Bandajevski, simple héros de l’humanité

Je pense avoir été le premier à évoquer dans un journal national – Politis – le sort du médecin Youri Bandajevski, en 2002. Si je me trompe, mes excuses anticipées. Je n’ai de toute façon pas grand mérite, car j’avais été alerté par l’ami Romain Chazel, de l’association CriiRad. Vous trouverez plus bas la copie de l’article publié alors, qui faisait le point sur l’abominable histoire, celle de Tchernobyl.

Si je reviens sur le sujet ce lundi matin, c’est que j’ai failli manquer un petit papier, qui est un entretien avec Youri, mené par le journaliste Hervé Kempf dans Le Monde (lire ici). Kempf défend depuis des années ce médecin des enfers, et ce n’est pas si facile lorsque l’on travaille pour un quotidien à ce point institutionnel. Dont acte. En tout cas, réalisant cet interview au téléphone – Youri est exilé en Lituanie -, il permet de faire le point sur la véritable situation sanitaire autour de Tchernobyl. Elle est « très mauvaise. Toute la population biélorusse est, du fait de l’alimentation, en contact avec la radioactivité. Mais dans les régions les plus contaminées, au sud-est du pays, autour de la ville de Gomel, deux millions de personnes sont dans une situation très dangereuse.Les taux de mortalité et de maladies y sont beaucoup plus élevés que dans le reste du pays. Les docteurs Valentina Smolnikova, Alexeï Duzhy et Elena Bulova (…) font état d’une forte augmentation des maladies cardio-vasculaires et des cancers des organes internes. Cela explique une forte mortalité, trois à quatre fois plus forte que dans le reste du pays. Mais il est difficile de rassembler l’information. Le gouvernement cherche à la cacher. Les données ont été trouvées dans des rapports nationaux non publiés et grâce à divers contacts. Il faut ouvrir les yeux : au coeur de l’Europe, une population vit dans une situation mortelle ».

Bandajevski n’est hélas pas un charlatan. Il a circulé pendant des années dans les zones contaminées, soigné des enfants, enterré des morts. Il sait ce que le pouvoir biélorusse cherche à masquer. Il sait ce que le lobby mondial du nucléaire, qui a tout à perdre, cherche à masquer. Il sait. Et le pire de tout, au-delà des mots, est que le grand mensonge règne sur le monde. Oui, oui il est possible qu’un événement majeur de l’histoire humaine soit recouvert sous la cendre. Un monde soi-disant libre, ouvert, surinformé peut ignorer qu’en Europe, une catastrophe nucléaire sans précédent rend malade, tue, transforme des territoires entiers de la planète en géhenne.

Que la leçon serve au moins à quelques-uns d’entre nous.

PS : Si j’avais pu choisir cette année les récipiendaires des Prix Nobel, j’aurais créé une récompense spéciale, et accordé à Bandajevski le Nobel de la paix ET celui de médecine. Mais on ne m’a pas demandé mon avis.

L’infernal retour de Tchernobyl

(PUBLIÉ DANS POLITIS 729)

Une fantastique bagarre de l’ombre se mène en Biélorussie pour masquer les véritables conséquences de la catastrophe de Tchernobyl, qui sont effarantes. Le professeur Bandajesky, un scientifique de premier plan, est en train de mourir dans un camp, d’autres ne peuvent plus travailler. L’enjeu est énorme pour le lobby nucléaire mondial, qui tente, comme celui du tabac jadis, de gagner du temps. Dire la vérité serait en fait compromettre l’atome

Soyons solennel : l’histoire qui suit (1) sort vraiment de l’ordinaire, et l’on recommandera de la lire avec l’attention qu’elle mérite. D’autant qu’il y a urgence : Youri Bandajevsky est sans doute en train de mourir dans le camp où la mafia au pouvoir à Minsk (Biélorussie) l’a jeté pour huit ans, en 2001. Qui est-il ? Un formidable médecin, né en 1957, spécialiste de premier plan d’anatomo-pathologie. En 1990, alors qu’il n’a que 33 ans, il prend la direction du tout nouvel Institut de médecine de Gomel.C’est un choix courageux, pour ne pas dire héroïque : Gomel est au coeur de la zone contaminée par Tchernobyl.

Bandajevsky y commence un travail de fond sur les effets sanitaires de la catastrophe, et découvre très vite des choses stupéfiantes. En faisant passer des électrocardiogrammes à ses propres étudiants, il constate chez eux de nombreux problèmes, trop nombreux pour être le fait du hasard. Plus tard, en autopsiant près de 300 personnes à la morgue de Gomel, il entrevoit une piste essentielle : leurs reins, leurs coeurs contiennent des concentrations très singulières de césium 137 (Cs137), l’un des principaux radionucléides dispersés par Tchernobyl. Tout se passe comme si l’incorporation du césium était différenciée selon les organes concernés.La femme de Bandajevsky, Galina, qui est pédiatre, entre en scène. Elle et son mari, aidés de quelques étudiants, se mettent à sillonner la Biélorussie pour ausculter le plus grand nombre possible d’enfants.

Si le césium fait de tels ravages chez les adultes, pensent-ils, il doit en faire davantage encore chez les gosses, dont le poids est moindre et le métabolisme plus rapide. En quelques années, ils examinent des milliers d’enfants biélorusses, trouvant chez la plupart d’entre eux des concentrations de Cs137 supérieures à 50 becquerels par kilo de poids corporel, un seuil au-delà duquel apparaissent les maladies. D’ailleurs, beaucoup présentent de sérieuses pathologies cardiaques, dont d’inquiétantes arythmies.En croisant ces résultats cliniques et le niveau de contamination de ces mêmes enfants, l’équipe de Bandajevsky réalise qu’il existe un lien flagrant entre concentration de Cs137 et malformations cardiaques. Au-delà de 70 becquerels de césium par kilo chez les gosses, à peine 10% d’entre eux conservent un coeur normal. De nouvelles études confirment les premières découvertes.

Au total, 70% des enfants vus par les époux Bandajevsky autour de Gomel souffrent de pathologies cardiaques.C’est terrifiant sur le plan sanitaire – personne ne soupçonnait des effets pareils -, et c’est explosif sur le plan politique. La Biélorussie, qui a consacré pendant des années jusqu’à 20% de son budget aux conséquences de Tchernobyl, n’a plus qu’une idée en tête : nier les problèmes, en tout cas relativiser. C’est que deux millions de personnes, dont 500 000 enfants vivent dans des zones contaminées : il faudrait, à suivre Bandajevsky, au moins évacuer les femmes enceintes et les plus jeunes enfants, et donner à tous les autres le moyen de se protéger contre la contamination, notamment celle des aliments.Contrairement à Hiroshima et Nagasaki, où la réaction thermonucléaire s’était produite dans l’atmosphère, l’explosion de Tchernobyl a contaminé le sol en y déversant des centaines de tonnes de particules radioactives.

Lesquelles se retrouvent perpétuellement dans les récoltes avant de passer dans les produits alimentaires. C’est l’horreur, une horreur sans fin. Ayant bien d’autres chats à fouetter, la mafia biélorusse veut au contraire, à toute force, clamer qu’on peut vivre sur des terres contaminées, et qu’on peut même y renvoyer des personnes déplacées au moment de la catastrophe.En 1998, le professeur et son épouse sont face à leurs responsabilités : parler, publier leurs résultats, et donc défier le redoutable régime postsoviétique d’Alexandre Loukachenko; ou bien se taire. Galina rapportera plus tard 24 heures d’une discussion exténuante avec Youri.

Elle a peur pour sa famille, pour ses enfants, tente de le convaincre de biaiser, de composer. « Et lui m’a répondu : « Alors tu n’es pas un médecin. Et si tu n’es pas un médecin, tu peux mettre ton diplôme sur la table, et sortir balayer la cour » » (2).Les résultats sont publiés, et comme si cela ne suffisait pas, Youri, qui est membre d’une commission chargée de contrôler les fonds publics destinés à Tchernobyl, découvre une magouille gigantesque. Sur les 17 milliards de roubles affectés en 1998 à l’Institut de recherche sur les radiations, seul 1,1 milliard a été utilisé pour des études utiles. Le reste ? Gaspillé, ou pire. Il est menacé, reçoit des lettres anonymes, mais continue à alerter l’opinion.

Dans une de ses dernières interventions publiques, il déclare : « Si on n’entreprend pas des mesures permettant d’éviter la pénétration des radionucléides dans l’organisme des adultes et des enfants, l’extinction menace la population d’ici quelques générations ». Vous avez bien lu : extinction.Le 13 juillet 1999, il est arrêté, et jeté en prison pour six mois. Ce qu’on lui reproche ? D’avoir touché des pots de vin ! Il perd vingt kilos, vieillit, aux yeux de ses amis, de dix ans en quelques semaines. Le 27 décembre 1999, il est libéré dans l’attente d’un procès, et se remet aussitôt au travail.

Mais le 18 juin 2001, une chambre militaire – ce qui interdit tout appel – le condamne à huit ans de camp à régime sévère et à la confiscation de tous ses biens. Evidemment, son successeur à l’Institut de Gomel met fin aux travaux en cours sur le césium. Bandajevsky s’enfonce dans la nuit, qui risque de lui être fatale (voir encadré sur la campagne pour sa libération).Mais l’affaire Bandajevsky, si elle terrible, n’est pas unique. Le pouvoir biélorusse, en effet, est parvenu en quelques années à museler ou contrôler toute recherche authentique sur les véritables effets de Tchernobyl. Après avoir chassé sa propre ministre de la Santé, le docteur Dobrychewkaïa, il est parvenu à fermer un autre institut scientifique, celui du professeur Okeanov, spécialiste des cancers, et à occulter les travaux des professeurs Demidtchik et Goncharova.

Le cas du professeur Vassili Nesterenko est plus frappant encore. Héros de Tchernobyl, où il a été irradié au moment de l’explosion, il s’est constamment heurté depuis aux autorités en place. Bientôt menacé d’internement, puis de procès en corruption – comme Bandajevsky -, il poursuit néanmoins un travail de terrain qui prouve l’extraordinaire contamination de la chaîne alimentaire. On lui confisque finalement ses appareils de mesure, et victime d’un infarctus, il perd la direction de son institut. Va-t-il céder ? Non. Grâce notamment à une fondation irlandaise, il crée un institut indépendant, Belrad, et repart au combat. En 2000, il parvient même à mettre au point un produit à base de pectine de pomme, très efficace pour l’élimination du césium dans les tissus humains.Ces impitoyables manoeuvres politico-mafieuses pourraient paraître lointaines, et presque exotiques.

Mais ce serait oublier que Tchernobyl est un enjeu mondial pour le lobby nucléaire. Qui tient le « bilan » de la catastrophe tient probablement entre ses mains l’avenir de cette industrie de la mort. Michel Fernex, professeur émérite de la faculté de médecine de Bâle, qui suit la totalité de ce dossier avec une énergie et une vigilance admirables : « Si les conséquences sanitaires de Tchernobyl étaient connues, elles mettraient fin au programme de développement nucléaire mondial ».Est-ce la véritable enjeu des drames à répétitions qui frappent la Biélorussie ?

Le même Fernex a mis au jour l’intolérable  sujétion de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à ce lobby essentiel qu’est l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA). Où sont passés les résultats de la conférence de 1995 ?Bien plus près de nous, EDF, Areva, Cogema ont lancé en 1996 en Biélorussie le projet Ethos (voir encadré). S’agit-il, comme l’affirment ses promoteurs, d’aider les populations locales ? En partie, sans doute. Mais ces travaux, qui portent sur la radioprotection, visent in fine à « prouver » qu’on peut vivre durablement sur des terres contaminées par l’atome.

Une démarche qui ne peut que satisfaire au plus haut point le pouvoir biélorusse. Faut-il parler de complicité objective ? Au début de 2001, l’institut Belrad de Nesterenko s’est vu retirer la gestion de cinq centres de contrôle radiologique dans la région de Stolyn. Précisément sur le territoire où travaillent « nos » experts. Et ce n’est pas l’effet du hasard : dans un courrier adressé à Nesterenko, le président du très officiel organismes Com Tchernobyl lui annonce que ces cinq centres seront transférés à un autre institut conformément à la proposition des scientifiques français, dans le cadre du projet Ethos-2.

Certes, les responsables d’Ethos ont immédiatement parlé de malentendu, et multiplient depuis les contacts avec Nesterenko. Mais au nom de quelles valeurs des scientifiques d’un pays démocratique parviennent-ils à travailler dans un pays où la liberté de recherche – et la liberté tout court – est à ce point bafouée ? Comment osent-ils travailler sur la « fertilisation raisonnée de la pomme de terre » sans dire un mot sur le sort de Bandajevsky, qui a prouvé que 70% des enfants par lui examinés souffraients de problèmes cardiaques ? Oui, au nom de quelles valeurs ? Celles de l’atome ?

(1) Cet article doit beaucoup aux informations rassemblées par la Crii-rad, notamment dans son excellent bulletin Trait d’Union n°22

(2) Propos tirés d’un film du réalisateur Wladimir Tchertkoff.

18 réflexions sur « Bandajevski, simple héros de l’humanité »

  1. J’ai toujours penser que lorsqu’on nous dis que la biodiversité des terres contaminées de thchernobyl se portent bien…On insultait les personnes qui ont un cerveaux!

    Je propose qu’on remete un prix Nobel à tous ces donneurs d’alerte qui sont trainés dans la boue…Cela pour les rendrent plus indépandants!

  2. Voici un article trouvé sur le WEB dans un blog =
    Tchernobyl : Le poing
    12 oct 2008 Par amaitenaz
    Je suis aveugle. sympathisant du réseau sortir du nucléaire, je pensais être sensibilisé à cette question, de ces dangers et de la catastrophe qui est en route. Je suis aveugle. De nombreux reportages, des articles innombrables, des émissions de radio et des livres, avaient construit en moi une connaissance de cette tragédie. Ou ce que je croyais être une connaissance. Il n’en est rien. J’ai saisi ces images il y a quelques jours lors d’une conférence à Vilnius sur le sort réservé aux liquidateurs, ces personnes que l’Union soviétiques a envoyées à la mort pour boucher les trous de la centrale qui venait de partir en enfer. Je te les donne, bien maladroitement ….

    Un liquidateur biélorusse se lève et dit d’une voix étonnamment ferme : « Nous n’avons pas besoin de vos expériences sur les rats pour démontrer les dangers de la radioactivité. De tous mes collègues qui ont travaillé sur le site, Je suis le seul survivant. J’ai 43 ans. Messieurs les scientifiques, en Biélorussie, depuis 22 ans, les rats ce sont les hommes. » Sa main droite est fermée comme une pierre, une pierre pendue au bout de son bras. Les doigts sont blancs. Il ne doit plus rester une seule molécule d’air dans cette paume. Tout est tendu, prêt à exploser. La rage de cette homme, sa douleur ne se trouvent ni dans sa voix, ni dans son comportement, mais enfermées dans ce poing comme dans une cage.

    L’ancien président de Biélorussie est installé à une dizaine de mètres dans la grande salle de Conférence. D’où il est, il ne peut pas voir, il peut juste entendre. Il se lève d’un bon, comme si les propos du liquidateurs étaient incohérents.  » La construction d’une centrale nucléaire en Biélorussie est indispensable. Nous avons besoin de cette énergie si nous voulons rattraper notre retard et nous développer. Le projet d’AREVA est notre planche de salut. »

    Le liquidateur reste impavide. Son poing sous la table est devenu rouge sang, comme un coeur qui bat, BOUM, BOUM.

    Je te dis cela parce que j’ai compris tout à coup que aucun moyen de communication au monde n’est en mesure de véhiculer les informations transmises par ce poing sous la table. Tu peux faire des gros plans dans un documentaire, tu peux le raconter dans un billet de blog, tu peux faire une photo noire et blanc ou un dessin, tu peux même mettre un micro qui te fait entendre les os qui craquent à l’intérieur et le sang qui cogne dans les veines, rien ne permet de décrire la violence et la profondeur de ce que ce poing m’a enseigné. Et cette idée m’a inquiété.

    Au fait, vous saviez-vous qu’AREVA, l’industrie préférée du gouvernement français offrait ses services pour installer une centrale nucléaire en Biélorussie ? Que les nucléocrates venaient ajouter à leur arrogance, le mépris des morts et de la douleur. Et cela vous fait quoi ? Moi, je vous le dis en toute simplicité, je sens le poing de ma main droite qui se crispe sous la table

  3. Un grand merci amical à Fabrice pour ses articles…
    Tchernobyl,les zones contaminés, j’y suis allé plusieurs fois (en Biélorussie surtout…)
    Ce qui me choque à chaque fois, c’est de voir les gens dans les hôpitaux,les sanatoriums, les écoles, les données scientifiques existantes, mais qui ne sont pas exploitées (et surtout pas divulguées…). Une chape de plomb s’abat sur cet apocalypse dans l’indifférence générale.. Les Français sont numéro un pour y contribuer. Là bas, on n’accuse pas le lobby nucléaire français, mais ont dit « les Français nous prennent pour des cobayes »…. Parfois, j’ai honte de ce pays la France. Toutefois, il y a des gens qui luttent à tous les niveaux pour faire éclater la vérité au grand jour (et à tous les niveaux). Un dur combat pour la vie est engagé là bas. N’oublions jamais….
    Romain
    PS = je me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions..
    romain.chazel@criirad.org

  4. Oui, merci à toi, Romain. Je soutiens moi aussi le réseau Sortir du nucléaire. A ce propos, entendu hier (sur France-Info) Mme Lauvergeon défendre son fonds de commerce puisque produisant une énergie non carbonée (ce qui, de plus, est discutable) et seule capable de répondre en permanence à la demande, demande en grande partie due au matraquage publicitaire… Consommez, braves gens, les drames sont bien cachés.

  5. Sylviane,
    OK pour donner le prix Nobel aux liquidateurs (ils le méritent….)
    Mais n’oublions pas que les dès sont pipés…
    Pour information, en 2005 le prix Nobel de la paix fut accordé à l’AIEA… Voici d’ailleurs, ci dessous le communiqué que la CRIIRAD a publié à cette occasion =
    Vendredi 7 octobre 2005
    Le prix Nobel de la Paix décerné à
    l’Agence Internationale de l’Energie Atomique

    La réaction de la CRIIRAD

    Créée en 1957, l’AIEA a été dotée d’une double mission statutaire de contrôle de la non prolifération de l’arme atomique et de développement des applications nucléaire civiles.

    Dans le cadre de sa mission de promotion du nucléaire civil, l’AIEA pratique depuis près de 20 ans une désinformation intense sur les conséquences de la catastrophe de Tchernobyl. Ce travail de contrôle et de censure a pour effet de priver les victimes de la catastrophe de la reconnaissance et des aides (médicales notamment) auxquelles elles ont droit. Par ailleurs, les efforts déployés par l’AIEA pour minimiser les risques encourus par les populations vivant dans les zones contaminées sont directement responsables de l’augmentation continuelle du nombre des victimes.

    Le fait que ni le nombre, ni l’identité des personnes concernées ne puissent être déterminées n’exonère pas cette agence de sa responsabilité.

    En tout état de cause, la CRIIRAD considère que l’écrasante responsabilité de cette agence dans le dossier Tchernobyl est incompatible avec l’obtention du prix Nobel de la Paix et constitue un affront pour toutes les victimes des contaminations radioactives.

    La CRIIRAD souhaite toutefois leur transmettre un message d’espoir : la récompense qui vient d’être décernée à l’AIEA ne permettra pas à l’AIEA d’échapper à ses responsabilités. Elle devra un jour ou l’autre rendre des comptes.

    Concernant d’ailleurs, la falsification dont elle s’est rendue coupable début septembre dernier, avec la complicité de l’OMS et du PNUD, la CRIIRAD compte saisir d’ici 15 jours les plus hautes instances internationales afin de faire sanctionner la diffusion d’informations erronées et de recommandations susceptibles de mettre en danger la vie de millions de personnes.
    Nous verrons ce que l’Histoire retiendra de l’AIEA, de ce titre honorifique ou de ses responsabilités face aux victimes du nucléaire.

    Tant que l’AIEA sera investie d’une double mission de contrôle du nucléaire militaire et de développement du nucléaire civil, deux objectifs largement contradictoires, aucune réelle protection des populations ne pourra être mise en œuvre au niveau international.

    Rappelons qu’en 1996, le Tribunal International des Peuples a condamné l’AIEA pour « s’efforcer de promouvoir l’énergie nucléaire par le mensonge, l’intimidation et l’utilisation non éthique du pouvoir de l’argent » et « pour violation des droits les plus fondamentaux des victimes des accidents nucléaires, y compris leur revictimisation et le déni arrogant de leur souffrance ».

    http://www.criirad.org

  6. Bruno,
    La CRIIRAD (et moi non plus) ne soutiens pas le réseau sortir du nucléaire. Statutairement, ce n’est pas là notre vocation. L’idée d’avoir créé un laboratoire indépendant, c’est pour s’approprier une information que jusqu’à là on n’avait pas en tant que citoyen. Voilà les limites (nécessaires) de la CRIIRAD. Mais c’est tellement important d’avoir une information scientifique indépendante de tous les lobbys. Seule la vérité scientifique nous importe. Et c’est tous les citoyens qui y gagnent…
    La CRIIRAD n’est ni pro ni anti nucléaire qu’on se le dise…
    Bien sur le fait qu’elle dénonce beaucoup de choses fait penser le contraire. Mais bon à qui la faute ???
    Romain.

  7. CRIIRAD, extrait du Bulletin Trait d’Union n°22.

    QUAND LE LOBBY NUCLEAIRE S’EN PREND… A SES VICTIMES

    Des structures écrans au service du nucléaire

    Comment les industriels du nucléaire infiltrent les structures en
    charge de la radioprotection et s’emparent des financements publics

    Nous avons souvent souligné les statuts pro-nucléaires de l’AIEA (au niveau mondial) ou d’EURATOM (au niveau européen). Ces deux organismes sont chargés d’établir les normes de radioprotection alors qu’ils ont pour mission principale de développer le nucléaire civil partout dans le monde. Ce conflit d’intérêt a pour conséquence de subordonner la protection des personnes aux besoins des exploitants : les risques sont minorés, la réglementation est ajustée aux exigences économiques et les entraves qu’elle instaure doivent rester « raisonnables ». L’industrie nucléaire a ainsi été quasiment dispensée de l’obligation de s’assurer contre les risques qu’elle génère.
    Cependant, la main mise du lobby nucléaire ne se limite pas à quelques grands organismes internationaux. Ses interventions se déclinent dans une multitude de structures de statuts très variés qui constituent un sorte de grand réseau mondial. Ces entités écrans permettent au lobby d’intervenir de façon masquée dans le champ de la radioprotection. Elles intègrent généralement des personnalités ou des organismes scientifiques « au dessus de tout soupçon » qui, sciemment ou à leur insu, leur confèrent la crédibilité qui leur fait défaut. Entourés de bons communicateurs, le lobby nucléaire sait choisir des sigles suggestifs et des concepts porteurs : protection de la planète, développement durable, citoyenneté, droit à l’énergie, éthique…
    C’est ce schéma type que nous avons retrouvé quand nous avons enquêté sur les promoteurs du projet ETHOS.

    – Sur proposition des scientifiques français !
    En janvier 2001, le professeur Nesterenko apprend que le Comité national du Bélarus en charge de la gestion des conséquences de Tchernobyl (comité dit « Com.Tchernobyl » ) a l’intention de retirer à son institut Belrad la gestion des centres locaux de contrôle radiologique qu’il avait mis en place, 10 ans plus tôt, dans plusieurs villages du district de Stoline (région de Brest). Il introduit aussitôt un recours auprès du président de COM.TCHERNOBYL, Vladimir Tsalko. :
     » (…) Les données reçues montrent que la contamination des produits alimentaires dans les territoires de la région de Brest, victimes de la catastrophe de Tchernobyl, est assez grave et tend à empirer ces deux dernières années.
    Ainsi, l’exclusion des centres locaux de contrôle d’Olmany, Gorodnaia et Berezhnoié de la liste des centres dirigés par l’Institut Belrad interrompra la continuité de l’information sur la contamination des produits alimentaires (…), exclura la possibilité de la comparer d’une année à l’autre et par trimestre, pour observer les tendances correspondantes, et rendra plus difficile l’élaboration de recommandations d’ensemble pour les mesures de radioprotection.
    De plus, Olmany, Gorodnaia, Berezhnoié sont des villages importants, avec une population de 1.500 à 2.500 habitants chacun, et la perte par l’Institut de radioprotection Belrad de l’information sur la contamination des produits alimentaires dans ces villages exclura la possibilité d’organiser des examens ciblés de leurs habitants au moyen d’anthropogammamètres, en fonction du degré de contamination des produits alimentaires consommés par les différentes familles. […]  »
    La réponse de COM.TCHERNOBYL, signée de son vice-Président, V.E.Chevtchiouk, fut sans appel : BELRAD est privé de 5 centres qui sont transférés à un institut beaucoup moins dérangeant. Le courrier précisait par ailleurs que la décision avait été prise conformément à la proposition des scientifiques français et dans le cadre du projet européen Ethos­2 !
    Interpellé par le réalisateur Wladimir Tchertkoff, l’un des membres d’ETHOS, Jacques Lochard, se déclarait très surpris, évoquait un malentendu, proposait une rencontre mais rien n’en sortira de positif pour BELRAD. Mois après mois, au gré des interventions des amis de Nesterenko, en particulier du professeur Fernex, les promesses vont succéder aux promesses… sans jamais se concrétiser.

    Nous ignorons si Belrad a été chassé à l’initiative de l’équipe d’ETHOS ou si le comité Tchernobyl a profité de la venue d’ETHOS pour se débarrasser du trop dérangeant Nesterenko. Ce qui est sûr, c’est que l’éviction de Belrad de villages où il travaillait depuis 10 ans n’a pas posé de problème moral insurmontable aux responsables d’ETHOS. Le projet s’est poursuivi sans l’institut indépendant comme si de rien n’était. Dans ce contexte, il nous a paru important de savoir ce qui se cachait derrière le beau nom d’Ethos.

    – ETHOS, enquète sur un projet en pleine expansion
    Le projet ETHOS a débuté en 1996 avec l’objectif louable d’améliorer la qualité de vie des habitants des zones contaminées et de développer la culture radiologique des villageois.
    La première phase, entièrement financée par la Commission Européenne, s’est déroulée de 1996 à 1998 dans le village d’Olmany, situé à 200 km environ de Tchernobyl. D’après les responsables, l’intervention a permis  » des améliorations très significatives des conditions de vie, notamment sur le plan de la protection radiologique et de la qualité des productions agricoles privées « .
    Dès lors, un nouveau projet, plus ambitieux, a été préparé : ETHOS 2. Le champ d’intervention n’est plus limité au village d’Olmany, mais s’étend à tout le district de Stolyn, soit 5 villages et 90 000 habitants. La Commission Européenne continue de financer même si des fonds proviennent également du Ministère Suisse des Affaires Étrangères, de l’association Sol et Civilisation, d’EDF, de la COGEMA et de l’IPSN-CEA.
    Commencé en 2000, le projet s’achève en novembre 2001, avec l’organisation d’un Séminaire International qui se tient à Stolyn en présence des autorités nationales biélorusses et de nombreuses organisations internationales, gouvernementales et non gouvernementales. Les 150 participants concluent à la nécessité de monter  » de nouveaux projets visant à favoriser le développement économique durable et la réhabilitation radiologique des territoires contaminés et tenant compte de l’expérience du Projet ETHOS « .
    L’objectif est atteint avec le lancement du projet CORE, qui doit couvrir non plus 1 mais 4 districts des zones contaminées et auquel l’équipe d’ETHOS est très étroitement associée. Ainsi, à partir d’une intervention ponctuelle à Olmany, l’équipe d’Ethos se retrouve au cur des recherches et des interventions dans le pays le plus touché par Tchernobyl.
    Qui sont donc les membres de cette équipe surdouée ? Le projet ETHOS implique quatre organismes aux champs de compétences bien tranchés :

    – le Centre d’étude sur l’Évaluation de la Protection dans le domaine Nucléaire (CEPN) qui s’occupe de toutes les questions de contrôle radiologique, de radioprotection et d’économie,

    – l’Institut National d’Agronomie de Paris-Grignon (INAPG) qui intervient sur les questions d’agronomie et de gestion patrimoniale ;

    – l’Université de Technologie de Compiègne (UTC) qui est chargée du secteur  » communication et sécurité  »

    – le groupe Mutadis (gestion sociale du risque) qui assure la coordination scientifique.
    De ces trois organismes, un seul est compétent en matière de contrôle radiologique : le CEPN. Selon les propres déclarations de membres d’Ethos, c’est à lui qu’incombait toutes les questions de radioprotection. Le secteur clé est donc aux mains du CEPN. Pour bien comprendre les enjeux du projet, il faut donc aller chercher à nouveau ce qui se cache derrière ce sigle.

    – Le CEPN, étrange association à but non lucratif
    Le Centre d’étude sur l’Évaluation de la Protection dans le domaine Nucléaire est une association loi 1901 qui a la particularité d’avoir été créée, en 1976, par Électricité de France (EDF) et le Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA). L’association est passée de 2 à 3 membres avec l’arrivée de la Compagnie Générale des Matières Nucléaires (Cogéma) : les trois seuls adhérents de cette association sont donc les 3 plus gros acteurs du nucléaire français :

    – COGEMA (groupe AREVA) qui régente en France tout le  » cycle  » du combustible nucléaire : de l’extraction de l’uranium au retraitement des combustibles irradiés, en passant par la fabrication des combustibles, directement ou par l’intermédiaire de diverses filiales et participations.

    – EDF qui exploite, sur le territoire français, 58 réacteurs électronucléaires ;

    – CEA-IPSN, un établissement public chargé de développer les applications civiles et militaires du nucléaire. Lorsque l’IPSN a quitté le CEA, les adhérents du CEPN sont passés de 3 à 4.

    L’objectif affiché du CEPN est de  » promouvoir la protection des travailleurs et du public contre les effets pathologiques des rayonnements ionisants « .
    Que l’on ne s’y méprenne pas : il ne s’agit pas de philanthropie. L’intérêt des industriels est évidemment d’occuper le terrain : mieux vaut produire des études minorant les risques plutôt que laisser le champ libre à des chercheurs qui auraient moins à cur le développement du nucléaire. Cette stratégie n’est d’ailleurs pas spécifique à ce secteur d’activité : tous les pollueurs font la même chose. Combien d’études financées par l’industrie du tabac ou par les firmes type Monsanto ? Contrôler la recherche est l’élément clé pour assurer le développement d’un produit ou d’une industrie à risque.
    L’intrusion des exploitants dans le champ de la radioprotection est par conséquent logique. Là où la situation devient choquante, c’est lorsque cette stratégie bénéficie de financements publics !

    – Main basse sur l’argent et la légitimité
    En effet, lorsqu’on examine le financement du CEPN, on constate que 30 % seulement des fonds proviennent des cotisations des membres (EDF, CEA, Cogéma et IRSN), le reste provenant de contrats passés avec l’industrie nucléaire mais aussi (ce qui pose problème) avec les organismes de contrôle français *, la Commission européenne ou l’ONU !
    C’est exactement comme si on confiait à des structures mises en place par les industriels de l’amiante, la responsabilité d’étudier les conditions d’exposition et l’état de santé des personnes qui ont été victimes de ce produit !
    Au lieu d’être affecté à des équipes de scientifiques indépendants, l’argent public est ainsi canalisé, une fois encore, vers le lobby nucléaire.

    En finançant des projets portés par le CEPN, la commission européenne n’apporte pas seulement de l’argent au lobby nucléaire français, elle lui apporte aussi une légitimité : elle considère qu’il est normal de charger EDF, la Cogéma ou le CEA d’étudier la situation des victimes de Tchernobyl, d’évaluer les risques qu’elles encourent et les dispositifs de radioprotection qu’elles nécessitent.
    Le conflit d’intérêt est pourtant évident. Les résultats seront nécessairement altérés au bénéfice des industriels et au détriment de la protection des populations. Les auteurs de ces études ne mettront pas en avant les éléments susceptibles d’entraver le développement de l’industrie qui les fait vivre.
    Alors que ces organismes luttent pied à pied, au niveau international, pour que les nouvelles normes de radioprotection soient le moins contraignantes pour leur industrie qui croira qu’ils vont piloter, au Bélarus, des recherches susceptibles d’annihiler tous leurs efforts ? Il est évident que ces études finiront par prouver que l’on peut vivre, et même bien vivre, avec la contamination. Elles ont déjà fait adopter, pour les zones contaminées, la notion ambiguë de « développement économique durable ».

    Les promoteurs du nucléaire sont cependant prudents et se soucient de donner des gages de leur sincérité : pas question de se discréditer en criant haut et fort que la radioactivité est inoffensive. Il faut savoir perdre quelques pions pour gagner la partie : avant d’apporter, à terme,  » la preuve  » que les villageois peuvent s’accommoder de la pollution, les recherches initiées par le CEPN doivent d’abord démontrer son attachement à la protection sanitaire des personnes.

    Il faut donc rester vigilant et informé.
    Grâce aux mesures de son institut, le professeur Nesterenko a démontré que les conclusions optimistes de l’équipe d’ETHOS sur la baisse du niveau de contamination de certains aliments ne se vérifiaient plus sur le terrain : les mesures effectuées en janvier 2001 sur 31 échantillons de lait provenant du secteur d’Olmany ont révélé que 22 échantillons dépassaient très largement la limite maximale admissible de 100 becquerels par litre (un niveau que les médecins considèrent déjà comme excessif pour un enfant, en particulier lorsqu’il persiste des années). Le professeur Michel Fernex, qui a étudié de près le travail d’ETHOS, souligne pour sa part qu’un aspect essentiel a été éludé par les chercheurs : la situation sanitaire des populations. C’est ce qu’il appelle  » le mensonge-clés « .
    Ces critiques ont été rendues publiques et l’opinion a été alertée. C’est ce que le lobby veut à tout prix éviter : pour que sa stratégie fonctionne, la vitrine doit être préservée : officiellement, ce n’est pas lui qui intervient mais des personnes dévouées aux victimes de Tchernobyl (et certaines le sont en effet, en particulier parmi les partenaires extérieurs au CEPN).
    Au cours de ces derniers mois, au Bélarus, la stratégie a changé et des responsables d’Ethos ont soutenu les positions défendues par le professeur Nesterenko. Informés de ces derniers développements, nous avons cependant décidé de maintenir la publication de cet article. D’abord parce que le moins que l’on puisse dire c’est que ce revirement n’a rien de spontané ; ensuite, et surtout, parce que quels que soient les gages que pourra apporter le CEPN, son intervention reste illégitime. La protection sanitaire des personnes ne doit pas être confiée aux industriels, que ce soit en France, en Bélarus, ou n’importe où dans le monde.

    * la DSIN devenue la DGSNR et l’IPSN devenu l’IRSN

    IRSN-CEPN. Une caractéristique très française :
    la collusion entre les industriels et ceux qui sont censés les contrôler.

    En participant au CEPN, l’institut officiel d’expertise (IPSN devenu IRSN) met tout son crédit au service d’EDF, du CEA et de Cogéma, les aidant ainsi à intervenir dans le champ de la radioprotection et à obtenir des contrats qui, sans cela, pourraient leur échapper. Sans compter que certains des marchés sont précisément passés entre le CEPN et les organismes de contrôle : c’est ce qui s’appelle faire travailler la famille. On n’est jamais mieux servi que par soi même !

    Conseil d’Administration du CEPN Président : Daniel Quéniart (IPSN-CEA) aujourd’hui directeur de l’IRSN, Vice-Président : Bernard Tinturier (EDF), Secrétaire : Jean-Pierre Laurent (COGEMA) et Trésorier : Yves Garcier (EDF). Autres administrateurs : M. Lavérie (EDF), M. Pouilloux (COGEMA), Mme Sugier (IRSN), M. Thezee (EDF). Le CEPN est dirigé par Jacques Lochard, la structure salariée est composée essentiellement  » d’économistes, d’ingénieurs et de physiciens « .

    Conseil scientifique (2000 – 2003) présidé par Serge Prêtre, il comprend 2 représentants d’EDF, 2 de la Cogéma, 2 de l’IRSN, 1 de Framatome, 1 du ministère de la Santé, 1 de l’assistance publique, 1 de l’Institut national de veille sanitaire et 2 représentants de la commission européenne (H. Forström, de la DG-Recherche et A. Janssens, de la DG- Environnement).

    Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (CRIIRAD)

    1986 : Alors que les services officiels indiquent que la France, en raison de son éloignement, a été totalement épargnée par le nuage radioactif de Tchernobyl, des familles entières consomment, sans le savoir, du lait, du fromage, des légumes frais… gorgés de produits radioactifs.
    Bien que minoritaires, quelques scientifiques prennent la parole. Certains journalistes commencent à prendre du recul et confrontent les discours officiels aux informations qui circulent à l’étranger. Dans la Drôme, un groupe de simples citoyens – qui va donner naissance à la CRIIRAD – décide de vérifier le niveau de contamination de l’environnement avec l’aide du Professeur Robert Béraud de l’institut de Physique Nucléaire de Lyon et membre du GSIEN. Le résultat des premiers contrôles étonne tout le monde : tous les échantillons sont contaminés et le cocktail des produits radioactifs est impressionnant…
    C’est en révolte au manque de prise en considération des conséquences de cet accident pour l’environnement et l’être humain que la CRIIRAD s’est constituée. Elle a pour vocation de contrôler et d’informer les populations sur les pollutions radioactives et les risques liés au nucléaire. Sa spécificité est d’être indépendante des exploitants du nucléaire, de l’Etat et de tous partis politiques. Cette indépendance est possible grâce aux milliers d’adhérents qui soutiennent la CRIIRAD et lui permettent d’effectuer ses propres investigations. Ces ressources restent malgré tout insuffisantes face aux nombreux dossiers à traiter. Il est essentiel que toutes les personnes sensibilisées à la cause que nous défendons se mobilisent et nous rejoignent.
    Depuis quelque temps, la CRIIRAD se mobilise aux côtés de l’institut Belrad au Bélarus, car si nous voulons connaître un jour le véritable impact de la catastrophe de Tchernobyl, nous devons disposer de sources d’informations fiables, en particulier dans les pays les plus touchés : l’Ukraine, la Russie et le Bélarus. Il faut que des recherches puissent être conduites par des scientifiques indépendants du lobby nucléaire et capables de résister aux pressions des autorités de leur pays. Au lieu de cela, le lobby nucléaire c’est emparé du sujet. Il le contrôle en évitant la divulgation d’informations contradictoires qui pourraient semer le trouble dans les esprits. Tout cela, pour faire admettre l’idée qu’un accident est tout à fait acceptable pour l’humanité…

  8. Romain;
    Merci pour toutes vos infos; je ne suis qu’une insignifiante rèveuse…

    Je me pose la réflexion de comment réelement soutenir les donneurs d’alerte; depuis ma petite implication vis à vis d’un célèbre semancier monopolitique d’OGM!

    Ce n’est pas très constructif; je constate juste que l’histoire se répète par rapport au suites d’Hirroshima…Où la déshumanisation allait jusqu’au fait que les morts n’étaient pas rendus « entier » à leur familles.(quand ils étaient rendus!)

    Je vis à l’ombre d’une centrale nucléaire belge contruite depuis plus de trente ans… Les bénéfices de ce dangereux outil sont indécents; et la participation aux communes avoisinantes insignifiante…Les erreurs commisent y sont de plus en plus fréquentes; car leur politique est; de plus en plus de faire appel à de la sous-traitance de moins en moins cher…Les plus vieilles infrastructures de cette centrale n’étaient pas sensées avoir une durée de vie de plus de vingt ans!(on ne va tout de même pas démanteller la poule aux oeufs d’or, même si il y avait un contract signè à l’origine!)

    Je tiens à signaler qu’il s’agit d’une des centrale les plus sécurisée au monde; et qui a eu aussi son lot de déchets égarrés. Et chaque fois que je lève les yeux dessus je pense à ce qu’on appelait chez nous « les centrales à ciel ouvert »!

    Je crains fort que les « grands espoirs » basé sur la fusion ne nous donnent que des outils tout aussi dangereux d’après ce que j’en ai entendu dire…

    Il est possible de sortir du nucléaire; les écolos belges ont fait voter loi pour ça…Même si les pressions sont grandes pour que la date soit reportée…Mais nous allons encore vivre très longtemps avec les conséquences de cette folie.

    J’ajouterai juste, qu’à l’ombre de cette centrale; on y trouve maitennant un petit parc éolien; ça fait peu de bruit et c’est moins moche que les grosses tours de refroidissement dont les vapeurs cachent le soleil.

    Il y a bien du vent aussi en Bielorussie??? On devrait peut-être mettre ces gens en rapport avec « la compagnie d’héole »…C’est une petite histoire belge où un village entier a cotiser pour s’offrir ses héoliennes…Si vous pensez que cette expérience peut-être enrichissante pour les personnes que vous connaissez là-bas, je vous envoie leur contact par mail.

    Je vous remercie aussi pour votre témoingnage.

  9. Sylviane,
    Votre idée est très généreuse, mais il faut savoir que ce qui est possible en Belgique, ne l’est pas au Belarus. En effet dans les zones contaminées, nous trouvons des familles assez pauvres. Et je ne pense qu’ils pourraient se cotiser pour s’offrir des éoliennes. Le travail que mène l’institut Belrad du professeur Nesterenko (décédé cet été) que cite Fabrice dans son article n’est possible que grâce à la générosité de citoyens européens (essentiellement Français). En Belgique, une association se démène elle aussi pour faire venir des enfants des zones contaminées du Belarus « Les Enfants de Tchernobyl » a.s.b.l. (http://enfants-de-tchernobyl.be/). Mais tout cela n’est qu’une goute d’eau (nécessaire) car ce que construisent toutes ses association est détruit par ailleurs par des programmes comme celui dénoncé par notre association dans l’article posté plus haut : QUAND LE LOBBY NUCLÉAIRE S’EN PREND… A SES VICTIMES. Et ceci n’est qu’un exemple je vous conseille de lire l’article de l’amie Bella Belbéoch, « Responsabilités occidentales dans les conséquences sanitaires de la catastrophe de Tchernobyl, en Biélorussie, Ukraine et Russie » disponible sur : http://www.dissident-media.org/infonucleaire/consequences.html. Vous y découvrirez pourquoi les évacuations n’ont pu se faire à l’époque et surtout le rôle d’un certain professeur Pellerin bien connu ici en France pour avoir minimisé les retombées de Tchernobyl dans notre pays.
    (Ce même professeur Pierre Pellerin, ancien chef de l’autorité de protection nucléaire, est actuellement mis en examen par la juge Marie-Odile Bertella-Geffroy en charge de l’enquête sur le passage du nuage de Tchernobyl au-dessus de la France en 1986 suite à la plainte déposée par la CRIIRAD, l’association française des malades de la thyroïde ainsi que de nombreux malades…).
    Vous voyez les choses ne sont pas si simples que cela dans toute cette histoire. Mais il faut continuer à dénoncer, à soutenir, pour que les maladies de Tchernobyl (actuelles et à venir) puissent enfin être prises en compte.

  10. A Romain : pour ma part, je soutiens aussi l’ACRO dont les objectifs sont à peu près les mêmes que ceux de la CRIIRAD.

  11. Romain;

    Merci; je me doutais un peu de votre réponse… Je connais l’association dont vous me parler…En tand que « famille monoparental à petit revenu »; je ne peux pas accueillir un de ces enfants pour lui donner quelques jours ou quelques mois d’autre chose…

    J’imagine fort bien aussi que pauvre et malade c’est difficile de monter une éoliene…
    Je compte bien transmettre toute vos infos précieuses!

    Je garde toujours malgré tous en tête que rendrent les personnes indépendantes et autonomes est une bonne solution; mais dans ce cas-ci c’est vrai que c’est pratiquemment impossible…Ils y a beaucoup d’autres personnes malades non reconnues: les bombes à fragmentations(je ne connais pas le nom exacte de ces salletés radio-active); les décharges non-légal…

    Ce monsieur Pellerin dont vous parler j’immagine que c’est lui qui avais décréter que le nuage radio-actif ne passait pas la frontière…Regardez le temps qu’il faut pour que cela soit dénoncer…Je pense aussi qu’une bonne information et soutenir des ONG est mieu que rien!

  12. M. Pellerin est le roi de la bonne excuse. Le 10 mai 1986, interrogé au journal de 13 heures sur TF1 par J.-C. Bourret, qui s’étonnait des deux semaines de délai avant de donner des chiffres de pollution, M. Pellerin a répondu : « Tout simplement parce qu’il y a eu deux ponts en deux semaines, et qu’il est très compliqué de transmettre les résultats ! » Si c’est pas ce qui s’appelle être pris pour des c…

  13. Bruno,
    Voici un article de Roger Belbéoch à propos du programme CORE (au Belarus)qui n’est autre que la suite du programme ETHOS que nous dénonçons dans l’article « QUAND LE LOBBY NUCLEAIRE S’EN PREND… A SES VICTIMES ». L’ACRO fait partie de ce programme. La CRIIRAD non (fort heureusement).
    Cordialement et bonne lecture.
    Romain

    Les « CORISTES » au Bélarus

    Sur une terre contaminée tout ce qui pousse est contaminé, plus ou moins. Le lait des enfants est contaminé. Les habitants subissent une irradiation interne chronique par contamination permanente via l’alimentation. Au Bélarus, dans les territoires toujours contaminés par les rejets de Tchernobyl, la situation sanitaire est dramatique. Entre autres pathologies affectant les enfants Youri Bandajevsky et Galina Bandajevskaya ont montré que les problèmes cardiologiques observés chez les enfants étaient corrélés avec l’intensité de leur contamination interne en césium 137.
    Cela pose un énorme problème pour les normes de radioprotection. En effet ces normes, adoptées au niveau international, sont fondées sur des modèles mathématiques qui ne tiennent compte que des effets énergétiques du rayonnement. Que le rayonnement vienne de l’extérieur (un flash comme à Hiroshima) ou d’une contamination interne par un radioélément, aucune différence disent les experts.
    Ce que l’on a décompté après 1950 sur une cohorte de survivants d’Hiroshima et Nagasaki ce sont les morts en excès au cours du temps par cancers et leucémies en fonction de la dose externe reçue (nombre de « biais » dans ces études épidémiologiques ont été relevés par des scientifiques non officiels). Des décennies plus tard l’excès d’incidence des cancers a été montré. Il a aussi été trouvé que des maladies autres que les cancers ont été radioinduites.
    Pour des irradiations internes chroniques les modèles mathématiques ne sont validés par aucune observation expérimentale. Les pathologies constatées chez les enfants au Bélarus ne confirment pas les modèles qui conduisent à des doses calculées très faibles, trop faibles pour avoir un effet sur la santé disent les experts. Prendre en compte ces pathologies reviendrait à réviser les normes de radioprotection d’une façon spectaculaire, en particulier celles concernant les « urgences radiologiques » (terme qui désigne les désastres nucléaires) notamment celles à appliquer après l' » urgence  » et longtemps après, situation qui est vécue actuellement au Bélarus. Une telle réduction des limites de doses est inadmissible pour les experts alors qu’ils préconisent des doses sur la vie de plus en plus élevées.
    Pour nier les observations faites par les médecins locaux les officiels s’appuient sur le fait qu’il n’y a pas actuellement de théorie scientifique pour les expliquer. En somme, pour nos experts, un événement observable et observé n’existe que s’il est intégré à une théorie scientifique. On est à cent lieues de la « médecine expérimentale » de Claude Bernard ! Faudrait-il attendre que les physiciens aient enfin expliqué théoriquement la gravitation pour admettre que les pommes tombent ?
    En bref, ce qui se passe au Bélarus dans les territoires contaminés n’est pas un événement d’une importance secondaire. Si ce qui est observé dans ces territoires est accepté c’est toute la radioprotection internationale sur la contamination interne qui est à mettre à la poubelle. (Cela concerne évidemment aussi les travailleurs sous rayonnement, les habitants soumis aux rejets  » normaux  » des installations nucléaires etc.). L’enjeu est considérable.
    A ce stade intervient le programme CORE, Coopération pour la Réhabilitation (des conditions de vie dans les territoires contaminés) financé par l’Europe, dont les géniteurs principaux sont Lochard, (l’expert CEPN du coût monétaire de l’homme-sievert) et Hériard-Dubreuil (de Mutadis) avec comme participants une liste d’organismes officiels mâtinée d’ONG et d’associations naïves qui ont trouvé quelque intérêt à se mettre en « concubinage » avec des individus et organismes pleins d’argent et de pouvoir. (Voir la Lettre d’information numéros 101/102, février-mai 2004 et 103 juin-juillet 2004).

    Le RE de CORE est mis pour  » réhabilitation « . C’est le programme qui veut en terminer avec Tchernobyl au Bélarus.
    Que signifie ce mot  » réhabilitation  » ? Le Petit Robert peut nous aider à comprendre ce qui se cache derrière ce programme européen qui se dit  » humanitaire « . Dans Le Petit Robert on trouve à  » réhabilitation  » :

    (1) –  » réhabilitation d’un quartier d’immeubles vétustes, leur remise en état d’habitation (réfection, rénovation, restauration) « . Si c’est ce sens là qu’il faut attribuer à la  » réhabilitation  » de CORE, cela signifie que le territoire contaminé nécessite une  » rénovation  » pour être habitable. Cette rénovation consisterait à supprimer la contamination de la terre par le césium 137 et retrouver une nourriture  » propre « . Après Tchernobyl il était admis officiellement que la contamination diminuerait rapidement par migration verticale, le césium 137 s’enfonçant régulièrement en profondeur dans la terre. L’expérience a montré qu’il n’en était pas ainsi, le césium 137 revient en surface par les labours, par les plantes qui l’absorbent et le restituent en surface. La contamination surfacique des sols a diminué après 1986 mais depuis le début des années 90 on constate qu’elle diminue selon la période physique du césium 137 qui est de 30 ans. Cela veut dire qu’elle diminue d’un facteur 2 au bout de 30 ans (d’un facteur 10 en 100 ans, 100 en 200 ans, 1000 en 300 ans). A moins d’enlever la terre sur une cinquantaine de centimètres (la couche arable) et de la remplacer par de la terre non contaminée il n’y a aucun moyen de réhabiliter ces territoires, de les restaurer pour les rendre habitables avec une nourriture produite d’une qualité d’avant Tchernobyl.
    Il est évident que les participants de CORE n’ont pas cette conception de la « réhabilitation » qui impliquerait que les dégâts sanitaires observés par les médecins locaux soient réels et liés à la consommation de nourriture contaminée. Or il n’est pas question pour les promoteurs de CORE d’admettre ces effets sanitaires. C’est donc une autre définition de la  » réhabilitation  » que les  » CORISTES  » ont en tête.

    (2) – D’après le Petit Robert il y a une autre interprétation du mot « réhabilitation » :  » restituer ou regagner l’estime, la considération perdue. Cessation des effets d’une condamnation à la suite des révisions d’un procès « . Il paraît assez vraisemblable que c’est de cette interprétation qu’il s’agit. Pour les missionnaires de CORE, ce que les médecins observent chez les enfants biélorusses des zones contaminées (par exemple les problèmes cardiaques variés plus ou moins graves selon le niveau de contamination interne mesuré grâce à l’équipement mobile de l’institut BELRAD) ne provient pas de la contamination de la nourriture due à celle du sol mais d’un stress développé dans la population. Il s’agit pour CORE d’innocenter la contamination des sols, de  » réhabiliter  » la terre en dénonçant le faux procès qu’on lui fait.

    Il s’agit pour les missionnaires de CORE de rendre à la terre biélorusse contaminée  » l’estime publique  » en reconnaissant son innocence. Pour CORE les coupables des problèmes sanitaires ce sont les habitants eux-mêmes. Il s’agit dès lors de les culpabiliser pour innocenter les sols contaminés. Peut-être les promoteurs de CORE iront-ils jusqu’à lancer l’idée de  » Psychanalistes sans frontières  » et une souscription européenne pour que les villages aient des divans et des psys.
    La situation au Bélarus dans les zones contaminées est assez claire. Toutes les personnes importantes de quelque notoriété, (intellectuels, fonctionnaires, entrepreneurs etc.) ont fui vers des zones  » propres « , non contaminées ou moins contaminées. Y compris, juste après Tchernobyl, les médecins. Cela a été rapporté publiquement en février 1989 dans le journal Biélorussie soviétique par le médecin-chef de Biélorussie (Gazette Nucléaire 96/97 Tchernobyl trois ans après). Il était quasiment inconcevable que le jeune Youri Bandajevsky ait créé de toutes pièces en 1990 un institut de médecine à Gomel, au milieu d’une des zones les plus contaminées de Biélorussie.
    Les zones contaminées sont des régions sans activités (industrielles). Que faire en dehors de l’action nocive de CORE ? Vassili Nestérenko le directeur de BELRAD essaie de limiter les dégâts en donnant de la pectine aux enfants qui élimine le césium 137. Il est évident qu’il faut l’aider dans cette tâche.
    Mais que penser du long terme, 100 ans voire plus ? La seule solution rationnelle à la contamination est d’évacuer les habitants des zones contaminées et de les installer dans de bonnes conditions sur des terres non contaminées. Financièrement ce n’est peut-être pas une solution absurde compte tenu de tous les financements européens depuis quelques années, tout cet argent dont le seul but est d’escamoter les problèmes sanitaires réels actuels (et à venir).
    Mais l’implication idéologique d’une telle solution pour les pays -dont la France- sous la menace d’une catastrophe sur leur propre sol est inacceptable. Tout est mis en place depuis quelques années et plus rapidement ces derniers mois pour intégrer le désastre nucléaire dans une stratégie permettant une situation sociale gérable en cas de catastrophe. Que font les écolos ? Rien, ils s’investissent dans la constitution européenne, (mais pas un mot sur le traité Euratom).
    Dans les discours politiques qu’on nous déverse depuis des mois sur la situation en France ou en Europe, il est ahurissant de constater que les problèmes qui risquent de se poser à court terme avec le terrorisme sur les installations  » sensibles « , la chimie, le nucléaire etc. n’ont aucune place. C’est finalement cette absence dans les débats politiques des écolos/socialistes et autres, cette absence de prise de position vis-à-vis de ces menaces, qui permet aux promoteurs de CORE de mobiliser l’argent pour innocenter l’accident majeur de Tchernobyl.

    Roger Belbéoch, octobre 2004

  14. Grand merci à Romain Chazel pour cette contribution d’une grande clarté dont le contenu est édifiant à plus d’un titre.
    Où l’on peut aussi mesurer les effets parfois pervers des modèles mathématiques et de l’utilisation qui en est faite. Ici en tout cas c’est dramatique.

  15. Pour être encore plus complet sur le sujet voici un article de Stéphane Lhomme (porte parole du réseau sortir du nucléaire dans son livre : L’insécurité nucléaire Bientôt un Tchernobyl
    en France ?

    L’après Tchernobyl ou vivre « heureux » en zone contaminée

    La catastrophe de Tchernobyl (26 avril 2006) a durablement marqué l’opinion publique mondiale et, à juste titre, porté un coup très dur au développement du nucléaire sur la planète. L’enjeu est donc de taille pour l’industrie de l’atome qui a bien compris qu’elle jouait sa survie dans cette affaire.

    Elle s’est donné comme objectif, pour inverser la tendance, d’imposer par tous les moyens possibles l’idée que, somme toute, les conséquences de Tchernobyl n’étaient pas aussi graves que l’on avait pu le dire.

    Et, tant qu’à faire, elle s’est préparée à l’avance à minimiser les conséquences d’un éventuel nouveau désastre nucléaire. Ainsi, le lobby de l’atome a mis en œuvre, en particulier dans les zones contaminées par le drame de Tchernobyl, divers programmes d’études… et surtout de communication.

    Or, c’est en France que le nucléaire est le plus puissant : ce sont donc des Français (EDF, la Cogéma, le CEA, etc.) qui ont pris les commandes des études dans les zones contaminées autour de Tchernobyl. Pour arriver à leurs fins, ils n’ont par exemple pas hésité à s’allier avec les régimes autoritaires d’Ukraine et de Biélorussie.

    Grâce à eux, nous allons pouvoir… « vivre heureux en zone contaminée »….

    Le CEPN : émanation puissante et discrète du lobby nucléaire français

    Vous ne connaissez certainement pas le CEPN, Centre d’étude sur l’évaluation de la protection dans le domaine nucléaire (www.cepn.asso.fr). Il s’agit effectivement d’une structure discrète qui, d’ailleurs, ne compte que quatre membres. Mais… pas n’importe lesquels : EDF, la Cogéma (membre du groupe Areva), le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). C’est donc précisément une émanation du lobby nucléaire français uni et d’ailleurs, sur son propre site web, le CEPN nous apprend qu’il dispose chaque année de la confortable somme de d’environ 1,8 millions d’euros. Assurément de quoi agir !

    Et c’est effectivement le CEPN qui est à l’origine d’un certain nombre de programmes de désinformation « post-Tchernobyl », Ethos (www.cepn.asso.fr/fr/ethos.html) et ses successeurs Ethos2 et Core (www.core-chernobyl.org/eng), pour lesquels des partenaires ont été recrutés les uns après les autres. Objectif : donner une caution « scientifique » à ces initiatives et les faire passer pour des démarches pluridisciplinaires, humanitaires, voire humanistes. D’ailleurs, au premier abord, on ne peut que souscrire aux objectifs annoncés : « Améliorer durablement les conditions de vie des habitants des villages dont la vie quotidienne a été fortement affectée par la présence à long terme de contamination radioactive à la suite de l’accident de Tchernobyl » (www.cepn.asso.fr/fr/ethos/resume.html). Qui pourrait être contre un tel projet ? Poursuivons l’enquête…

    Qui est à l’origine des projets Ethos et Core?

    Même si la liste des partenaires est aujourd’hui conséquente, c’est bien le lobby nucléaire et ses proches alliés qui sont à l’origine de tout. D’ailleurs, sur le site web du CEPN, on peut lire : « Le projet ETHOS a été mis en œuvre par une équipe de recherche impliquant quatre organismes scientifiques : le Centre d’étude sur l’Evaluation de la Protection dans le domaine Nucléaire (CEPN), l’Institut National d’Agronomie de Paris-Grignon (INAPG, http://www.inapg.fr), l’Université de Technologie de Compiègne (UTC, http://www.utc.fr) le groupe d’étude Mutadis (gestion sociale du risque) qui assurait la coordination scientifique. » Pour le CEPN, nous savons désormais à quoi nous en tenir. Mais, qu’est-ce donc que Mutadis Consultants (www.mutadis.org)? Cette structure assure la coordination ou le secrétariat de nombreux programmes mis en place par l’industrie nucléaire et/ou les autorités nationales ou internationales. Ses activités principales consistent à développer des stratégies pour désamorcer les risques de manifestations et le refus des populations face à des projets d’activités « à risque ». Ainsi, Mutadis a assuré la coordination ou le secrétariat des programmes Ethos 1 et 2 et Core, mais aussi de Cowam 1 et 2 (mise au point de stratégies pour faire accepter un site de stockage ou d’enfouissement des déchets nucléaires, http://www.cowam.org), Trustnet (stratégie pour obtenir la « confiance » de la population avant l’implantation d’une activité à risque, http://www.trustnetinaction.com), etc.

    Autre exemple : Mutadis, par l’intermédiaire de son directeur, Gilles Hériard-Dubreuil, a activement participé à la « Commission granite » (cf. p.13 du site http://www.industrie.gouv.fr/energie/nucleair/pdf/annexea.pdf) qui, au premier semestre 2000, a tenté de trouver dans l’ouest de la France un site pour l’enfouissement des déchets nucléaires. Les mobilisations populaires ont néanmoins mis en déroute cette commission. Il est donc évident que Mutadis n’a pas pour objectif de rendre service à la population mais, au contraire, de faciliter les projets de l’industrie nucléaire comme par exemple avec les programmes « post-Tchernobyl », Ethos et Core.

    Des alliés précieux et puissants

    L’Université de Technologie de Compiègne (UTC) a directement été recrutée par Mutadis : « Nous avons été contactés par Gilles Hériard-Dubreuil, directeur de Mutadis Consultants, spécialiste dans la gestion des risques qui étudiait depuis 1986 les conséquences de la catastrophe de Tchernobyl, pour participer à une mission de trois ans dans les territoires contaminés. » (cf. déclaration de Gilles Le Cardinal, professeur de communication à l’UTC: http://www.utc.fr/evenements/utc-infos/n1107.pdf) Il s’agissait de toute évidence de donner au projet une caution scientifique. En effet, l’UTC est un organisme de recherche spécialisé dans un certain nombre de domaines… tout à fait compatibles avec l’idéologie scientiste du lobby nucléaire : biotechnologie, mécanique, systèmes socio-techniques complexes, génie biomédical, sciences et technologies pour l’information et la communication, génie des procédés, modélisation et calcul, etc. Objectif atteint sans surprise : dans le magazine UTC-Infos du 24 janvier 2002, on peut lire : « L’après Tchernobyl à Olmany avec Gilles Le Cardinal. La confiance reconstruite. D’abord cantonnée au village d’Olmany, puis étendue au district de Stolyn, la méthode ETHOS, fondée sur l’implication de la population dans la gestion de son environnement, mise au point “chemin faisant” en Biélorussie, est transposable à la gestion post-accidentelle à long terme. » Sous une photo du chercheur, on peut même lire « Gilles Le Cardinal, professeur de communication, à l’origine de la méthode Ethos ». Bigre : voici qu’il s’attribue même la paternité de l’entreprise ! Voilà de quoi plaire au Président de Conseil d’administration de l’UTC, Rémy Carle, qui brandit avec entrain son parcours atomique : « 20 ans de CEA, 20 ans d’EDF » (www.utc.fr/evenements/utc-infos/n1106.pdf)

    Enfin, la présence de l’INAPG (Institut National d’Agronomie de Paris-Grignon), dès le lancement d’Ethos, est d’une importance fondamentale : cette structure est le pion avancé du lobby de l’agriculture productiviste qui est, désormais, un poids lourd des programmes « post accident nucléaire » auxquels il contribue fortement, en particulier sur le plan financier. L’explication de cet investissement est très simple : il s’agit de continuer à produire et vendre des productions agricoles… même si elles sont contaminées. Nous allons voir comment…

    Qui finance les programmes Ethos et Core?

    Outre sa mise initiale, le lobby nucléaire est parvenu assez rapidement à se faire attribuer des fonds publics ce qui a pour double avantage de ne rien coûter (hormis aux citoyens !) et de crédibiliser la démarche en l’institutionnalisant. Voici quelques informations que nous avons pu recueillir:

    – Programme Ethos : « Une première phase (1996-1998), financée par la Commission Européenne » ; « La deuxième phase du projet (2000-2001), co-financée par la Commission Européenne, le Ministère Suisse des Affaires Etrangères, l’Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire, l’association Sol et Civilisation, ainsi qu’Electricité de France et COGEMA. » (www.cepn.asso.fr/fr/ethos.html)

    – Programme Core : « Pour le programme de l’année 2003, 1.145.000 € ont pu être dégagés grâce à l’intervention du Ministère français des Affaires Etrangères, de l’Association des Producteurs Agricoles de France, et de la Direction pour le Développement et la Coopération du Département Fédéral des Affaires Etrangères de Suisse. » (http://belembassy.org/belgium/eng/index.php?d=humanitarian&id=5)

    Nous verrons par la suite que les Suisses, forts de leur image historique de neutralité, sont très utiles pour divers nouveaux partenaires qui, questionnés sur leur participation à ces programmes, se défendent en disant « Nous ne travaillons pas avec les gens du nucléaire, c’est le ministère suisse qui nous a invités ». Nous n’avons pas pu savoir ce que faisaient les Suisses dans cette affaire, mais il est fort possible qu’ils aient été de bonne foi, croyant véritablement venir en aide aux biélorusses.

    Sol et civilisation est une émanation des grandes structures agro-productivistes, fortement liée à la FNSEA (voir http://www.soletcivilisation.fr). D’ailleurs, le programme Core a été rejoint par le groupe FERT (Formation, Épanouissement, Renouveau de la Terre, http://www.fert.fr), dirigée par Gérard de Caffarelli, ancien président de la FNSEA, et dont le Directeur du développement est un dénommé Michel Mollard, ingénieur agronome à… l’INAPG. Comme par hasard!

    Sur son site web, on peut lire que « FERT s’appuie sur les ressources humaines du groupe Les Céréaliers de France (…) FERT confie la gestion technique des projets qu’elle appuie à sa filiale FERTILE, S.A. dont les principaux actionnaires sont : FERT, UNIGRAINS, Sol et Civilisation. » Ces riches structures imposent en France l’agriculture productiviste, extrêmement polluante, fortement subventionnée et exportatrice (entre autre au détriment des productions locales des pays du Sud). Elles ne cachent par ailleurs pas leur soutien aux OGM dont la problématique est fortement comparable à celle du nucléaire.

    Mais, nous l’avons déjà évoqué, leur but principal en participant aux programmes Ethos et Core est de préserver leurs intérêts en cas d’accident nucléaire. Pour cela, ils sont heureux de trouver des gens qui « démontrent » que l’on peut vivre assez correctement en zone contaminée et, surtout, que l’on peut « sans risque » consommer des produits contaminés. Cf ci-dessous.

    La « malbouffe radioactive »

    Sur son site web, FERT valorise sa participation à Core « depuis 2001 » et explique : « Le programme d’amélioration de la qualité radiologique et de l’économie de la production de pommes de terre dans les territoires contaminés (…) a permis de diffuser des techniques qui ont contribué à l’amélioration de la qualité radiologique de 25 à 30% et à un accroissement des rendements de 250%. » (cf. site Fert) Bon appétit : vous reprendrez bien un peu de ces aliments contaminés à « seulement » 70%. Et vous en reprendrez bien 2,5 fois plus : c’est fou ce que ça pousse bien en zone contaminée ! C’est d’autant plus grave que, sans appareil de détection, il est impossible de se rendre compte qu’on est en train de s’empoisonner en ingérant de la nourriture contaminée.

    Continuons. Sur le site web de l’IRSN on peut lire : « En Ukraine, sur la plus grande partie des territoires contaminés, les entreprises agricoles et les particuliers produisent des produits alimentaires conformes aux normes en vigueur depuis le 25 juin 1997 (pour le 137Cs : 100 Bq/l pour les produits laitiers, 200 Bq/kg pour la viande, 20 Bq/kg pour les pommes de terre et le pain). » (cf. dossier « L’arrêt de la centrale de Tchernobyl »)

    Le même texte explique que seuls 90 000 hectares sont exclus de toute production agricole alors qu’il y a au moins 8 millions d’hectares de terres contaminées. Voilà un rapport qui doit convenir aux grands producteurs agricoles dans l’hypothèse d’un accident nucléaire en France : à peine 1% des terres contaminées sont donc exclues de production agricole !

    Le point crucial de toute cette affaire est celui-ci : la consommation de produits contaminés est-elle oui ou non dangereuse ? L’IRSN, et de façon générale les autorités nationales et internationales, considèrent que le danger disparaît lorsque la contamination est en dessous de certains seuils : par exemple, nous venons de le voir avec l’IRSN, 100 Bq/l pour les produits laitiers, 200 Bq/kg pour la viande, 20 Bq/kg pour les pommes de terre et le pain.

    Problème : l’existence de ces seuils n’a jamais été démontrée. Ils ont été fixés arbitrairement et, comme par hasard, ils permettent de ne condamner qu’une infime partie des productions issues des zones touchées par la catastrophe du 26 avril 1986.

    Le seul « avantage » (si on ose dire) du drame de Tchernobyl est que l’on doit pouvoir vérifier en situation qui a raison : il suffit de voir si les gens qui consomment des produits contaminés ont des problèmes de santé, et si ces problèmes n’existent pas en dessous d’un certain seuil. Bien sûr, ceux qui ne veulent pas que la vérité soit connue sont près à tout pour arriver à leurs fins, y compris prétendre que les maladies rencontrées en zones contaminées sont… psychosomatiques.

    Youri Bandazhevski : un chercheur gênant

    Les « experts » du lobby nucléaire français arrivent bien entendu à la conclusion, pour résumer, qu’il fait bon vivre en zone contaminée. Mais leurs déclarations rassurantes sont battues en brèche par les travaux d’un courageux scientifique biélorusse, Youri Bandazhevski (ou Bandajevsky, les deux orthographes sont possibles). En 1990, à 33 ans, il prend la direction du nouvel Institut de médecine de Gomel, en pleine zone contaminée, qu’il spécialise dans les recherches sur les conséquences de l’ingestion de produits contaminés, en particulier par le césium 137.

    Mais, les travaux des Bandajevsky ne vont pas tarder à déranger car les conclusions qui en découlent contredisent les thèses que le pouvoir autoritaire biélorusse préfèrerait voir émerger. Galina Bandajevskaya, épouse de Youri, dans un entretien donné à la Criirad, explique:

    « Nous avons pu montrer qu’entre 0 et 5 Becquerels par kilo de poids (plus ou moins, en tenant compte des marges d’erreur de l’instrument) un peu plus de 80% des enfants ne présentent aucune altération de l’électrocardiogramme. Nous pouvons garantir à 85% une évolution plus ou moins normale, une croissance normale. Mais si le césium s’accumule, le pourcentage d’enfants sains diminue proportionnellement suivant ces paramètres… Et si l’on mesure plus de 70 Becquerels par kilo de poids de cet élément radioactif, on peut prévoir seulement 10% de coeurs plus ou moins normaux. »

    Nous sommes là au centre du problème : le régime biélorusse, qui reçoit de fortes aides internationales, ne souhaite pas dépenser trop d’argent pour essayer d’atténuer les conséquences de Tchernobyl. Il trouve des alliés naturels auprès des entreprises du nucléaire qui, elles, veulent « montrer » qu’un accident nucléaire n’a pas de conséquences irrémédiables.

    Les corrompus emprisonnent un incorruptible

    Youri Bandazhevski va encore plus loin en dénonçant le détournement d’une grande partie des aides internationale. Corinne Castanier, directrice de la Criirad, explique : « Membre d’une commission spéciale chargée de vérifier l’efficacité de l’utilisation des fonds pour Tchernobyl, Youri Bandazhevski entreprend de contrôler l’utilisation des 17 milliards de roubles confiés en 1998 à l’Institut de recherche scientifique et clinique des radiations. La conclusion est sans appel : sur les 17 milliards, seulement 1,1 milliards ont été utilisés pour des études utiles ».

    Insensible aux menaces, aux lettres anonymes, aux calomnies, le Pr Bandajevsky multiplie les interventions sur les médias, au Parlement… Il fait état de ses travaux et appelle à l’aide : « Si on n’entreprend pas des mesures permettant d’éviter la pénétration des radionucléides dans l’organisme des adultes et des enfants, l’extinction menace la population d’ici quelques générations ».

    La meilleure défense étant l’attaque, les corrompus ont fait tomber le Pr. Bandazhevsky sous prétexte de… corruption ! La sentence, venue d’un tribunal militaire (!), est tombée le 18 juin 2001 : huit années de prison à régime sévère, confiscation de tous les biens et interdiction de tout poste à responsabilité pendant une durée de 5 ans à l’issue de la sortie de prison. Des soutiens venus du monde entier n’ont pas suffit à faire libérer le courageux Youri Bandazhevsky.

    Le nucléaire français collabore avec le régime biélorusse

    Sans surprise, cette affaire n’empêche pas les Français de continuer à collaborer avec le régime de fer qui sévit en Biélorussie : « Une collaboration fructueuse s’est établie entre les autorités biélorusses et l’IRSN, le ministère français de l’agriculture, notamment, ainsi qu’avec l’INAPG (Institut National d’Agronomie de Paris-Grignon), pour l’élaboration et la mise en œuvre du programme CORE ». (Alexandre Istomin, ambassade de Biélorussie en France, cf. site internet).

    Voilà qui a le mérite d’être clair. Mais cela ne suffit pas, car un autre chercheur gêne la belle machination : il s’agit de Vassili Nesterenko, ancien haut responsable du nucléaire biélorusse qui, après Tchernobyl, a créé Belrad, un institut indépendant. Michel Fernex, Professeur honoraire à la Faculté de Médecine de Bâle (Suisse), a produit sur le sujet un excellent article dans le n°22 de Trait d’union, revue de la Criirad.

    Extrait : « Le lobby nucléaire cherche à établir des directives en vue du prochain accident nucléaire (…) Ceci implique de considérer comme intangible le dogme de la non-nocivité des faibles doses de rayonnements ionisants. (…) Les responsables d’Ethos ont demandé au ministre biélorusse chargé des problèmes de Tchernobyl de se substituer à l’institut indépendant de radioprotection Belrad, dirigé par le Professeur Nesterenko, dont ils utilisaient les données de mesures depuis quelques années. La lettre du ministère, du 25 janvier 2001, communiquait en conséquence au directeur de Belrad, que la gestion d’une série de villages du district de Stolyn lui était enlevée au profit de Ethos-2, « conformément à la demande de ces derniers. »

    Depuis, Nesterenko doit composer avec les nucléocrates français. Il avoue en privé qu’il s’allie « avec le diable » pour pouvoir continuer ses travaux, en espérant pouvoir faire éclater un jour la vérité. Car, pour Nesterenko aussi, il n’y a aucun doute : le césium, même ingéré en quantité modeste, s’accumule dans les organes et entraîne des maladies graves. Pour lutter contre l’incorporation du césium, il promeut un traitement à base de pectine, un produit tout simplement tiré de la pomme.

    Comme par hasard, les « responsables » des programmes Ethos et Core dénigrent cette solution : reconnaître l’utilité de la pectine serait avouer que le césium est dangereux parce qu’il s’accumule dans les organes. Et donc qu’il n’est pas possible de vivre en zone contaminée. Et donc que l’éventualité d’une catastrophe nucléaire est intolérable. Et donc que la meilleure chose à faire est de fermer au plus vite les centrales nucléaires.

    Dès lors, on conçoit aisément que le lobby de l’atome ne souhaite pas que l’opinion publique connaisse la vérité et en tire les conclusions qui s’imposent. Voici bien la réalité des indignes méthodes du CEPN (EDF, Cogéma, CEA, IRSN), des programmes Ethos et Core, alliés au régime biélorusse. Comme toujours, l’industrie nucléaire étouffe la vérité pour essayer d’imposer ses propres conclusions.

    D’ailleurs, un véritable système d’opacité a été mis en place au niveau international dès 1959, empêchant l’OMS (Organisation mondiale de la santé) de s’intéresser de trop près aux conséquences du nucléaire
    Comment cacher la vérité sur Tchernobyl

    Depuis le jour de la catastrophe (26 avril 1986), l’industrie nucléaire a manœuvré pour empêcher l’établissement de la vérité. Ainsi, en vertu d’un incroyable accord de 1959 (cf. site pétition OMS-AIEA), l’Organisation mondiale de la santé (OMS) doit obtenir l’autorisation de l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA) pour mener des travaux qui touchent au nucléaire. Aucune enquête épidémiologique sérieuse n’a été mise en œuvre concernant les populations touchées ni même concernant les 800 000 « liquidateurs » qui ont stoppé la catastrophe, construit le sarcophage, travaillé en zones gravement contaminées.

    Par ailleurs, nous l’avons vu, les autorités fort peu démocratiques d’Ukraine et de Biélorussie, pays les plus touchés, ont minimisé le plus possible les conséquences de la catastrophe pour s’éviter de problématiques opérations d’évacuation… et pour utiliser à leur façon les aides financières internationales. Enfin, le Pr Biélorusse Youri Bandajewski, dont les travaux remettaient en cause la théorie officielle, a été condamné en 2001 à 8 ans de réclusion.

    Il y a cependant des gens qui sont malades dans les zones contaminées, et c’est quand même compliqué de nier leur existence. Le lobby nucléaire a trouvé une explication toute simple : ce sont des maladies… psychosomatiques !

    Francis Sorin, dirigeant de la Société Française d’Energie Nucléaire (la SFEN, qui regroupe plusieurs milliers de cadres de l’industrie nucléaire), explique sans plaisanter : « L’accident a été un drame pour les populations résidentes avec l’apparition incontestable de pathologies notamment psychosomatiques avec troubles cardiaques, maladies digestives, anxiété. » (Déclaration faite à de nombreuses reprises. Par exemple, le 4 décembre 2004, Yonne Républicaine) Cette présentation littéralement négationniste est très souvent réitérée par les tenants de l’atome.

    Une curieuse « société civile »…

    La forte médiatisation prévisible des 20 ans de Tchernobyl a poussé le lobby de l’atome à ne pas relâcher son effort pour présenter devant l’opinion des résultats rassurants, et surtout pour les faire présenter par des personnes ou organisations a priori non suspectes de parti pris pronucléaire. On a donc assisté à l’intégration continue de nouveaux partenaires d’horizons divers (associations, médecins, ONG, établissements scolaires, etc.).

    Ainsi, peu à peu, les programmes Ethos et Core ne sont plus apparus comme l’émanation du lobby nucléaire mais comme des programmes pluridisciplinaires, humanitaires et humanistes. D’ailleurs, des conférences de présentation du programme Core sont parfois animées par les seules associations ou organismes : les industriels du nucléaire n’ont même plus besoin de se déplacer ni d’apparaître, ce qui susciterait bien logiquement la méfiance. Les documents diffusés comportent simplement, au milieu d’une liste d’organisations et d’associations, le sigle CEPN dont presque personne ne sait qu’il cache EDF, la Cogéma, le Commissariat à l’énergie atomique…

    Mais, que penser des associations et organismes qui participent aux programmes Ethos et Core ? Il est évident que certains sont de bonne foi et n’ont pas conscience de participer à une entreprise de désinformation. D’ailleurs, si les premiers organismes ont été recrutés par le lobby nucléaire (CEPN, Mutadis), les suivants sont invités par des organismes qui n’attirent pas la méfiance. Nous avons déjà évoqué le rôle du ministère suisse des affaires étrangères, qui semble extrêmement « utile » : plusieurs organismes – auxquels nous avons demandé pourquoi ils participaient à Core – prétendent n’avoir affaire et/ou n’être financés que par ce ministère suisse. La lecture du site web officiel de Core ne semble pas accréditer une telle « sectorisation » (www.core-chernobyl.org/eng/partners).

    Par ailleurs, le lobby nucléaire est parvenu a son objectif principal : il ne ressort jamais des programmes Core et Ethos que la sortie du nucléaire serait, ne serait-ce que sous forme d’hypothèse, un bon moyen pour éviter une nouvelle catastrophe nucléaire. Le seul message véhiculé par ces programmes est, en fin de compte, qu’il faut accepter de vivre avec le nucléaire, et le cas échéant en zone contaminée.

    C’est d’ailleurs le discours tenu par l’association Patrimoine sans frontière (www.patrimsf.org), par exemple le 2 décembre 2004 à Bordeaux lors d’une conférence au cours de laquelle, avec divers intervenants, elle est venue faire la promotion du programme Core, et expliquer très tranquillement : « Le nucléaire est là, il n’y a pas à être pour ou contre, il faut vivre avec ». Etrange raisonnement car, le nucléaire étant « là », ne pas être contre, c’est l’accepter, et c’est donc y être favorable. C’est exactement le discours qui est attendu par les tenants de l’atome. Drôle de « société civile » qui permet au lobby nucléaire de ne pas même avoir à s’afficher pour faire passer son idéologie…

    La malbouffe radioactive (bis)

    Peut-être doutez-vous encore que l’organisation de programmes sur les conséquences de Tchernobyl soit motivée par ces machiavéliques raisons : cacher la vérité sur la catastrophe et se préparer à en faire de même si un nouveau désastre nucléaire se produisait. Alors prenez connaissance de Farming, c’est à dire Food and Agriculture Restoration Management Involving Networked Groups (www.ec-farming.net).

    Il s’agit d’un programme financé par la Commission européenne dont l’objectif est de mettre en place « un groupe de travail qui, en cas d’accident nucléaire affectant l’agriculture, l’alimentation et la vie rurale en France, pourrait fournir des données pour des décisions stratégiques », mais aussi de travailler sur « deux problèmes-clé : la gestion des produits alimentaires contaminés après un accident ; et les stratégies pour un retour des territoires à la production agricole tout en minimisant les quantités de déchets générés ». Ces « déchets », ce sont bien les productions agricoles contaminées. Il s’agit d’en « minimiser » la quantité… en décrétant que la plus grande part de ces productions peut être consommée (www.ec-farming.net/stakeholderpage/french_stake ; cliquer sur « Prisentation de Farming » (sic !)).

    Comme par hasard, on retrouve l’INAPG, qui participe en force à Farming par l’intermédiaire de plusieurs responsables dont Henry Ollagnon… déjà engagé dans Core ! D’ailleurs, l’INAPG revendique la connexion entre ces différents programmes : « L’INAPG, en charge du groupe français du programme Farming, fait le lien avec son expérience dans le cadre des projets de « réhabilitation » des conditions de vie dans les territoires du Belarus contaminés par l’accident de Tchernobyl (projets Ethos 1 et 2, puis projet Core) » (« INAPG, contractor/ in charge of the French Farming group, was then relied on its experiences within the framework of the projects towards the « rehabilitation of the living conditions in the contaminated territories of Belarus following the accident of Tchernobyl » (projects Ethos 1 and 2, then project Core) »).

    L’INAPG cite l’implication de la FNSEA, des grands producteurs de lait et du lobby nucléaire dont l’incontournable CEPN : « Ce processus, dans lequel l’INAPG a joué le rôle d’intermédiaire, a été rejoint, en plus de la FNSEA, de la Fédération nationale des producteurs de lait, du CEPN et de l’IRSN, par dix instituts et centres techniques nationaux de l’agriculture » (« This process, for which the ISP/INAPG played the role of facilitor, joined together, in addition to the French farmers national association (FNSEA), the National Milk Producers Federation (FNPL), the Nuclear Protection Evaluation Centre (CEPN) and the Institute for Radiological Protection and Nuclear Safety (IRSN), ten institutes and technical national centers for agriculture. »)

    Sans surprise, la liste des participants français au programme Farming est édifiante (www.ec-farming.net/stakeholderpage/french_stake; cliquer sur « Farming-D16 French report »). On trouve des représentants :

    – du lobby nucléaire (CEPN, IRSN) ;

    – de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) dont la présence dans ce programme laisse craindre qu’elle se prépare à cautionner la consommation de produits contaminés ;

    – de l’Etat avec le ministère de l’Agriculture mais aussi les ministères… de l’Intérieur et de la Défense. Nous y reviendrons : il apparaît que les libertés seraient fortement remises en cause en cas d’accident nucléaire ;

    – du lobby agro-productiviste : FNSEA, INAPG, Sol et Civilisation, mais aussi la Sopexa (www.e-sopexa.com/francais/index.html), structure spécialisée dans… l’exportation des productions agricoles françaises ;

    Ce dernier point est loin d’être subalterne : demandez-vous ce que peut bien faire dans un programme « post accident nucléaire » une société spécialisée dans les exportations agricoles…

    Préparation à un Tchernobyl en France

    Autre programme qui montre le réel cynisme des gens du nucléaire et de leurs alliés : SAGE (Strategies And Guidance for establishing a practical radiation protection culture in Europe in case of long term radioactive contamination after a nuclear accident.

    En français : « Stratégies pour le développement d’une culture de protection radiologique pratique en Europe en cas de contamination radioactive a long terme suite a un accident nucléaire »).

    Sur le site web dédié (www.ec-sage.net), on peut lire : « A l’issue du projet Ethos, la Commission Européenne a reconnu l’intérêt d’engager une réflexion sur les conditions et les moyens d’application de la démarche pour l’Europe occidentale et, à cette fin, soutient le projet Sage. Ce dernier vise à élaborer un cadre stratégique pour le développement d’une culture de protection radiologique pratique en cas de contamination radioactive à long terme, aussi faible soit-elle, suite à un accident nucléaire ou tout autre événement ayant entraîné une dispersion de radioactivité dans l’environnement. »

    Le CEPN a d’ailleurs organisé les 14 et 15 mars 2005 un séminaire européen, « Surveillance radiologique et culture pratique de radioprotection pour les populations habitant dans les territoires contaminés à long terme », pour présenter les résultats du projet Sage.

    Empoisonnement programmé en cas d’accident nucléaire à Nogent/Seine

    Autre exemple : des « travaux pratiques » ont d’ores et déjà été mis en œuvre dans le département de l’Aube. Il faut dire que ce département est quasiment colonisé par l’industrie nucléaire avec la centrale nucléaire de Nogent – très proche de Paris – et les sites de stockage des déchets nucléaires de Soulaines et de Morvilliers.

    Extraits de ce document édifiant : « A la demande du Préfet de l’Aube, différents groupes de travail se sont intéressés aux conséquences et à la gestion d’un accident nucléaire fictif sur la centrale de Nogent-sur-Seine. Le groupe «Décontamination des sols et chaîne alimentaire», animé par la Direction Départementale de l’Agriculture et de la Forêt et composé de représentants de la Direction Départementale des Services Vétérinaires, de la Chambre Départementale d’Agriculture et de l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) a analysé les conséquences d’un accident fictif sur l’agriculture locale afin d’élaborer des stratégies de gestion post-accidentelle des productions animales et végétales contaminées et de réhabilitation de l’espace agricole. » (www.cc-pays-de-gex.fr/assoc/atsr-ri/c_grenoble/conf15.pdf)

    Ces entraînements n’ont pas pour but de repérer les productions contaminées afin d’empêcher leur consommation : il ne faut pas oublier l’implication dans les programmes « post-accident nucléaire » de la FNSEA, des grandes organisations de l’agriculture productiviste, et de la Sopexa, spécialisée dans les exportations des produits agricoles français.

    Il ne faut pas oublier les « enseignements » des programmes Ethos et Core, les communications triomphalistes comme par exemple celles de FERT – « Des techniques qui ont contribué à l’amélioration de la qualité radiologique de 25 à 30% et à un accroissement des rendements de 250% » – et de l’IRSN – « Sur la plus grande partie des territoires contaminés, les entreprises agricoles et les particuliers produisent des produits alimentaires conformes aux normes en vigueur. »

    Il ne faut avoir aucune illusion : en cas d’accident nucléaire, la population n’aura plus qu’à consommer des produits contaminés. Et, nous allons le voir, les antinucléaires ne seront peut-être plus là pour informer leurs concitoyens des dangers…

    Société nucléaire, société policière… et militaire!

    Le slogan des années 70, « Société nucléaire, société policière », est certainement plus que jamais d’actualité. On peut même le compléter : « Société nucléaire, société policière… et militaire ! » Revenons par exemple sur la présence dans le programme Farming des ministères de l’Intérieur et de la Défense. Il est assez logique de penser que ces institutions auraient pour mission, en cas d’accident nucléaire, de « maintenir l’ordre ». Après tout, c’est leur raison d’être.

    Cela semble d’ailleurs cohérent avec les craintes émises par diverses associations lors de la parution le 8 septembre 2003 d’un décret présidentiel « portant création du comité interministériel aux crises nucléaires ou radiologiques » (voir décret). Ce décret attribue un rôle prépondérant au… Secrétaire général de la défense nationale.

    En cas d’accident nucléaire, il ne fera sûrement pas bon être antinucléaire et tenter d’informer les citoyens sur la réalité des contaminations ou sur le danger de consommer des produits contaminés. Les motifs d’arrestation ne manqueront pas : il ne faut pas affoler la population, répandre des « rumeurs », gêner les autorités qui, après avoir imposé le nucléaire, imposeront l’ « unité nationale » face à l’accident nucléaire. Le risque d’une société autoritaire, mise en place suite à un accident nucléaire, a été bien expliqué par Roger Belbéoch dans divers écrits. (www.dissident-media.org/stop_nogent/95_pub.html)

    Beaucoup de gens croient qu’un Tchernobyl en Europe de l’Ouest, et particulièrement en France, sonnerait le glas de l’industrie nucléaire, les autorités reconnaissant enfin qu’elles n’auraient jamais dû s’engager dans cette voie, et mettant en place un plan rapide de sortie du nucléaire. Il y a fort à craindre que rien ne se passerait ainsi. On nous expliquerait que, grâce aux enseignements obtenus par les programmes comme Ethos et Core autour de Tchernobyl, il est possible de surmonter le drame, de vivre correctement en zone contaminée, de manger des produits « faiblement » radioactifs, etc.

    Non, de toute évidence, ce n’est pas un nouveau Tchernobyl qui poussera le lobby nucléaire à reconnaître ses erreurs et à programmer sa propre disparition. En vérité, il vaudrait véritablement mieux… qu’il n’y ait pas d’accident nucléaire. Cela parait évident mais, nous l’avons vu, la population est soigneusement préparée à accepter une éventualité aussi dramatique, à grand renfort de distributions de pastilles d’iode, de ridicules simulations d’accident, de déclarations lénifiantes comme le célèbre « Le risque zéro n’existe pas ».

    Il se trouve justement que, en matière de nucléaire, le risque zéro existe : il suffit de fermer les centrales…

    Le laboratoire Criirad-Bandazhevsky

    Face à la désinformation mise en place par le lobby nucléaire dans les zones contaminées autour de Tchernobyl, un homme poursuit son combat : Youri Bandazhevsky. Du fond de sa prison, malgré les menaces, les brimades, les privations, il se prépare, réfléchit, travaille. Et il n’est pas seul. Du monde entier, des courriers de soutien affluent. Mais, surtout, il noue une relation fructueuse avec la Criirad et son laboratoire indépendant. Cette association, basée à Valence (Drôme), a révélé en 1986 que le nuage de Tchernobyl avait bien touché la France. Depuis, elle a continué son combat, malgré les tentatives de déstabilisation.

    Logiquement, la Criirad a fini par croiser le chemin de Youri et de sa femme Galina Bandazhevskaïa, qui prépare courageusement le retour de son mari, malgré les huit ans de prisons qui lui ont été infligés. Le 2 mars 2005, la Criirad annonce par communiqué qu’elle va créer en Biélorussie un laboratoire indépendant « Criirad-Bandazhevsky » et qu’elle commence par embaucher Mme Bandazhevskaïa (cf. communiqué). Le 5 août 2005, Youri Bandazhevsky est enfin libéré.

    Une liberté sous haute surveillance, certes, mais le courageux professeur est en passe de réussir son pari. Il signe son premier contrat de travail avec la Criirad qui avance, sur ses fonds propres, les 13806 euros d’amende exigée par la « justice » biélorusse.

    Deux souscriptions populaires sont en cours, lancées par la Criirad pour rembourser l’amende (voir site remboursement) et pour financer le laboratoire qui nécessite 150 000 euros (voir site financement). C’est un pari presque insensé : en effet, la Criirad ne reçoit aucune subvention et ne vit elle-même que par les dons de ses adhérents et sympathisants (hormis les expertises et études qu’elle fait pour des associations, des collectivités territoriales).

    Mais le « miracle » est en cours : début 2006, les 3/4 de l’amende et les 2/3 du laboratoire étaient couverts par les dons. Et, le 6 janvier 2006, grâce au paiement de l’amende, et surtout grâce à son courage, le Pr Bandazhevsky recouvrait enfin sa pleine liberté. Ou, du moins, celle que l’on peut avoir en Biélorussie. Le combat pour la vérité continue…
    Comment le lobby nucléaire français enterre la vérité

    en zones contaminées

    Conclusion : quelques propositions qui découlent de la présente enquête

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