Trois milliards de bagnoles (et une poignée de cons)

Extraordinaire démence : un article du Figaro reprend les conclusions d’une étude menée par le Fonds Monétaire International (FMI) de cet excellent monsieur Strauss-Kahn qui, avec un peu de malchance, aurait pu être aujourd’hui au poste occupé par Nicolas Sarkozy. Si vous préférez jeter un oeil sur le texte original en anglais, ici (chapitre 4).

De quoi s’agit-il ? Eh bien, selon ces grosses têtes qui commandent la marche du monde, la bagnole individuelle est l’avenir. On en compte environ 600 millions, ce qui est une misère. La plupart sont au Nord – 460 engins pour 1 000 habitants des États-Unis -, mais cela a toutes chances de changer. À l’horizon 2050, la terre pourrait compter d’après le FMI près de cinq fois plus de voitures : environ 2,9 milliards d’unités.

L’essentiel de ce flot – un déluge – se déverserait sur les pays du Sud, bien entendu, où l’on a l’imbécile habitude de marcher à pied ou d’utiliser un simple vélo. La Chine devrait gagner dans la noble aventure 500 millions de véhicules supplémentaires et l’Inde 330 millions. Comment en arrive-t-on à de tels calculs ? Eh bien, en s’appuyant sur l’histoire de l’économie. Ben oui, quoi. Le passé montre que lorsque les hommes s’enrichissent, ils se tournent de plus en plus vers des transports privés. Pourquoi cela changerait-il ? Vous prenez une abscisse, une ordonnée, vous tracez une courbe en tirant un peu la langue pour montrer que vous êtes concentré, et vous voilà en une demi-heure le roi de la piste. Les collègues des bureaux voisins, dans l’immeuble climatisé de Washington où vous avez oeuvré, viennent vous taper sur l’épaule. What a guy ! Quel type !

Pardi ! Si tout cela dure, cela devrait continuer, non ? Je crois que nous tenons là la quintessence du « développement durable » tel que vu et défendu par le règne de la marchandise. Le point de vue « économique » sur l’avenir de la planète, qui commande à tous les politiques que je connais, est une absurdité complète, je crois que cela est évident.

La courbe grotesque du FMI est parfaitement juste, mais à la condition qu’on oublie les détails qui l’entourent. Il n’y a pas assez d’argent, d’acier, d’eau, de matières premières diverses et variées pour produire autant d’objets d’une telle puissance. Car n’oublions tout de même pas qu’il faudra songer un peu à nourrir, vêtir, éduquer de 9 à 10 milliards d’humains à l’horizon 2050. Il n’y a pas assez d’espace et de moyens matériels pour ouvrir les innombrables routes et rocades qui seraient nécessaires pour dépasser le pas d’un marcheur fatigué. Il faudrait reconstruire un nombre incalculable de villes, surtout dans le Sud, de manière que les avenues remplacent rues et ruelles, bien adaptées à l’homme et au vélo, mais sûrement pas à la bagnole. Mais comme on sait, il n’y aura presque plus de pétrole, et malgré la magnifique perversion des biocarburants, on voit très mal ce qui pourrait, d’ici là, remplacer ce carburant hors pair. Enfin – vous compléterez l’interminable liste sans moi -, la crise du climat interdira de toute façon cette fuite en avant on ne peut plus criminelle.

Faut-il ajouter un mot ? Voici en tout cas le mien. Les hommes qui écrivent de telles sottises sont peut-être intelligents. Je n’en sais rien, mais c’est possible, car la définition de l’intelligence, qui me passionne, est d’une rare complexité. Ce qui ne souffre pas discussion, c’est que cette vision de l’avenir commun est fausse. Or ces gens sont vantés par le monde officiel, dont celui des médias, comme des éclaireurs. Des pionniers. Des visionnaires. Je serai direct : ce sont des cons, des cons dangereux.

Et les écologistes, auxquels je m’honore d’appartenir ? Certains, que je ne nommerai pas ici, sont aussi peu clairvoyants. Mais d’autres, et je ne rougis pas de l’écrire, car je le crois, font preuve d’une intelligence collective – collective, j’y insiste – admirable. Il leur arrive de se tromper, certes. Sur des questions qui ne sont pas toujours secondes, oui. Mais sur le fond, mais quant à l’essentiel, le meilleur du mouvement écologiste dit depuis quarante ans au moins la vérité profonde des sociétés humaines. Et moi, je suis fier de cela. Ai-je tort ?

23 réflexions sur « Trois milliards de bagnoles (et une poignée de cons) »

  1. Oh non, pas tort du tout, bien sûr ! Ces irresponsables ne voient que le bout de leurs profits à court terme et, pour certains, savent sans doute qu’il faut faire vite pour fourguer bagnoles et pétrole avant que tout s’écroule. La preuve avec l’exemple des 4×4 qui, criminellement (y a-t-il un autre adverbe ?), continuent à encombrer nos villes tandis que Borloo & consorts nous conseillent d’utiliser pistes cyclables et transports en commun (ce que je fais malgré tout). Excusez-moi mais c’est du foutage de gueule, voilà, comme si on devait avoir le choix : protéger la planète ou continuer, au nom d’une liberté individuelle prétendue intouchable, à la saborder !

  2. Je salue fraternellement,ici, les « Anciens » qui disent ou radotent les memes choses depuis 1970 et meme avant.Pour les routes ,rocades et extensions des villes ,rien d’impossible.pour exemple UTRERA près de Séville .Tout simplement ahurissant.Tout fiche le camp!

  3. j’ai mal au crâne (à force de marcher dessus avec les autres, sans aucun doute). je pars quelques jours dans la belle estuaire de la loire redécorée par total . je vous rapporte des coquillages ?

  4. Bon, moi, en 70, j’avais 10 ans… A propos de foutage de gueule :
    Faim :
    « La France entend porter à 60 M d’euros (près de 100 M de dollars) « dès cette année » son enveloppe d’aide alimentaire, a indiqué le chef de l’Etat. »
    Foot :
    « Le champion de France en titre entame la saison armé du plus gros budget de la L1 : 90 millions d’euros. »

  5. En parallèle avec les prévisions délirantes sur la bagnole, un autre exemple tout aussi fou : le transport aérien.
    Nos élites prévoient un accroissement de 5% par an de ce traffic au moins jusqu’en 2026… En ce qui concerne l’inutile aéroport de Notre-Dame des Landes près de Nantes, on parle de 9 millions de passagers par an en 2050… Oui en 2050 après l’épuisement des derniers barils de pétrole, cela ne gêne pas le moins du monde nos politiens bretons qui défendent ce projet débile…

  6. Bonjour à tous. Encore une fois, Fabrice, je suis en parfait accord avec vous. Sauf, hélas, sur un point : le réchauffement global. Je ne souhaite en aucun cas polémiquer, c’est juste pour moi l’occasion de préciser un point : on peut avoir un regard critique sur la parole du GIEC, son fonctionnement, les éléments mis en avant et ceux dont on ne parle pas, etc., et aussi considérer que le monde marche sur la tête, déplorer les pollutions, s’insurger contre le gaspillage et les inégalités, être favorable à la décroissance et s’efforcer de vivre concrètement en accord avec ces principes…
    Au moins l’argument du réchauffement pousse-t-il à prendre des mesures bonnes en soi ; mais je ne voudrais pas assister à un renversement d’opinion sur le bien fondé d’un changement de comportement (de société, même) quand on finira (si on finissait) par mettre en évidence le rôle négligeable, voire nul, de l’Homme dans l’évolution actuelle du climat (qui n’est pas synonyme de réchauffement).
    Cordialement

  7. @ Hacene, je vous renvoie à ce lien : http://www.eco-echos.com/dotclear/index.php?2008/04/09/344-bien-avant-qu-on-n-ait-plus-de-petrole-on-n-aura-plus-d-atmosphere dans l’hypothèse ou Claude allegre serait un scientifique véritable . En tout cas, Tom brown reuters en est un , prix nobel de chimie il me semble . Et il soulève un point important : car s’il n’y avait que le réchauffement climatique, mais .
    mais au revoir ou adieu les abeilles, mais des émeutes de la faim dans trente sept pays, mais total qui défigure la forête canadienne (il n’est pas le seul, nous ommes d’accord) et ma chère estuaire, mais les chinois qui importent déjà massivement des matières agricoles . Voilà, voilà . nous avons actuellement, avec le réchauffement en prime, pas une, mais mille raisopns de nous réveiller et de nous secouer un peu .

  8. désolée pour les chmtkde , voyez vous, j’ai une vie à 250 à l’heure , majoritairement à cause de tout cela . cordialement.

  9. D’autre part et d’un point de vue sociologique, on arrive également à un point de rupture, car :
    ce n’est pas drôle d’être obèse et éventuellemnt diabétique à 10 ans, de fêter tous ses aniversaires au Mac do pendant que papa et maman s’engueulent sur la garde alternée, de suivre la mode pour que junior n’en prenne pas une à l’école, de souscrire un abonnement de 138 chaines pour deux ans et de se rendre compte que l’on s’emmerde toujours autant, de mettre un tier du budget mensuel dans la voiture, et même d’avoir des prunes d’afrique du sud à disposition en avril . dans l’école , j’ai entendu des mômes dirent « C’est elle !c’est elle ! » en se retournant sur mon passage, et m’envoyer des sourires radieux . savez vous ce que j’ai fait pour être une star ? je leur ai donner une graine chacun , un peu de terreau et des vieux pots de yaourts percés aux fonds, et nous avons planter Des fleurs pour leur jardin .
    les gens ont soif de simplicité et de bohneur

  10. Bénédicte, je suis entièrement d’accord avec vous (le point du vue sociologique). Et je n’ai jamais parlé de Claude Allègre, individu peu aimable. Non à cause de cela, mais simplement parce que je ne sais pas précisément ce qu’il pense du sujet. Il est en climatologie hors de son champ de recherche et mieux vaut consulter des infos de première main. Christopher Landsea par exemple, spécialiste incontesté des cyclones tropicaux, dont il était question dans la page dont vous m’avez envoyé le lien, et qui a démissionné du GIEC en 2005.
    Il serait hélas bien trop long de parler climatologie ici. Mon propos était juste de dire, l’occasion se présentant, que l’on peut ne pas être d’accord sur le fond avec le réchauffement global anthropique, tout en partageant les convictions profondes de Fabrice.

  11. ok. mon propos était de dire que le réchauffement climatique n’était pas la seule raison nécessitant des changements radicaux de comportements . mais je ne conteste pas votre point de vue, n’étant pas spécialiste de la question .
    amicalement

  12. http://fr.youtube.com/watch?v=-FSR27aTy6U une des chansons à la mode du moment . j’aime particulierement « On va t’inoculer de l’allégresse, on va t’intégrer de la graisse, on va renier ton étoile…..on va t’aimer sans fin, oa va t’aimer sans fond . » la décroissance permet de se réaproprier sa propre personne, ce qui n’a pas de prix . Adieu, monde marchand !et sans regret

  13. J’incluerais dans la définition de l’intelligence (enfin, l’une de ses formes), un minimum de capacité de synthèse et de sens critique. À ce titre, les messieurs de l’article ont, au mieux, une intelligence handicapée.

    Patience, Hacène, on va bien voir ! Ben oui : si lien causal il ya, les conséquences viendront et seront extrêmement observables, car le ver est dans le fruit et on ne va pas diminuer sa taille significativement (ça semble mal parti); sinon, on le verra aussi.

  14. c’est se voiler la face que de penser ainsi … que le monde ne change pas et évoluera de la même manière depuis ces deux derniers siècles
    mais le retour en arrière est impossible, on ne peut que aller de l’avant, et la manière dont ils vont de l’avant n’est pas du tout en harmonie avec le monde-au contraire- …
    en revanche
    pour remonter un peu le moral général ^^
    je me suis vraiment sentie en symbiose avec moi même et avec la vie en cuisinant ce soir (chose rare déjà) une soupe à l’ortie dont j’ai choppé la recette sur internet et une salade maison, faite de carottes (longuement) rapées, de choux rouge, de morceaux de pomme et de tomates, accompagné d’une sauce avec dedans des morceaux de menthe et de sauge du jardin (comme la grande ortie que j’ai fauché avec ma jolie faucille)
    j’avais l’impression d’être herboriste et un peu sorcière, de retrouver la spiritualité de la préparation des repas qu’il peut y avoir dans certaines ethnies un peu oubliées, le repas, qui continue de transmettre la vie en nous depuis des êtres vivants (ici légumes et plantes)
    j’étais contente et je le suis encore à l’idée de me régaler !
    en espérant transmettre de ma bonne humeur 😉

  15. Ah oui, c’est toi dont la prof de philo dit que les pensées sont confuses, non ? Pourtant, si tu sais cuisiner comme ça (et que la digestion se passe bien…), c’est qu’elle se trompe sur ton compte ! En tout cas, merci pour la transmission.

  16. Je me suis permis de reprendre cette note dans son intégralité sur mon blog. J’espère que ça ne pose pas de problème!

    Je suis tellement d’accord avec tout ça (sauf peut-être au sujet de la « malchance » d’avoir DSK à la place de Sarkozy – je continue à croire que c’eût été un peu moins pire).

  17. @ miaou. « Si lien causal il y a, les conséquences viendront et seront extrêmement observables ». Pas si sûr, l’évolution climatique est bien réelle, donc des choses à voir, on en verra ! On pourra alors toujours continuer à répéter les mêmes erreurs, ou à adapter le discours aux circonstances : le GIEC prévoit depuis longtemps une hausse des températures aux pôles, plus rapide qu’aux basses latitudes ; la différence entre hautes et basses latitudes diminuant, il était aussi prévu, conséquence logique, un affaiblissement des échanges méridiens, donc un temps plus calme. Sauf que les faits ne collaient pas. Quelques années après, le GIEC corrige : toujours la hausse des températures plus importante aux pôles qu’aux basses latitudes, mais intensification des échanges méridiens. Du grand n’importe quoi météorologique et climatologique, contraire à tout ce qu’on trouve dans les manuels pour premières années en fac. Mais comme on nous dit qu’il y a consensus…
    C’est juste une question d’honnêteté scientifique. Ca n’empêche pas la chasse à la pollution, etc etc, toutes choses sur lesquelles nous sommes d’accord.

    @ Neela : Oh oui !!!

  18. A Hacène : mais alors, cette accélération du réchauffement, à quoi serait-elle due ? Et, en-dehors de l’aspect scientifique des choses, quel serait l’intérêt (financier et / ou politique) du GIEC à soutenir sa thèse ? Pour les opposants, je vois bien mais là, pas vraiment…

  19. Hacène,

    Sur la question clé du climat, on ne peut pas rester dans le flou. Moi, je sais, car je lis, qu’il existe dans le domaine un consensus mondial rarissime dans l’histoire des sciences. Et le débat – scientifique – se déplace ailleurs, c’est-à-dire autour des facteurs de réchauffement qui n’ont pu être modélisés encore. En bref, certains des meilleurs scientifiques de notre époque craignent que les prévisions du GIEC soient par force trop optimistes…

    Vous avez bien entendu le droit de penser autre chose, mais en ce cas, vous avez le devoir de donner vos sources précises. Je le précise, ce n’est pas parce qu’il existerait d’éventuels dissidents – dont j’attends les noms – que le consensus dont je parle en serait affaibli. Car toute l’histoire des sciences est pleine de refus outrés, de coups de gueules et de gesticulations qui sont ensuite oubliés par la marche des événements.

    Hacène, je vous en prie sincèrement, ne le prenez pas mal. Mais un tel sujet exige clarté et publicité. Bien à vous,

    Fabrice Nicolino

  20. Les japonais ont sortie la voiture Hybride il y a quelques années, les allemands invententla voiture à hydrogene et Peugeot est fier de nous présenter … son nouveaux 4*4.Chercher l’erreur.
    Sinon les percnoptères construisent leur nid en face de ma fenetre et j’admire leur beauté sans me lasser,le male grand corbeau fait des pirouette pour continuer à épater sa belle avec qui il passera sa vie, les isard m’engueulent quand je passe trop près d’eux. La vie quoi. Je ne les remercierais jamais assez de me faire oublier quelques instants la misere du monde.
    Jerome
    Bonne appétit Neela

  21. Excellent article que je me suis permis de reprendre in extenso sur le site Carfree France : http://carfree.free.fr/

    Juste un commentaire: la position du Figaro ne m’étonne guère, ils sont actuellement « partenaires » d’un colloque organisé par l’équipementier automobile Valéo sur le thème « L’auto et la ville », colloque qui regroupe des intervenants de l’ensemble du lobby bagnolo-pétrolier… et où il est question du caractère indispensable de l’automobile et ville! En gros, les opposants à l’automobile sont rien que des méchants écolo-bobo-gauchistes qui n’ont rien compris au « progrès automobile »…
    Tout cela est risible, sauf que le figaro, qui se prend pour un « journal sérieux d’information », reprend cette glose à longueur d’articles, et montre ainsi qu’il ne s’agit que d’une feuille de choux qui lèche le cul du pouvoir économique, mais bon, ça on le savait déjà…

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