De l’art d’enfoncer une porte ouverte (sur le Kazakhstan)

Kazakhstan, Qazaqstan, morne plaine, vaste steppe. Disons que c’est au milieu, mais de quoi au juste ? Ce pays est aussi grand que cinq France entières, mais ne compte que 15 millions d’habitants, compte non tenu des innombrables troupeaux de brebis, d’ânes, de chevaux, de vaches, de chameaux. Où est-ce ? Du côté de la Russie, bien entendu. Mais avec une large fenêtre sur la mer Caspienne à l’ouest, et des frontières qui lient ce pays de pasteurs à la Chine, à l’Ouzbékistan, au Kirghizistan, au Turkménistan, et à la Russie donc.

Du temps de Staline et des sbires qui lui succédèrent, la steppe eut deux avantages considérables. On y installa des îles de l’archipel du Goulag, sachant que d’éventuels évadés ne trouveraient pas le moyen de revenir vers Moscou. Et d’autre part, comme il était aisé d’écraser une population de bergers disséminés, le régime décida, dès 1949, de faire du Kazakhstan la capitale nucléaire de la soi-disant Union des républiques socialistes soviétiques (URSS). Dès 1949, les ingénieux ingénieurs firent exploser la RDS-1, une bombinette de 22 kilotonnes. Où ? À Semipalatinsk, pays perdu, pays maudit, pays martyr de l’industrie militaire nucléaire.

Semipalatinsk, ce n’est pas qu’un point sur la carte. C’est une immensité de 18 000 km2 abritant un polygone d’essais inouï, où auront explosé au total 460 bombes nucléaires A et H. Vous imaginez ? Moi non plus. C’est dans ce riant pays que notre bien-aimé président Sarkozy vient de faire une visite d’amitié au satrape en place, Noursoultan Nazarbaev. Ce dernier est en place depuis que l’Union soviétique a disparu, en 1991, et il pourrait fort bien rester au pouvoir vingt ans encore. Car il n’a que 69 ans. Et toutes ses dents, ou presque.

Notre bien-aimé, notre si bien-élu président chéri avait emmené dans ses soutes de grands philanthropes, comme Total et GDF Suez (ici), qui auront fait sur place de considérables affaires et pris de grosses participations dans des entreprises kazakhs propriétaires de gisements gaziers. Car, nous y voilà bien sûr, le satrape est cousu de pétrole, de gaz et d’uranium. Évidemment ! Sinon, Notre Sarkozy n’y serait pas allé. Sinon, le Kazakhstan serait traité comme la dictature d’opérette qu’il est. Sinon, il aurait droit aux foudres de Bernard Kouchner, le preux. Pensez.

Pendant que nous ne faisons rien, le Kazakhstan, qui fournit déjà 10 % de l’uranium destiné à nos centrales, se prépare à terme à devenir notre premier fournisseur. On le sait, le Niger et ses maudits Touaregs ne sont plus aussi sûrs que par le passé. Il faut trouver ailleurs. Au chapitre des questions, j’en poserai une : quel est le deal ? Pensez-vous sérieusement qu’un pays comme le Kazakhstan fournirait gaz, pétrole et uranium sans quelque immense contrepartie, éventuellement secrète ? Notez qu’il ne s’agit que d’une question. Dans les années 80, la France socialiste et cocorico de Mitterrand a aidé le Pakistan à se procurer la bombe avec laquelle il menace l’Inde – et le monde – de désintégration. Nul n’a alors songé à protester, intérêt national supérieur oblige. Eh bien, je constate que nous remettons le couvert. Motus, bouche cousue. C’est exactement comme cela que se préparent les guerres. Et qu’elles se perdent

16 réflexions sur « De l’art d’enfoncer une porte ouverte (sur le Kazakhstan) »

  1. Une fois de plus, les dirigeants français, si j’ai bien compris, vont s’asseoir sur le  « Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires » ratifié en 1968. Et après cela, on attend des comportements vertueux de pays comme l’Iran!

  2. Notre piteuse majesté des mouches démarche le monde entier pour lui vendre des centrales nucléaires, et plus si affinités. Et ça marche bien, quel extraordinaire voyageur de commerce!

    Avec son aide (ou celle d’un autre roi Ubu), le Vietnam compte en installer une dans sa partie centrale. Mais que les habitants se rassurent, ce sera loin des zones habitées.

    Pour apprécier le cynisme des dirigeants, il faut connaître la largeur du pays à cet endroit (200 km environ) et la forte densité de la population. Je ne sais pas si les vietnamiens savent que Tchernobyl a poussé ses pollutions jusque chez nous? Ils sont pourtant remarquablement alphabétisés, c’est une chose qu’on doit reconnaître aux républiques dites populaires.

  3. « Dans la situation où nous sommes, ce qui importe, ce n’est pas de discourir par symboles, mais d’ouvrir la gueule et de remplir le monde de nos cris contre cette saloperie que sont les expérimentations nucléaires. » Albert Schweitzer – 1958.
    Mais que peut une infinitésimale minorité gueulante, face aux potentats de ce monde ?

  4. Dans ce tract publié le 18 février 1958 à la Sorbonne, André Breton dénonçait les dangers du scientisme et du nucléaire.

    DEMASQUEZ LES PHYSICIENS, VIDEZ LES LABORATOIRES !

    Rien, plus rien aujourd’hui ne distingue la Science d’une menace de mort permanente et généralisée : la querelle est close, de savoir si elle devait assurer le bonheur ou le malheur des hommes, tant il est évident qu’elle a cessé d’être un moyen pour devenir une fin. La physique moderne a pourtant promis, elle a tenu, et elle promet encore des résultats tangibles, sous formes de monceaux de cadavres. Jusqu’alors, en présence des conflits entre nations, voire du possible anéantissement d’une civilisation, nous réagissons selon nos critères moraux et politiques habituels. Mais voici l’espèce humaine vouée à la destruction complète, que ce soit par l’emploi cynique des bombes nucléaires, fussent-elles « propres » (!), ou par les ravages dus aux déchets qui, en attendant, polluent de manière imprévisible le conditionnement atmosphérique et biologique de l’espèce, puisqu’une surenchère délirante dans les explosions « expérimentales » continue sous le couvert des « fins pacifiques ». La pensée révolutionnaire voit les conditions élémentaires de son activité réduite à une marge telle qu’elle doit se retremper à ses sources de révolte, et, en deçà d’un monde qui ne sait plus nourrir que son propre cancer, retrouver les chances inconnues de la fureur.

    Ce n’est donc pas à une attitude humaniste que nous en appellerons. Si la religion fut longtemps l’opium du peuple, la Science est en bonne place pour prendre le relais. Les protestations contre la course aux armements, que certains physiciens affectent de signer aujourd’hui, nous éclaire au plus sur leur complexe de culpabilité, qui est bien dans tous les cas l’un des vices les plus infâmes de l’homme. La poitrine qu’on se frappe trop tard, la caution donnée aux mornes bêlements du troupeau par la même main qui arme le boucher, nous connaissons cette antienne. Le christianisme et ses miroirs grossissants que sont les dictatures policières nous y ont habitués.

    Des noms parés de titres officiels, au bas d’avertissements adressés à des instances incapables d’égaler l’ampleur du cataclysme, ne sont pas à nos yeux un passe-droit moral pour ces messieurs, qui continuent en même temps à réclamer des crédits, des écoles et de la chair fraîche. De Jésus en croix au laborantin « angoissé » mais incapable de renoncer à fabriquer de la mort, l’hypocrisie et le masochisme se valent. L’indépendance de la jeunesse, aussi bien que l’honneur et l’existence mêmes de l’esprit sont menacés par un déni de conscience plus monstrueux encore que cette peur de l’an mille qui précipita des générations vers les cloîtres et les chantiers à cathédrales.

    Sus à la théologie de la Bombe ! Organisons la propagande contre les maîtres-chanteurs de la « pensée » scientifique ! En attendant mieux, boycottons les conférences voués à l’exaltation de l’atome, sifflons les films qui endorment ou endoctrinent l’opinion, écrivons aux journaux et aux organismes publics pour protester contre les innombrables articles, reportages et émissions radiophoniques, où s’étale sans pudeur cette nouvelle et colossale imposture.

  5. Symboliquement ce sont les hommes qui ont laissé mettre le christ en croix, ils ont même préféré grâcier le voleur et punir le Christ, le pouvoir lui s’en lavant les mains. Il dérangeait alors l’ordre établi. Aussi voir assaisonner le Christ à cette sauce ne me convient guère et je m’empresse d’ajouter que je ne suis pas une grenouille de bénitier, loin de là. Si le si beau message historique, ne pas oublier cet aspect historique du Christ n’a pas été entendu des hommes,cela n’enlève en rien la force révolutionnaire et de vie et d’humanité qu’il contient toujours, et plus que jamais de nos jours, ou règnent de grandes confusions..à tous les étages; ah pas écrire n’importe quoi sous prétexte d’exprimer un malaise auquel nous essayons de trouver des explications et chacun la sienne, en plus; certains mettent tout sur le dos des musulmans! toujours la bonne vieille méthode du bouc émissaire.

  6. Aller chercher du gaz « sûr » prouve s’il en est besoin la volonté de diminuer les émissions de CO2.

    Ha ha ha.

  7. bonjour Fabrice nous nous sommes abonnés aux cahiers de st lambert pourquoi ne le recevons nous pas? au plaisir de te lire

  8. Je suis moi aussi abonné, ai bien reçu mon numéro 2 il y a quelques mois maintenant, mais pas le dernier sorti en mai. J’ai pris contact avec les cahiers il y a quelques jours, mais n’ai toujours pas de réponse. 🙁

  9. Quelques destinations pour les vacances, allez y sans inquiétude, les experts sont formels, il y a eu aucune retombée radioactive succeptible de porter à la santé des habitants:
    Alamogordo (Nouveau-Mexique)
    atolls de Bikini (23)
    Enewetak (42) (îles Marshall)
    comté de Nye (Nevada)
    atoll de Johnston (10 essais)
    Île Christmas (26)
    Semipalatinsk
    archipel de Nouvelle-Zemble (Océan Arctique) (91 essais),
    Îles Monte Bello (3 essais)
    Emu Field (2) ,Maralinga (7) (Australie),
    Île Malden (3),Île Christmas (6),
    Reggane (Sahara algérien) (4)
    atolls de Moruroa (41) et Fangataufa (5) Lop Nor (Xinjiang)
    les mines du Niger et du Canada méritent aussi le détour.

    Pour ce qui est de kadhafi, je croyais le président qui justifiais la vente de centrales à ce « démocrate » pour aider ce pays surpeuplé ne disposant pas suffisamment de pétrole et d’énergie solaire.

  10. @FERREIRA AVELINO. Je viens de recevoir un mail des Cahiers. On ne devrait plus trop tarder à recevoir le dernier numéro (n°3). On m’a dit avant huit jours. 🙂

  11. Trouvé sur le net. Pour ceux qui aiment les jeux littéraires, les codages façon Sand-Musset :

    Dans notre parti politique, nous accomplissons ce que nous promettons.
    Seuls les imbéciles peuvent croire que
    nous ne lutterons pas contre la corruption.
    Parce que, il y a quelque chose de certain pour nous :
    L’honnêteté et la transparence sont fondamentales pour atteindre nos idéaux.
    Nous démontrons que c’est une grande stupidité de croire que
    les corrompus continueront à faire partie du gouvernement comme par le passé.
    Nous assurons, sans l’ombre d’un doute, que
    la justice sociale sera le but principal de notre mandat.
    Malgré cela, il y a encore des gens stupides qui s’imaginent que
    l’on puisse continuer à gouverner
    avec les ruses de la vieille politique.
    Quand nous assumerons le pouvoir, nous ferons tout pour que
    soit mis fin aux situations privilégiées et au trafic d’influences
    nous ne permettrons d’aucune façon que
    nos enfants meurent de faim
    nous accomplirons nos desseins même si
    les réserves économiques se vident complètement
    nous exercerons le pouvoir jusqu’à ce que
    vous aurez compris qu’à partir de maintenant
    nous sommes avec le Parti (mettez le nom que vous voulez), la « nouvelle politique ».

  12. salut
    Je participe à Bathyscaphe, The Ecologist en langue arabe et à un journal édité à Londres. Je suis un médecin tunisien et j’ai eu l’occasion de traduire 2 textes de Dominique Guillet et je trouve qu’il y a un accord de fond avec ce que vous défendez. Par ailleurs j’ai écrit un livre en langue arabe (375 pages) sur l’agriculture de destruction massive et je ne l’ai pas encore publié et une partie de ce livre traite de la viande.
    Nous pouvons collaborere et je suis près à traduire vos textes et voire votre livre sur la viande.
    Par ailleurs vous êtes le bienvenue en Tunisie.
    DR Besbes Samir
    0021622940196

  13. salut
    Je participe à Bathyscaphe, The Ecologist en langue arabe et à un journal édité à Londres. Je suis un médecin tunisien et j’ai eu l’occasion de traduire 2 textes de Dominique Guillet et je trouve qu’il y a un accord de fond avec ce que vous défendez. Par ailleurs j’ai écrit un livre en langue arabe (375 pages) sur l’agriculture de destruction massive et je ne l’ai pas encore publié et une partie de ce livre traite de la viande.
    Nous pouvons collaborere et je suis près à traduire vos textes et voire votre livre sur la viande.
    Par ailleurs vous êtes le bienvenue en Tunisie.
    DR Besbes Samir
    Bonne continuation
    0021622940196

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