Une réponse à monsieur le sénateur Dantec

On va faire comme si vous aviez lu le papier précédent, que j’ai consacré à Ronan Dantec, sénateur EELV de Loire-Atlantique. Et si ce n’est pas le cas et que vous vouliez comprendre ce qui suit, je crois qu’il est préférable de vous y mettre. Vous pourrez lire aujourd’hui ma réponse à une lettre de monsieur Dantec, suivie de cette même lettre.  Voici ma prose.

Monsieur Dantec,

D’abord, un merci sincère pour votre intervention sur Planète sans visa. Vous n’étiez nullement obligé, et votre mot signifie que vous êtes ouvert à l’échange, fût-il polémique. Et je dois avouer d’emblée que mon texte n’a pas dû être très agréable à lire.

Avant de répondre sur le fond, deux points qui m’irritent le poil sans faire rien avancer entre nous. Un, j’étais présent à Notre-Dame-des-Landes le 9 juillet, et vous avez donc tort sans discussion, sur ce point en tout cas. Deux, je ne sais pas ce que vous sous-entendez en écrivant « Embarqué dans une croisade anti-EELV dont je serai curieux de connaître les ressorts ». Je ne le sais, mais vous sous-entendez, et cela me défrise, car je n’ai rien à cacher. Je n’ai par chance jamais appartenu à votre mouvement, mais j’ai eu l’occasion professionnelle, dès les années 1988-1989 de m’approcher de vos écuries d’Augias, et je crois pouvoir vous certifier qu’elles méritaient déjà d’être nettoyées de fond en comble, ce qui n’aura jamais été fait. Mes raisons de critiquer sans relâche un mouvement politique dérisoire qui a, pour notre malheur, préempté une cause sacrée, mes raisons sont politiques bien sûr, mais aussi morales. Et je crois devoir inverser l’ordre des mots. Morales, puis politiques. Votre mouvement disparaîtra à coup certain, tant il ne représente rien qu’une coterie, mais il aura fait beaucoup de mal à une société qui n’avait pas besoin de cela. Je vous rassure : je ne partage à peu près rien avec votre parti. Pas depuis hier. Depuis des lustres. Ne cherchez pas plus loin que l’écœurement. EELV m’écœure quand j’y pense, ce qui se fait heureusement de plus en plus rare.

Venons-en à votre réponse. Je sais, je crois savoir que vous êtes plutôt une bonne personne. J’ai toujours dit et souvent écrit que vos murs abritaient, malgré ce qu’ils contiennent aussi, des gens de qualité. Dont vous ? Je n’en sais rien, mais je suis tout prêt à le croire. Seulement, il resterait à le démontrer autrement que par les pénibles mensonges dont vous m’accablez. Un lecteur peu attentionné pourrait croire que vous répondez à un coup de gueule d’un certain Fabrice Nicolino. Au passage, sans lui donner le moyen de savoir ce que j’ai écrit, ce qui ne laisse pas d’être curieux. Mais passons : un semblant de réponse.

Hélas, vous rusez, tel le premier politicien venu. Car vous vous retranchez derrière vos « intentions », que j’aurais maltraitées ici même et dans un petit billet de Charlie. Or moi, j’ai parlé de faits concrets, que vous ne vous hasardez pas à contester. Et vous avez raison, car ils sont vrais. Oui, vous avez le 9 juillet, auprès d’interlocuteurs choisis, décrété que le combat contre l’aéroport était perdu et qu’il fallait songer à une « sortie de crise honorable ». Oui, vous avez annoncé que vous voyiez Hollande le lundi suivant, auprès de qui vous entendiez jouer le rôle de Monsieur Bons Offices. Et cela, monsieur Dantec, je vous mets au défi de le démentir formellement. Je sais, figurez-vous, et je suis sûr que vous savez que je sais. Soyez sûr que je ne me dégonflerai pas, car je ne sais pas faire.

Vos intentions vous appartiennent, et ne les connaissant pas, je ne les commente pas. En revanche, le double-jeu dans une affaire aussi cruciale que celle de Notre-Dame-des-Landes concerne tous les combattants de cette formidable mobilisation. Voilà en quelques mots ce que je souhaitais vous dire. Si vous êtes un homme honnête, ce qui n’a rien d’impossible, peut-être admettrez-vous, au moins au fond de vous même, qu’il peut être utile de tracer des limites au sol. Entre l’honneur et tout ce qui n’en est pas.

Encore merci – sincère – pour avoir accepté de venir ici.

 


LE TEXTE ENVOYÉ PAR RONAN DANTEC

Ma réponse à Fabrice Nicolino : à NDDL, il nous faut absolument préserver notre capacité à rassembler des cultures militantes différentes

Cher Monsieur,

Je ne souhaitais pas répondre à votre précédent billet mais votre écho dans Charlie ne me laisse guère le choix, tant il est chargé de violence verbale contre EELV, et en particulier à mon encontre. Je ne le souhaitais pas car répondre pourrait brouiller un autre message : l’admiration profonde que je nourris pour ceux qui maintiennent la vigueur de leurs plumes et de leurs crayons même quand ils se savent menacés. Je veux donc réaffirmer tout d’abord mon profond respect pour le courage permanent de l’équipe de Charlie.

Mais, vous le reconnaitrez sans nul doute, il faut aussi savoir se dresser contre les postures faciles et les excommunications à la va-vite.

Les intentions qui me sont prêtées dans cet écho au vitriol sont totalement infondées et je les déments fermement. Il y a d’ailleurs dès le départ une contradiction évidente que l’auteur, dont on a bien compris qu’il voyait tout cela de très loin, ne s’est guère embarrassé à démêler. Mais pourquoi aurais-je passé autant de temps et d’énergie avant et après le résultat de la consultation sur un aéroport de Notre-Dame-des-Landes, à souligner qu’elle ne légitimait pas le projet (Libération, RTL, Télénantes le soir de la consultation, tous les médias locaux, au point d’être aussi une des têtes de turc des pro-aéroports sur les réseaux sociaux) pour, quelques jours après, arrêter la lutte pour une poignée de cacahuètes ? La question n’a pas, semble-t-il, effleuré le journaliste. Si les intentions qui me sont prêtées étaient vraies, j’aurais mieux fait, comme d’autres, de solennellement reconnaître le résultat, de dire ma tristesse et mon respect de la démocratie, et le tour était joué !

Ce n’était pas mon choix tant ma colère reste grande sur la transformation par Manuel Valls de cette consultation en tentative de relégitimitation d’un projet indéfendable. Avancer aussi l’hypothèse, au risque d’un populisme atterrant, que je penserais d’abord à un accord électoral en Loire-Atlantique est même risible après l’échange extrêmement tendu que j’ai pu avoir en mars avec Manuel Valls au lendemain de l’annonce des modalités de la consultation (voir ici). Je vous propose, Mr Nicolino, de le visionner pour prendre la mesure de notre complicité politique ! Embarqué dans une croisade anti-EELV dont je serai curieux de connaître les ressorts, notre chroniqueur acrimonieux ne semble pas accepter un fait déjà ancien, sur le rôle des élus EELV pour porter, avec d’autres, la parole dans cette lutte, notamment au niveau national. Nous ne cherchons pas à l’accaparer, mais quand les journalistes nous appellent, nous leur répondons.

Cela nous donne aussi comme responsabilité de bien mesurer où en sont les acteurs de terrain qui portent historiquement cette lutte, notamment les paysans et leurs syndicats, qui continuent aujourd’hui comme hier à avoir notre soutien dans les choix qu’ils font pour la suite de la mobilisation. C’est de là que semble être partie cette incompréhension, pour ne pas dire ces ragots. Oui, j’ai passé mon samedi 9 juillet à NDDL à voir nombre d’acteurs, pour discuter de la suite, et aborder avec eux, sans tabous, toutes les hypothèses, y compris pour dissiper certaines rumeurs préexistantes sur l’attitude à venir de certains acteurs. « Un certain » chroniqueur ne s’est pas, semble-t-il, senti obligé d’en faire autant ! En quinze ans et des centaines d’interventions publiques sur le dossier NDDL, vous ne trouverez donc pas de propos de ma part fragilisant ce mouvement que je trouve exceptionnel sur bien des plans, notamment sur la capacité d’expertise citoyenne qu’il a générée. J’ai affirmé au lendemain de la consultation en Loire-Atlantique (cf. interview dans Libération du 27/06/16), que le refus du gouvernement d’en faire un véritable moment démocratique se concluait sur « deux camps encore plus mobilisés ». On peut difficilement faire plus clair. J’ai effectivement vérifié lors de la journée de mobilisation du 9 juillet dernier à NDDL, en rencontrant nombre de responsables associatifs et syndicaux que cette détermination était intacte, et la manifestation début octobre permettra de le vérifier à nouveau. Je l’ai fait en évoquant toutes les hypothèses possibles, ce qui ne veut pas dire que je les faisais miennes (c’est là que votre papier tourne au procès d’intention sur fond d’anti-EELV primaire). C’est donc bien cette détermination que j’ai pu ainsi mesurer, que je rappelle à ces interlocuteurs parisiens que je rencontre forcément (j’ai quand même beaucoup ri de l’évocation du repas à l’Elysée du 11 juillet où nous étions 300 pour accueillir le président sud-africain ; selon vous, avoir ses « entrées » signifierait donc juste être membre du groupe d’amitiés France-Afrique du Sud !). Et il n’y a pas aujourd’hui de ma part de négociation d’abandon de la lutte en rase campagne, que les choses soient ici bien claires. Seuls les pro-aéroports ont intérêt à faire courir ce genre de rumeurs.

A propos d’EELV, et ne vous en déplaise, notre action ne se limite pas aux interventions publiques. C’est d’ailleurs pour cela que je suis en colère contre cet écho peu responsable. Être brocardé par un distributeur auto-proclamé des bons et mauvais points de la lutte n’est pas d’une très grande importance, mais distiller l’idée que le mouvement se fractionne est plus fâcheux. J’en viens donc à me demander si cette lutte ne vous embête pas un peu, car ses principaux animateurs ont théorisé la complémentarité de l’action, y compris entre des militants aux cultures antagonistes. Contre tous les tenants des combats simplistes, avec les bons et les méchants, elle assume la complexité, y compris en intégrant donc, comble de l’horreur, d’affreux réformistes, des élus locaux en ménage ici et là avec d’encore plus horribles socialistes, ce qui est le comble de l’immoralité pour certains prédicateurs de la pureté des luttes !

Il me semblait pourtant, cher Monsieur Nicolino, que nous partagions un même sentiment sur l’enjeu de cette mobilisation, qui marque l’opposition entre deux visions, celle qui intègre la finitude de la planète comme une exigence s’imposant à toute action publique, face à celle, encore dominante, où s’insérer dans la compétition libérale, y compris entre territoires, reste une priorité inéluctable des choix politiques. Ces deux lectures du monde s’entrechoquent à NDDL, mais pour autant elles ne disent pas l’uniformité des deux camps, bien au contraire. La grande force des animateurs historiques de cette lutte a ainsi toujours été de conserver cette diversité des acteurs, chacun venant avec ses propres convictions et cultures militantes … y compris celles s’inscrivant dans le champ politique du compromis. Ainsi, même si vous ne portez de toute évidence pas EELV dans votre cœur, vous ne pouvez ignorer l’importance qu’ont eu les accords municipaux PS / EELV de Nantes et de Rennes pour obtenir, au printemps 2014, l’engagement du gouvernement à attendre les résultats des recours juridiques en cours avant tous travaux, accords politiques dont le respect reste plus que jamais ma priorité sur ce dossier, champ d’intervention où je suis probablement et humblement le plus utile.

Cette lutte est donc complexe, en tension, sujette aux rumeurs, aux mauvaises interprétations, chaque phrase mal prononcée peut donner lieu à des réactions en chaîne. Mais si nous brisons la capacité de cette lutte à marier des formes d’action d’essences différentes, voire antagonistes, alors cette mobilisation magnifique sera perdue.

J’assume aussi très profondément mes prises de position pour une recherche de solutions. La non-violence n’est pas une posture théorique, une facilité pour s’en laver les mains si les choses dérapent ; c’est bien chercher, de là où on est, à recréer un dialogue, y compris au cœur de la tension. C’est ce que j’ai toujours fait sur ce dossier, appelant sur place à l’arrêt de l’opération César, ou définissant au conseil national de la transition écologique (CNTE) ou dans la presse (cf. Presse Océan du 27 février 2016) les conditions d’une consultation aux résultats acceptables par les uns et les autres, après que le président de la République ait annoncé, suite au drame de Sivens, que la consultation locale pouvait être une réponse pour trancher les situations de blocage. Ma colère est grande car je pense effectivement qu’une consultation bien préparée, avec les expertises indépendantes manquantes, le bon périmètre et l’égalité des moyens, aurait été une vraie démarche non violente, une vraie solution, que Manuel Valls a donc sabordée.

Je n’ai pas à ce stade une idée de la manière d’éviter un affrontement qui pourrait être tragique, car on ne parle pas ici de risque statistique, mais de militants réels qu’on connaît, de jeunes qui peuvent être issus de nos familles. Je suis juste convaincu, dans cette période de surenchère dans les coups de menton et de retour plausible de la droite au pouvoir, que ce risque est bien réel. Il est donc de notre responsabilité de chercher à éviter tout nouveau drame sans pour autant abandonner une lutte légitime. Quitte donc à me retrouver brocardé par certains, au risque de phrases mal comprises, d’hypothèses posées et mal interprétées, je continuerai ce dialogue avec tous les acteurs …

C’est probablement plus risqué que de se contenter de slogans de postures, ça mérite sans nul doute d’être brûlé en place publique par les gardiens de la cause, mais il faut savoir, sans honte, tenir son fil.

Pour obtenir les liens hypertextes actifs contenus dans ce message, voir à cette page :
http://www.ronandantec.fr/index.php/tribunes/680-22-juillet-2016-ma-reponse-a-fabrice-nicolino-a-nddl-il-nous-faut-absolument-preserver-notre-capacite-a-rassembler-des-cultures-militantes-differentes

7 réflexions sur « Une réponse à monsieur le sénateur Dantec »

  1. « cette période de surenchère dans les coups de menton et de retour plausible de la droite au pouvoir »

    Monsieur le sénateur se moque-t-il de nous ?

    Est-ce un gouvernement de gauche qui réduit à la misère tous les gens qui survivent avec un RSA famélique ?

    Est-ce un gouvernement de gauche qui accule au suicide une mère de deux gosses survivant avec moins de 400 euros mensuels ?

    Est-ce un gouvernement de gauche qui met à la rue une gamine le jour de ses dix-huit ans parce que le conseil départemental « n’a pas vocation à assister » une orpheline plus longtemps ?

    Est-ce un gouvernement de gauche qui montre du doigt des familles parce qu’elle sont binationales ? Jamais je n’aurais pensé, malgré ma défiance foncière à l’égard du PS, que ses élus prôneraient la politique de Drumont (un Juif n’est PAS un Français) avec la déchéance de nationalité qui a toujours été un marqueur de l’extrême-droite.

    Fabrice, tu voudras bien me pardonner de causer tambouille politicarde. Mais cette phrase de Monsieur le sénateur m’a beaucoup énervé. Parmi bien d’autres…

  2. En fait, comme d’habitude, EELV passe son temps à parler avec les traitres (les socialistes). Ma femme dit souvent qu’un EELV est juste un PS qui s’ignore.
    En son temps, j’avais fait un texte sur carfree qui montrait déjà la bouffonnerie des verts sur notre dame des landes:
    http://carfree.fr/index.php/2012/10/29/il-faut-sauver-cecile-duflot/

    Je me rappelle aussi avoir parler une fois avec un député EELV qui cautionnait une usine chimique qui fabriquait des produits servant à la fabrication des téléphones portables et qu’il fallait s’en réjouir car les téléphones portables étaient utiles.
    J’ai aussi vu des mecs EELV qui admettaient des coupes d’arbres à grande ampleur dans les villes parce que c’était pour faire un tramway et que le tramway c’est super.
    Le pire, cà a été une manif vélorution devant un meeting EELV et un grand ponte du système vert qui m’a dit « bof, vous savez, moi, ce que vous me dites….je ne fait partie d’EELV ».

    Ce parti ne sert à rien. Il vampirise tant qu’il peut les mouvements écologistes. Le seul mouvement dont ils n’ont jamais eu le contrôle, c’est ceux des faucheurs volontaires d’OGM.

  3. Toute cette écologie politique me dégoûte (et me terrifie).
    Ou l’on souhaite que l’être humain en revienne ou en vienne enfin à son essentiel (par conviction propre), et l’on pratique, l’on s’y met soi… ou l’on navigue pour se faire une place de pouvoir, adore les lois et les obligations pour les autres (passe-droits pour soi), avec pour surenchère, le discours du bien. Le choix est trop souvent net et tranché (dans quel sens, je laisse répondre !).
    Je n’ai pas hâte au « délinquant énergétique » que nous promet ce récent « paquet » de transition énergétique (le lieu de l’intime qu’est le domicile enfin mis au pas, carte vitale, linky, etc. outils de contrôle associés).
    Merci au partageux d’avoir souligné les simples et affreuses réalités de la politique sociale (qui ne sont qu’un accommodement de l’ordure capitalistique, aujourd’hui sans limite dans sa lutte ouverte, totale, terrorisme compris, pour sa survie).

    1. Enfin quelqu’un qui ose dire que les Savonarole de l’écologie sont tout aussi dictatoriaux que ceux qu’ils dénoncent. D’autant que l’écologie est une affaire extrêmement profitable pour ceux qui ont réussi à se loger dans les niches administratives qui s’appellent: certification AB, production photovoltaïque et éolienne. Quand à Green Peace, c’est devenu une multinationale subventionnée par toutes les autres qui veulent faire du « green washing ». Heureusement que les ambitions individuelles et la pantalonnade de certains élus pour obtenir un maroquin détruit dans l’opinion publique l’attirance pour un mouvement intolérant et sectaire.
      Dernier point : Grâce aux Grünen, l’Allemagne est l’un des pays les plus pollueurs d’Europe pour produire de l’électricité. Mais c’est pas grave puisque les pluies acides (combustion de la lignite) vont majoritairement en Pologne et en république tchèque en raison des vents d’Ouest dominants.

  4. Si Fabrice affirme et ‘sait que Dantec sait »..Il peut (à coup sur ?) s’agir de Bayou -Cormand… faire la peau de Dantec pour toucher Jadot (même motion…) et candidat contre Duflot est de leur triste et sinistre niveau politique
    À bas les verts, vive l’écologie !

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