Le WWF est-il vraiment avec nous ? (une question douloureuse)

Ce sera un peu bâclé, faute de temps, mais cela vaut la peine. Il existe en Amérique du Sud un réseau d’une centaine d’associations d’une petite dizaine de pays appelé Iniciativa Mercosur (ici). Pour connaître l’un des responsables de ce regroupement, je puis vous dire que ce sont des gens infiniment sérieux. Le réseau rassemble des mouvements de femmes, des communautés indiennes, des associations paysannes ou de pêcheurs. Ayant cassé leur tirelire, ces gens ont envoyé en Europe, dans la perspective de la conférence sur le climat de Copenhague, une petite caravane itinérante qui les représente tous. Allez savoir pourquoi, ils relient dans leurs textes la crise climatique et le commerce mondial. Parler de l’une sans évoquer au premier chef l’autre serait stupide. Je les soupçonne de critiquer la marche du monde.

 

En tout cas, la caravane latina était ce matin même à Gland (Suisse), devant le siège du WWF International. J’ai eu l’occasion, plus d’une fois, de dire mon désaccord total avec certaines orientations clés de cette ONG, notamment sur le soja prétendument durable (ici notamment). Ceux de la caravane, furieux contre ce même WWF, sont venus protester sous les fenêtres de la douillette bureaucratie suisse de l’ONG. Je vous livre ci-dessous quelques extraits de leur critique. Car ces informations-là n’arrivent (presque) jamais jusqu’à vous. Or, Dieu sait qu’elles sont importantes.

« Ces dernières années, le WWF a initié différentes tables-rondes de “production durable” avec des entreprises multinationales sur des sujets très controversés sur les plans social et environnemental, comme le soja, la palme africaine, le sucre, le coton, l’aquaculture et les agrocarburants. Ces espaces de dialogue multisectoriel sont rejetés par les mouvements sociaux de base, parce qu’ils dévient l’attention de la gravité de la réalité. Dans bien des cas, ces modèles de production sont la cause de violations des droits de l’homme. Le WWF est accusé de couvrir les impacts environnementaux et sociaux des multinationales sous de soi-disant projets de conservation de la nature.

« Javiera Rulli, d’Argentine, a expliqué que la “table-ronde du soja responsable”, promue par le WWF, n’était qu’une plateforme entre l’industrie et les latifundistes [grands propriétaires terriens] (…)

 « Jorge Galeano, leader paysan du Mouvement agraire et populaire du Paraguay, s’est clairement opposé à la certification du soja transgénique comme culture durable (…)

 « Elisangela Araujo, coordinatrice générale de la Fédération de l’agriculture familiale du Brésil (Fetraf) a dénoncé la concentration de multinationales qu’implique le soja au Brésil (…).

Voilà. Les gens du WWF International, vitupérés au mégaphone par cette caravane venue d’ailleurs, ont fait semblant de ne pas comprendre qu’ils étaient les accusés. Selon les participants à l’action, un responsable serait même venu féliciter les manifestants. Le seul représentant de « la société suisse » qui fera partie de la délégation officielle de la Confédération à la conférence de Copenhague sera un membre du…WWF.

16 réflexions sur « Le WWF est-il vraiment avec nous ? (une question douloureuse) »

  1. Soyons sérieux! Des gens qui organisent des « tables rondes » avec l’ennemi pour « dialoguer » avec lui sont les alliés objectifs de celui-ci.

    Les ONG jouent exactement le même rôle que ceux que le pouvoir en place nomme si justement les « partenaires sociaux »: ils entretiennent la confusion des esprits sans laquelle il serait impossible à un tel système politique de se maintenir.

  2. Bien d’accord avec toi, Ossian : les syndicats sont de plus en plus des collabos et nous trahissent (c’est le cas du syndicat majoritaire dans ma profession), de même, certaines ONG en viennent à cette collaboration.
    Ni les uns ni les autres n’ont pris la mesure du desarroi et de la profondeur de la crise qui appelle à des sursauts HISTORIQUES et non pas à du bricolage qui finit par engloutir tout le monde… sauf les vrais coupables !
    Le vieux monde est derrière eux mais ils s’obstinent à raisonner comme « avant »… selon les veux schémas de l’après guerre… Ils vont finir pas nous enliser définitivement.
    Merci Fabrice de réagir toujours fortement et brillament sur ce thème tout en nous donnant des « billes » pour comprendre et faire comprendre.

  3. A Ossian

    Et si l’on avait encore des doutes à ce sujet, il suffit de se rappeler la pantalonnade du « Grenelle de l’environnement » qu’ont cautionnée maintes associations et organisations écologistes

  4. Il y a quelques années j’ai cessé de supporter le WWF à cause de leur position sur les agrocarburants, je leur ai même écrit pour leur dire à quel point je trouvais leur position intolérable. Ils m’avaient répondu qu’ils ne comprenaient pas ma décision…
    Depuis je ne soutiens plus aucune de ces grosses intitutions.

  5. C’est bizarre, le WWF a tendance a toujours se demander de quoi on les accuse sans jamais rien expliquer de leurs choix.
    Il y a quelques temps, j’ai demandé au service presse du WWF comment ils expliquaient leur position contre le moratoire sur la chasse aux éléphants. Jamais eu de réponse.
    Apparemment, c’est la même chose quand on leur demande ce qu’ils décident lors de leurs fameuses tables rondes. Mais attention, il ne faut pas dire de mal du WWF. Il y a des millions de donateurs qui ne préfèrent pas trop savoir ce que décide cette ONG pour le reste du monde. Dommage !

  6. le wwf est née d’une bonne intention sans doute,et les fameux charme du lobby industriel a eu raison de sa raison d’etre.sans doute aussi qu’elle subit des pressions et des répressions au cas ou!!!bref on est pas sortie du probleme de fond avec des institutions aussi gangréné et corrompu;cette tournée européenne des indiens est exellente et encourageante

  7. Ca fait un moment que j’ai envie d’aller refaire un brushing vigoureux au Panda.

    J’aime par exemple, beaucoup l’action du Corporate European Observer à Amsterdam, avec le dompteur Monsanto qui fait danser le Panda.

    C.

  8. C’est intéressant de voir apparaître les noms de Javiera Rulli et Jorge Galeano, je viens justement de finir un ouvrage intitulé « repúblicas unidas de la soja », dans lequel on trouve leurs contributions. D’ailleurs Fabrice, je pensais t’envoyer un très bel article d’un paysan suisse vivant au Paraguay, Reto Sonderegger, fais moi signe si ça t’intéresse.

  9. J’avais fait de longues recherches sur internet sur les OGM (suite au reportage « le monde selon Monsanto »), et je suis tombé par ce biais sur une galaxie d’organismes Etats Uniens qui dépensent des milliards de dollars pour le bien de l’humanité. Ces gens là sont des philanthropes !
    Ils financent une multitude de projets de développement « durable » de dépollutions de sites, de collaboration avec les gouvernements sud-Américains. (arrêtez de rire)
    On parle beaucoup du lobbyisme des sociétés multinationales autour des politiques (et même à visage découvert ! c’est donc pas de la corruption ?). Mais on parle moins du lobbyisme du rang supérieur, c’est à dire des organismes para-publics financés par les contribuables, qui produisent une propagande trouvant bien sûr de larges échos dans les médias et que les groupes industriels s’empressent d’utilser et amplifier …

  10. et oui le WWF a participé aux tables rondes sur ogm avec Monsanto et a même donné un label »OGM durable « au soja Round Up Ready Mexique,ce qui permet a Monsanto de planter « vert »donc OGM et de toucher les aides taxe carbone,no C02,rechauffement climatique sera donc reglé avec OGM,merci WWF,et pour l’huile de palme idem label caution du WWF,la Fondation Rockfeller les soutient,les labos Roche,ces grosses machines bossent pour les industriels et cela depuis longtemps.
    FNE même combat;helas les ministéres se servent de ces instances pour gagner du terrain et miner les résistances vraies des assoces qui y adherent,FNE et ce label aberrant sur bois,ca en dit long sur la dérive institutionalisée de ces ong ,trop grosses pour être independante,le fric c’est le nerf de la guerre et quand on voit les financements par les supers pollueurs mafieux et partenaires de cette grande fiesta grotesque de Copenhague,les affaires se font la bas et continuent,plus ca chauffe plus ca les arrange,le bisseness totalitaire verdatre bat son plein!

  11. Bonjour à tous,

    Une réponse:

    Le soja est une culture ayant des impacts négatifs au
    Niveau social :
    -Conflit de territoire avec les populations locales
    -Condition de travail parfois comparable à de l’esclavage
    -Etc.
    Niveau environnemental :
    -Utilisation d’engrais dangereux et polluants
    -Conversion d’écosystème à haute valeur de conservation (Cerrado et Amazonie notamment)
    -etc.

    Afin de combattre ces problématiques, le WWF avec d’autres ONG et les acteurs du marché du soja ont créé une table ronde ayant pour but de définir des principes et critères d’une production de soja « responsable » qui vise à réduire puis exclure ses impact avec pour but que ces critères se répandent au plus vite dans l’ensemble de la production de soja mondiale afin de réduire ces impacts négatifs.
    Sachant que les OGM sont majoritairement utilisés en Argentine et au Paraguay (presque 100% des plantations) et à 60% au Brésil, (la proportion d’OGM augmente cette année avec toujours plus de culture OGM), il semblait primordial de ne pas exclure ces cultures afin de réduire l’impact de l’ensemble de la production de soja.
    Désormais le WWF est membre du bureau exécutif de la RTRS.

    Le choix stratégique est simple et logique écologiquement et macroéconomiquement parlant. Tout d’abord, on peut faire changer une niche de marché (Ce que représente malheureusement maintenant le soja Non OGM) et être très éxigeant . Au niveau des niches de marché vertueuse, il y a le bio, cependant le bio n’a aucun critère pour certifier qu’une production ne se soit pas établie sur une forêt vierge. Le WWF a donc créé au début des années 2000 les critères de Bâle (label proterra) qui sont très solides au niveau environnemental et en plus ne certifient pas les cultures OGM.
    Cependant, peu d’acteurs ne les utilisent ni achètent, la déforestation avance toujours et les pratiques sont toujours mauvaises.

    Pourquoi: Parceque la majorité des acteurs ne sont pas concernés par ces critères!

    Il faut donc développer des approches multiacteurs afin de faire progresser l’ensemble de la production!

    L’ensemble des acteurs du marché du soja peuvent donc être acceptés à la RTRS à partir du moment où ils s’inscrivent dans une démarche de progrès en accord avec les critères et principes de la RTRS.

    http://www.responsiblesoy.org/governance_statutes.php

    Le WWF ne soutient donc pas du tout les pires pratiques de l’agrobusiness de Monsanto et consorts mais au contraire développe des outils pour baisser au plus vite l’ensemble des impacts négatifs de l’agrobusiness sur l’environnement !

    En outre, il est cependant très important d’avoir des critères environnementaux solides et de pouvoir différencier le soja certifié RTRS OGM du certifié RTRS Non OGM afin de pouvoir continuer de nourrir le bétail sans OGM.
    Le WWF pousse donc à l’intérieur de la RTRS afin d’obtenir des critères environnementaux solides et afin de pouvoir avoir une double certification.
    Ainsi, le WWF-France ne soutiendra la RTRS qu’une fois que ces deux certifications seront établies et que la RTRS adoptera des critères environnementaux solides afin de pouvoir faire la promotion d’un vrai soja responsable NON OGM.

    Je me permets de vous suggérer de véritables conseils pour avoir un effet sur cette problématique:
    -Manger moins de viande et privilégier celle de qualité nourri à l’herbe, ou bio ou Non OGM (une nouvelle étiquette va voir le jour afin de valoriser les producteurs qui font l’effort de nourrir leur bétail sans OGM) et/ou nourri au soja proterra.
    -Pousser les producteurs de viande à utiliser plus de protéines végatales locales ou alors du soja responsable non-GM (proterra ou RTRS non GM).
    -S’impliquer pour améliorer ces initiatives de l’intérieur ou de l’extérieur

    Nous ne sommes pas grand chose au niveau mondial, il faut utiliser notre marché exigeant pour transformer les pratiques… La route est longue je vous l’accorde!

    http://www.protegelaforet.com

    Bonne continuation !

  12. Servumpecus,
    Merci également à vous. Avoir la confirmation de ce que l’on sait mais qu’on est souvent incapable de prouver est toujours appréciable!

  13. A Copenhague, encore une fois, j´ai pu constater l´unanime accusation des associations de peuples indigènes contre le WWF. En Guyane où j´ ai passé 15 années, et y retourne encore, le WWF a organisé un colloque sur la « faisabilité de mines d´or écologiques », ce qui a donné l´idée au gouvernement de créer un Parc national avec mines d´or autorisées à l´intérieur !Seule bonne nouvelle : le film DIRTY PARADISE sur l´orpaillage en Guyane donne enfin la parole aux amérindiens. Quant au WWF il serait urgent en France de dénoncer cette dangereuse association qui trompe encore tant de naifs !

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