Pour avoir enfin la banane

Eh, David ! Merci pour cet article (ici) du New York Times, que je vous invite à lire à mon tour. Oui, c’est en anglais, mais non, il n’est pas trop difficile à lire. Que raconte Dan Koeppel, auteur de Banana : The Fate of the Fruit That Changed the World (Banane, le destin du fruit qui a changé le monde) ?

Ceci : en Amérique, on va peut-être cesser de considérer la banane comme un droit imprescriptible, au même titre que l’air qu’on respire ou les trois bagnoles du garage. D’abord parce que son prix augmente – on en est à un dollar la livre, soit 453 grammes -, et que les Américains ne suivent plus automatiquement. La raison de cette inflation est double. Un, l’augmentation du prix du pétrole – hourra ! -, deux, des inondations très graves en Équateur, plus grand exportateur mondial. Longtemps pourtant, la banane sera restée le fruit le moins cher de l’épicerie, bien qu’elle eût franchi des milliers de kilomètres avant d’être mangée. J’ajoute, ou plutôt Koeppel ajoute que ce fruit, une fois coupé, n’a plus que deux semaines à vivre tout au plus. Deux semaines. Ensuite, il pourrit.

Mais le prix n’est qu’un élément d’une crise plus vaste qui change et changera le rapport qu’entretiennent les Étasuniens avec ce fruit. Jusqu’à la fin du 19 ème siècle, la banane était à peu près inconnue en Amérique du nord. La création de la United Fruit Company (aujourd’hui Chiquita) allait tout changer. Les marchands de banane détruisirent massivement la forêt tropicale du sud, ouvrirent des routes et des voies, inventèrent des technologies de conservation et de propagande publicitaire, et bien entendu s’en prirent aux travailleurs de la terre. Combien de meurtres et d’assassinats ? Le livre de cette tragédie reste à écrire. Je signale en passant le sort fait au colonel Jacobo Arbenz Guzmán et à ceux qui ne voulaient plus de la toute-puissance de la United Fruit (Guatemala, 1954).

Quoi qu’il en soit, une notable période d’expansion, qui fait de la banane un bien de première nécessité. Jusqu’à cette explosion de son prix, qui se double d’une interrogation plus fondamentale encore. La banane officielle et industrielle va-t-elle mourir ? Possible. Pour la raison qu’ils sont assoiffés d’or et d’argent, les marchands ne font pousser qu’une seule variété ou presque, la Cavendish. Laquelle a pris la suite tumultueuse de la Gros Michel, qui régnait jadis sur le monde. Cette dernière a pratiquement disparu après avoir subi les attaques planétaires d’un champignon appelé fusariose (maladie de Panama).

En 1960, le système a failli craquer, et n’a été sauvé que par une banane rachitique – mais résistante à la maladie de Panama -, oubliée de tous, pas très goûteuse en outre. Or la Cavendish – c’est elle – est à son tour menacée par une lignée plus virulente de fusariose contre laquelle elle n’est pas immunisée. L’industrie tremble sur ses bases, car l’on pense que cette souche sera dans les bananeraies d’Amérique du Sud d’ici 5 à 15 ans, 20 au plus.

Voilà l’histoire. Avec un peu et beaucoup de chance, nous allons enfin découvrir que la banane est un fruit exotique qui doit être consommé sur place. Cela ne veut pas dire qu’on ne pourra plus jamais manger de la banane à Paris – j’adore, personnellement -, mais peut-être diviser sa consommation par 100. Pour commencer.

PS : Cet article s’accompagne d’un complément, à paraître demain. Il s’agira cette fois de considérations sur l’efficacité presque miraculeuse des petits paysans. Voilà l’idée, exprimée par un autre que moi : « Il y a en effet une relation inversement proportionnelle entre la taille des fermes et la quantité produite à l’hectare. Plus elles sont petites, plus le rendement est grand ».

10 réflexions sur « Pour avoir enfin la banane »

  1. un phénomène similaire commence tout doucement autours de : la noix de lavage . J’en suis adepte, c’est efficace et biodégradable à 100% , et celle que j’achète est équitable et sa production respecte les forêts, mais . mais la demande augmente, mais la monoculture, mais les milliers de kilomètres , mais le début très net de la déforestation au népal pour la production de noix de lavage . la solution est donc ailleurs . Il faut consommer local . Ca peut pousser sous nos climats . Une solution, une dévastation d’éco-système ? Et la fameuse biowashball ? elle nécessite pas mal d’énergie grise lors de sa conception, mais lave sans aucun détergent pendant trois ans (là aussi, bien regarder la provenance du produit) . Tout est à repenser : loi du nombre !
    Alors on a deux façons de voir la situation (qui peuvent d’ailleurs se compléter)
    1- le bateau coule
    2- il y a toujours une solution , surtout si l’on songe à ce qu’est le propre de l’homme .

  2. A Bénédicte : c’est le rire, le propre de l’homme, non ?
    Mes enfants n’aiment pas les bananes, ils vont être contents. Ils n’aiment pas trop le poisson non plus – là encore, hélas, leur problème risque d’être réglé d’ici quelques années…

  3. Les éthologues ont mis en évidence que le rire était un « propre de l’homme » à partager avec d’autres espèces de grands singes.
    Au risque de paraître misanthrope, il semble bien que, lorsque l’on cherche une caractéristique unique que nous aurions nous et pas les autres espèces animales, le propre de l’Homme soit justement ce que nous appelons l’inhumain…

  4. Tout bien considéré, le « rire de soi » n’est peut-être pas très répandu chez les autres espèces. Et sans doute aucun pas assez chez la nôtre…

  5. selon bergson, entre autre, le rire serait seul l’apanage des humains . Sur ce point, je suis déjà certaine d’avoir vu mon chien se marrer en me regardant .
    Bon, selon Pascal , l’homme est plus grand que le soleil, parce qu’il sait, lui, qu’il est né et qu’il a une fin . cela implique, non pas que l’être humain doit s’en bombé le torse avec bêtise (ce qu’il fait le plus souvent), mais qu’il a une responsabilité au coeur de l’univers qui est le sien . A ce propos, j’aime beaucoup un des derniers slogans de la biocoop : « Il n’est pas interdit de s’interdire.. » .Une fois encore, l’occasion nous est donnée de démontrer enfin le propre de l’homme…

  6. rectification : selon bergson, le rire corrige , ce qui lui donne, chez l’humain, une fonction éducative, en quelque sorte et qui rejoint l’idée que pascal se faisait de l’homme .Quanà à Goethe, il conseillait de considérer l’autre non pas tel qu’il est, mais tel qu’il devrait être …

  7. A Hacène : en effet, pour le rire, je ne sais pas, mais pour ce qui est des camps de concentration (par exemple), l’Homme n’est vraiment pas un animal comme les autres…

  8. bon, on l’écrit quand cette déclaration des devoirs de l’homme ? parce que si on veut sauver la mise, il faut commencer par voir ce qu’il ya de meilleur en l’homme et avoir le courage de la mettre en place . Mon fils m’a chanté le chant des partisans tout à l’heure (on l’a chanté ensemble d’ailleurs) ça aussi, c’est humain

  9. @ Béné,

    Bergson a raconté pas mal de conneries du genre « données immédiates de la conscience », alors précisément qu’il n’y a rien d’immédiat pour l’homme. Tout et n’importe quoi ne devient SA réalité qu’à travers 4 prismes. Celui du langage. ( je ne sais pas si mon chien rigole, mais je n’ai jamais entendu parler de chiens aphasiques ! waf waf)

    Celui des outils avec lesquels il transforme la nature. Cà avait déjà commencé depuis les silex taillés…

    Celui de sa vie en société et pas en troupeaux.
    Au vu du nbre de moutons en liberté, je m’interoge qd ^m, mais j’ai js vu les vrais moutons devenir schizophrènes, paranoiaques, pervers et j’en passe côté des troubles de la relation à l’autre et/ou à autrui.

    Enfin par cette faculté d’autolimitation de ton « il n’est pas interdit de s’interdire »; totalement déréglé chez les névrosés et les psychopathes.

    Ds tout çà… le propre de l’homme…çà depend juste par quel bout (un de mes quatre angles) tu le prends …. et surtout quel spécimen tu choisis.

    A+

  10. @ eugène, disons que je choisi le spécimen que l’homme serait si …le spécimen visé par goethe .
    pour bergson,on est d’accord, mais le rire est le propre de l’homme, c’est réducteur aussi .

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *