On the road again (en attendant la neige)

Je passe mon tour, je laisse la place pour une semaine. Ya me voy. Vado a casa mia. Je vais donc chez moi, où les connexions avec le monde extérieur sont abolies par décret princier, avec cette précision que le prince, c’est moi.

Je vais là où je dois être, entre les Causses et les Cévennes. Une maison, un vallon, le troupeau de Jean, la grange à René, Patrick juste au-dessus, Lili à côté. Je sais que la neige a tenté vaillamment de résister, mais qu’elle a fini par céder contre l’assaut de cet imbécile de redoux. Je pense que Patrick va m’aider à installer son vieux poële dans la pièce du haut de la petite maison. Ce sera donc la révolution, quand même. Et comme je me rapproche à petits pas de l’achat d’un potager, je dois ajouter que la vie n’est pas si affreuse qu’elle en a l’air.

Voici mes questions du jour, telles qu’elles m’occupent. La neige va-t-elle revenir ? Le ruisseau a-t-il gélé et verrai-je ou non des stalagmites pointer de ses berges ? La buse splendide qui erre dans les chataîgniers me montrera-t-elle une fois encore son ramage ? Que font les blaireaux ? Irai-je vérifier si des castors montés de la rivière ont installé un avant-poste au confluent du ruisseau et du flot de la grande combe ? Ce n’est pas une mince affaire. Il y a des indices. Enfin, aurai-je assez de bois, tout bien considéré, si le froid devait revenir ?

Bon, je quitte sans déplaisir la crise écologique globale et planétaire, mon ennemie jurée et probablement mortelle. Je n’ai aucun conseil à donner, mais un avis peut être écouté, et même entendu. Oubliez tout. Bon Noël.

19 réflexions sur « On the road again (en attendant la neige) »

  1. « On eût dit que soudain la route ensauvagée, crépue d’herbe, avec ses pavés sombrés dans les orties, les épines noires, les prunelliers, mêlait les temps plutôt qu’elle ne traversait les pays, et peut-être qu’elle allait déboucher, dans le clair-obscur de hallier qui sentait le poil mouillé et l’herbe fraîche, sur une de ces clairières où les bêtes parlaient aux hommes. » Julien Gracq

    Bon Noël Fabrice

  2. je remets un commentaire mal placé :

    « pas mal le passage à CO2 mon amour !
    j’ai loupé le début de l’émission et la présentation des intervenants.
    j’écoutais, j’écoutais et puis je me disais, “y’en un qui fait rien à dire la même chose que sur ce blog !”
    avant de comprendre que c’était la même personne … »

    Bon Noël !

  3. Bon Noël dans ton paradis « perdu », Fabrice ! Même s’il est pleinement relié à cette planète que tu défends aussi joliment que tu l’aimes. Va te ressourcer pour les combats à venir. Nous serons là à ton retour.
    J’en profite pour souhaiter également de joyeuses fêtes à tous les visiteurs de ce lieu de vérités.

  4. C’est vrai qu’il reste encore beaucoup de coins de nature préservée… Alors profitons-en tant qu’il est encore temps !
    Bonnes fêtes à vous tous !

  5. Merci pour tes billets Fabrice…
    Sur les contreforts du Larzac il y fait bon vivre. (J’y habite !) Bon repos à toi…et dans tous les cas,bonne fin d’année à toutes et à tous !
    Yvan

  6. « Je pense que Patrick va m’aider à installer son vieux poële dans la pièce du haut de la petite maison » Cette phrase de Fabrice m’évoque un livre délicieux. »L’Oeuf et moi » de Betty Mac Donald
    Histoire d’1 jeune américaine de 18 ans des années 1950, dont le mari veut devenir fermier et qu’elle suit donc dans une ferme des Monts Olympes…au nord des Etats-Unis et si Fabrice veut bien je vais en extraire quelques lignes (certainement trop longues mais c’est Noël.. et j’ai eu envie de les partager avec vous:

    « Je n’ai jamais eu l’impression que notre petite ferme se blotissait dans le giron protecteur des monts Olympes. Il n’avait rien de protecteur ces monts. Chaque fois que je regardais par la fenêtre ou que je mettais le nez dehors, je me trouvais face à face avec les géants blancs et hautains. Ils m’ignoraient dans leur contemplation lointaine et faisaient de leur mieux, glacialement pour me pénétrer de l’idée que ce pays était autrefois quelque chose de très bien et de très magnifique et que cela leur gélait les sangs de devoir accepter qu’on « y fit des affaires »….Nul doute qu’ils n’eussent volontiers donné la moitié de leurs forêts pour être en Suisse et nous balayer d’une bonne grosse avalanche…Durant tout ce printemps et cet été-là, leur hostilité évidente se limita cependant à la plus stricte passivité. Quand vint septembre, ils enfoncèrent jusqu’aux épaules leur bonnet de brouillard comme des cagoules de KU-klux-klan et se mirent en devoir de nous prodiguer l’hydrothérapie.
    Pluie, pluie, pluie à n’en plus finir. Bruine, brume, trainées d’eau en suspens, crachin, averse et pluie pure et simple. Il y avait des matins ou tout n’était que noirceur et furie où la tempête faisait rage dedans comme dehors et battait la montagne …Bob allait au poulailler, pareil dans son ciré à un terre-neuvier. Moi je me blotissais contre le poêle et rêvais tristement de cabinets à l’intérieur de la maison. D’autres jours le ciel était seulement gris et bas, tendu comme un velum, ruisselant d’un pitt-patt-pitt-patt-pitta-pitta-pitta continuel qui finissait par devenir aussi exaspérant qu’un bavardage d’enfant. Et ainsi jusqu’aux environs de Novembre où je me pris à oublier qu’il pouvait y avoir une saison sans eau et à ressembler étrangement aux personnages de tous les romans où la pluie joue le rôle principal-ce genre de personnages qui rodent tels des fous furieux, se jettent la tête contre les murs, boivent le wisky dans des verres à eau et ne cessent de gémir: « Cette pluie, ah! cette pluie! cette bon dieu de pluie ».
    Peut-être vous demandez-vous pourquoi je n’empoignais pas un bon livre, ne m’installais à côté du poêle et qu’on en parle plus? C’est que je dois vous dire que Poêle, comme nous l’appelions, n’avait aucun de ces dons de chaleur et de cordialité qui s’associent d’ordinaire à ce mot. En premier lieu il était trop vieux et, tels ces terribles vieillards que vous connaissez bien, il était bâti comme un turc doté d’un appétit féroce et dénué de tout sens de l’entr’aide. Vouloir qu’il crépite ou rougisse était une entreprise aussi vaine que d’espérer arracher un gloussement ou un grimace au rocher de Gibraltar. J’avais beau fendre le bois de sapin le plus sec, le couper fin comme du crin et en bourrer l’énorme bedaine noire-je n’en tirais pas un son, pas une étincelle de chaleur.Pourtant quand je soulevais le couvercle, tout mon bois sec avait brulé: ne restait plus qu’un peu de cendres chaudes. C »était un mystère….Mais le comble, c’était qu’on arrivait à faire bouillir des choses -je dis bien -bouillir- sur Poêle. Cela vous causait toujours une délicieuse surprise; que dis-je! Un véritable choc.
    N’empêche qu’à la fin, je ne me précipitais même plus comme une folle sur la porte de derrière en hurlant à Bob-Bob le paisible, le compétent-plongé dans son travail: « l’eau BOUT! » comme je le fis les cent premières fois où se manifesta le miracle. …Poêle choisissait les matins les plus froids et les plus déprimants pour bouder dans son coin de la cuisine. Il fumait, s’étouffait, s’étranglait à plaisir. Il engloutissait charge après charge de ma précieuse provision d’écorce vive. Et il était midi que j’aurais pu m’accroupir en tailleur sur son couvercle et lire douillettement la Bible de bout en bout sans me bruler…Poêle ne constituait pas seulement en soi une présence peu réjouissante. Il était plein de malice…..
    ..

  7. Moi, tout cela me rappelle « Luxueuse austérité » de Marie Rouanet. Pas de citation, le livre peut s’avaler sans difficulté en une journée.
    À noter, la récente sortie, du même auteur, de « Mauvaises nouvelles de la chair », sur l’élevage (pas encore lu)…

  8. Oh fada, profites du redoux pour planter ton ail dans ton potager, au moins, puis bonjour a zizi et lulu. Feliz ano, compadre.
    d

  9. Bon, ce blog est bien calme..Fabrice semble loin..Alors je me permets de glisser encore quelques lignes…il sera temps de les effacer après Noël..Mais j’aimerais beaucoup en transmettre le goût de le lire, car il vaut la peine.
    « Je ne pense pas qu’il soit au monde d’aussi passionnant que les catalogues de graines…et je pense que les grainetiers sont les gens les plus généreux du monde, car jamais ils ne se demandent quel motif vous pousse à leur écrire pour réclamer un catalogue…….En repérant l’adresse de l’expéditeur écrite de ma main dans le coin gauche en haut de l’enveloppe, ils auraient pu voir que je vivais dans les parages de la « pointe la plus occidentale des Etats-unis » et pourtant, ils n’hésitèrent jamais à m’expédier toute sorte de catalogues, luxueusement illustrés pour la plupart consacrés aux plantes tropicales et remplis d’images passionnantes d’orangers en fleur et en fruit, de citronnier de magnolias, d’avocatiers..de poivriers et d’autres arbres brillamment colorés et aux noms torrides, tels que balisier, lis tigré d’Espagne, tritome, pensée d’Afrique.Par les journées grises et détrempées de novembre, je passais des heures penchées sur les catalogues de l’année précédente et quand je relevais la tête, je pouvais regarder pleurer le paysage sans plus frémir de froid et c’était tout juste si je n’entendais pas bourdonner les abeilles , si je ne sentais pas la chaleur de l’été si je ne voyais pas la cour entière nager dans les splendeurs tropicales. Quand avec le printemps arrivaient les nouveaux catalogues, je les dévorais …A la fin je passais ma commande de graines et puis j’attendais roide d’impatience..

  10. Bob,(son époux) qui avait déjà reçu et commandé toutes ses graines à lui des semaines plus tôt, m’écoutait avec résignation lui conter fièvreusement comment la cour de devant exploserait de balisiers géants, pendant que la maison grouillerait de tritomes, de calebasses et de roses monstrueuses du Congo et que les barrières disparaitraient entièrement sous de « rares annuelles »..Et puis il empoignait sa bêche, creusait une tranchée sur toute la longueur du potager l’emplissait de fumier de poule, de terreau riche et brun et y semait des pois de senteur. Je voyais s’approcher de moi la défaite aussi surement et impitoyablement que l’âge.
    Le second printemps Bob me fabriqua des chassis à mon usage personnel et à l’intention de ma galaxie de flore tropicale. Ce ne fut pas à proprement parler une idée spontanée, de la part de BOB, et il serrait plutôt les dents en enfonçant les clous, farouchement, sans cesser de marmotter, Dieu sait quoi! sur le supplice chinois de la goutte d’eau…….Mais les chassis étaient une splendeur-regardant vers le midi divisés en trois sections, vitrages montés sur gonds et petits bras pour les tenir quand j’avais envie de les lever. Quand ce fut prêt, il ne me resta plus qu’à attendre mes graines et à espérer que la terre ferait un petit saut sur son axe. Moyennant quoi le succès de mon entreprise était assuré.
    Entre-temps le moment était venu de travailler au potager tout en labourant, hersant et charriant la terre grasse et duveteuse, je songeais aux gens de la Nouvelle Angleterre et à la façon dont il leur faut littéralement construire le sol à coup d’humus rapporté et de sueur, et j’en étais honteuse
    Le sol chez nous était si extraordinaire que je pouvais y enfoncer le bras jusqu’à l’épaule, quand il était prêt pour les semailles…Il était d’une fertilité qui confinait à l’indécence….Bob tracait ses sillons droit commes des tés d’architecte, à l’intervalle d’un pouce et ses graines sortaient à distance correctes l’une de l’autre. Dès qu’il en avait mis une en terre, elle commençait à s’affairer et à germer et montrait le bout de son nez en temps voulu. dès lors les progrès qu’elle faisait étaient presque aussi fascinants à suivre , aussi certains et surs qu’un placement de caisse d’épargne. La semence atteignait à la pleine maturité , intérêt compris, exactement à l’échéance promise et il ne restait plus qu’à cueillir les fruits de ce bon placement , après tant d’autres.
    Le jardin de Bob était un chef d’oeuvre de symétrie et de beauté. Il était bordé de grandes touffes de rhubarbe aux tiges mouchetées et d’un rouge vif, grosses comme le bras et si cassantes qu’elles se brisaient au moindre choc, ruisselantes de suc. Entre les plants de rhubarbe et nourris des arrosages continuels de purin que nous administrions à ces derniers, poussaient le persil, la ciboulette, le basilic, le thym, la sauge, la marjolaine, l’anis et l’aneth.
    …La menthe poussait en épais buisson..
    Par rang d’environ quinze à ving mètres de long, et allant des pois de senteur à la rhubarbe et aux fines herbes, s’alignaient pois hatifs et tardifs, carottes, navets, betteraves, salsifis, bettes, laitues, endives, brocoli, choux, choux-fleurs, cardons, maïs, panaïs, haricots verts, concombres, tomates, courges, radis, oignons (ceux des bermudes plats et sucrés qui devenaient gros comme des pommes et presqu’aussi doux)..De l’autre côté du couvoir..Bob fit un lit d’asperges qui, selon mes calculs, lorsque les plant seraient en pleine production suffiraient pour fournir la partie des Etats-Unis qui s’étend du fleuve Columbia à l’Océan Pacifique….C’était vraiment le paradis de jardiniers, sauf que nous ne pouvions pas faire pousser de haricots de Lima ni d’aubergines, de melons ou de poivriers….
    Quand je voyais les garanties de stabilité et de sécurité qu’offrait le jardinage de Bob, il me semblait injuste que le mien se cantonnât dans l’espèce chat sauvage.
    Bon nombre de mes graines non seulement ne germaient pas , mais ne donnaient plus signe de vie. Les autres sortaient le matin suivant comme un diable de sa boite ou ne montraient le bout du nez que lorsque j’avais renoncé à tout espoir et que j’avais semé autre chose par dessus.
    En suite de quoi, tout sortait ensemble entretenant partout une atmosphère de confusion et de mauvaise volonté.
    Mes semences, quel que fut l’ordre dans lequel je les avais mises en terre venaient toujours en touffe. Un gros bouquet par çi et puis plus rien sur un bout de chemin, ensuite une bande de petites malignes, une pousse isolée et un autre bouquet énorme. Mes plantes ne se portaient pas non plus très bien, d’ordinaire, et je suis sure que j’ai importé plus de variétés de maladies que n’importe qui dans l’hémisphère nord.
    Je semais des nasturtiums et des boutons d’or, qui venaient couverts de Dieu sait quelle rouille de la jungle sud africaine et ou de quelle verrucaire de l’Himalaya.
    A la fin, je décidai qu’au lieu de doigts de fée j’avais une main qui flétrissait tout ce qu’elle touchait, comme la mort, et que je ne ferais jamais un autre MOwgli, ni un petit berger des montagnes, parce que je détestais les petits machins choses sauvages, qui me le rendaient bien. Bob au contraire tenait la nature par la peau du cou et ses pois de senteur avaient des fleurs comme des glaieuls et des tiges de trois mètres de long.
    L’homme chez qui nous achetions nos oignons me donna tous ses tubercules de dahlias simples-des splendeurs- et ne garda que les monstres à tête d’hydre couleur de lavande bilieuse ou rose virulent. Il me dit « Vous feriez mieux d’trouver un aut’dada-y a des gens comme çà, qu’tout seul’ment ils ne sentent pas la chose. Oui, pourquoi qu’vous cherchez pas un aut’ dada? ».

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