Michel Rocard le preux (de la taxe carbone)

Oui, je sais qu’il ne faut pas tirer sur les ambulances. Mais je dois avouer que celle conduite par Michel Rocard m’arrache un sourire. Cet homme extravagant doit avoir en ses magasins intérieurs des stocks industriels de masochisme. Après s’être fait humilier comme il arrive rarement par Mitterrand entre 1975 et 1995 – oh, ce passage à Matignon, en 1988 ! -, il a donc accepté de donner une cuillerée de soupe à Sarkozy. À 78 ans, il n’est jamais trop tard pour servir.

Entre autres bagatelles, Rocard vient donc de remettre un rapport sur la taxe carbone, dont je me fous à un point inexprimable. Et voici pourquoi, en quelques phrases. Admettons par pure hypothèse que ce projet soit sérieux et qu’il voie le jour en 2010. Si, faisons semblant.

On fera donc un peu plus attention aux émissions de carbone qui nous seront imposées par la machine. Laquelle est justement fondée sur le gaspillage permanent de ressources naturelles irremplaçables à terme, dont l’assemblage sous forme d’objets émet justement de grosses quantités de carbone, sous la forme de gaz.

En admettant – un effort, que diable ! – que la taxe carbone existe un jour, elle ne servira strictement à rien. Je dis bien : à rien. Car l’âme du système consiste à fabriquer, vendre et faire jeter au plus vite des milliers d’objets et de gadgets qui aggravent la crise climatique dans des proportions effarantes. Pour ne prendre que le triste exemple que je ne connais bien, les marchands organisent l’obsolescence des ordinateurs, de manière que, tous les quatre ou cinq ans, il faille en acheter un neuf, qui produira son pesant de gaz à effet de serre.

Dans mon métier, qui implique l’ordinateur, j’ai été contraint par l’industrie d’acheter cinq ordinateurs en un peu plus de vingt ans. Aucun n’était seulement usé. Croyez-vous qu’il en aille autrement avec la bagnole, les écrans plasma, les IPod, les téléphones portables, les micro-ondes ?

Or donc, un pauvre vieillard nommé Rocard, dont la carrière n’est qu’une suite d’échecs, accepte de jouer les faire-valoir auprès de notre Seigneur à tous. Et propose une taxe carbone dans le temps même où l’industrie se demande comment accélérer la rotation des objets, sur quoi tout repose. Il est dans ces conditions IMPOSSIBLE d’imaginer diminuer les émissions de carbone produites OU UTILISÉES en France. Car de la même manière qu’on commence à parler d’eau virtuelle pour désigner cette eau nécessaire à la fabrication de T-shirts made in China ou Morocco, de la même manière, il faudra bien parler de carbone virtuel, importé avec les machines que d’autres fabriquent pour nous. Combien de carbone est-il caché dans cette machine par laquelle je vous parle ?

Malgré cela, tout le monde, ou presque, s’interroge gravement sur les chances que cette taxe carbone made in France a de passer l’obstacle du Parlement, et de l’opinion. Voilà ce que j’appelle volontiers une farce. Une autre farce estivale, comme il en est tant quand il faut remplir des journaux flapis et dépourvus de la moindre idée. Pour ce qui me concerne, outre que je plains – hypocritement – Rocard d’aussi mal terminer sa vie, j’ajouterai avec ma rudesse coutumière qu’ils peuvent aller se faire foutre. La planète fond. Le permafrost fond. Les glaciers de l’Himalaya fondent. Ceux du Groenland aussi. Des morceaux d’Antarctique partent à la dérive, et une palanquée de crétins continuent à danser sur le pont, comme si de rien n’était. Si seulement je pouvais être ailleurs ! Si seulement je ne devais pas partager le même monde qu’eux !

16 réflexions sur « Michel Rocard le preux (de la taxe carbone) »

  1. Je n’interviens pas sur le fond. Juste sur la forme. Juste pour rire (j’ai quand même un peu de mal)…

    Certes, on ne tire pas sur une ambulance, comme dirait F.G., mais là c’est presque un corbillard. Je ne sais si c’est la sénilité, une faiblesse passagère ou encore autre chose, mais Michel Rocard semble connaître assez mal son sujet. Déclaration, il y a quelques jours, à France Info, extrait :

    « Le principe, c’est que la terre est protégée de radiations excessives du soleil par l’effet de serre, c’est à dire une espèce de protection nuageuse, enfin protection gazeuse qui dans l’atmosphère est relativement opaque aux rayons du soleil. Et quand nous émettons du gaz carbonique ou du méthane ou du protoxyde d’azote, un truc qu’il y a dans les engrais agricoles, on attaque ces gaz, on diminue la protection de l’effet de serre et la planète se transforme lentement en poële à frire. Le résultat serait que les arrière-petits-enfants de nos arrière-petits-enfants pourront plus vivre. La vie s’éteindra à sept huit générations, c’est complètement terrifiant. »

    Dire que son père était physicien…

  2. La confusion entre effet de serre et couche d’ozone était déjà le fait du Nano-Président. Rocard la répète pour ne pas avoir l’air de contredire le mètre.

    Une taxe a une chance d’être efficace si elle touche les gens au porte-monnaie. Elle n’a aucune chance si elle est « à prélèvements constants ». Les riches s’en foutent, pour les moins riches, on compense. N’importe quoi.

    Plutôt que de parler de carbone virtuel, pourquoi ne pas adopter le terme utilisé pour désigner l’énergie consommée par la fabrication, la mise à disposition et le recyclage des produits industriels, contenue en quelque sorte dans les objets : énergie grise ?

    Si l’émission de carbone n’est pas visible, elle est bien réelle, ce carbone n’a rien de virtuel.

  3. Une bien belle confusion avec la couche d’ozone, oui. Mais c’est normal : d’une part c’est l’âge, d’autre part le temps est au recyclage. C’est lui, qui en tant que Premier Ministre de Mitterand, avait signé le « décret n° 89-112 du 21 février 1989 portant publication du protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone(…)”. Il a du mal a retenir de nouvelles leçons…

  4. Dimanche, j’ai commandé un café lequel était accompagné d’un  » Ticket  » mentionnant : baisse de la taxe. 1 euro le café au lieu de 1,40. J’ai été pris d’un fou-rire…Déjà la participation de la taxe carbone à hauteur de 0,40 euro sur un café ? J’ai conclu: marché équitable !! Et le rire-fou m’a repris…J’allais oublier (comme aurait dit Alphonse), pourquoi vouloir absolument, depuis le temps, qu’un politique soit autre qu’un…politique ?

  5. Il me vient le soupçon qu’à tant nous harceler avec le carbone on essaie de nous faire oublier pesticides et poisons divers. Sujet susceptible d’être beaucoup plus sensible, dangereusement sensible.

    Cibler sur le carbone a de plus le mérite de ne pas nuire à l’option nucléaire, au contraire.

  6. Pour le nucléaire, on verra, même si je pense qu’en effet, tout est bon dans cette histoire pour le favoriser.
    Quoi qu’il en soit, on trouve ça dans le rapport :
    « Cela ne doit pas être un prétexte pour ignorer le besoin de donner un signal-prix cohérent pour les mesures incitant à l’économie d’énergie, même pour les types d’énergie qui émettent peu ou pas du tout de CO2 comme l’électricité d’origine nucléaire et les énergies renouvelables. De même convient-il de réfléchir très prochainement aux moyens d’introduire un signal prix pour les gaz à effet de serre autres que le CO2. »
    Ils choisiront la pirouette adéquate pour agir dans un sens ou dans l’autre avec un bon argumentaire pseudo-scientifique qui fait consensus. S’ils veulent taxer, ils diront qu’il faut faire des économies sur tout, « réchauffement » ou pas, et que de toute façon la vapeur d’eau (le nucléaire en rejette de grandes quantités) est le principal GES (60% pour Wiki et d’autres sources scientifiques, beaucoup plus selon d’autres encore, scientifiques aussi -dans ce cas-là, les chiffres plus importants auront alors peut-être la cote). S’ils veulent exonérer le nucléaire, ils argueront que certes la vapeur d’eau est un puissant GES, le principal, mais qui a un temps de résidence court, au contraire du CO2 et qu’en plus le rôle des nuages, qui dépendent bien sûr de la vapeur d’eau, est très mal connu, que les boucles de rétro-action sont incertaines, etc etc…
    Bref, ils te raconteront ce qu’ils veulent, le discours est prêt, y a plus qu’à le faire apprendre un peu mieux à Michel Tocard.

  7. Bonjour,
    Je lis votre site régulièrement avec beaucoup d’attention et beaucoup de respect.
    Néanmoins, dans votre article sur la taxe carbone, une phrase me laisse dans l’interrogation : « Dans mon métier, qui implique l’ordinateur, j’ai été contraint par l’industrie d’acheter cinq ordinateurs en un peu plus de vingt ans. Aucun n’était seulement usé. » Je comprends bien le problème de l’obsolescence des produits « hi-tech » (ordinateurs, téléphone portable, etc…) mais je ne comprends pas votre phrase dans le sens où ne faisons-nous pas des choix dont nous ne sommes que nous même responsable? N’est-ce pas vous qui avez fait le choix de changer d’ordi alors qu’il n’était pas usé?
    Ne prenez pas ce commentaire comme une attaque personnelle (je ne suis pas sûr d’avoir bien rédigé ma question) mais comme une question d’ordre plus général sur la responsabilité qu’on a tous individuellement, sur les choix que nous faisons, etc…
    bien cordialement
    Cédric

  8. Cédric,

    Pas de problème pour m’expliquer. D’autant plus qu’il y a problème. J’essaie, dans ma vie, de me montrer cohérent. Je n’ai pas de télé, pas de téléphone portable, pas de voiture, etc. Je n’ai presque rien.
    Mais, oui, en effet, cinq ordinateurs. La première chose, évidente, est que sans cet engin, il m’aurait fallu changer de métier. Peut-être aurai-je dû, mais je ne l’ai pas fait.

    La deuxième, c’est que les ordinateurs que j’utilise, au lieu que d’être pensés pour évoluer sur le plan technologique, avec quelques ajouts, deviennent peu à peu inutilisables sur le Net. J’ai « poussé » tant que j’ai pu mes machines, mais il arrive un moment où quantité de simples documents numérisés ne peuvent plus être lus ou chargés. Implacablement, cela coince. Vraiment. Idem avec les imprimantes, au point que je n’imprime rien. Je dis bien : rien.

    La troisième, c’est que je suis malheureux comme les pierres, car il s’agit d’une authentique contradiction. Je sais que ces ordinateurs sont faits en Chine dans des conditions qui me révulsent. Je le sais, et je vous envoie ce mot depuis l’un de ces machins.

    Cédric, sans hypocrisie, je souhaite vivement trouver une solution meilleure. Et je suis tout prêt à changer mon comportement. Réellement et sans chichis. Sachez-le, au moins. Bien à vous,

    Fabrice Nicolino

  9. Merci beaucoup pour votre réponse,
    Allez, j’avoue ma question me renvoyait aussi à moi-même et à mes propres contradictions, bien plus nombreuses que les vôtres, à n’en pas douter….

  10. Bonjour,

    Merci de ce que je lis, c’est intéressant et -pour une fois sur le net- écrit correctement.

    Je partage vos soucis et trouve la vie très améliorable. Mais c’est plus fort que moi, je trouve globalement admirable l’être humain, rien n’est facile et l’art, la beauté, la grandeur ne sont pas garantis. Nous sommes des hommes destinés à progresser, nier le progrès c’est nier notre essence. Vous êtes érudit, ainsi que les internautes que j’ai lu sur ce site. Le bonheur d’être ce que nous sommes vous est ouvert! Nous n’avons pas demandé d’être là, mais nous y sommes, entourés de cette extraordinaire aventure pleine de découvertes, de réflexion, d’amour de chacun, de cheminements tous semblables et tous différents.

  11. Pour Étienne,

    Merci de votre gentillesse. Au-delà, il est limpide que nous ne partageons pas du tout la même vision du monde. Selon moi, la crise écologique en cours menace de dislocation ces sociétés humaines que vous appréciez tant. Et, bien avant que nous ne soyons touchés, ravage la plupart des sociétés du Sud, les grandes oubliées de nos discours de gens bien nourris. Je vous précise que je sais faire partie de ces gens bien nourris…

    En tout cas, bonne journée,

    Fabrice Nicolino

  12. On ne peut pas parler des sociétés du Sud comme totalité. Les situations sont si différentes!
    Les problèmes écologiques sont extrèmement graves, en effet. L’eau inaccessible, les mers souillées, les sols stérilisés, entre autres. On est pas loin de catastrophes, mais évitables. J’ai l’impression qu’on se bouge. Pas vous?

  13. Je reviens sur le point de départ de ce post: la taxe carbone et son vendeur, Michel Rocard. Vous savez comme moi les tenants de sa présence, nous sommes d’accord sur ce point! Nous sommes aussi d’accord sur la confusion dans son esprit quant aux phénomènes qu’il nous explique de cette façon pontifiante qui fit son succès. Cela montre simplement que le sujet ne l’intéresse pas.
    Cette taxe est contestable parce qu’elle détourne les gens de sujets écologiques bien plus pressants, l’état des mers, la déforestation…
    Elle est inefficace car peu contraignante.
    Mais comme le dit Fabrice, elle n’est pas encore dans les faits!

  14. Je ne sais pas si j’ai bien compris ce qui a été dit par Nicolas Hulot dans le NO mais l’objectif de la taxe carbone est bien de faire changer nos comportements ? Le chèque vert serait redistribué aux plus pauvres??? De cette manière ne serons-nous pas mis au pied du mur et obliger de faire pression sur les pouvoirs publics pour avoir ou réutiliser les transports en commun et mettre au rancart la voiture.J’aimerais avoir votre avis là-dessus.

  15. Nelly,

    Mon point de vue est clair, à défaut d’être partagé par beaucoup. Cette taxe carbone est ridiculement faible, et ne servira pratiquement à rien. Elle est une manière de montrer que l’on fait quelque chose alors qu’on ne fait rien.
    L’heure n’est plus, selon moi, à des mesures cosmétiques. Mais à des changements essentiels, qui nous seront de toute façon imposés, et dont nous n’avons pour l’heure pas la moindre idée.

    Je ne vous demande pas de m’approuver. Mais tel est mon point de vue. Bien à vous,

    Fabrice Nicolino

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