Le Monde, un si grand journal

Je suis journaliste, vous vous souvenez ? Et Le Monde est le quotidien de référence en France, nous sommes bien d’accord ? Or, il ne fait pas bon cracher dans la soupe, car cela peut rebondir. Entre autres désagréments. Mais je me fous des éclaboussures.

Hier, ouvrant comme on dit chez les pédants le quotidien vespéral, coup de sang. Je suis sanguin, j’avais oublié de prévenir. Coup de sang, car Le Monde infligeait à ses lecteurs un titre de une mensonger. Mensonger, rien de moins. Le voici : « La France s’oriente vers la fin des cultures OGM ».

Ne cherchez pas plus loin, c’est un coup commercial. Celui qui a trouvé – ou imposé – ce titre savait qu’il serait cité, et que les confrères, à la télévision notamment, reprendraient cette « information ». Qui n’en est pas une. Je connais assez la chanson pour l’accompagner en fredonnant. La source de cette « information », c’est Borloo et son cabinet. Borloo est comme les autres compères de cette funeste aventure sarkozyenne : il lui faut exister auprès des médias. Faute de quoi, il disparait. La question des OGM au Grenelle de l’Environnement est au coeur de la machinerie. J’ai écrit depuis longtemps que Sarkozy lâcherait quelque chose sur le sujet. Peut-être quelque chose de spectaculaire. Je ne dis pas : important, mais spectaculaire.

Les OGM sont en effet le sujet symbolique par excellence. En prince de la com’, Sarkozy sait que l’issue se jouera sur ce terrain, puisqu’il n’est pas question d’inverser quelque tendance lourde que ce soit. Borloo, le sachant aussi bien que n’importe quel benêt, tente de gagner quelque obole médiatique dès maintenant. Et il lâche aux journalistes du Monde – ils sont deux à signer l’article qui accompagne le titre – une phrase entortillée qui se termine par : « Donc on ne va pas prendre le risque ». C’est beau, oh si beau !

Avant de vous dire deux ou trois choses désagréables sur Le Monde, sachez que je ne mets pas en cause les journalistes. Je le pourrais, je le ferais sans hésiter, mais il se trouve qu’ils n’y sont pour rien. Ils ont fait leur travail, et l’article, si vous le lisez, contredit largement la grotesque mise en scène du titre.

Alors, ce titre. Eh bien, pour commencer, « La France », c’est à cet instant précis le chuchotis de Borloo ou de l’un de ses tout proches. Ce qu’on appelle une promotion. L’information aurait consisté à dire que des sources proches du ministre laissaient entendre que, sur le dossier des OGM, le gouvernement envisageait de lâcher du lest. Fais donc un titre « vendeur » avec ça, coco !

Deuxième point bien plus grave : La France s’oriente vers la fin des cultures OGM. Et là, c’est directement de la désinformation. Car, quelle que soit la décision finale de Sarkozy notre roi – qui peut surprendre, je me répète sans me lasser -, elle ne marquera pas la fin des cultures OGM en France. Il ne s’agit en aucun cas d’arrêter, même à suivre le plan de com’ de l’ami Jean-Louis. En aucun cas. Au reste, Limagrain, la FNSEA, l’Europe, la concurrence mondiale ne laisseraient jamais passer une telle mesure. Jamais. Et Sarkozy, qui se fout autant de l’agriculture que des OGM, est et demeurera à jamais ce naïf absolu qui croit la propagande qu’il délivre chaque matin. Une sorte de scientiste un peu mou, pour qui les OGM – et le reste – c’est tout de même le progrès.

Je me résume : merci au Monde pour cette leçon de déontologie. Merci à Borloo et à toute son équipe. Merci à notre maître à tous, NS, sans qui nos jours seraient gris. Conclusion provisoire : ce matin, Borloo est vaguement contraint de démentir, sur injonction de son patron. Et je lis, fatalitas !, que des militants écologistes siégeant au Grenelle présentent la « décision » de la « France » de renoncer aux OGM comme une première victoire politique (1). Saurez-vous reconnaître la perversité cachée dans le décor du Grenelle ? Désormais, le gouvernement et les ONG partagent, volens nolens, des intérêts communs. Le premier doit cajoler les secondes, et les balader jusqu’au bout, de manière à montrer que cette « négociation » est sérieuse. Et ces dernières doivent légitimer le premier de façon à prouver à leurs mandants que cette discussion a un intérêt et un sens. Le piège se referme de jour en jour.

Nota bene : demain, je ferme boutique jusqu’à dimanche, car je vais discuter des mêmes problèmes qu’ici, dans un monastère catholique. J’essaierai de vous expliquer.

(1) http://afp.google.com

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