Au bonheur de l’hydrogène sulfuré (sur les algues vertes)

Vous savez quoi ? Je pense que cela vous fera rire, mais franchement, j’ai le sentiment que quelque chose déconne, en profondeur s’il vous plaît. Vous avez suivi comme moi l’affaire des algues vertes de Bretagne, qui prolifèrent et désormais tuent les animaux, chiens et chevaux, s’attaquant aussi, bien entendu, aux humains. Notre Premier ministre en titre, François Fillon si je ne me trompe, est venu sur place le 20 août, et s’est payé une séance de foutage de gueule homérique.

La responsabilité de l’agriculture intensive dans la genèse de la prolifération ? Faut voir. Pas si simple. La cause serait multifactorielle. Il a même osé une phrase de rêve, celle-ci : « La question de l’environnement est prise en compte depuis des années en Bretagne, au prix d’efforts considérables ». Je ne sais pas si l’on peut traiter un Premier ministre de charlot – sérieusement, le grand Chaplin ne mérite pas cela -, mais enfin, je le fais. Fillon est un charlot, qui annonce la création d’une commission, et des mesures de nettoyage qui. Qui laisseront la merde en place jusqu’à ce qu’une révolte populaire ne contraigne nos Seigneuries à de véritables actions.

Le drame, c’est que le pire est ailleurs. Le chercheur de l’Ifremer Jean-Yves Piriou alerte consciencieusement sur le danger des algues vertes depuis…1986. Jetez un regard sur ses multiples publications, et vous comprendrez ce que je veux dire (ici). En janvier 2002, en plein hiver, donc, les agues vertes ont fait une apparition fulgurante, devinez où ?, dans les Côtes d’Armor, là où le cheval est mort en juillet, là où son cavalier a été gravement intoxiqué. Grosse surprise, puisque les algues vertes étaient jusque là censées attendre le touriste, et l’été.

Le quotidien de Rennes Ouest-France, dans son édition du 14 janvier 2002 – il n’y a jamais que sept ans et demi -, écrivait précisément ceci :  « Le coupable, Jean-Yves Piriou le connaît depuis longtemps : l’azote, essentiellement issu des engrais chimiques et des déjections animales, qui se transforme en nitrates. “En vingt ans, leur concentration a doublé dans les principales rivières de Bretagne”. Dans le même temps, stimulée par ce fertilisant, la production d’algues vertes est passée à plus de 50 000 tonnes. Les principaux sites sont la baie de Saint-Brieuc et la baie de Lannion, suivis des baies de Douarnenez, Concarneau, La Fresnais, Guisseny et Binic. La masse étouffe faune et flore. L’odeur fait fuir les touristes. Surtout, Jean-Yves Piriou craint l’ammoniac et l’hydrogène sulfuré qui se dégagent dans l’air, du fait du pourrissement ».

Vous lisez tout comme moi. Cet hydrogène sulfuré, qui a tué cet été, et tuera encore, était on ne peut plus identifié en 2002. Et en 1995. Et probablement plus tôt encore. Mais tous les pouvoirs, de gauche comme de droite, ont laissé faire. Car la seule solution est de s’attaquer enfin et pour de vrai à cette puissance enkystée dans l’appareil d’État central, qu’on appelle agriculture intensive. Et qui est représentée par la FNSEA, cogestionnaire de tous les dossiers la concernant.

Le drame – bis repetita -, c’est que le drame est encore ailleurs. Le drame, c’est nous. Des scientifiques valeureux comme Piriou ou Lefeuvre – qui alertait sur les nitrates dès 1970 !!! – ne trouvent aucun écho, aucun soutien, aucune rébellion. Je vous dis cela, car en ce moment, mutatis mutandis, nous devrions être des milliers devant Minatec, à Grenoble, où travaillent déjà, dans notre dos, 2400 chercheurs, 1200 étudiants et 600 industriels. Que font-ils ? Joujou. Avec des nanoparticules dont nul ne sait dans quoi elles nous entraîneront. Demain sera trop tard. Demain est déjà trop tard. Aussi bien, je vous le dis calmement mais fermement, quelque chose déconne, en profondeur. Et ce quelque chose est quelqu’un. Nous.

41 réflexions sur « Au bonheur de l’hydrogène sulfuré (sur les algues vertes) »

  1. Je suis tout à fait d’accord avec toi sur le fait que c’est anormal et très énervant qu’il n’y ait pas de mobilisation forte, que les gens fassent l’autruche, qu’une minorité de personnes prennent des décisions sans queue ni tête pour tous.
    Mais je ne sais pas comment faire. Je me demande en effet comment mobiliser les gens, comment s’unir (car nous devons être nombreux à être mécontents) et comment agir. Si tu as des pistes, je suis prête à travailler dessus avec toi.

  2. Émeline,

    Ravi que nous soyons d’accord. Quant au reste, cela me dépasse, je le crains. Tous les engagements concrets que valoir les commentaires de ce blog vont dans la bonne direction. Cette direction, c’est celle de la création d’un mouvement profond de l’être, s’unissant enfin aux autres autour d’objectifs neufs. Ce mouvement ne peut être que culturel, au sens le plus anthropologique de ce mot, même s’il fera toujours plus de vraie politique.

    Je te prie d’excuser mon charabia. Je veux dire qu’il n’appartient hélas à personne de forcer l’allure. Il y faut de la maturation, donc du temps et de la patience. Mais il est clair à mes yeux, et je ne me lasserai jamais de l’écrire, que cela passe par une rupture franche, assumée, avec toutes les formes anciennes de l’engagement collectif, politique ordinaire comprise, de l’extrême-gauche à l’extrême droite, Verts inclus.

    Pour l’heure, je ne peux te répondre plus clairement, et j’en suis bien désolé.

    Fabrice Nicolino

  3. Peut-être ceci sera le début de la révolte !!!!

    Algues vertes. Les citoyens invités à porter plainte

    Pour sortir de la pollution par les algues vertes et relancer le débat sur le retour à une agriculture de qualité, plusieurs associations invitent les citoyens à porter plainte contre l’Etat.
    Marre de lutter contre les algues vertes! «Ça fait quarante ans que la fuite en avant de l’agriculture productiviste nous mène dans le mur. Mais on n’est pas fatigués. Au contraire, nous sommes pleins d’énergie!», avertit en substance Denis Baulier, qui a mené et remporté dans le Trégor une «Opération Nénuphar» pour la reconquête de la qualité de l’eau. Avec lui, Yves-Marie Le Lay, président de «Sauvegarde du Trégor», André Ollivro, fondateur de «Halte aux marées vertes», André Pochon, ancien agriculteur et infatigable militant d’une agriculture plus «intelligente», lancent un «manifeste pour sortir de la pollution en Bretagne».

    «Ne plus gérer la pollution mais l’éliminer»

    Directement issues des excès de nitrates employés en agriculture, 50.000 tonnes d’algues vertes sont ramassées chaque année en Bretagne, dont la moitié en baie de Saint-Brieuc. Selon les associations réunies hier à La Grandville, à Hillion, leur élimination aurait déjà coûté un milliard d’euros à la région. La pollution des cours d’eau a entraîné la fermeture de captages, mais les subventions continuent «d’arroser les cultures les plus assoiffées d’engrais chimiques, de pesticides et d’eau». «Nous ne voulons plus gérer la pollution, mais l’éliminer. Il est temps de siffler la fin de la partie et de passer à une étape plus contraignante», assène DenisBaulier.

    Rassemblement le 27septembre

    Plusieurs associations et collectifs (Halte aux marées vertes, Vivarmor, De la source à la mer, Sauvegarde du Trégor, CANE, AEDD) appellent le public à porter plainte contre l’État «qui ne fait pas respecter la réglementation nationale et européenne. pour le droit des citoyens à une eau de qualité». Le 27septembre, à La Grandville, le public sera invité à signer des plaintes toutes préparées pour obtenir réparation «d’un préjudice moral et financier, puisque ce sont nos impôts qui financent le traitement des algues». La réunion sera festive, comme toujours, et le comédien Jean Kergrist y mettra son grain de sel.

    La reconquête de la qualité de l’eau se fera d’abord par la reconquête de l’état de droit.

    Une date à inscrire sur vos agendas : rassemblement citoyen contre les pollutions par les algues vertes le dimanche 27 septembre à Hillion (22)

    A l’initiative de Cédapa, Sauvegarde du Trégor, Halte aux marées vertes, Côtes-d’Armor environnement, Vivarmor, De la source à la mer, AE2D

  4. Eh oui, une fois de plus, ce gouvernement (même si la dite gauche n’a pas fait grand-chose pour régler ça quand elle était au pouvoir) ne veut pas s’attaquer aux causes des problèmes mais seulement chercher à en atténuer les conséquences. Même type de raisonnement avec cette histoire de draps déchirables dans les prisons françaises…

  5. Visiblement les gouvernements successifs préfèrent céder aux sirènes de rhone poulenc, monsanto , elf et autres compagnies dont l’agriculture intensive sert de débouché.
    PS Près de chez moi des poissons meurent le matin du fait du manque d’oxygène (lié à la respiration nocturne des algues qui ont proliféré pour des raisons semblables.

  6. « Près de chez moi des poissons meurent le matin du fait du manque d’oxygène (lié à la respiration nocturne des algues qui ont proliféré pour des raisons semblables ».philou, c’est moche! moche de chezz moche! est-ce ainsi que les poissons vivent?
    A ce propos, fais un saut de puce crevé!(pneu) chez les verts hier Nimes by night belle ville(merci les romains), gâchée par toutes cette prosmicuité de bagnoles.. le soir était consacré à un forum () de présentation des principales personnalités élues aux dernières élections européennes et du projet porté par europe eco dans le contexte des prochaines régionales, avec Dany; et l’ex patron du monde Plenel en meneur de jeu; les verts sont-ils à gauche? faut-il se rapprocher du modem? comment faire pour aller vers la société et continuer à souffler l’enthousiasme et l’espoir de changement avec l’avénement de l’écologie en politique..je ne suis pas restée jusqu’au bout. un peu la barbe quand même! et c’est là que çà m’inquiète un peu, car si les discours avaient été vraiment « nouveaux » peut-être serais-je restée davantage? pas trop de très jeunes non plus, il me semble? je pense à certains meetings de UMP, emplis de crocodiles juniors
    Yannick Jadot blond, énergique, ma chère Cécile Duflot; Taubira, et dans l’assistance Voynet
    j’ai apprécié José Bové en presque short. eh oui c’est l’influence de Voici! tout se peoplelise!.conneries à part, et sans vouloir être négative ce qui s’est dit hier m’a immédiatement évoqué ceci à peine transposé, il est même question de rose, de dunes et d’étoiles :
    http://www.youtube.com/watch?v=xdRElky_9-I&feature=related

  7. et moi je viens de visiter (dans le cadre professionnel) une trentaine de fermes ces dernières semaines et ça fait vraiment froid dans le dos (conditions d’élevage… qui a bien pu osé sortir des concepts d’élevage pareils!!! animaux qui ne voient plus le ciel, ne touchent plus le sol ou la paille et respirent leurs excréments… comment peut-on sortir ces concepts, comment peut-on être paysan et se dire: tiens ça doit être une bonne idée et comment peut-on se foutre de ce qu’un mange à ce point pour participer consciemment ou non à ce massacre en courant se gaver des milliards de produits bien packagés et cellophanés des supermarchés.
    Pour quitter l’élevage, je sortais l’autre jour d’une exploitation céréalière et le terme exploitation y prenait tout son sens: 450 hectares de parcelles remembrées, d’où les haies ont été extirpées par tous les moyens; il reste quoi: des champs à perte de vue et des sols bien épuisés, mais l’agri n’avait pas spécialement l’intention de changer de pratiques: 200 unités d’azote à l’hectare en 2 à 4 fois et une dizaine de passage pour tous les phytos/hormones (herbicides, fongicides, régulateurs de croissance…). D’ailleurs , même l’immense cour du corps de ferme, bien remplie de pick up et autres engins motorisés sentait la douce effluve du glyphosate (vous savez ce qui donne cette couleur bien caractéristique jaunâtre à brunâtre.. si ragoutante). Mais bon, qu’il soit riche c’est pas un drame, je vous passe la description de la maison, du mobilier, de la hifi et de l’électroménager tous bien rutilants pour en arriver à la découverte qui a définitivement laissé ma nausée s’installer: après vérification, cet agriculteur a perçu l’année dernière (pour une seule campagne) en provenance de l’Europe -tenez-vous bien- plus de 140 000 euros. Cet agri a certainement fait des investissements, (sans parler des dépenses de fonctionnement) mais tout de même… il y a quand même un gros gros malaise et les revenus des récoltes.. s’ajoutent à cela bien sûr…

    MARRE, MARRE, MARRE!!! (je ne me marre pas , j’en ai marre..)

  8. C’est à se demander s’il y a des personnes qui habitent les environs de ces plages infestées !

    Porter plainte contre l’Etat… Pourquoi pas directement contre les paysans/sociétés pollueurs ? Faut pas craindre le contact…

  9. @cmoi
    Il faudrait filmer, prendre des photos, et poster sur internet, avec de l’info à l’appui et des liens vers des assocs.
    Il faudrait interviewer les intermédiaires qui achetent/revendent cette m.. pour les mettre face à leurs responsabilités, les grandes surfaces aussi. Tout ce système qui se cache, car il se cache.

  10. @jo le Bug,
    j’en rêve!
    J’ai mal de voir et de laisser faire. Même si c’est très osé de faire la comparaison, j’ai l’impression de sortir des camps de concentration et de ne pas pouvoir raconter ma douleur ni rendre compte réellement de ce que j’ai vu (ça fait maintenant 4 à 5 ans que j’en vois des vertes et des pas mûres; dans le lot, il y a bien sûr des fermes tout à fait convenables voire magnifiques pour certaines, si si…).
    Parce que parfois, il s’agit de choses qu’on ne peut croire ou comprendre sur paroles. N’ayant pas vécu les camps, je ne peux qu’imaginer leur horreur, mais jamais je ne ressentirai la vraie douleur et ne verrai les vraies images qui sont imprimées dans la tête des rescapés. Je peux lire ou regarder des documentaires ou des films, mais il y aura toujours un filtre entre mes émotions et la réalité de ce qui s’est passé. Je ressens une profonde injustice et douleur devant le fait que je ne puisse transmettre ce que je vois et de voir les gens bernés par les beaux discours made in FNSEA. La douleur vient aussi du fait, que peu de gens se posent la question et veulent vraiment regarder derrière l’étiquette du produit, pour voir ce qui s’y passe et ce qui se trame. Il y aussi peut-être un côté « je m’en lave les mains ». « Tel Pilate, je me doute que je dois participer à un truc pas terrible, mais des fois vaut mieux pas savoir, ça me compliquerait la vie, ça m’obligerait à changer d’attitude et j’ai pas que ça à faire (ben oui y a mon week-end à Disneyland, c’est quand même plus glam!!) ou en tous cas à vivre avec l’idée que je ne peux plus dire que je ne savais pas et du coup, ça me donne des responsabilités et moi, citoyen lambda, j’aime pas trop ça les responsabilités, être apte à répondre de mes actes et les assumer, pouvoir se soumettre à un jugement en ayant son honneur vierge, mesurer mon impact sur la planète et m’en préoccuper et ne pas juste dire ‘après moi le déluge’ … » Bon j’arrête là, sinon je vais vous saouler et pour çà, il y a de meilleurs breuvages. Enfin je dis çà…

  11. En 1951, René Dumont publiait « Voyage en France d’un agronome », écrit à partir d’enquêtes de terrain. En 1977, avec cette fois-ci François de Ravignan à ses côtés, il publiait « Nouveau voyage dans les campagnes françaises, après être retourné dans les mêmes fermes. Sans doute est-il temps de réactualiser tout cela avec un travail de fond par des personnes éclairées. Si Ravignan (74 ans) n’est pas dispo, je verrais bien un Nicolino et un Bourguignon s’atteler à cette tâche. Mais un tel ouvrage trouverait-il maintenant son public et donc un éditeur ?

  12. @ Fabrice. La « maturation », c’est que j’entends sans arrêt. Je suis prof et j’essaye de former les adultes (pour les élèves pas de problèmes) et c’est ce qu’on me répond tout le temps! Et si je fais un peu de forcing, j’en prends plein la tête!

    Dans les débats publics, c’est la même réponse. Je ne pense pas que ce soit de la maturation que nous attendions mais que les gens arrêtent d’avoir peur de regarder la réalité en face ou de fermer les yeux par facilité.

    @Tous : Avez-vous des blogs ou sites?

    @Tous bis : Et pourquoi pas commencer une association ou un groupe? Nous sommes tous d’accord. Il faut bien commencer quelque part.

  13. @ Marie
    Merci pour ton post.

    En fait, depuis plus de 4 ans, je visite des fermes avec ou sans élevage. Avec le temps, je pensais que j’allais m’endurcir et « m’y faire » mais décidément il y a des choses qui ne passent pas et je ne peux accepter certaines pratiques/mentalités, que j’ai longtemps cru marginales et/ou qu’on a voulu me présenter comme telles… Et en ce moment, ça me fait particulièrement mal, car je ne vois pas beaucoup d’améliorations (suis-je trop gourmande?). Mais vu l’étendue des dégâts en matière d’eau potable par exemple (nitrates et résidus phyto, notamment), je ne vois pas comment on peut encore raisonnablement demander aux gens d’être patients ou compréhensifs vis-à-vis de pratiques polluantes. ET POURTANT, c’est ce qui passe tous les jours. Ce matin, je subissais encore des pressions indirectes d’organismes dirigés par des élus FNSEA, par exemple. Ça devient dingue!! Comment peut-on si ouvertement et sans honte tenir une telle ligne de conduite; je parle de celle de la FNSEA au niveau national. C’est proprement ahurissant ou même salement ahurissant.

  14. En tout, j’ai dû visiter environ 200 fermes dans plusieurs coins de la France et même au-delà.
    Les efforts de certains ne sont malheureusement pas suffisants pour compenser les écarts des autres. Sans parler du fait que beaucoup appellent efforts ce que moi j’appelle optimiser sa marge bénéficiaire, c’est-à-dire qu’on ajuste sa fertilisation et ses traitements phyto uniquement pour optimiser la balance dépenses-recettes, sans rien changer par ailleurs (revoir les rotations, les pratiques culturales…). Même si cette démarche permet parfois de diminuer les surplus de rejets polluants, -c’est déjà pas mal- ça ne les annihile pas pour autant et ce d’autant plus que ce n’est absolument pas l’objectif recherché, même si la pratique du greenwashing très marquée aujourd’hui (y compris à la FNSEA par exemple) pourrait le laisser entendre.

  15. Le paysage « Breton » s’élargit à la Vendée

    Le niveau atteint par les algues vertes a généré cet été un problème nouveau à Noirmoutier.
    Certaines épaisseurs trop importantes de laisse d’algues vertes ont induit une fermentation conduisant à la production d’Hydrogène Sulfuré H2S, gaz très toxique repérable à son odeur d’oeuf pourri.
    Dans notre entourage beaucoup de personnes ont eu et ont encore des difficultés respiratoires assimilées à une “angine” mais sans fièvre.
    Quand on sait que :
    – dans les Côtes d’Armor des niveaux de 1000 PPM ont été observées et que cette dose est mortelle en une minute,
    – que le niveau de 250 ppm est déjà très dangereux car il y a perte de l’odorat et donc risque spécifique de ne pas s’alarmer
    Il convient d’y regarder de plus près !!
    Des mesures de la concentration dans l’air dans différentes zones et à différentes heures seront fort utiles pour juger du risque sanitaire.
    De la même façon des mesures de concentration dans l’eau permettrait d’identifier le risque pour les poissons.
    Qui n’a pas vu des bans de poissons morts près du Morin !!
    Il ne s’agit plus de “risque” esthétique ou écologique (la cause profonde est bien connue) mais bien ici de risque SANITAIRE aussi on ne peut que s’étonner du manque d’actions concrètes cet été.
    Confrontées à la même problématique qu’en Bretagne,(agriculteurs locaux et tourisme) la tendance des communes a été de « laisser faire la nature » au gré des marées et des courants en espérant que les plages se nettoient toutes seules !! ou que l’Etat finance !!

    Ici la « nourriture » des algues arrive par la Loire.

  16. @Émeline. « Avez-vous des blogs ou sites? » Perso ou à conseiller ? Pour ma part, même s’il existe de vrais blogs scientifiques, plutôt en anglais, je suis plutôt pour les échanges de conseils bibliographiques.
    « Et pourquoi pas commencer une association ou un groupe? Nous sommes tous d’accord. » Mouais, un de plus en somme. Tous d’accord ? Pas si sûr, même s l’on se rejoint sur le vrai fond. Mais après, les dissensions peuvent pointer, comme souvent.

    @Cmoi (ou Ctoi !). J’imagine que tu visites ces fermes (exploitations agricoles) dans le cadre de ton activité professionnelle. Tu as donc très probablement des collègues. Ton indignation a-t-elle quelque échos parmi eux, ou es-tu si isolée ?

    @Marie. Singer, tu conseilles donc vivement cet ouvrage ? On me l’a offert récemment, mais j’ai tant de trucs à lire qu’il est sous la pile. Ca vaut le coup de le faire passer sur le dessus ?

  17. @ Hacène. Hélas pas beaucoup de soutien, même si quand on discute tranquillement à l’écart on peut être d’accord sur le fond: en fait, peu de personnes sur le terrain remettent en doute les constats (mais ça ils ne le disent qu’en aparté ou alors parce qu’ils approchent de la retraite et qu’ils ne craignent plus personne). Mais là où ça coince, c’est quand il faut se mouiller et ne pas baisser sa garde devant des élus ou ne pas céder à des chantages et des manipulations… et là, c’est le drame! Pourtant, je ne me situe pas du tout du côté des extrémistes, je ne fais partie d’aucun mouvement pour l’instant. Je ne fais aucun battage et n’avance mes idées que lorsque je suis à peu près en confiance et si je suis en mesure d’espérer qu’elles ne seront pas déformées. Je souhaite juste rester intègre mais c’est ultra difficile et je vais bientôt baisser les bras. Par exemple, j’ai rendu mon tablier il y a quelques temps, car je refusais d’accepter des fausses factures (on était autour des 4 zéros donc pas des bricoles quand même…). Et j’en passe sur toutes les bidouilles politiques…enfin c’est dans la même veine que tout ce qui hante les colonnes de ce blog jour après jour.
    En ce moment la coupe est pleine. Même des personnes « écolos » me conseillent de ne pas trop la ramener et de m’écraser, histoire de me préserver physiquement. Mais ça c’est IMPOSSIBLE. Ne pas faire ma maligne, OK, d’ailleurs, j’ai jamais joué dans cette cour, mais fermer les yeux et la complaisance, JAMAIS. Non, je ne me ferai pas à ce monde pourri et ce dernier ne se fera pas à moi, donc je vois pas trop d’issue.

  18. « C’est un fait : les élevages hors sol se multiplient, en France comme dans la plupart des pays occidentaux. La faute à une logique économique plus industrielle que paysanne. Résultat : nous sommes de plus en plus privés du plaisir de voir gambader dans nos campagnes certains animaux de la ferme pourtant familiers.. ».

    cmoiTu liras si tu veux, la suite chez agoravox. la question: allons-nous laisser faire çà? eh bien pour moi la réponse est non! NON! même si c’est de l’ordre de l’incantation! déjà se passer le mot: pas de viande autre que tracée et BIO en attendant il faut s’armer de patience, d’une infinie patience, comme celle de ces bêtes que l’on manipule à loisir pour le profit. et puis tu viens ici, et tu essaies de te rapprocher des autres sensibles comme toi; c’est dur.on parle de l’Italie et de la mafia, ici, je ne sais quels termes il faut employer pour parler de ces gens qui tiennent le haut du pavé, mais c’est pas gai, et puis attention, ils sont mauvais.
    Hacène, ce livre est « la » bible; Peter Singer fait le tour de la condition animale, description des labo, fermes usines), on y trouve des arguments notamment pour ceux qui discréditent la cause. théorie du spécisme. oui c’est vraiment à lire.

  19. @cmoi
    J’y connais pas grand chose, mais pour avoir discuté avec des paysans du Tregor, je crois savoir que la vente de pesticides est très encadrée et que l’utilisation des produits est liée à la taille des parcelles (j’ai pas lu Nicolino dans le texte mea culpa 😉 )

    Si la parcelle ne peut « prendre » la quantité achetée, on peut donner le surplus au voisin, à condition qu’il le mentionne dans une sorte de main-courante.

    En tout cas, voilà ce que j’ai retenu d’une discussion informelle, autour d’un alcool de pomme qui m’a un peu fait dériver du sujet 🙂

    L’information qui me manque, c’est … qui controle et comment ? Il y a des amendes assez lourdes, quand elles tombent. Quels interets d’être complaisant ?

    De l’avis de mes paysans, reconvertis dans le bio depuis plusieurs années, « on a mis 50 ans pour en arriver là, il en faudrait 50 pour en sortir, sans parler du phosphore ! »

  20. @ Marie
    merci. Le problème avec les bouquins bien foutus qui relatent la triste vérité, c’est que c’est tellement fort de café que les gens n’osent ou ne veulent pas y croire. Et la plupart des gens qui ouvrent ce style de livre sont déjà convaincus à l’avance. Même quand je relate ce que j’ai vu à des gens de confiance, ils sont choqués mais déjà convaincus ou choqués mais repartent aussitôt vaquer à leurs occupations et continuent à acheter leurs petits knackis HERTA (un exemple comme un autre; j’ai rien contre les knackis en particulier, j’ai jamais goûté)…
    @Jo
    Qui contrôle…? J’en connais un personnellement (mais alors vraiment bien, si vous voyez le genre), et c’est ça le hic… Les amendes? Parlons-en! Quand vous voulez! Les trucs « très encadrés » (cf. vente de pesticides), je considère que c’est à peine le strict nécessaire (du style, vente d’armes interdite aux mineurs, tout au plus et pour garder l’exemple, un mineur vraiment décidé n’a plus qu’à trouver un majeur ou à se servir chez ses parents, par exemple. Je n’ai pas dit que l’interdiction aux mineurs était inutile pour autant…) Et encore vous ne parlez que des phytos, mais il y a tous les fertilisants (qui sont à l’origine de graves dommages, eux-aussi; il n’est qu’à citer la marée verte bretonne) Mais de toutes façons, là n’est pas le problème, c’est en amont à l’homologation qu’il faut commencer et toute l’agriculture en général à revoir. C’est fichtrement possible puisque des milliers de paysans nous le prouvent chaque jour en faisant une agriculture en harmonie avec les saisons et l’écosystème qui alors le leur rendent bien. C’est la meilleure preuve, que nos idées ne sont pas utopie et régression!

  21. @Cmoi
    Surtout, ne baisse pas les bras, la planète a plus que besoin de gens comme toi ! Merci pour ton courage et ton implication !

    @Marie
    OK pour la viande bio : les conditions de vie des animaux dans ces conditions sont « acceptables ». Mais qu’en est-il du transport jusqu’à l’abattoir, et de la mise à mort ?
    Ce petit texte de Anne-Lise Defrance m’a glacé le sang :
    http://www.cahiers-antispecistes.org/spip.php?article273

  22. Chanee, quand la physique reconnaîtra pour de bon les champs informationnels et que la biologie en tiendra compte, alors il faudra bien admettre que manger de la viande, c’est manger de la mort. Et en tirer les conclusions au quotidien, ce que j’ai du mal à faire…

  23. les habitudes culinaires, dur de s’en défaire, enracinées dans notre enfance..mais on peut limiter la casse, on arrête avec cette connerie « de la viande tous les jours » sinon, jamais de veau, porc itou, volaille oui et boeuf rarement. mouton, oui.mais tout çà rarement, quand même, après une grande période total végétarien.
    Socrate, Tolstoï, Einstein, Yourcenar, G.Bernard Shaw, Da Vinci, Pythagore, Gandhi, Platon. végétariens, je ne cite pas « l’autre » exprès.
    Bernard Shaw était las de « savourer des êtres assassinés » à ceux qui lui demandaient à la fin de sa vie comment il faisait pour paraitre si jeune il répondait « Ce sont les autres qui paraissent plus vieux..Que peut-on espérer de gens qui ne se nourrissent que de cadavres? » quant à Leonardo on a lu dans ses carnets de notes de nombreuses allusions à son végétarisme: « j’ai très tôt renoncé à la viande, un jour viendra où les hommes proscriront le meurtre des animaux comme ils proscrivent aujourd’hui le meurtre de leurs semblables » comme il avait un sacré côté visionnaire..

  24. Hacène, pourquoi attendre que la physique et la biologie se mettent au diapason ? Je pose cette question sans avoir compris le sens de ta phrase, mais qu’importe, pas besoin de quoi ou de qui que se soit pour savoir que manger de la viande, c’est manger de la mort…

    Marie, tu me suis à 100…%, ou à 100… lieues ?
    Et t’excuser de quoi, moi que te remercie infiniment de m’avoir donné la possibilité de faire connaissance avec les écrits de Peter Singer ? Je sais à présent à quelle tribu j’appartiens, alors que je me laissais envahir par un profond sentiment de désappartenance à mon espèce. Je me sens requinquée de pouvoir enfin attribuer un vocable à mes intimes convictions. Pour cela, (et pour le reste) tu as toute ma reconnaissance !

  25. Chanee, on pourrait refuser de manger de la viande pour les raisons que tu connais, qui sont les tiennes (raisons déjà largement suffisantes, nous sommes d’accord), sans que cette consommation soit néfaste pour le corps. Mais si en plus ce dont je parlais est reconnu un jour, cela voudrait dire que la science affirme que c’est en plus mauvais pour le corps humain (elle le dit déjà, mais sur d’autres points et moins radicalement). Je suis très très loin d’être suffisamment calé en mathématique et en physique pour suivre les démonstrations de cette histoire, mais « ça me parle » en tout cas. J’ai trouvé une vidéo d’1h30 qui s’intéresse à ce type de question. Quand je l’aurai visionnée et s’il y a des éléments d’explication clairs, si tu veux, je pourrai la mettre en lien.

  26. la lecture du livre de Peter Singer a le mérite de décrire de manière précise et implacable à quel point, en matière de viande, l’horreur réside dans l’aspect concentrationnaire et « industrielle  » de cette production. à l’opposé de cette réalité il y a ce très beau film de ????, enfin il est allemand: « le bonheur d’Emma »ce personnage de fermière tue son cochon qui vit en totale liberté. mais d’une façon douce, en lui parlant à l’oreille et en l’attirant sous le chêne..Chanee, je suis sensible à tes paroles,

  27. Chanee, il y a beaucoup de gens comme toi, beaucoup plus que tu ne crois. Un film comme Earthlings par exemple, a du retentissement et touche de nombreuses personnes.
    Marie, je ne sais plus qui avait ici parlé du livre « Le versant animal ». L’as-tu lu ? Aussi bien ? Je dis Marie, mais si quelqu’un d’autre a lu les deux, j’écouterai tout avis bien sûr.

  28. Hacène, pas du tout lu « le versant animal. » et pour finir sur « la libération animale » ce livre est considéré comme « la » bible chez les activistes genre Peta et autres.une référence donc.bises.

  29. « Le Versant animal », de Jean-Christophe Bailly (Ed Bayard) va vous éblouir.

    et j’en appelle à la plume vivante, vibrante, de Fabrice – à qui ce texte n’a pas pu échapper -pour vous en parler!

    Pour nous parler de cette intimité et de ces frottements entre l’homme et l’animal, le « premier comparse », évoqués dans une langue délicate, exigeante parfois, par Jean-Christophe Bailly. Chaque monde animal nous laissant entrevoir une manière différente d’être au monde.

    extrait

    « Peut-être est-ce seulement là, auprès des animaux donc, que l’on rencontre véritablement l’entière et mirifique conjugaison du verbe être, peut-être est-ce seulement là que l’extraordinaire et refoulée puissance de désappropriation de cet infinif se dégage de tout substantivation et de tout aspect de stèle, libérant, au lieu d’un règne ou d’une emprise, une déclinaison infinie des états, des postures et des modes d’êtres : être brochet, être gnou, être chat, être singe et, parmi les singes, être vervet ou magot, colobe ou langur et, parmi les magots, être celui-ci de l’Atlas, suçant une feuille givrée pour se désaltérer, tel jour d’hiver dans telle vallée, autrement dit être cet être et l’être ainsi dans cet instant, dans la trouvaille de cet instant. »

    un autre?

    « Ceux des nids et ceux des terriers, ceux des savanes et ceux des forêts, ceux de la neige et ceux du sable, ceux qui errent et ceux qui reviennent aux mêmes points à des années d’intervalle, en suivant des chemins pour nous totalement mystérieux, les tout petits, les infimes et les gros, les très gros, ceux qui vivent en famille, par petites bandes ou par troupeaux entiers, et ceux qui, solitaires, n’ont de société – si l’on peut dire – qu’au temps de l’accouplement. Ceux qui ne font que passer et ceux dont la longévité est grande, ceux qui rampent et se glissent, ceux qui bondissent et sautent, ceux qui volent et parmi eux ceux qu’on dit les rameurs et ceux qu’on appelle les voiliers : infinité des variations et des usages, chaque usage du monde formant comme un monde, j’y viens. »

    Je sais pas vous mais moi je retourne me blottir dans ces pages.

  30. La dernière heure du condamné (nouvelle)in « De Goupil à Margot » par Louis Pergaud (1882-1915):
    Louis Pergaud est mort à la guerre de 14.
    Cette histoire (banale) arrache le coeur.

    Tasson dans son abri, écoutait..Tasson savait que la nuit lui était favorable, que l’obscurité et la faim les font fléchir et les ramènent dans leurs maisons et que le sommeil les domine bien plus que les sauvages. Il savait tout cela, le vieux blaireau, et bien d’autres choses encore : que dans un trou étroit comme son corridor, il pourrait mordre et saigner le premier braillard qui oserait se hasarder assez loin dans ses ténèbres familières et que les autres y regarderaient à deux fois avant de tenter l’assaut à leur tour.

    Il n’ignorait pas non plus que son terrier était perdu et qu’il lui faudrait, dès que son trou serait libre, quitter ce canton paisible, toute demeure connue des hommes étant maudite, traîtresse, pleine d’embûches et de dangers.

    Cependant le bruit ne cessait point au dehors et aux aboiements, aux cris, aux coups de talon se mêlaient encore des grincements métalliques de scie et des craquements de bois.

    Que pouvait signifier tout ce tapage ? Le vieux Goupil du Fays, qu’il avait rencontré une nuit au bord d’une tranchée, lui avait dit qu’il faut d’autant plus se méfier de l’homme qu’il fait moins de bruit à l’entrée des terriers ; et le vieux renard ne parlait pas à la légère ; mais en l’occurence, l’excès contraire paraissait au blaireau tout aussi redoutable.

    Et Tasson, écrasé sur ses courtes pattes, les yeux louchant en avant, les narines ouvertes et frémissantes, attendait avec patience.

    Brusquement, la venue en bouffée étouffante d’une chose âcre et impalpable lui aveugla les prunelles et lui piqua vivement les narines. Instinctivement, tout en reculant, il essaya de mordre comme si un invisible ennemi se fût trouvé devant lui, mais ses mâchoires, large ouvertes et précipitamment refermées, claquèrent l’une contre l’autre : il n’avait rien happé que du vide, et l’ennemi l’aveuglait de plus en plus, le prenait à la gorge, lui fouettait les muqueuses. Plusieurs fois de suite, il fit claquer ses dents sur cet étrange et terrible adversaire et puis il parvint enfin à entr’ouvrir un peu les paupières. Alors il remarqua que son boyau, qui était clair l’instant d’avant, s’assombrissait maintenant d’un brouillard blanc tiède, piquant, mauvais, qui lui coupait le souffle et le faisait peu à peu reculer jusqu’au coin le plus enfoncé de son terrier.

    Et puis il fit chaud dans son boyau de roc, il fit trop chaud. Quelle était cette brume nouvelle créée par les chasseurs ou par les chiens ? D’ordinaire, aux matins d’automne, celle qui s’exhale de la terre est fraîche et parfumée, mais tout ce qui émane des hommes est poison et danger.

    Impossible d’arrêter cette invasion blanche qui, lente et prudente, se traînait par degrés vers lui. Tasson, résolument, fit front en montrant les dents. Évidemment le danger grandissait. Cependant, la fumée empoisonneuse, comme si l’attitude résolue du blaireau et ses vains coups de croc lui en eussent imposé tout de même, hésitait à l’atteindre de nouveau. Seuls quelques filets, bas comme d’irréels serpents, glissaient encore vers lui en longeant les parois. Quand ils se furent fondus dans le gris du mur, Tasson, inquiet, craignant d’eux une attaque sournoise et d’imprévisibles coups de fouet, resta longtemps quand même dans sa posture d’attaque, la dent dardée et la griffe prête.

    Mais le vent favorisait la bête et, contrariant le tirage, attirait au dehors la fumée qui, peu à peu, sembla se retirer et disparut.

    Pourtant les ennemis étaient toujours au dehors. Les voix humaines alternaient avec les jappements, les cris et les rires avec les reniflements. Son trou était bien gardé : il y avait danger de mort à s’aventurer dans le couloir et à s’élancer dans la campagne.

    Tasson, patient, s’écrasa sur les pattes et attendit la nuit, certain que l’ombre, sa complice, défavorable aux humains, lui permettrait, même si sa demeure était encore assiégée, de profiter d’un instant de défaillance des geôliers pour tirer ses grègues et détaler dans les ténèbres. Non, il n’avait pas faim, et il était gras, et il savait attendre. Au besoin, il resterait là en sentinelle plusieurs jours et plusieurs nuits, pour bien choisir son heure et, quand ils s’y attendraient le moins, filer à la barbe de ses ennemis. Eh non, on ne le tenait pas encore !

    Du temps coula qu’il ne sut mesurer….. Il entendait, en effet, les coups de pic tomber et, après chaque secousse correspondant à un ahan humain, les pierres et le gazon rouler avec un choc dur ou assourdi, selon la violence de l’effort.
    La situation s’aggravait encore.
    Mais les coups de pic et de pioche sonnaient toujours plus fort à l’entrée du souterrain ; il s’arrêta pour écouter. Oui, les coups continuaient, les jappements et les cris persistaient et, constatation plus grave, le jour ennemi, la lumière complice des hommes entrait à flot par le couloir, semblant guider les ennemis et leur montrer leur proie.

    Tasson, médusé, comprit qu’il ne pourrait creuser assez vite un tunnel de sortie. D’ailleurs, l’ouverture élargie du corridor pouvait maintenant livrer passage aux chiens : tous les dangers se concentraient de ce côté ; il fallait surveiller pour faire tête, le cas échéant.

    Les yeux flamboyants, furibond, prêt à saigner, il se retourna. Mais les chiens ne se hasardaient pas encore. Prudents, les maîtres les maintenaient près d’eux.

    Un instant, les coups de pic cessèrent de marteler le roc. Tasson reprit espoir. Peut-être les hommes étaient-ils las ? Peut-être se décourageaient-ils comme lui quelquefois, durant les trop longs affûts. Mais son espoir fut de courte durée.

    Bientôt, dans le couloir, une longue perche de bois vert s’avança tâtonnante, doucereuse, semblant le chercher, sondant la profondeur, pour le découvrir sans doute, et le frapper peut-être.

    Il la regarda venir, heurtant les parois, se redressant, cherchant sa route, comme un bras d’aveugle, et quand elle fut devant lui, prête à le toucher, brusquement furieux il sauta dessus, la mordit rageusement, à pleines dents, serrant de toutes ses mâchoires, les yeux rouges de haine.

    Ah ! elle osait venir ; eh bien, elle saurait ce que pouvait sa dent…..

    puisqu’ils criaient si violemment, et il s’en réjouit ; il pensa encore que leur attaque était moins dangereuse qu’il ne l’avait craint, puisque d’une morsure il en avait eu raison et avait mis leur auxiliaire en fuite.

    Mais les coups de pioche reprirent, et se rapprochèrent, et devinrent plus distincts, et, derechef, la perche, le bras de bois vint l’agacer dans son recoin.

    Avec plus de fougue et de violence encore, bien décidé à en finir, il se précipita de nouveau dessus et la mordit, la tenailla, la broya sous ses mâchoires ; mais l’autre, cette fois, se défendit, tourna….elle lui fonça dessus et lui porta en plein poitrail un coup de pointe qu’il ne put prévoir ni éviter et si rude qu’il lui coupa le souffle.

    Décidément, l’ennemi n’avait guère souffert de ses morsures ; ses attaques devenaient de plus en plus dangereuses. Tasson devait veiller.

    Bientôt même, après un éboulis plus fort, Tasson vit… il vit des enlacements de pieds ainsi que des bêtes grouillantes et des jambes comme des fûts de chênes, et d’innombrables pattes de chiens qui passaient, passaient, tournaient encore et repassaient.

    Une nuée d’ennemis, une foule d’assassins le guettaient, prêts à lui sauter dessus dès qu’il apparaîtrait.

    Et la nuit sur laquelle il avait compté, la nuit qui ne venait pas !…

    Comment faire ? Bientôt, plusieurs pourraient entrer de front ! Les coups pleuvaient toujours.

    Quand ils s’arrêtèrent, les chiens s’élancèrent au trou, les yeux flamboyants, reniflant violemment, aboyant avec rage. Tasson gronda sourdement. Ils le voyaient. L’un d’eux, plus hardi, passa devant les autres. Le blaireau, les babines troussées, était prêt à l’attaque : ses canines énormes menaçaient ; le chien hésita. Terribles tous deux, ils se mesuraient. Mais, rappelé par son maître, le chien, obéissant, recula, les yeux toujours dardés sur l’ennemi.

    Tasson entendit les hommes crier plus haut. Des sons argentins de batteries de fusil qu’on arme tintèrent comme pour un petit glas, et ce bruit de métal, qui lui rappelait l’homme et ses dangers, fit passer sur son échine de courts frissons qui lui dressèrent les poils.

    Une voix reprit, dominant le tumulte :

    – Tenez les chiens et les fusils prêts, je vais harponner.

    Et la main de bois, précédée cette fois d’une gaffe grise comme une grande griffe de fer pointue et recourbée en double hameçon, s’engagea dans l’ouverture et s’avança vers la bête.

    Ramassé sur lui le blaireau la vit venir et se prépara, sentant bien que cet ennemi était terrible.

    Le croc approchait, il allait le toucher, il lui frôlait l’épaule. Brusquement, Tasson l’empoigna, serra les dents et roidit les pattes sur le morceau de fer. Mais l’autre, impassible et invulnérable, se tordit dans sa gueule et glissa, froid, sous l’étreinte des dents. Il voulut le reprendre, mordre de nouveau, saigner, broyer ; alors l’autre s’enfonça violemment dans sa gorge, tourna sur lui-même en vrille, puis, se retirant d’un seul coup, mordit terriblement les chairs de ses pointes d’acier et s’agrippa aux mâchoires de la bête qu’il ne voulut plus lâcher.

    Tasson fit des efforts désespérés, mais une douleur atroce le tordait, lui ôtant jusqu’à la possibilité de mordre ou de hurler, tandis que le harpon de fer, manié par une poigne implacable, le tirait impitoyablement vers le jour.

    Malgré la douleur, le blaireau comprit que, s’il arrivait à la lumière, parmi les hommes et les chiens et impuissant comme il se trouvait, il était perdu. Et, crispé sur ses pattes, l’échine bandée, les reins tendus dans l’effort le plus désespéré, il s’arc-bouta à la terre.

    Peine perdue ! Pas à pas il dut suivre le croc terrible qui l’avait happé, glissant sur ses pattes, la gueule saignante, le cou effroyablement tendu.

    Et dès qu’il apparut et que, dans un éclair, ses yeux injectés de sang eurent entrevu, en un vertige d’épouvante, le mouvement de ruée sur lui des hommes et des chiens, un coup terrible assené sur son crâne, un coup de massue de chêne, l’assomma au pied de son bourreau parmi la houle hurlante des bêtes qui s’acharnaient sur lui.

    Longtemps encore il frissonna et quand, suspendu par les pattes à la perche maudite portée par deux chasseurs, il fut ramené en triomphe au village des hommes, le cerveau déjà obscurci des fumées de la mort, ses yeux encore clairs purent cependant voir tout au loin le soleil rouge annonçant la nuit prochaine, qui riait d’un rire sanglant au bas de l’horizon.

    http://www.bmlisieux.com/litterature/pergaud/condamne.htm

  31. Oui, Marie, poignant, et triste à pleurer.
    Les animaux ont une conscience, perceptible par notre conscience humaine à des degrés différents, qu’il s’agisse d’invertébrés ou de vertébrés. Ceci est un fait établi, non une hypothèse. Ouvrons les yeux, et notre coeur surtout, et laissons place à un peu d’empathie ; nous en sommes capables…

  32. Je suis bien d’accord avec l’article principal sur les algues vertes. Il y 2 semaines nous étions au Guilvinec à une rencontre avec Scarlette Le Corre, marin pêcheuse et agricultrice des algues, dont les vertes, elle nous a tout expliqué. Cette histoire de danger est totalement bidon et les algues vertes sont en plus bonne pour la santé … je vous incite à la rencontrer à son local, elle est connue, très accessible et une sacrée bonne femme !!

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