À propos de Jean-Paul Besset (as a guest star)

Je me permets de recopier ici ce que j’ai écrit en commentaire d’un précédent papier. Des lecteurs constatent, à raison, que je n’ai pas parlé de Jean-Paul Besset qui accompagnait pourtant Cécile Duflot à l’Élysée, pour un passionnant échange, inoubliable à n’en pas douter, sur la taxe carbone. En effet, je n’ai pas évoqué Besset. Quand j’écrivais mon petit mot, il était question qu’il ne se rende pas à l’Élysée. Mais, bien entendu, ce n’est pas ma réponse. Ma réponse est double. Un, Jean-Paul est un vieil ami, que j’aime comme tel. Deux, cela ne m’empêche pas de contester radicalement sa position politique. Elle me navre d’autant plus que, depuis vingt ans, nous avons eu assez d’échanges privés pour remplir trois livres. Et je ne me souviens pas de désaccord, en tout cas sur le constat.

Mais il a décidé pourtant de faire partie d’une coalition rassemblant Cohn-Bendit et Bové, Jadot et lui-même, pour mener une bataille qui n’a, à mes yeux, pas le moindre sens. Au-delà de ce que je pense de tel ou tel – et franchement, Cohn-Bendit, non, non, non ! -, je vois bien que le rassemblement Europe-Écologie est celui de l’abandon. Celui de l’acceptation, attristée chez Jean-Paul, de la destruction accélérée du monde. Ce n’est pas parce que la situation semble désespérée qu’il faut baisser les bras. Tout au contraire, il faut se lever. Avec des mots nouveaux. Avec des actes neufs.

Bref, et en deux mots : rupture, résistance. Rupture avec des structures – les Verts, cette démocratie-là – qui ont failli. Résistance, mais réelle, c’est-à-dire morale, contre les fossoyeurs de la vie, qui sont dans tout l’arc politique actuel. Programme fou ? Oui da. Fou. Mais je suis en train de relire la très belle biographie en trois volumes que Jean Lacouture a consacrée au général Charles de Gaulle. Cet homme de cinquante ans – en 1940 – a brûlé tous ses vaisseaux, encouru une peine de mort décrétée par Vichy, accepté volens nolens la saisie de tous ses biens au nom d’une idée supérieure. Disons-le : au nom d’une vision. Une vision – la France éternelle – qui n’est certes pas la mienne, dois-je le préciser ?

Mais une vision. Une hauteur. Un sursaut décisif, qui marque de manière indélébile le terrain politique dérisoire où tant s’agitent absolument en vain. On aura compris que je ne serais pas allé serrer la louche de Sarkozy. On aura compris depuis des lustres – je l’espère en tout cas – que je le tiens pour le boutiquier d’un monde en perdition. Il nous cherche une boîte de haricots verts dans son arrière-boutique tandis que flambe le quartier, et la ville, et le pays, et le continent, et le monde et ce qui le contient.

Pourquoi diable, Jean-Paul, faire semblant de rien ?

18 réflexions sur « À propos de Jean-Paul Besset (as a guest star) »

  1. Bonjour Fabrice,

    Je ne vous connais pas et je suis rarement d’accord avec vous. En revanche j’apprécie beaucoup votre ton et votre sincérité. Merci pour cette « fraicheur ».

    Je comprends votre appel à la résistance pour faire face aux enjeux écologiques. La situation est effectivement grave et le plus inquiétant c’est que les autorités politiques ne semblent pas prendre la mesure des événements. L’exemple des algues vertes est éloquent : cela fait 20 ans que l’origine du phénomène est à peu près comprise et le Premier Ministre annonce que l’Etat va prendre en charge les coûts du ramassage…

    Ce qui me soucie néanmoins (on va retomber sur un différend déjà évoqué sur un billet précédent…), c’est que vous semblez oublier que contrairement à de Gaulle nous avons, en tant que citoyen, d’autres moyens pour agir. Il me semble que les gens qui, comme vous et moi pensent que notre modèle de société doit radicalement changer, passe plus de temps à s’écharper qu’à agir ensemble pour ce changement. Exemple : Je lis souvent le magazine « Décroissance » et leur manie de traiter à peu près tout le monde d’écotartuffes est lassante (même Pierre Rabhi…).

    En tout cas votre billet, même s’il exprime un désaccord profond avec votre ami Besset, reste très respectueux de sa personne et cela change des anathèmes qui sont parfois échangés.

    Au plaisir de vous rencontrer.

  2. Merci pour ces précisions – et j’apprécie également ce que souligne Hugues, loin de tous ces étripages où l’on joue au jeu du « qui sera le plus pur ? ».
    Pour ma part, il me semble que si l’on peut être radical avec soi-même (en restant dans ses propres limites, bien sûr), tout ce qui relève de la sphère publique, c’est-à-dire consiste à se confronter à la majorité de nos concitoyens (qui n’ont aucune conscience de la crise écologique ou se contentent d’un saupoudrage qui leur donne bonne conscience), est évidemment beaucoup plus délicat. A moins d’instaurer demain une très improbable dictature écologiste, il faut bien composer avec ces gens-là et passer des compromis
    avec eux, sans pour autant cautionner ceux qui essaient alors d’instrumentaliser cette attitude. J’espère – peut-être à tort – que le petit renard national ne roulera pas dans la farine ceux qui tentent cette stratégie…

  3. [ Je recopie, du coup, mon commentaire ]

    Ma foi,Fabrice,voilà une réponse qui me satisfait pleinement !
    Je partage avec toi : et l’amitié pour le bonhomme, et le jugement sur l’inanité de sa démarche politique actuelle.

    Je goûte enfin (non sans un poil d’ironie) cet hommage, inattendu sous ta plume, au grand Charles, qui était en effet d’un autre calibre que tout ceux qui lui ont succédé !

  4. Le but de ces manoeuvres est de diffuser de l’interieur des salons feutrés de l’Elysée, un parfum d’ambiance aux douces nuances boisées écologiques, histoire de changer d’air. On connait tous le problème des désodorisants, ils ne font que masquer les odeurs.

    Version médicalisée, la dose écologique en spray viral, pour amorcer une lente contamination (salutaire pour le coup) des esprits dirigeants. Ici, le risque est que la dose soit minime et qu’elle agisse comme un vaccin.

  5. Bernard,

    Tu m’auras mal écouté, dans le temps. J’ai une admiration profonde, sincère, définitive pour De Gaulle depuis au moins trente ans. Je dis au moins, car mon père ouvrier, mort très tôt, mais profondément communiste à l’ancienne, trouvait au général les mérites qui lui reviennent.

    De même, je considère Soljenitsyne comme l’un de nos immenses humains. Et les deux sont fort éloignés, en des points très importants, de ma pensée politique. Ce qui les réunit, c’est une forme de courage insensé en face de forces géantes décidées à les éliminer.

    Ce qui les rassemble, c’est la capacité inouïe à dire non. Pas sous forme d’une opposition de pacotille, prête à se vendre au premier venu. Le premier a affronté le fascisme hitlérien à partir de son seul verbe, avant de contribuer à le vaincre. Le second a combattu le communisme stalinien, le seul qui ait jamais existé. Et il a été le ferment du grand retournement, le pionnier de l’assaut final au Palais des bureaucrates.

    L’heure est venue de trouver une force similaire, différente par nécessité, pour affronter la crise de la vie sur terre. Et je réponds par avance à une question que tu n’as pas posée : je ne me compare pas à ces géants. Parce qu’ils sont des géants. Et que je ne le suis pas.

    Bien à toi,

    Fabrice Nicolino

  6. Fabrice, merci grandement d’oser écrire cela :
     » le rassemblement Europe-Écologie est celui de l’abandon. Celui de l’acceptation, attristée chez Jean-Paul, de la destruction accélérée du monde. Ce n’est pas parce que la situation semble désespérée qu’il faut baisser les bras. Tout au contraire, il faut se lever. Avec des mots nouveaux. Avec des actes neufs. »
    Je le pense aussi malgré toute l’affection sincère que je peux avoir pour certains des membres d’Europe-Ecologie, en particulier certains militants locaux. Je pense comme toi qu’ils se fourvoient grandement… et c’est tout à ton honneur de le signaler.

  7. Cher Fabrice,

    je te donne acte de l’ancienneté de ton affection pour le Général, qui en effet m’avait échappée (cela dit cette fois sans ironie, je te crois sur parole !) Et Soljenitsyne est aussi, c’est sûr, un grand bonhomme, dans son genre …
    Tu as raison encore : je ne t’aurais pas posé cette autre question à laquelle tu réponds néanmoins.
    Pour autant, et sans te statufier d’aucune façon, laisse-moi te dire que j’admire la constance de ton engagement écologiste et la bonne tenue, d’une régularité qui m’épate, de ce blog !

    Bien à toi aussi.

  8. En tant qu’allemand, enfant de chats échaudés, voire gravement brulés, j’en ai soupé des grands hommes. Je voudrais voir plein de petits bonshommes et femmes DEBOUT.

  9. …et pour en rajouter pourquoi pas relier le « grand » Charles à la grande connerie du nucléaire en Algérie, en Polynésie et en France?
    Cela calmerait-il un peu la joie?

  10. Finalement, ce qui me fait rire (très très jaune), c’est que Fabrice fait l’éloge d’un type qui a justement enclenché la mécanique de ce développement infernal, de la technocratie aveuglée, d’une raison d’état complètement déchaînée.

  11. Il me semble que Fabrice fait l’éloge de l’homme du 18 juin, celui du refus de l’abandon pétainiste et de sa « Révolution nationale » ; après, il y a certes matière à discussion (encore que je me demande bien comment on serait sorti du merdier algérien et échappé à une dictature militaire sans lui!)

  12. Peut-être faudrait-il parler alors de la haine du Général pour Pétain, et vice-versa. Leurs rivalités personnelles sont la cause de bien des évènements. On sait bien qu’il ne peut pas y avoir deux femmes dans la même cuisine. 😉
    Et quant à l’Algérie, la manière dont on en est parti laisse tout de même franchement à désirer. Sans parler de la condition des Harkis, encore aujourd’hui, qui me fait vomir. Mais je ne maîtrise pas assez le sujet pour en dire plus.
    Il faudrait revisiter bien des programmes scolaires dans ce domaine. Oser se pencher avec honnêteté sur des archives intentionnellement laissées de côté. Mais je ne suis pas sûre que ce soit le sujet. Et surtout ce n’est pas du tout, du tout, politiquement correct.

  13. Bernhard,

    Comment faut-il juger un homme ? Ce n’est pas un sujet de bac philo, c’est une question grave. Au fond de moi se cache – si peu – la détestation définitive de l’autorité et de la hiérarchie. Et donc de De Gaulle, cela va de soi.

    Mais précisément, ce militaire de métier, cette culotte de peau lecteur du journal L’Action française, fortement marqué donc par le maurassisme, ayant grandi dans un milieu familial où l’antisémitisme était (presque) naturel, ce militaire a rompu d’un coup, sans esprit de retour. Non, il n’était pas devenu antifasciste, au sens que je donne à ce mot. Certes, il demeurait un nationaliste français militant. Mais le spectacle d’une Europe dominée par les soudards nazis lui levait le coeur. Et il sut s’entourer à Londres, dès les premiers instants, d’hommes et femmes de gauche, et de juifs.

    À distance, on peut juger cela sans vraie importance. Moi, je prétends que ce De Gaulle-là à démontré la force irrépressible de la liberté. Et de l’égalité. Et de la fraternité. Ce De Gaulle-là a bataillé non seulement au plan militaire, mais également – et comme ! – sur le terrain politique. Contre Churchill à l’occasion. Contre Roosevelt jusqu’au bout. Bien entendu, la résistance aurait eu lieu sans lui. Mais qui oserait nier qu’il fut une lueur, puis une vive lumière dans la nuit noire ? Vous, Bernhard ?

    Pour le reste, quoi ? Il me semble absurde de faire endosser à cet homme « la mécanique de ce développement infernal ». Je n’ai jamais prétendu qu’il était de mon camp, et de mes idées. Il est certain que son retour au pouvoir, après 1958, marque le triomphe total de la technocratie, et donc de la destruction systématique. Il est tout aussi certain qu’il n’y a rien compris, heureux de voir la France (re)devenir une puissance économique de premier plan.

    Mais évidemment, le processus général remonte bien plus loin en arrière. Et, bien entendu, il a été rendu possible par l’adhésion de millions d’acteurs, éblouis par la puissance matérielle. Il a été rendu possible par notre stupidité à nous, qui adorons tant les chefs et les idoles, presque autant que les colifichets. Aussi bien, l’interrogation, selon moi, renvoie surtout à cette perpétuelle soumission à l’autorité qui nous fait applaudir le maréchal Pétain en juin 40, au moment de l’armistice, puis le général de Gaulle en août 1944, devant l’Hôtel de Ville de Paris.

    Pour finir provisoirement, De Gaulle a été à mes yeux un géant de notre histoire, en ce qu’il a incarné le refus du pire. Mais il n’a jamais cessé pour autant d’être ce qu’il était. Y voyez-vous réellement une contradiction ?

    Bien à vous,

    Fabrice Nicolino

  14. Je pense qu’il faudrait s’abstenir de « juger un homme » pour se contenter d’évaluer ses actions. Je ne dis pas ça par « bien-pensance » (ne jugez pas etc..), mais pour l’efficacité de la réflexion.

    « Juger un homme », ça aboutit effectivement au mécanisme pervers et destructeur du « GRAND HOMME ».

    Pour De Gaulle, il a été le signal de ralliement de la résistance, et il pouvait, vu ses sympathies d’extrême droite, faire passer mieux que quiconque la pilule de l’indépendance de l’Algérie. Son mérite est d’avoir perçu assez vite qu’elle était inévitable. Reste à savoir QUELLE indépendance.

    Ma mère prétendait que la torture n’existait pas en Algérie, parce que « JAMAIS » De Gaulle ne l’aurait couverte. On voit ici comment le concept de « grand homme » trouble l’intelligence et le bon sens.

  15. On chuchote aussi, dans ma région, et même ma mère le disait, que De Gaulle avait laissé délibérément sans armes le maquis du Vercors, parce qu’il était tenu par des communistes…

    On sait qu’ils attendaient désespérément des parachutages… et que ce sont des planeurs allemands qui sont arrivés à la place.

  16. @ Bernhard ,ta phrase: « Je voudrais voir plein de petits bonshommes et femmes DEBOUT », me renvoie au stage dont je sors, un stage sur les techniques de désobeissance civile et d’action directe non-violente.Ce stage a réuni des gens d’age, de milieux, de luttes différentes, mais qui tous n’en peuvent plus de cette société qui va dans le mur, et qui veulent agir, enfin.
    Je crois que la clé est là, dans cette myriade de rencontres(plus de 70 à ce jour) où les gens apprennent, malgré leurs différences, à lutter dans le même sens.
    Plus il y aura de personnes formées à cette lutte non violente ,conscientes qu’il est fondamental de regarder notre objectif commun d’une nouvelle société, et plus nous serons à être prêts ,le jour où tout va basculer.
    Xavier Renou anime ces stages d’une façon remarquable, il est fédérateur, et plein de belles qualités.
    Je vous conseille à tous de participer à un de ces stages qui redonne espoir !
    http://www.desobeir.net/

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *