Retour, renard, rigolade (amère)

Bon, ben voilà, je suis ici. J’ai passé dix jours sans nul lien téléphonique ou informatique avec le monde. Je n’ai pas acheté de journaux. J’ai attendu patiemment que les jours s’écoulent au-dessus de mon vallon à moi. Quelles pluies, à part cela ! Que d’eau ! Je dois dire que j’aime. Rien ne m’atteint plus que le risque de sécheresse, et comme il a dû tomber 150 mm d’eau en trois ou quatre jours, j’ai bel et bien été heureux.

Le jardin que j’ai acheté m’appartient désormais, mais ce n’est pas un jardin. Pas encore. Je l’ai acheté sans le voir, comme il m’arrive de faire pour des choses bien plus coûteuses, et je ne regrette pas. Mais c’est une friche, dessous le jardin de Patrick, face aux pâtures de Jean et René, une friche abandonnée depuis des lustres. Je dirais trente ans. J’ai coupé, tranché, dessouché, arraché des pruniers sauvages, commencé une haie végétale qui promet, j’en suis tout brisé. Mais cela sera beau, il n’y a pas de doute.

Je suis par ailleurs allé voir la rivière. Mon Dieu ! La voir aussi forte, aussi magnifiquement désordonnée un 15 avril ! Elle ne passait pas au-dessus de la passerelle du T., mais elle n’en était pas si loin. Je n’avais jamais vu à cette date de tels flots. J’ai pensé aux petites couleuvres qui, l’été venu, animent les maigres courants de la belle amincie. J’ai pensé aussi aux grenouilles et aux têtards, qui se lancent dans la folle aventure de la vie au début de l’été. Et je me suis demandé où ils pouvaient tous être rencognés. Franchement, quand la rivière s’enfuit à cette vitesse-là de la montagne, où vont les immobiles ?

J’ai également lu un livre sur les renards, car mon intention était d’aller voir dans la châtaigneraie voisine si les petits de l’année pointaient déjà leur nez. Mais j’ai abandonné l’idée à cause de la pluie. Elle crépitait trop. Elle servait à l’occasion une palanquée de grêlons. Alors, entre deux coups de pioche, je suis resté devant le feu. Tantôt à boire, tantôt à boire. Alban et ses copains sont venus, et comme de juste, le vin a coulé dans nos veines. Je connaissais déjà Stéphane, et j’ai rencontré pour la première fois Tim, un Anglais. Ce sont des gaillards, on n’imagine pas.

Enfin, sitôt rentré, j’ai lu le portrait du chercheur Daniel Pauly, dans le journal Libération (ici). Vous savez mieux que moi que vient de commencer un pompeux Grenelle de la mer. J’aurai l’occasion d’y revenir, car c’est à pleurer. En tout cas, jetez un œil sur cet article. Pauly est assez fabuleux, je dois écrire. Mais vous jugerez. Considéré comme l’un des meilleurs spécialistes mondiaux de la pêche, il annonce qu’il faudrait de toute urgence s’attaquer au monstre nommé « pêche industrielle ». Laquelle dévore au plan mondial, avec le même appétit, les subventions – 26 milliards d’euros par an – et les poissons, écosystèmes en sus.

Le plaisant, c’est que l’auteur de l’article, Michel Henry, semble avoir peur de donner la parole, pour une fois, à un homme qui ose. Il glisse en tout cas de bien curieux commentaires, parmi lesquels « outsider », « Il exagère », etc. Il est manifeste que Pauly lui est sympathique, mais comme on le dit d’un doux cinglé qui ne saurait avoir raison contre tout le monde. Moi qui m’en moque bien, et de paraître cinglé, et d’avoir – ou pas – raison contre tout le monde, je vous conseille de surveiller ce Pauly de près. Car c’est un grand. Car c’est un homme qui voit. Car c’est un homme qui voit loin. Et je suis certain qu’on reparlera de lui bien souvent. Au fait, connaissez-vous les quatre thèmes de ce nouveau Grenelle ? Les voici : « La délicate rencontre entre la terre et la mer », « Entre menaces et potentiels, une mer fragile et promesse d’avenir », « Partager la passion de la mer », « Planète mer : inventer de nouvelles régulations ».

Allez donc regarder le site de la nouvelle opération de charme sarkozyste (ici). On n’y parle évidemment pas de « pêche industrielle », car ce serait un gros mot qui mettrait les convives mal à l’aise. C’est logique, car quelle différence y a-t-il entre subventions à la pêche intensive et subventions à l’agriculture productiviste ? Dans un cas, il s’agit d’actes de guerre contre la vie marine. Et dans l’autre d’agression caractérisée contre la vie terrestre. Surtout, surtout donc, ne pas en parler. Je crois que ce site officiel, estampillé Borloo et Jouanno, est un chef-d’œuvre de la novlangue bureaucratique qui inonde notre vie. Attention les yeux, je n’ai pas fini de vous parler de cette fumisterie, et de ceux qui lui assurent crédibilité.

14 réflexions sur « Retour, renard, rigolade (amère) »

  1. Content de voir comme les bonnes chutes de neige hivernales et de début de printemps alliées aux pluies que tu as vues ont gonflé le cours d’eau de « ton » vallon.
    Concernant Pauly, évidemment qu’il semble bizarre à un journaliste français « normal », car il n’est sans doute pas très évident qu’il aurait pu avoir un poste en France. Chez nous, il vaut mieux fermer sa g… pour faire carrière. Il est clair que ce qu’il dit du rapport avec les politiques est très juste et bloquerait ses recherches dans la belle et performante université française. Bon, inutile de se lancer dans une diatribe de plus. Célébrons la neige et la pluie tombées sur les Cévennes. Ca c’est positif.
    Mais comment fais-tu pour continuer encore et toujours, Fabrice ? Tu es d’une endurance et d’une résistance que je ne connais pas…

  2. « Chez nous, il vaut mieux fermer sa g… pour faire carrière. » Hacène j’ajoute qu’ici, il faut souvent fermer sa gueule, même dans certains groupes dits « alternatifs », peut-être une question de mentalité? en tout cas éloignée de la palabre..J’ai hâte de lire la suite de Fabrice sur la mer, mais il est vrai que cela fait peur.

  3. Les coups de hache sur la base des arbres me semblent très dommagables à la survie des arbres.
    Ces tilleuls à petites feuilles peuvaient vivre mille ans.
    Cet après midi Marie j’ai pu encore constater l’archarnement sur les derniers lambeaux de bocage
    pourtant situés sur le bassin versant d’une réserve d’eau potable.
    Tout le monde s’en moque, ferme les yeux.
    J’ai fait constater cet les drainages illégaux, suppressions de zones humides, destructions des prairies, abattages,remblais en pure perte je le sais.
    Le seul espoir autrement est la mise en évidence des risques sanitaires qui modifiraient les comportements alimentaires.
    Le canard enchainé aujourd’hui dans la mare au canard parle des risques contamination par l’hépatite E en consommant les produits à base de foie de porc(pâtés, saucisses).
    A lire et diffuser si possible.

  4. écoute JYves je supporte de moins en moins le mal que l’on fait à la nature partout toujours et encore cela me devient insupportable. « la lumière de « deux nouvelles études » ayant apporté « de nouveaux éléments scientifiques » – notamment le fait que le gène introduit par Monsanto dans la semence serait nuisible aux coccinelles et aux papillons -, la ministre Ilse Aigner a annoncé que Berlin avait décidé, « dans l’intérêt de l’environnement », d’activer la clause de sauvegarde contre le MON810.
    Faible lueur d’espoir dans cet enfer en devenir(cauchemar aseptisé, tout va bien, le soleil brille le ciel est bleu.)

  5. Sur le plan environnemental les tenants du système iront jusqu’au bout de leur logique.
    Dans ma commune les agriculteurs sont « pénalisés par l’inventaire des zones humides et relevés des cours d’eau temporaires.
    C’est dire le chemin qui reste à faire.
    C’est sur l’aspect sanitaire que l’on peut reprendre la main.
    En arriver à faire naître les petits cochons destinés à la reproduction par césarienne pour éviter les virus émergents cela donne une idée de la situation.
    Installation de niveau P3(Nucléus Saint sulpice des Landes en Loire Atlantique)
    Fabrice a mes coordonnées fait moi signe.

  6. On pêche de manière industrielle pour satisfaire l’ appétit des consommateurs : la solution est donc de ne plus manger de poisson ( ou beacoup moins ) . Idem pour l’élevage intensif .
    Le reste consiste à vouloir le beurre ( de la chair animale bon marché ) et l’ argent du beurre ( pas d’ épuisement des ressources ni d’enfer pour les animaux d’ élevage ).
    C’est impossible .
    A chacun d’agir en conséquence .

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *