Celui grâce à qui (Vincent Munier, inventeur du monde)

Pourquoi est-ce que j’écris, ici ou ailleurs ? Pourquoi est-ce que je me lève ? Pourquoi est-ce que je supporte encore de partager le monde avec Jean-Pierre Pernaut et le CAC 40 ? À cause de Vincent, cela va de soi. Vincent Munier est un photographe qui me plonge à la seconde dans la beauté la plus confondante. Si vous y allez voir (ici, son site), choisissez s’il vous plaît le portfolio qui contient ses photos des boeufs musqués. Ceux des plateaux norvégiens de Dovrefjell.

Le boeuf musqué est un animal qui nous rappelle ce qui fut, qui résiste encore au temps et au froid. Vincent a dormi près d’eux, tout près de ces animaux sauvages, dehors, au mois de février, à 2500 mètres d’altitude. Il n’avait pas froid. On n’a pas froid lorsqu’on est en paradis. J’ai parlé de ce moment avec lui au moins deux fois. Car autant vous le dire, je connais Vincent, 32 ans, 32 dents, depuis des années déjà. Je ne trahis pas un secret considérable en vous disant que nous avons des relations d’affection mutuelle. C’est en parlant avec lui de Dovrefjell que j’ai compris – il me l’a dit, à sa façon – qu’il n’était pas de ce monde. Évidemment ! Vincent Munier est un homme de la forêt, un personnage venu des contes les plus anciens de l’humanité, le messager le plus essentiel de la chose la plus essentielle que nous avons perdue : la beauté. La beauté.

Vincent Munier rêve ses photographies avant d’essayer de les prendre. C’est un art difficile. Cérébral et ténébreux. Lumineux, aussi. Il rêve. Chaque jour, il rêve que la neige cachera l’oreille droite du boeuf tandis que le vent glacé repliera son poil par-dessus son lourd museau. Et qu’en même temps, la lumière blanche sera attaquée par l’ombre noire de la toundra. Cela ne marche pas toujours. Cela marche rarement, en fait. Mais quand le rêve finit parfois par créer la réalité, alors le monde redevient vivant, accueillant, sublime. Et c’est pourquoi je continue de me lever, et de rire. Vincent.

PS : Peut-être n’aurai-je pas écrit ce qui précède si je ne m’apprêtais à vous infliger un texte dur sur le climat, qui suit de près le court hommage à Vincent Munier. Songez que les deux, en moi, cohabitent à peu près sans affrontement majeur. Je ne sais par quel miracle.

7 réflexions sur « Celui grâce à qui (Vincent Munier, inventeur du monde) »

  1. Bonjour !

    je vais aller voir ça de ce clavier… Ce sont de belles bêtes, les bœufs musqués. Et c’est vrai qu’avec le réchauffement climatique, comme les ours polaires, les rennes et les élans, ces pauvres bêtes sont menacées, comme les isatis, les lièvres variables, les lagopèdes, les phoques, pingouins et autres… Tous ces animaux qui ont survécu à plusieurs glaciations, témoignages d’un passé où l’homme n’était qu’un prédateur comme les autres, et pouvait se faire proie du jour au lendemain…
    Un peu de beauté et de rêve d’un monde encore propre et inviolé, voilà de quoi bien démarrer sa journée !
    Merci !
    Tinky 🙂
    Au fait, où est le lien vers son site ? Bah, je trouverai dans Google !!!

  2. Vincent munier fait partie de ceux qui me donnent envie de sourire dans la tempête en effet, ainsi que d’autres , et récemment Stan . Grand merci

  3. et Vincent Munier ne serait pas Vincent Munier sans Michel. Michel Munier, le père. Grand défenseur du Grand Tétras, amoureux des brumes et des tourbières vosgiennes

  4. A Bénédicte et Raton Laveur. Par une journée maussade, en chantier sur une tourbière,il faut voir et entendre Michel: Regardez!…La lumière va changer…Là!…Là!…Elle change!. La tourbière s’illumine…Et tout devient féérique!!!.

  5. Oui, les images de Vincent, que je connais un peu, sont superbes. vraiment.

    Mais en ma qualité d’écophotographe, ancien professionnel de l’éducation à l’environnement, je dois dire que non, ni ses photographies, ni les miennes, ni d’autres, ne serviront au changements de comportements qui s’imposent en matière de climat, si elles ne sont pas le fruit d’un mode de vie en cohérence.

    « Un personnage venu des contes les plus anciens… » en avion, en voiture, avec quelques dizaines de milliers de km parcourus chaque année, et donnant envie à des centaines d’admirateurs et de voyageurs de l’imiter…

    Le discours classique des photographes nature épris de sensibilisation a vécu. Il fut le mien des années durant, je dois l’avouer. Il s’est montré vain là où il pensait faire bouger les choses, naif où il se voyait humaniste, prétentieux là où s’imaginait modeste.

    Les images de nombreux photographes de par le monde font certes rêver. Mais à quoi bon si ce n’est pour montrer la voie du combat à suivre ?

  6. « Abyssinie, l’appel du loup », le documentaire tourné au début de l’année par Vincent Munier et Laurent Joffrion sur les hauts plateaux éthiopiens sera diffusé dimanche 9 septembre, sur France-2, à 16h25.

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