C’est l’été (au cas où vous ne le sauriez pas)

Il ne fait guère de doute que nous sommes, ici en France, le 1 juillet. Ailleurs, ce peut être différent. Mais ailleurs, il arrive qu’on ne mange pas de chocolat équitable et biologique,  et qu’on ne boive pas de vin bio divin venu des caves de Christophe Beau. Autrement dit, qu’importe cet ailleurs ?

Ne prenez pas garde, je persifle contre moi-même. Je vais partir pendant un temps dont je ne connais pas la durée. On verra. Je pense que je pourrai vous titiller quand même, au moins quelquefois. Montez la garde, si cela ne vous embête pas trop. J’embarque une longue-vue et Kafka on the Shore, de Murakami. Non, ce n’est pas pour frimer que je vous donne le titre anglais de Kafka sur le rivage (en 10/18). C’est parce que je prends avec moi l’édition anglaise, et que je vais donc relire le tout. S’il existe parmi vous un être très malheureux qui n’a pas lu ce livre, permettez-moi de lui dire que cela se soigne. Murakami ? Un grand.

D’autre part, et là il s’agit bien d’un peu de frime faut pas croire -, je viens d’achever le dernier roman de José Carlos Somoza, La Llave del abismo. La traduction française ne paraîtra qu’en septembre chez Actes Sud, sous le titre, j’imagine, de : La clé de l’abîme. Mes aïeux, c’est un livre. Un formidable roman d’aventures picaresques, néanmoins situées dans un futur très lointain. Tout commence le jour où Daniel, un employé ordinaire d’un monde qui ne l’est plus depuis longtemps, s’approche, dans un train on ne peut plus futuriste, d’une silhouette qui a perdu du sang. Vous m’en direz des nouvelles, s’il vous plaît.

Donc, je m’en vais et même, je m’en va. Je saluerai pour vous la rivière et la martre que Patrick a vue il y a peu. Et le pic-épeiche à peine sorti du nid qui essaie ses ailes dans le buisson au-dessus de chez moi. Je saluerai tout le monde. Je ne saluerai pas Michel Collon, journaliste belge et néanmoins « anti-impérialiste » qui abreuve tout son monde d’informations tournées à la main sur son établi. En ce moment, Collon et nombre de ses amis français hurlent à la mort contre le coup d’État au Honduras. Les militaires qui ont fait le coup sont les habituelles crapules, à la solde du parti américain.

Faut-il donc les condamner ? Oui, certainement. Mais comme Collon (ici) ? Oh non ! Cent fois non ! Ce monsieur que je ne connais pas est un fervent des frères Castro et de Hugo Chávez. En somme, il nous rejoue cet air de clarinette épuisé que j’ai entendu des milliers de fois. Il y aurait eux et nous. Il y aurait le camp américain et celui de ses farouches opposants. Il y aurait le terrain du courage et celui de la vilenie. Il s’agirait en somme de poursuivre jusqu’à ce que mort s’ensuive – patria libre o morir – la folie politique initiée au tout début du siècle passé par ceux qui deviendraient les bolsheviki, c’est-à-dire les bolcheviques.

Cette histoire, je vous le dis, est passionnante en ses origines. Car elle explique la fin de ce qu’on appelait jadis le mouvement ouvrier, entreprise majeure de civilisation. Cette histoire explique le stalinisme, maladie mortelle de l’âme, qui conduisit des classes, des peuples,  des territoires entiers au bûcher du Goulag. Mais je vous parle là d’événements advenus entre 1903 et 1930, à quelques années près. Les héritiers du stalinisme existent bel et bien, et pour ma part, je sais où placer de braves gens comme ce monsieur Collon. Ils existent, mais comment dire ? Ils sentent si fort les fonds de tiroir et la naphtaline que je n’arrive pas tout à fait à les prendre au sérieux. J’ai sûrement tort.

En tout cas, ces thuriféraires des dictatures caraïbes partagent sans conteste la même indifférence profonde pour la crise écologique, qui domine pourtant, et de très loin, et de très haut, leurs pauvres vieux discours de pacotille. Est-ce que je les plains ? Je pourrais, car ils me semblent aussi pathétiques que ces communistes staliniens allemands qui firent la courte échelle à Hitler, pensant profiter, dans un deuxième temps, de son affaiblissement. Je devrais les plaindre, c’est sûr. Mais je m’en fous, désormais. J’essaie juste de de ne pas croiser trop souvent leur pas lourdaud.

Sur ce, à bientôt. Des aventures autrement joyeuses m’attendent. D’abord et avant tout cette rivière magnifique. Ah, je ne vous ai pas dit : la loutre rôde.

36 réflexions sur « C’est l’été (au cas où vous ne le sauriez pas) »

  1. Je vous souhaite la plus belle des rencontres avec Madame la loutre marsouinant dans les eaux vives de la rivière. Et d’oublier un temps les ennemis de la vie. Bel été Fabrice.

  2. Bien bel été dans ce coin que j’aimerais tant parcourir de nouveau… Salutations à tous les vivants, quelle que soit l’espèce !

    ( …la martre qu’ila vuE… / Je ne sais pas s’il arrive à Kafka de se retrouver sur une plage dans l’édition française, mais, moins précisément, sur le rivage, assurément !)

  3. je conseille en passant « Le Maître et Marguerite » de Boulgakov
    je viens de le finir.
    ça ne ressemble à aucun autre roman que j’ai pu lire auparavant.

    et bonnes vacances !

  4. Ben voilà…j’irai DEBUSQUER la sitelle et le mouflon ! Ah! ces touristes écolos…méfiez vous quand même de la deep-écology en calibre 44 ou 45 dont la trajectoire est beaucoup moins tendue que la 243 Winchester, mais foutrement efficace de très près.

  5. Fabrice, je ne peux pas te poser les questions que j’aimerais te poser.! je n’y arrive pas alors tant pis.

    je vais suivre ton conseil de lecture.

    Et je me permets de rappeler à ton, votre souvenir le journal de Jules Renard.

    A bientôt sur la lune.

  6. Je vais bientôt migrer, moi aussi, dans quelques semaines.

    Marre de voir ce spectacle de désolation, ces milliers d’arbres cassés, arrachés.Je deviens Klaus-trophobe.

    Et maintenant le feu qui s’y met.. Ca sentait le brûlé une bonne partie de la nuit, hier…

    Et comme si l’autoroute Langon-Pau ne détruisait pas assez, ils veulent y ajouter une ligne de TGV, en parallèle…

    La connerie humaine ne prend donc t-elle jamais de vacances ?

    C.

  7. @ Christian , je comprends et suis de tout coeur . cette logique infernale fait très mal , comment ne pas être saturé ? Elle transforme les paysages en bain de boue et plus loin, de sang .

    @ tous , je renvoie ce texte de Pierre Rabhi daté de Mai 2007 :

    « l ne faut pas s’accrocher aux alternatives en se disant qu’elles vont changer la société. La société changera quand la morale et l’éthique investiront notre réflexion. Chacun doit travailler en profondeur pour parvenir à un certain niveau de responsabilité et de conscience et surtout à cette dimension sacrée qui nous fait regarder la vie comme un don magnifique à préserver. Il s’agit d’un état d’une nature simple : J’appartiens au mystère de la vie et rien ne me sépare de rien. Je suis relié, conscient et heureux de l’être.

    C’est là que se pose la question fondamentale : qu’est-ce que vivre ? Nous avons choisi la frénésie comme mode d’existence et nous inventons des machines pour nous la rendre supportable. Le temps-argent, le temps-production, le temps sportif où l’on est prêt à faire exploser son cœur et ses poumons pour un centième de seconde… tout cela est bien étrange. Tandis que nous nous battons avec le temps qui passe, celui qu’il faut gagner, nos véhicules, nos avions, nos ordinateurs nous font oublier que ce n’est pas le temps qui passe mais nous qui passons. Nos cadences cardiaques et respiratoires devraient nous rappeler à chaque seconde que nous sommes réglés sur le rythme de l’univers.

    L’intelligence collective existe-t-elle vraiment ? Je l’ignore mais je tiens pour ma part à me relier sur ce qui me parait moins déterminé par la subjectivité et la peur, à savoir l’intelligence universelle. Cette intelligence qui ne semble pas chargée des tourments de l’humanité, cette intelligence qui régit à la fois le macrocosme et le microcosme et que je pressens dans la moindre petite graine de plante, comme dans les grands processus et manifestations de la vie. Face à l’immensité de ce mystère, j’ai tendance à croire que notre raison d’être est l’enchantement. La finalité humaine n’est pas de produire pour consommer, de consommer pour produire ou de tourner comme le rouage d’une machine infernale jusqu’à l’usure totale. C’est pourtant à cela que nous réduit cette stupide civilisation où l’argent prime sur tout mais ne peut offrir que le plaisir. Des milliards d’euros sont impuissants à nous donner la joie, ce bien immatériel que nous recherchons tous, consciemment ou non, car il représente le bien suprême, à savoir la pleine satisfaction d’exister.

    Si nous arrivions à cet enchantement, nous créerions une symphonie et une vibration générales. Croyants ou non, bouddhistes, chrétiens, musulmans, juifs et autres, nous y trouverions tous notre compte et nous aurions aboli les clivages pour l’unité suprême à laquelle l’intelligence nous invite. Prétendre que l’on génère l’enchantement serait vaniteux. En revanche, il faut se mettre dans une attitude de réceptivité, recevoir les dons et les beautés de la vie avec humilité, gratitude et jubilation. Ne serait-ce pas là la plénitude de la vie ? »

    et si on travaillait à cette fameuse charte des devoirs de l’homme ?

  8. rien à voir à première vue , mais l’époux de babydoll s’en est allé . Je trouvais la simple impuissance de ses personnages (chez kazan) très belle et universelle .

  9. « Recevoir les dons et les beautés de la vie avec humilité, gratitude et jubilation ».

    Un très beau texte. Merci Bénédicte.

    C.

  10. Je ne sais pas si vous avez regardé le reportage sur France 2, indiqué par chanee (le Chanee de l’émission, sans doute??? Branché sur Planète sans visa depuis Bornéo!).
    C’était vraiment impressionnant ces km de palmeraies, ces personnes qui luttaient pour garder les terres de leurs ancêtres ou leur forêt nourricière, enfin tout était édifiant. Voir en images ce dont on parle souvent ici, en fait. On y voyait bien comment la survie des animaux et celle des humains sont liées également à la conservation du milieu naturel.
    Et il a bien clairement été question des « bio »carburants, j’espère que beaucoup de gens auront entendu cela et ne prendront jamais de ce nouveau carburant qu’on va nous mettre partout, un peu moins cher que le SP, oui sauf qu’il en faudra plus pour la même distance! C’est se foutre du monde, et surtout profiter de la crédulité du peuple, car il se jettera sur le carbu le moins cher, bio ou pas bio, et on en tirera en haut lieu la conclusion que c’est une réussite et que c’est une démarche citoyenne! Ben tiens, le doigt dans l’oeil jusqu’à l’omoplate!
    Mais combien auront entendu et compris le message…

    Dans l’émission il manquait du concret, comme par exemple des images de produits courants contenant de l’huile de palme, histoire de bien visualiser… ce qu’il ne faut plus acheter! Ce qui est d’ailleurs bien difficile à trouver (les produits sans huile de palme, même en magasin bio!)
    J’ai vu que Demeterre communique maintenant sur l’origine de son huile de palme: apparemment, c’est clean, mais qu’en pensent ceux qui sont au courant? (certif. WWF colombie, FSC, Proforest…)

  11. @Stan :

    J’ai failli pas voir ta tirade.

    Non, Stan, je ne suis ni touriste en cette région (la Corse, bien joué Bénédicte 😉 ), j’y suis né, ni chasseur ! Oh que non !

    Débusquer n’est pas heureux, je te l’accorde. Je le voulais dans le sens de dénicher, parce qu’on dérange toujours ces deux animaux rares que sont la Sitelle (a pichjarina) et le Mouflon (a muvra), espèces endémiques.

    Je continue à apprecier tes jeux de mots, Stan, pas de souci. Go on !

  12. @ kellia . en ce qui concerne la certification demeter, je suis plutôt confiante . certaines sociétés comme sont interessante car elles privilégient la production de proximité en premier lieu (bio) et l’utilisation de denrées lointaines certifiées . mais , par exemple, la production en hausse constante de noix de lavages donne également lieu à de la déforestation en asie . la production de quinoa pose également problème . le mieux est pour moi de consommer moins , de proximité et de qualité (respect de l’homme et de l’environnement , ce qui va de paire !).

    @ jo le bug, bah , sitelle et mouflon dans la même phrase …bon retour dans l’Ile de beauté !

  13. Kellia, tout-à-fait d’accord. Là on aurait pu faire un lien plus clair avec les produits de consommations courante.
    Le pire est qu’on va nous imposer ces saloperies de bio-carburants. On n’aura pas pas le choix, une fois de plus ! Tout le monde ne peut pas prendre son vélo pour aller travailler…

  14. A Bénédicte et Jo le bug. Pour les mots à la voix forte, même utilisés avec  » Parcimonie  » et « Bonescient « ,toujours se méfier de ce bon escient…(clin d’oeil). Jo le bug, la sitelle et le mouflon dans la même  » phase « …OK ! Un site pour celà: Association des Amis du Parc Naturel Régional de Corse ( là-bas aussi y’en a qui bossent).

  15. @tous
    en attendant qu’un circuit de F1 soit construit à cet endroit, rendez vous à la ferme de la Haye samedi 11 et 19 Juillet . Soyons nombreux !!!
    http://www.flinssanscircuitf1.org/
    videos en ligne et eclestone qui vante l’efficacité d’Hitler/démocratie .
    Le conseil général des yvelines qui a déjà dépensé des millions sur ce projet continue vaille que vaille . le terrain c’est verdun (voir video) .

  16. Kellia, je ne pense pas qu’il puisse y avoir aujourd’hui une huile de palme « clean » et une « non clean ». Vu la gravité de la situation, la seule position à tenir selon moi c’est le refus total de l’inclure dans les ingrédients de ses produits.

  17. Kellia, l’huile de palme bio ou pas bio, AB ou DEMETER, est à bannir de notre consommation (alimentaire, hygiène ou cosmétique – attention aux appellations déguisées, comme huile végétale, palmitate ou sodium palmitate). Dans tous les cas, les plantations de palmiers à huile sont à l’origine de déforestations intensives. Comme le dit Chaperon Rouge, il n’y a pas d’huile de palme « clean ».
    Et pour respecter au mieux l’harmonieuse alliance biologique/écologique, Bénédicte a raison, consommer local, régional, ou national en est la meilleure garantie.

  18. Bon bah puisque c’est l’été et que le taulier est parti prendre l’air vers l’hort de Dieu, ou pas bien loin, j’en profite pour faire paraître une petite annonce. Je n’ai pas l’âme d’un collectionneur, mais serais néanmoins content de trouver les numéros 2, 3, 7 et 8 de Terre Sauvage (soit décembre 1986, janvier, mars et avril 1987). Si quelqu’un les possède, est prêt à s’en séparer et n’espère pas pour autant devenir riche, on peut me contacter via mon petit blog (« contact » en bas de la page). On ne sait jamais…

  19. A Bénédicte. Es-tu-sûre que « le terrain c’est Vers Dun »… pas très loin de chez moi. Ne serait-ce, plutôt, vers… Dune… beaucoup plus proche de nous…comme dirait Herbert.

  20. @ bruno, pas beaucoup d’écho, non . Tu as aussi les élucubrations érotiques de max mosley (sur daily motion) dans le même genre. On en a pas entendu parler des masses non plus . Bref, que du beau monde .

  21. Pour Greg,

    Je ne suis pas certain que cela soit volontaire, mais votre courte prose est sublime. « Plus que des arguments », « la vérité vraie » ! Je préférerais croire au pastiche.

    Fabrice Nicolino

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