Quand les pesticides tuent massivement

Il me semble bien que voici une réponse – parmi mille autres – à la désinformation sur les pesticides. L’article que je mets ci-dessous est normalement réservé aux abonnés du journal Le Monde, mais je prends sur moi de le publier ici. Vous lirez ou pas. C’est extraordinaire. Certes, les champignons sont de toujours. Tortotubus n’aurait-il pas 440 millions d’années ?

Si la plupart sont inoffensifs pour les hommes – voire délicieux -, quelques-uns sont redoutablement toxiques. Les grandes familles dangereuses de champignons, souvent microscopiques, tueraient autant, à l’échelle planétaire, que la tuberculose ! Et les attaques fongiques contre les cultures de blé font chuter leur rendement de 20 %. La bagarre contre les « mauvais » champignons est une urgence mondiale.

Or l’on assiste à une poussée peut-être irrésistible de ces champignons-là. Les cinq principales cultures vivrières sont de plus en plus menacées. Ainsi que quantité de plantes et d’animaux, dont certains seraient poussés vers l’extinction par des champignons, comme les batraciens.

L’une des causes essentielles de ce phénomène est probablement « l’émergence mondiale de résistance aux antifongiques ». Le dérèglement climatique favorise les champignons et l’agriculture industrielle balance de plus en plus de pesticides sur les cultures, accélérant dans un cercle fou la résistance des champignons dangereux à tous les traitements. Cette année, dans le sud de la France, les vignerons avec pesticides ont traité de 15 à 17 fois leurs parcelles contre 11 en moyenne d’habitude.

Les pesticides ne sont pas la solution, évidemment. Ils sont le problème. Rejoignez l’Appel des coquelicots (https://nousvoulonsdescoquelicots.org) ! Et le 5 octobre à 18h30, tout le monde se retrouve devant les mairies des villes et des villages. Attention, il y aura quelques exceptions. A Lyon, par exemple, ce sera place Bellecour. Avec coquelicots, instruments de musique, gosses et cracheurs de feu.

 

Aspergillus fumigatus fungus. Coloured scanning electron micrograph (SEM) of fruiting bodies of the fungus Aspergillus fumigatus. This fungus causes aspergillosis in humans. The round structures (conidia) are covered in tiny spores, about to be released into the air. A. fumigatus grows in household dust and decaying vegetable matter. Although harmless to healthy people, the fungus can cause complications in people with respiratory complaints or weakened immune systems. Inhalation of the spores may lead to aspergill- osis, infection of the lungs and bronchi, which can be fatal in some cases. Magnification unknown.

Les champignons, une menace silencieuse sur la santé et l’alimentation humaine

Par Nathaniel Herzberg

Enquête
Publié le 17 Septembre 2018

Les pesticides épandus pour protéger les récoltes des attaques fongiques ont engendré des résistances, y compris chez des souches qui infectent l’homme.

Faites le test : demandez autour de vous quel champignon présente le plus de danger pour l’humain. Neuf personnes sur dix choisiront l’amanite phalloïde. Erreur on ne peut plus funeste. Avec ses quelques dizaines de décès en Europe les pires années, le « calice de la mort » devrait faire figure d’amateur dans la planète mycète. De même que le moustique surpasse de loin tous les animaux réputés féroces, les vrais tueurs, chez les champignons, sont microscopiques, méconnus et autrement plus meurtriers que notre vénéneuse des forêts.

Cryptococcus, pneumocystis, aspergillus et candida : chaque année, chacune de ces grandes familles tue plusieurs centaines de milliers de personnes. Selon les dernières estimations du Gaffi (le Fonds global d’action contre les infections fongiques), les pathologies associées feraient au moins 1,6 million de victimes annuelles, soit presque autant que la tuberculose (1,7 million), la maladie infectieuse la plus meurtrière au monde. « Des estimations basses », précise le professeur David Denning, directeur exécutif du Gaffi et chercheur à l’université de Manchester.

D’autant qu’elles ne prennent nullement en compte le poids des attaques fongiques dans les désordres alimentaires mondiaux. Les deux principales pathologies du blé, la septoriose et la rouille noire, toutes deux provoquées par un champignon, feraient baisser la production mondiale de 20 %. La production ainsi perdue suffirait à nourrir 60 millions de personnes. Etendues à l’ensemble des cultures agricoles, c’est 8,5 % de la population mondiale, soit environ 600 millions de personnes, selon des chiffres publiés en 2012, qui pourraient garnir leurs assiettes si les lointains cousins de la truffe épargnaient les récoltes.

Taches de septoriose sur des feuilles de blé tendre, en France.

Taches de septoriose sur des feuilles de blé tendre, en France. NICOLE CORNEC / ARVALIS

Il faut dire que les champignons sont partout. Sur nos poignées de porte et au bord de nos baignoires, à la surface des aliments que nous ingérons comme dans l’air que nous respirons. Essentiels au cycle du vivant, ils digèrent les déchets et les recyclent en énergie disponible. Sans eux, pas de compost ni d’engrais naturels, pas de roquefort ni de vins doux. Encore moins de pénicilline, ce premier antibiotique né de l’appétit des moisissures penicillium pour les bactéries. Précieux pour l’ordre végétal, donc, et pour la plupart sans danger pour les humains.

« Sur les quelque 1,5 million d’espèces estimées, quelques centaines ont la capacité de survivre dans notre organisme, souligne le professeur Stéphane Bretagne, chef du laboratoire de mycologie de l’hôpital Saint-Louis, à Paris, et directeur adjoint du Centre national de référence (CNR) des mycoses invasives de l’Institut Pasteur. En plaçant notre corps à 37 degrés, l’évolution nous a mis à l’abri de la plupart des champignons. Les autres, quand tout va bien, sont éliminés par notre système immunitaire. »

« Plus complexe qu’une bactérie »

En avril 2012, pourtant, un inquiétant « Fear of Fungi » (« La peur des champignons ») barrait la « une » de la prestigieuse revue Nature. Sept scientifiques britanniques et américains y décrivaient l’explosion d’infections virulentes parmi les plantes et les animaux. On croyait, depuis la grande famine irlandaise (1845-1852) et les épidémies d’oïdium (1855) puis de mildiou (1885) qui détruisirent l’essentiel de la vigne française, que les grands périls agricoles étaient derrière nous. Eh bien non, répondaient-ils : la pression fongique sur les cinq principales cultures vivrières ne cesse de s’intensifier. Le blé, donc, mais aussi le riz, assailli dans 85 pays par la pyriculariose, avec des pertes de 10 % à 35 % des récoltes.

Idem pour le soja, le maïs et la pomme de terre. « Si ces cinq céréales subissaient une épidémie simultanée, c’est 39 % de la population mondiale qui verrait sa sécurité alimentaire menacée », explique Sarah Gurr, du département des sciences végétales de l’université d’Oxford, une des signataires de l’article.

Les champignons ne s’en prennent pas qu’à l’agriculture, rappelaient les chercheurs. Reprenant la littérature, ils constataient que 64 % des extinctions locales de plantes et 72 % des disparitions animales avaient été provoquées par des maladies fongiques. Un phénomène amplifié depuis le milieu du XXe siècle : le commerce mondial et le tourisme ont déplacé les pathogènes vers des territoires où leurs hôtes n’ont pas eu le temps d’ériger des défenses. Les Etats-Unis ont ainsi perdu leurs châtaigniers, l’Europe a vu ses ormes décimés. Les frênes sont désormais touchés : arrivée d’Asie il y a quinze ans, la chalarose a ainsi frappé la Pologne, puis toute l’Europe centrale. Elle occupe désormais un tiers du territoire français. Seule chance : Chalara fraxinea ne supporte pas la canicule. La maladie a donc arrêté sa progression et commencerait même à reculer.

Les animaux sont encore plus durement atteints. Selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), 40 % des espèces d’amphibiens sont aujourd’hui menacées, des dizaines auraient disparu. Premier responsable : Batrachochytrium dendrobatidis, alias Bd. Depuis vingt ans, le champignon venu de Corée a décimé grenouilles et crapauds en Australie et sur l’ensemble du continent américain. Son cousin Bsal, lui aussi arrivé d’Asie, cible salamandres et tritons européens avec une mortalité proche de 100 %. Aux Etats-Unis, un autre champignon, le bien nommé Geomyces destructans, poursuit son carnage auprès des chauves-souris. La maladie du museau blanc touche près de la moitié du pays et aurait tué plusieurs millions de chiroptères.

Dans le Vermont, aux Etats-Unis, des chauves-souris brunes sont frappées par la maladie du museau blanc.

Dans le Vermont, aux Etats-Unis, des chauves-souris brunes sont frappées par la maladie du museau blanc. RYAN VON LINDEN / US Fisheries and wildlife / SPL/ BIOSPHOTO

Coraux et tortues dans les mers, abeilles, oies et perroquets dans les airs… la liste est longue. « Il ne fait guère de doute que ces pathologies sont de plus en plus nombreuses, affirme, statistiques à l’appui, Matthew Fisher, du département des maladies infectieuses de l’Imperial College de Londres, premier signataire de la publication de 2012. Depuis notre article, il y a eu une prise de conscience, mais la situation s’est détériorée. »

Aussi en mai, Matthew Fisher et Sarah Gurr ont récidivé, cette fois dans Science, en s’adjoignant les services du Suisse Dominique Sanglard. Biologiste à l’université de Lausanne, il traque « l’émergence mondiale de résistance aux antifongiques » en incluant dans le tableau les pathologies humaines. Des maladies « longtemps négligées, souligne-t-il. D’abord, elles étaient moins fréquentes que les pathologies bactériennes ou virales. Ensuite, elles frappent des patients immunodéprimés dont les défenses ne sont plus capables de contenir les champignons , pas des sujets sains. Enfin, un champignon, c’est beaucoup plus complexe qu’une bactérie, beaucoup plus proche de nous aussi, donc plus difficile à combattre sans attaquer nos propres cellules. »

L’épidémie de sida, dans les années 1980, a commencé à modifier la donne. « Les patients immunodéprimés se sont mis à mourir massivement de pneumocystoses ou de cryptococcoses », se souvient Olivier Lortholary, chef du service des maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital Necker et directeur adjoint du CNR mycoses invasives à l’Institut Pasteur. Si l’accès aux trithérapies a permis de limiter l’hécatombe dans les pays occidentaux, il n’en va pas de même ailleurs dans le monde. Selon les dernières statistiques du Gaffi, plus de 535 000 malades du sida meurent encore chaque année, victimes d’une infection fongique associée. « C’est sans doute plus, insiste David Denning. Certaines pathologies fongiques pulmonaires sont prises pour des tuberculoses. »

Mycologue au CHR de Cayenne, Antoine Adenis en sait quelque chose. La forte présence de la leishmaniose dans le département avait conduit le service de dermatologie à analyser toutes les plaies des patients séropositifs. « Nous avons découvert la présence de l’histoplasmose un peu par hasard », raconte-t-il. Les médecins ont alors systématiquement recherché le champignon histoplasma et découvert qu’il constituait la première cause de décès des malades du sida en Guyane. Au Suriname voisin, réputé vierge de champignons, il a découvert que « 25 % des hospitalisés VIH étaient touchés ». Le médecin a ensuite étendu son étude à toute l’Amérique latine. Le résultat a stupéfié la communauté : selon un article publié en août, dans The Lancet, le champignon y tuerait quelque 6 800 personnes par an, plus que la tuberculose, réputée première cause de mortalité associée au sida.

Les champignons et leurs spores ne se contentent pas d’attaquer les porteurs du VIH. « Ils compliquent toutes les pathologies respiratoires quand ils ne les provoquent pas », explique David Denning. Asthme sévère, aspergilloses broncho-pulmonaires allergiques ou chroniques… « Cela représente plus de 14 millions de personnes dans le monde et au moins 700 000 décès par an », assure le médecin britannique.

Un adolescent anglais atteint par une teigne résistante aux antifongiques.

Un adolescent anglais atteint par une teigne résistante aux antifongiques. D.DENNING/LIFE

Enfin, il y a les pathologies dites « hospitalières ». « Chimiothérapies, greffes de moelle, transplantations d’organes, biothérapies… La médecine moderne, comme l’augmentation de la durée de la vie, multiplie la quantité de malades immunodéprimés dans les hôpitaux, analyse Tom Chiller, chef de la branche mycoses du Centre de contrôle des maladies américain (CDC). Beaucoup ont déjà en eux des champignons qui trouvent là l’occasion de prospérer, ou ils les rencontrent à l’hôpital. Tous représentent des cibles idéales. »

Une fois les pathogènes dans le sang, le pronostic devient effrayant. A l’échelle mondiale, le taux de mortalité parmi le million de malades traités avoisinerait les 50 %. « En France, depuis quinze ans, le taux reste entre 30 % et 40 % pour les candidoses, entre 40 % et 50 % pour les aspergilloses, indique Stéphane Bretagne. Désespérément stable. » « Et l’incidence des candidoses systémiques augmente de 7 % chaque année, renchérit son collègue Olivier Lortholary. Même si c’est en partie dû à l’augmentation de la survie des patients de réanimation aux attaques bactériennes, c’est une vraie préoccupation, ma principale inquiétude avec les champignons émergents souvent multirésistants. »

Un suspect : les horticulteurs

Résistances et émergences : l’hôpital de Nimègue, aux Pays-Bas, et son équipe de recherche en mycologie, en sont devenus les références mondiales. En 1999, le centre y a enregistré le premier cas de résistance d’une souche d’Aspergillus fumigatus aux azoles, la principale classe d’antifongiques. Puis les cas se sont multipliés. « Et ça ne cesse de croître, souligne Jacques Meis, chercheur au centre néerlandais. Dans tous les hôpitaux des Pays-Bas, la résistance dépasse les 10 %, et atteint jusqu’à 23 %. » Avec pour 85 % des patients infectés la mort dans les trois mois.

L’inhalation des spores d’« Aspergillus fumigatus » peut entraîner une infection invasive des poumons et des bronches, souvent fatale.

L’inhalation des spores d’« Aspergillus fumigatus » peut entraîner une infection invasive des poumons et des bronches, souvent fatale. JUERGEN BERGER / SPL/ COSMOS

Les scientifiques n’ont pas mis longtemps à désigner un suspect : les horticulteurs. Aux Pays-Bas, champions de l’agriculture intensive, le traitement standard des tulipes consiste à en plonger les bulbes dans un bain d’azoles. Longtemps, les organisations agricoles ont plaidé non coupables. Mais à travers le monde, les preuves se sont multipliées. A Besançon, où ont été mis en évidence les deux premiers cas français d’aspergilloses résistantes chez un agriculteur et un employé de la filière bois, les mêmes souches mutantes ont été trouvées dans les champs du malade et dans plusieurs scieries de la région.

« Les agriculteurs ne visent pas les mêmes champignons, mais les fongicides qu’ils emploient ne font pas la différence, ils rendent résistants les pathogènes humains », explique Laurence Millon, chef du service de parasitologie-mycologie du centre hospitalier de Besançon. « L’histoire se répète, soupire Matthew Fisher. L’usage massif des antibiotiques par les éleveurs a développé les résistances des bactéries humaines. L’emploi à outrance des fongicides par les cultivateurs fait de même avec les champignons. »

Le monde agricole se trouve pris entre deux menaces. D’un côté, la résistance toujours plus importante de champignons dopés par le changement climatique conduit à multiplier les traitements phytosanitaires. « Cette année, dans les vignes du sud de la France, la pression fongique était telle qu’au lieu des onze traitements annuels moyens ce qui est déjà beaucoup , les vignerons en ont délivré entre quinze et dix-sept », constate Christian Huyghe, directeur scientifique agriculture de l’Institut national de la recherche en agronomie (INRA). La faute à un printemps exceptionnellement pluvieux et un été particulièrement sec. Mais aussi à l’adaptation des champignons à tout ce que le génie humain invente de produits phytosanitaires.

Depuis les années 1960, l’industrie s’en est pris successivement à la membrane des cellules du champignon, à leur paroi, à leur ARN ou à leur respiration… Cinq classes d’antifongiques ont ainsi été mises au point. « Trois étaient vraiment efficaces, résume Sabine Fillinger, généticienne à l’INRA. Les strobilurines rencontrent des résistances généralisées. De plus en plus de produits azolés connaissent le même sort. Il reste les SDHI [inhibiteur de la succinate déshydrogénase], mais ils commencent à y être confrontés et ça va s’aggraver. »

De plus en plus impuissants face aux pathogènes, les fongicides agricoles se voient aussi accusés de menacer la santé humaine. Des chercheurs de l’INRA et de l’Inserm ont ainsi lancé un appel dans Libération, le 16 avril, afin de suspendre l’usage des SDHI. Le dernier-né des traitements n’entraverait pas seulement la respiration des cellules de champignons ; par la même action sur les cellules animales et humaines, il provoquerait des « encéphalopathies sévères » et des « tumeurs du système nerveux ».

L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses) a décidé d’examiner l’alerte. Elle s’est d’autre part autosaisie afin de vérifier l’éventuelle toxicité humaine de l’époxiconazole. « Cet azole est l’une des dernières substances actives sur le marché, nous en utilisons 200 tonnes par an en France, mais c’est également un reprotoxique de catégorie 1 [affecte la fertilité], la plus préoccupante, et un cancérigène de catégorie 2 », indique Françoise Weber, directrice générale déléguée au pôle produits réglementés de l’Anses. Un avis négatif de la France pourrait peser en vue de la réévaluation du produit au niveau européen, prévue en avril 2019.

Hécatombe mondiale

A l’INRA comme à l’Anses, on jure avoir comme nouvel horizon une agriculture sans pesticide. Développement de nouvelles variétés, diversification des cultures, morcellement des paysages et « anticipation des pathologies nouvelles que le changement climatique fait remonter vers le nord et que le commerce mondial apporte d’Asie », insiste Christian Huyghe. Du blé tendre aux laitues ou aux bananes, nombre de cultures font face à des pathogènes émergents. Des champignons nouveaux frappent également les humains. Dans les services hospitaliers, le dernier diable s’habille en or. Découvert au Japon en 2009 et intrinsèquement résistant à tous les traitements, Candida auris flambe particulièrement dans les hôpitaux indiens, pakistanais, kényans et sud-africains. La France semble jusqu’ici épargnée. Mais cinq autres champignons à « résistance primaire » y ont fait leur nid, totalisant 7 % des infections invasives à Paris, là encore chez les immunodéprimés.

Plants de banane attaqués par la fusariose au Cameroun.

Plants de banane attaqués par la fusariose au Cameroun. T. LESCOT / CIRAD

Plus inquiétant peut-être, de nouvelles infections invasives touchent des patients dits immunocompétents. Aux Etats-Unis, la « fièvre de la vallée » ne cesse de progresser. Pour la seule Californie, les coccidioïdes cachés dans la terre, relâchés à la faveur de travaux d’aménagement ou agricoles, ont contaminé 7 466 personnes en 2017. Au CDC d’Atlanta, on ne dispose d’aucune statistique nationale mais on parle de « centaines » de morts.

Moins meurtrière mais terriblement handicapante, une nouvelle forme de sporotrichose touche des dizaines de milliers de Brésiliens. Partie de Rio, elle a conquis le sud du pays et gagne le nord, essentiellement transmise par les chats. « L’épidémie est hors de contrôle », assure Jacques Meis. Et que dire de ces ouvriers de Saint-Domingue qui nettoyaient une conduite d’usine remplie de guano de chauves-souris ? « Ils étaient 35, jeunes, aucun n’était immunodéprimé, raconte Tom Chiller, qui a publié le cas en 2017 dans Clinical Infectious Diseases. Trente sont tombés malades, 28 ont été hospitalisés. » Le diagnostic d’histoplasmose n’a pas tardé. Neuf ont été admis en soins intensifs. Trois sont morts.

Cette hécatombe mondiale n’a rien d’une fatalité, assurent les scientifiques. « La médecine moderne augmente les populations à risque, admet David Denning. Mais en améliorant le diagnostic et l’accès aux traitements, en développant la recherche, en réservant à la santé humaine les nouvelles molécules qui finiront par apparaître, on doit pouvoir réduire considérablement la mortalité des infections. »

Doux rêve, répond Antoine Adenis. « La mycologie reste le parent pauvre de la microbiologie », regrette-t-il. Ainsi, pour la première fois cette année, Laurence Millon n’aura pas d’interne dans son service de Besançon. Et David Denning, qui gère son Gaffi avec des bouts de ficelle, de soupirer :

« Quand un malade leucémique meurt d’une infection fongique, tout le monde parle du cancer à l’enterrement, personne des champignons. Et à qui pensez-vous que l’on fait les dons ? »
Nathaniel Herzberg

17 réflexions sur « Quand les pesticides tuent massivement »

  1. Et bien! J’ignorais. J’en etais reste a l’idee d’une proliferation des bacteries et d’une disparition des champignons. Apparemment, on a les deux: proliferation des mauvaises bacteries et des mauvais champignons!!!

    Ca m’evoque beaucoup la notion de « terrain ». On n’est pas sur qui a dit, « le microbe n’est rien, le terrain est tout ». C’est surement exagere, car si le microbe n’est rien sans le terrain, qu’est le terrain sans le microbe, n’est-ce pas? Mais exagere ne veut pas dire faux.

    On a accuse la notion de « terrain » d’etre vague. Peut-etre, mais mieux vaut une notion vague et realiste, que precise et fausse! Et c’est une notion operatoire. C’est une notion, en fait, absolument inevitable dans la pratique, dans toute situation ou il faut prendre une decision materielle (et non plus seulement ideologique). Quand les chirurgiens « equilibrent » les anti-bacteriens et les anti-fongiques administres au patient apres une operation majeure, que font-ils sinon se baser sur la notion de « terrain » pour prendre leurs decisions, dont la justesse et la precision peuvent faire la difference entre la vie et la mort?

    Tous les scientifiques savent cela tres bien, evidemment. Mais comment trouver de l’argent pour poursuivre des recherches qui ne debouchent ni sur un produit a vendre (ancien style) ni, plus subtil et plus moderne, sur un mecanisme predateur?

    Une recherche scientifique conduite par la recherche du profit et du pouvoir ne peut que donner des moyens a ceux qui detruisent le monde. C’est peut-etre « scientifique » dans la methode, pas dans les buts. « Kropotkine » (le lecteur de Planete sans Visa) disait a peu pres ca dans un billet precedent.

  2. Bonjour Fabrice et toutes et tous,
    Bravo pour l’initiative des coquelicots que je suis et partage (180 000 ce midi, mazette, presque 10 000/jour!). Si je peux me permettre une critique concernant le site, je trouve que les vidéos (hors interview) ne tiennent pas la route (ni les chemins) et auraient plutôt tendance à banaliser, voire ringardiser le propos; mais ce n’est que mon avis.
    Bref, je voulais juste partager ce lien vers un article important sur la chimie « verte » et la campagne vichyssoise.
    http://www.piecesetmaindoeuvre.com/IMG/pdf/no_pav.pdf
    Bonne suite. Prends soin de toi.

    1. Hubert Reeves croit que la preuve que la « la revolution verte » etait « scientifique », c’est que beaucoup de ses anciens camarades etudiants, dans une « universite renommee » croyaient a « la revolution verte ». Donc, selon lui, un si grand nombre de jeunes etudiants, dans une universite si celebre, ne pouvaient quand meme pas avoir tort! Ou alors, c’est que la vie est decidement trop injuste! Voila, ce monsieur a sans doute a doctorat ou quelquechose du genre, et voila les arguments qu’il croit nous feront de l’effet… Nous prend-t-il ou se prend-t-il lui-meme pour un idiot, je ne sais pas…

      Et puis, trouver « le juste milieu » entre l’humanite d’un cote et la biodiversite de l’autre, je ne sais pas, mais ca me fait penser a quelqu’un qui chercherait « l’amour, mais pas trop » d’un cote, et « la generosite, mais pas trop non plus » de l’autre… Ou bien, entre « la verite » d’un cote, et « la realite » de l’autre… Ah, « le juste milieu »… Faut-il rire ou pleurer…

      1. Hubert Reeves dit aussi qu’en cas d’urgence (genre en ce moment) il faudra choisir l’homme entre l’homme et la biodiversité, laissant croire que l’homme peut survivre seul parce qu’il est allé sur la lune ou parce qu’il a écrit une critique de la raison pure.

        http://www.lepoint.fr/invites-du-point/hubert-reeves/hubert-reeves-ma-declaration-d-amour-a-l-etre-humain-12-05-2014-1821417_1914.php

        Hubert Reeves est idiot et anti-écolo.

        Et dire qu’au même moment de sa thèse, Rachel Carson mourrait laissant un combat inachevé et des écolo comme Reeves sans colonne vertébrale prendre la suite.

  3. Impressionnant !

    Me reviennent en mémoire les travaux de Francis Chaboussou : Santé des cultures Une révolution agronomique (La Maison Rustique, ……1985)

  4. Mais nous aussi on vous aime bien, Hubert Reeves, mais si! Même lorsque vous n’êtes pas attaqué par un grizzli! Ou par un neutron, ou par de l’amiante, par une voiture ou du glyphosate! Car sans vous, ne manquerait-il pas quelques couleurs à la biodiversité ???

    Au fait, Hubert Reeves, avez-vous vu mon blog (cliquez sur mon nom à gauche)? Il y est aussi question d’enfants, et de la manière dont ils meurent, et de biodiversité humaine.

  5. Chacun de nous traine avec soi et repand autour de soi un nuage tres personnel de milliards de microbes!

    https://www.rt.com/news/439315-invisible-clouds-exposome-humans/

    Ce nuage nous est propre, et pourrait expliquer, entre mille autre choses, certaines correlations inconnues entre pollution et allergies.

    On ne peut qu’imaginer le genre de chaos que les pesticides occasionnent dans nos « nuages personnels », et dans les « nuages microbiens » des autres etres vivants!

  6. Tant que les Nicolino, Paccalet, Reeves, Hulot, Rabhi et leurs aficionados (j’en suis) discutent et chipotent, les Bayer-Monsanto, BASF, Sygenta et leurs lobbyistes engrangent les profits et les petites et grosses bêtes disparaissent. On n’est pas sortis de la vase …

    1. Il suffisait à un crétin de semer un petit doute contre le changement climatique pour laisser celui-ci courir. Pareil pour la tuerie ambiante du vivant. Reeves et ses doutes sur la vie pas si exceptionnelle que l’homme, Hulot en refusant d’attaquer notre gouvernement et faisant croire qu’on peut convertir ses amis industriels, wwf faisant de meme… tous ceux-la sont des biodiversite-sceptiques. Ils sont responsables de l’ere actuelle.

  7. Bonjour
    Avez-vous lu sur le JDE de ce 25/09 ?
    http://www.journaldelenvironnement.net/article/le-glyphosate-l-autre-ennemi-des-abeilles,93772

    Le glyphosate, l’autre ennemi des abeilles
    Le 25 septembre 2018 par Romain Loury

    Une flore intestinale chamboulée
    Un nouveau boulet pour le glyphosate: publiée lundi 24 septembre dans les Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), une étude américaine suggère un effet toxique sur les abeilles domestiques. L’herbicide altérerait leur flore intestinale, les rendant plus vulnérables aux pathogènes.
    En matière de toxicité des pesticides pour les pollinisateurs, ce sont les néonicotinoïdes, interdits en France (sauf dérogation) depuis le 1er septembre, qui tiennent le haut de l’affiche. Pourtant, bien d’autres pesticides sont nocifs pour ces insectes, qui connaissent un déclin généralisé à travers le monde.
    En septembre 2015, l’Anses évoquait ainsi le cas de fongicides, qui pourraient inhiber la détoxification de l’organisme et rendrait ainsi les abeilles plus sensibles aux insecticides. Herbicide le plus vendu au monde, le glyphosate semblait en revanche épargné par le rapport. Monsanto (racheté par Bayer) s’en vante d’ailleurs sur son site internet: «il n’existe aucun lien scientifique entre le déclin des abeilles et l’utilisation de glyphosate».
    Un effet passé inaperçu
    Patatras: publiée lundi dans les PNAS, une étude menée par l’équipe de Nancy Moran, biologiste à l’université du Texas (Austin), révèle un effet jusqu’alors passé inaperçu du glyphosate, mais au mode d’action tout aussi pervers que celui des néonicotinoïdes, qui égarent les abeilles lors de leurs sorties florales. Selon les chercheurs, le glyphosate s’en prendrait à leur flore intestinale, barrière bactérienne contre de nombreux pathogènes.
    Petit rappel: le glyphosate joue son rôle d’herbicide en inhibant une enzyme appelée EPSPS (pour 5-énolpyruvylshikimate-3-phosphate synthase), impliquée dans la synthèse de certains acides aminés. Ou plutôt celle de type I, celle de type II étant insensible au glyphosate. Or l’EPSPS de type I est certes présente chez les plantes, mais également chez de nombreuses bactéries. En particulier Snodgrassella alvi, Gilliamella apicola et Frischella perrara, qui abondent dans l’intestin des abeilles.
    Des bactéries plus vulnérables
    Dans leur étude, les chercheurs texans montrent que l’exposition d’abeilles au glyphosate, à des teneurs typiquement retrouvées dans le nectar des fleurs (entre 5 et 10 milligrammes par litre), suffit à altérer leur flore intestinale, bloquant la croissance des bactéries porteuses de l’EPSPS de type I.
    Pire: la pré-exposition au glyphosate rend les abeilles plus susceptibles à Serrata marcescens, une bactérie dite «opportuniste», présente de manière très minoritaire dans l’intestin, mais qui profite de l’affaiblissement des autres espèces bactériennes pour proliférer. En quelques jours, la mortalité s’élevait jusqu’à 80% chez les abeilles traitées au glyphosate puis exposées à Serrata marcescens.
    Un facteur de mortalité méconnu
    «Comme la flore intestinale est cruciale pour le développement des abeilles, pour leur nutrition et leur défense contre leurs ennemis naturels, une perturbation de cette flore pourrait les rendre plus susceptibles aux agents environnementaux, tels qu’un apport alimentaire insuffisant ou des pathogènes», concluent les chercheurs, selon qui le glyphosate pourrait ainsi contribuer à la forte mortalité des colonies.
    Une fragilisation des abeilles
    Contacté par le JDLE, Jean-Marc Bonmatin, chercheur au Centre de biophysique moléculaire d’Orléans (Centre national de la recherche scientifique, CNRS) et pionnier de l’étude de la toxicité des néonicotinoïdes sur les abeilles, se montre peu étonné par ces résultats: «plus il y a de pesticides, plus les abeilles sont sensibles aux pathogènes», du fait d’une «perturbation de leur biologie».
    «Soit on continue à rechercher des preuves absolues de toxicité et on interdit, soit on applique le principe de précaution, au motif de danger pour la santé humaine, et on s’abstient enfin d’utiliser ces produits», estime le chercheur, favorable à un renversement de la charge de la preuve. Au vu des nombreux effets sanitaires et environnementaux de ces produits, «je ne comprends pas que ces produits continuent à être homologués», ajoute Jean-Marc Bonmatin.

  8. Hubert Reeves ou le grand naufrage de la vieillesse hélas…
    A la tête de son asso, il disait déjà des énormités sur l’ours des Pyrénées… Las !
    Qu’il prenne sa retraite et continue plutôt de nous écrire de beaux textes sur l’astronomie comme il est capable de le faire !

  9. Bonjour,

    Article interessants sur les champignons! Mais question: est ce que les gens sont prêts pour payer plus cher leur nourriture ou payer pour acheter des aliments avec des tâches ou des piqûres d’insectes ? Je suis pas pour les pesticides mais laisser la nature se debrouiller un peu! Mais cela à des conséquences d’arrêter tous types de pesticides! Des entreprises fermes et les ouvriers se retouvent sans travail. Heuresement dans notre pays on a l’allocation chômage ! Mais dans l’agriculture cest pas comme ça ! L’agriculteur met des mois avant de recolter et des fois il peut avoir des aléas qui vont lui faire perdre sa production. Alors qu’est ce qu’il doit faire ? Laisser faire et les consommateurs lui payeront ses dédommagements?

    1. Bonjour,
      L’urgence, c’est de prendre en compte les conséquences de l’usage des pesticides et des ravages tant environnementaux qu’en matière de santé publique.Et l’agriculture du 21ème siècle doit trouver les solutions. C’est pour cela que nous avons des ingénieurs agronomes, non? … alors tout comme chez les économistes, le temps est venu d’écouter les visions alternatives qui braillent depuis un bon moment déjà.
      Cela a un coût et doit être pris en compte par nos gouvernants. Le changement de cap est urgent, y’a plein de gens bien qui le disent et d’autres qui le font!
      Dans l’immédiat, La PAC doit servir en ce sens et pas que sur le papier. Car dans les faits, actuellement, c’est clairement le contraire, c’est encore et toujours les filières biologiques et actions environnementales type MAEC qui sont pénalisées en étant toujours pas payées et c’est difficile de tenir le coup. Est-ce un hasard? Je le crois pas et c’est en cela que l’action « nous voulons des coquelicots » se fait aussi la porte parole des agriculteurs qui sont déjà engagé dans la démarche de suppression des pesticides et qui sont considéré comme les ennemis de la secte ultra libérale qui a pris le pouvoir en ce monde dans un esprit de ravage et pillage de tout.

      Ce qui est sur et certain, si on continue a tout empoisonner, on va tous crever, même les plus nantis qui ne sont pas ouvriers agricoles.
      Et ces couillons d’agriculteurs sont en première ligne… au même titre que les autres espèces qui n’ont rien demandé si ce n’est de pouvoir vivre.

      Evidemment, l’équation n’est pas simple… produire sainement, être rentable, gagner sa vie tout en faisant face à l’emballement climatique qui est un problème autrement plus complexe que de virer Bayer de chez nous…chaud les marrons!

      Il y a aussi une autre option pour créer un électrochoc : en tant qu’agriculteurs, nous cessons tous notre activité… aller hop, on remballe, clé sous le paillasson , on prend des vacances et on attend de voir ce que ça donne (…)

      Nous verrons certainement qu’il y en a plein qui ne sont pas si malheureux que ça, même sans l’exonération de charges TO, et qui n’ont pas l’intention de cesser leur activité… a condition que rien ne change pour eux et donc surtout l’arrêt de leurs pratiques désastreuses car ils y sont profondément attachés, à la destruction et à l’usage des pesticides, c’est une tradition de père en fils! Mais bon, ce qui est bien finalement, c’est qu’il est fort probable que l’usage des pesticides ai un impact sur l’infertilité masculine et que des fils, un des ces quatre, il n’y en aura plus. Sélection pas naturelle…

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