d’un américain qui donnait 2-3 génétations à l’espèce humaine et hop terminé. En cause, un réchauffement climatique qu’on devrait stabiliser à 2 degrés, ce qui était déjà une catastrophe en soit, mais qui s’envole vers 4,6,8 degrés. Donc fin de l’espèce…
    Et puis aussi, si toutefois on échappait à la première catastrophe, l’arrivée des robots et des transhumains augmentés devrait finir le travail, selon lui.
    Espèrer, dit l’article? Espérer. L’espoir fait vivre mais l’espoir est vain. Le mal est trop important. On aurait à guérir un petit rhume, cela irait, mais nous sommes face à un cancer généralisé.

    1. Oui c’est vrai .Mais un peu de rêve et de poésie ça me réchauffe le cœur.C’est important aussi d’être touchée ;de sentir la rosée;et de rêver que c’est possible…ça n’empêche pas le reste mais ça permet de se sentir vivant .

  6. La poesie ce n’est pas forcement de la « reverie », c’est souvent plus fort et plus precis que beaucoup d’autres formes soi-disant « serieuses » et « realistes »… Comme imitees de maniere meme pas exageree par Fabrice Nicolino dans son « reportage de notre envoye special au coeur de l’impossible »!!! http://fabrice-nicolino.com/index.php/?p=2307

    Lorsqu’on lit Rene Char, Charlotte Delbo, Jacques Lusseyran… et que l’on compare leurs ecrits avec ceux des journalistes et politiciens en vue de leur epoque, on s’apercoit que ceux qui « revassaient » etaient ceux qui croyaient etre dans le reel, mais ne l’etaient qu’a moitie, ou meme pas a moitie!

    La poesie est comme la pointe sensible de la pensee, la ou la forme n’est pas encore bien figee, la ou la volonte doit faire un effort pour se projeter dans le futur, comme la pointe si fragile, et d’une forme si delicate et fragile, des pousses a peine ecloses.

  7. Salut en retour pour ce beau texte qui résume tout.
    Que dire de plus ?
    « La maison brûle », il y a 13 ans ? « Beds are burning » (le groupe de rock australien midnight oil), c’était il y a plus de 25 ans, 1989 … ça va trop vite. Trop vite pour nos pauvres cerveaux. Le temps déjà d’assembler les pièces du puzzle pour que le paysage de cauchemar se révèle dans toute sa cohérence.
    Beaucoup trop ne savent pas. Beaucoup trop ne veulent pas savoir. Beaucoup trop savent et ne veulent pas changer leurs habitudes d’un iota.
    Je suis pessimiste. Nos dirigeants et beaucoup trop de nos contemporains sont des Gamelin en puissance. Plutôt que se préparer, ils ne « croient pas » à « l’impossible ». Ils se réveilleront trop tard, les pieds dans le vide, comme le troupeau de moutons dans la falaise.
    Nos dirigeants franco-français, et leurs concurrents en embuscade qui attendent leur tour, foncent dans l’autre sens pour « rattraper » les autres nations. Ils pensent que notre pays est « inréformable » : « Notre pays est trop statique. Nous sommes en face du gouffre. Il faut faire un grand pas en avant ». 🙂 Ils ne l’ont pas dit comme ça, mais c’est tout comme.
    Je suis d’accord avec toi P.P. Pas de nostalgie pour des sociétés humaines du passé qui ont toujours été très dures. Tout reste à inventer, en prenant juste du passé ce qui le mérite, mais il nous reste de moins en moins de temps, c’est probablement déjà trop tard, et quand bien même ne rien lâcher. Juste la nostalgie du passé pour une Nature qui n’avait pas encore subie l’ampleur des destructions actuelles. Retenir le respect de la Nature des indiens d’Amérique du Nord, ou du moins l’idée qu’on s’en fait. Je pense à « San Jacinto » de Peter Gabriel qui lui a été inspiré par un « natif » qu’il a accompagné vers sa maison qui brûlait, et qui était inquiet pour son chat, avant ses biens matériels…
    L’humain bionique, ou le mutant, n’aura pas le temps d’arriver, l’effondrement arrivera plus vite qu’on ne pense. Voir les études de Pierre Yves Longaretti, Pablo Servigne, Naomi Oreskes. Comment ça va se passer ? ça fait peur. Y aura-t-il un semblant d’intelligence et de cohérence dans nos sociétés ? Ou un chaos comme l’ex-Yougoslavie, la Syrie, où ce sont les plus faibles qui vont morfler, et les brutes, les moi-d’abord qui prendront le pouvoir ? Ceux qui remplissent les bidons d’essence en sus du réservoir ? Ceux qui s’appuient sur la tête des autres pour sortir de l’eau ?

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