Quand le lion sera historien

L’autre jour, je discutais avec une femme qui me disait aimer beaucoup certain proverbe africain. Je n’ai pas vérifié, et peut-être n’est-il pas africain. Il n’est pas impossible que ce ne soit pas, d’ailleurs, un proverbe. N’importe, car le voici : « Tant que les lions n’auront pas leur propre historien, les histoires de chasse glorifieront toujours le chasseur ».

Pas mal, non ? Moi, j’aime. Et je pensais à cela tout à l’heure en découvrant dans le journal Le Monde – qui me tombe de plus en plus souvent des mains, est-ce normal ? – un article sur les prix agricoles (ici). Un de plus ? Je confirme. Celui-là, s’appuyant sur une étude conjointe de la FAO et de l’OCDE, prévoit un malheur planétaire durable. L’augmentation des prix alimentaires ne serait pas un feu de paille, mais une bombe à mèche très lente. Les experts susnommés prévoient en effet, dans les prochaines années « une hausse d’environ 20 % pour la viande bovine et porcine, de 30 % pour le sucre, de 40 % à 60 % pour le blé, le maïs et le lait écrémé en poudre, de plus de 60 % pour le beurre et les oléagineux, et de plus de 80 % pour les huiles végétales ».

Cette flambée, obéissant à des facteurs structurels, n’aurait aucune chance de disparaître au cours des dix prochaines années. Or donc, et c’est moi qui pose la question, que pourront faire ceux de nos frères – car je n’ai pas rêvé, officiellement, ce sont bien des frères – qui survivent avec un dollar par jour ? J’ai la désagréable impression qu’ils iront se faire foutre, allongés dans une caisse en carton, pour l’éternité.

Ces chiffres effarants n’existent que pendant la fraction de seconde où ils passent devant la rétine fatiguée d’un de ces cadres moyens ou supérieurs qui lisent Le Monde. Car qui lit ce journal ? Sitôt lu, sitôt oublié. Il n’en restera rien, sauf pour ceux qui ont tant besoin de tout. D’où ce retour au lion. Ah ! si Le Monde était écrit par un paysan bambara désespéré ou un cul-terreux de l’Uttar Pradesh, certes, on n’y lirait pas les mêmes choses.

Peut-être saisirait-on enfin ce que signifie un suicide aux pesticides parce que le puits est à sec et que l’achat d’une pompe supplémentaire n’est pas possible. Ce que la vente d’une fillette au marchand de putes ou au chef des mendiants peut provoquer dans la tête d’une mère ou d’un père ou d’une fillette. Ce que c’est que pleurer sur la poussière d’un champ où il ne pleuvra pas. Ce que c’est que mâcher une racine pour tromper celle qui vous mange la tête et l’âme, la reine Famine.

Mais heureusement, le journal Le Monde – et tous autres – est réalisé par des journalistes qui maintiennent une saine distance avec les faits dont ils rendent compte. Le journalisme n’est pas l’école de l’émotion, mais celle de la congélation. Et c’est pourquoi vous ne lirez nulle part dans nos journaux gorgés de publicité pour la bagnole, l’avion et le nucléaire le texte renversant de cet entretien avec l’Indienne Vandana Shiva (ici).

Shiva, pour ceux qui ne la connaissent pas, est l’incarnation d’un mouvement dont on parle peu en vérité, celui qu’on appelait il y a quinze ans l’antimondialisation. Physicienne, écologiste, écrivain, elle dirige Research Foundation for Science, Technology and Natural Resource Policy, une fondation très active en matière de défense de la biodiversité. Celle qui est défendue depuis des milliers d’années par les paysans pauvres, celle qui permit l’existence en Inde d’une centaine de milliers de variétés de riz, adaptées aux moindres conditions locales. Elle a également créé une ONG qui n’a rien à voir avec les nôtres, car celle-là se bat. Son nom ? Navdanya (ici), qui veut dire « neuf graines ». Cette association regroupe des dizaines de milliers d’adhérents et promeut une agriculture paysanne qui doit beaucoup à ce que nous nommons l’agriculture bio. Un réseau d’une vingtaine de banques de semences a d’ores et déjà permis de sauver de l’anéantissement environ 8 000 variétés de riz. 8 000 !

Que nous dit Shiva dans l’entretien signalé plus haut ? Je ne peux que vous conseiller de le lire, si l’anglais ne vous rebute pas. Et je ne vais pas le paraphraser, non. Sachez que c’est un grand texte, appuyé lui sur des réalités certaines. Sur l’Inde, dont tant d’ignorants nous disent qu’elle rejoint à marches forcées le Nord, Shiva rétablit un à un les faits qui décideront de l’avenir de ce pays. Nous sommes loin, c’est-à-dire tout près, de la voiture Tata chère au coeur de Pierre Radanne (ici).

Contrairement à ce que la propagande voudrait faire croire, la situation indienne est catastrophique. La perspective de l’autosuffisance alimentaire s’éloigne de jour en jour. Lisez, lisez avec moi s’il vous plaît. L’Inde connaît une croissance de 9,2 % par an. Celle que mesurent des indices aussi faux que le PIB. 9,2 % ! Prodigieux ! clame le choeur universel des nigauds. Dans le même temps, l’Inde bat l’Afrique pour le nombre de ses affamés. L’Afrique ! clame le choeur universel des pleureuses.

Eh bien oui, l’Afrique est dépassée par l’Inde, où 50 % des enfants souffrent de différents niveaux de malnutrition. Où un million d’entre eux meurent de faim chaque année. Je vous le dis, je vous l’assure, Shiva n’est pas folle. La réalité est aux antipodes de notre réalité. Mais le lion n’est pas près d’avoir son historien.

15 réflexions sur « Quand le lion sera historien »

  1. Tu viens de nous dire qu’il n’y a, en fait, pas de « fait » sans la théorie sous-jacente qui va avec, consciente ou totalement inconsciente…. Bref, il n’y a de « fait » que sous l’angle par lequel on analyse ce dont notre sensorialité et notre sensibilité nous informent…

  2. Pour autant que je sache, c’est bien un proverbe africain. Ou alors, on se le répète tellement, qu’on finit tous par le croire, même ceux qui sont sensés être bien informés.

    L’ennui avec ceux qui nous dirigent (ou tentent de le faire -les politiques ET les autres, la grande industrie…) et les médias d’information classiques, c’est non seulement qu’ils nous passent sous silence quantité de choses (il faut dire qu’avec le Net, c’est de plus en plus difficile), mais de plus la prise en compte d’au moins une partie des problèmes écologiques n’a pas pour objectif premier leur résolution pour le bien-être du plus grand nombre et le respect des grands équilibres.
    Voici un extrait d’une interview de Pascal Acot, philosophe et historien des sciences, notamment de l’écologie.
    « Il y a un catastrophisme, alimenté par certains médias, qui n’est pas de bon aloi. J’ai moi-même remarqué, lors de mes interviews à la radio ou à la télévision, que les journalistes tentaient de me pousser à passer sous silence les incertitudes de la science. Ils n’aiment pas la nuance et veulent du spectaculaire. Ils affectionnent les questions du style : « On en a encore pour combien de temps sur cette planète? ». Les scientifiques sont tentés de jouer leur jeu ; l’obtention de crédits pour une équipe de recherche est souvent conditionnée par sa visibilité. J’ai aussi été confronté à cette problématique. Malheureusement les choix financiers sont souvent fait en dehors de la cité scientifique. La médiatisation actuelle du changement climatique est commode pour notre gouvernement qui a fait des progrès dans l’utilisation des médias pour servir ses intérêts depuis les conférences de presse de de Gaules. Elle sert à préparer le citoyen à une dégradation de son niveau de vie. Une stratégie similaire avait déjà été utilisée après le premier choc pétrolier par Giscard d’Estain et Reymond Bard. Ils avaient utilisé l’écologie comme relais idéologique pour leur plan d’austérité qui amenait entre autres une forte pression sur les salaires. Le changement climatique est un peu l’arbre qui cache la forêt. Cette situation nous rappelle celle des grandes épidémies de pestes ; pendant qu’elles sévissent on ne se préoccupe peu des cas de rhume et de rougeole. Et nos décideurs n’aiment pas que le peuple fasse preuve de discernement et d’esprit critique. »

  3. Je me demande quand même une chose (en me faisant l’avocat du diable) : même si cette hausse soudaine des prix est terrible pour ceux qui ont faim et qui n’ont rien, et qu’elle profite dans les faits essentiellement aux grosses entreprises agricoles, n’est-elle pas, à long terme, le seul moyen d’assurer aux paysans un revenu décent et donc les inciter à travailler la terre plutôt que s’exiler en ville à bosser dans des usines?

  4. Sandro,

    Je ne me veux pas me montrer désagréable, surtout avec toi, mais enfin, ceux qui seront morts de faim entretemps profiteront-ils de cette manne toute virtuelle ? Puis, j’ignore si tu as beaucoup voyagé dans le Sud profond de notre planète. Si oui, tu y auras vu comme moi des structures sociales et politiques telles que jamais, JAMAIS les paysans pauvres ne profitent d’aucun cours à la hausse sur le marché mondial. Ce dernier est aux mains d’autres. Et sert des intérêts qui s’opposent frontalement à ceux de l’humanité et du vivant.

    Bien à toi,

    Fabrice Nicolino

  5. merci de parler de Vandana Shiva . la réalité est aux antipodes de notre réalité, oui . je vous renvoie à l’association de consomacteur facilement trouvable sur le net .
    nous nous devons, en tant que richissimes citoyens du nord , de consommer plus justement , voire, d’apprendre enfin à partager . Et , de même que l’on met les enfants en garde contre les éventuels Stromboli qui hantent les ruelles, il faut leur apprendre à reconnaitre derrière les crevettes, les jeunes filles marocaines qui meurent de maladies pulmonaires, derrière les tee-shirt à la mode, les bains de colorants indiens, les enfants de la cueillette du coton non loin de l’Afganistan, derrière le nucléaire, les fiers nomades du désert décimés …que l’on ne peut se sentir digne en achetant des produits qui sont en fait de véritables arnaques qui tuent au sud . ce n’est pas grave de manger moins de chocolat, et je vois dans le regard de mes enfants, que la fierté d’être équitables et honnêtes dans nos choix , compte .
    si j’avais vu « earthling » avant d’avoir fait certains choix, je crois que je me serai sentie affreuse .

  6. Un des livres de Vandana Shiva traduit en français « La biopiraterie ou le pillage de la nature et de la connaissance » ( éditions alias), est presque introuvable, hélas, car épuisé, me semble. Si vous parvenez à mettre la main dessus, vous découvrirez un petit chef-d’oeuvre de concision. Et un livre pionnier ( 2002) sur le brevetage du vivant, et l’appropriation par les firmes agro-chimiques transnationales des ressources universelles, notamment les semences.

    Bien sûr, qu’on peut acheter  » Le Monde ». Son papier est rigide ( comme son contenu) et donc très pratique pour se confectionner un chapeau pointu et éviter ainsi de se tacher le dessus du crâne quand on repeint un plafond.

  7. Vandana Shiva, une femme et quelle femme! Surdiplômée, physicienne, docteur en philosophie des sciences, écrivain, fondatrice d’associations, chef de file des altermondialistes au niveau planétaire,la liste est longue et cela force l’admiration. Si ce n’avait été « que »( à quel point peut-on être exigeant parfois!)cela je n’éprouverais pour cette femme géniale qu’une immense et respectueuse admiration, mais voilà que je ressens pour elle, … de la tendresse.
    Vandana Shiva a créé entre autres associations (nous rappelle Fabrice) Navdanya, neuf graines. Tiens pourquoi neuf. Parce que la tradition voulait, veut encore certainement que soient semées dans des pots neuf graines, le premier jour de l’année. Neuf jours plus tard on compare les résultats et on sème celles qui ont le mieux poussé.
    Et 8000 variétés de riz ont ainsi été sauvées par l’association.

    Le 4 décembre, c’est la sainte Barbe, et à la sainte Barbe, il faut, c’est incontournable, semer le blé, pas de risque d’oublier, il y a toujours quelqu’un pour le rappeler. on prépare des coupelles tapissées d’ouate, on répartit les graines, on humidifie tous les jours et ça pousse et on attend, on attend vingt jours. C’est la veille de Noël. Le blé en herbe est noué d’un ruban rouge et les coupelles vont orner la table des treize desserts.
    La tradition remonte à la nuit des temps, c’était peut être un rite de fécondité dans l’antiquité gréco-romaine, et tous les enfants provençaux l’ont reçue en héritage, je l’ai transmise à mes enfants et peut-être un jour leurs enfants…
    Voilà pourquoi Vandana Shiva aura toujours une place particulière dans mon coeur.
    Et puisqu’on parle proverbe en voici un : « Blé de la sainte Barbe bien germé, prospérité pour l’année. »

  8. AGRO-CARBURANTS

    Je relaie un message émanant de Christian Berdot, même s’il me semble qu’il écrit parfois sur ce blog.
    **************************************************
    « Le président de la Commission européenne a lancé un sondage électronique sur l’objectif de 10% d’agrocarburants obligatoires dans les carburants
    automobiles.

    Le score actuel est de 95% en faveur de cet objectif catastrophique sur les plans environnemental et social… L’industrie a bien mobilisé.

    Vous pouvez réagir et voter contre.

    Voici le lien :
    http://ec.europa.eu/commission_barroso/president/focus/cap/index_en.htm

    C’est à droite dans le carré intitulé E poll, vous cliquez sur NO

    Amitiés terrestres
    **********************************************
    En fait l’alerte de Christian Berdot a dû fonctionner car au moment où j’ai participé au sondage le « non » avait magistralement remonté. Mais que cela ne vous empêche pas d’y apporter votre contribution.

    AnneMarie.

  9. Une histoire de chasse par et pour les chasseurs : « On ne peut pas comprendre le monde moderne si on ne comprend pas l’importance de la foi religieuse » (Tony Blair, à l’occasion du lancement de sa « Fondation pour la foi »). Le pire, c’est que ce suiveur de Bush n’a pas entièrement tort : le Monde à l’image de l’Homme, qu’ils disent – en Turquie, l’été dernier ou celui d’avant (j’sais plus), les imams ont bien prié pour qu’il pleuve ! Y aurait pas aussi des prières contre les PCB, les pesticides, la dissémination des OGM, etc. ? Suffisait d’y penser pour ne rien changer !
    P.S. : Merci, Anne-Marie.

  10. La réalité objective de la planète n’est tout simplement pas « vendeuse ». Chaque composante de notre société semble être phagocytée par des enjeux mesquins, souvent économiques et toujours égocentrés, qui l’empêche de se débarrasser de ces lunettes à prismes, faisant voir le monde sous cet angle qui assure la continuité du business. La finance a bouffé l’économie après avoir gobé nos âmes étriquées. Cette finance est une machine infernale qui n’a qu’un seul scénario de fin, à moins que les apprentis sorciers que nous sommes ne se décident réellement à un prendre le véritable contrôle.
    Pour cela, le lion devra se remettre à rugir.

  11. >Je ne me veux pas me montrer désagréable, surtout
    >avec toi, mais enfin, ceux qui seront morts de
    >faim
    >entretemps profiteront-ils de cette manne toute
    >virtuelle ?

    Non bien sûr, je me faisais l’avocat du diable en utilisant des arguments que j’ai beaucoup entendu au sujet de cette crise. Je sais tout ce que tu dis (et je l’approuve dans la situation qui est la notre aujourd’hui), mais je maintiens tout de même qu’à long terme, dans un monde régi par ce satané marché, je préfère tout de même des céréales relativement coûteuses qui permettent à des paysans de vivre dignement plutôt que des céréales à prix bradés qui créent un exode rural et laissent les terres agricoles vides ou aux mains de Cargill.

    Ceci dit, il est évident et indiscutable que dans le monde ignoble dans lequel nous vivons, les prix des céréales actuels signifient tout simplement la mort pour des millions d’hommes et de femmes, ce qui est absolument insupportable.

    >Puis, j’ignore si tu as beaucoup voyagé
    >dans le Sud profond de notre planète.

    Non, pas du tout même! C’est peut-être un grave défaut, mais le tourisme dans les pays du Tiers-Monde est quelque chose qui me pose un grave problème éthique. Savoir que le seul prix de mon billet d’avion correspond à plusieurs années de salaire moyen de la région que je vais visiter est quelque chose qui m’est moralement insoutenable, et ce depuis mes 17 ans.

    Ce n’est évidemment pas par manque d’intérêt pour les cultures ou les hommes qui peuplent cette planète, bien au contraire… tu l’auras compris, j’espère!

  12. bla blla bla bla bla….pendant ce temps-là, ils meurent nos oiseaux et nos papillons, nos abeilles et nos coccinelles…et tout le reste. nous sommes paralysés par le poids des opinions: j’ai la mienne, tu as la tienne, il a la sienne..tout se vaut..Pas d’objectivité qui nous dépasserait tous.Autour de moi, j’ai beaucoup de gens qui font passer un tas d’autre chose avant la protection de la nature…et qd tu leur en parle, çà les barbe! et puis il faut toujours séduire, monde de l’image oblige.Je ne parle pas des gens qui rament pour gagner leur vie, mais de cette putain de classe moyenne, grégaire, propre sur elle, et pleine de lâcheté pour la plupart, alors que voulez faire contre çà? Ceux qui mènent, n’ont qu’à observer et faire ce qu’il faut pour les manipuler..via télé entr’autre.On n’attrappe pas les mouches avec du vinaigre, n’est-ce pas? Que dit l’église de tout cela? Quoi? On ne doit pas parler de l’église, c’est mal? il me semble avoir entendu qu’il était question d’instaurer un 8ème « péché », celui de pollution; il serait temps, me direz-vous!

  13. Bonjour,

    Pour apporter une confirmation à la remarque de Fabrice Nicolino sur le fait que l’agriculture paysanne promue par Vandana Shiva « doit beaucoup à ce que nous nommons agriculture bio » : effectivement, la forme d’agriculture que défend Vandana Shiva appartient entièrement à la démarche technique, humaine et écologique qui est définie internationalement par le terme « agriculture bio » (« organic agriculture » en anglais). Elle le revendique d’ailleurs clairement, puisqu’elle participe aux travaux de IFOAM (fédération internationale des mouvements de l’agriculture biologique, qui regroupe 700 organisations à travers 140 pays) et qu’elle est la première à expliquer que dans les pays tropicaux l’agriculture biologique permet de bien meilleurs rendements que l’agriculture chimique !

    Sinon et pour ce qui est du débat sur l’intérêt éventuel de la hausse des prix agricoles sur l’économie rurale du tiers-monde (effectivement ce n’est pas le cas), il faut bien noter que cette crise alimentaire est d’abord une conséquence de 40 ans de politique agricole mondiale aberrante. En particulier en matière de soi-disant « aide au développement », où l’on a tout fait pour détruire les agricultures rurales et vivrières. La vraie question n’est pas tant de maintenir les prix internationaux bas (ce sont des prix qui ne veulent rien dire … et s’ils ont un impact sur la famine c’est la preuve que les agricultures locales sont mortes, c’est très inquiétant !) que de donner aux paysans du tiers-monde les moyens de développer LEUR agriculture.

    Je suis donc toujours un peu gêné quand je lis qu’il faut maintenir les prix agricoles bas. Cela n’a de sens que si l’on considère que ce sont les échanges agricoles internationaux qui doivent nourrir le tiers-monde, c’est-à-dire que les paysans du tiers-monde ne peuvent ou ne doivent pas assurer leur propre autosuffisance alimentaire. Or, agronomiquement, il le peuvent sans peine si on leur en donne enfin les moyens politiques et économiques (= cesser les OGM, cesser l’appropriation des semences par les industriels, mettre fin à la mal nommée « révolution verte » qui a détruit les sols et endetté les paysans, valoriser et mutualiser les savoirs paysans, etc.).

    Faire de la question des prix agricoles internationaux le coeur de la lutte contre la famine, c’est accepter la dépendance alimentaire et la soi-disant vocation européenne ou américaine à nourrir le monde. Je sais que ce n’est pas votre volonté. Je vous invite donc à prendre garde aux raccourcis dangereux.

    Cordialement,

    Jacques

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