Les baleines bleues auraient-elles tout compris ?

Je poursuis ma rêverie, commencée hier ici.  Ambulocetus natans – la « baleine qui marche » -, est la charmante bestiole ci-contre, qui mesurait environ trois mètres de long. On pense qu’elle a dû vivre il y a 50 millions d’années et qu’elle était sur le chemin pour devenir une baleine. Qui le croirait ? Elle serait une sorte d’intermédiaire entre Pakicetus, que je vous ai déjà présenté (Les baleines bleues lancent-elles un message ?), et Basilosaurus, que je vous montrerai plus bas. Ambulocetus gardait encore la possibilité de sortir de l’eau, de se planquer dans une mangrove, au bord d’une plage, avant de se jeter, telle un grand méchant loup, sur ses victimes. Vous avez vu ? Oui, ses dents ne laissent place à aucun doute. Basilosaurus, ci-dessous, ne devait pas se contenter non plus de bonbons à la menthe.

Ce gaillard-là, cétacé archaïque, a pu vivre jusqu’à la fin de l’Éocène, il y a environ 36 millions d’années, et lui ne pouvait déjà plus aller à terre. Ne vous fiez pas à la taille de vignette, car il pouvait atteindre 21 mètres de long et avaler un animal de la taille d’un dauphin actuel. Ce n’est donc que très lentement que les choses ont commencé à changer, et que les baleines sont devenues de placides et pacifiques mammifères. Que faut-il donc penser d’une telle évolution ? Oui, que faut-il penser du passage de la violence quotidienne à la fluidité musicale des grands fonds ? Je vais vous décevoir, car je ne le sais pas.

Puisque la connaissance n’y est pas, reste au moins le songe et les déambulations intérieures. La baleine bleue, dont je parlais hier, est un animal si beau, si parfaitement accompli, ayant traversé tant d’épreuves qu’elle m’émeut aux larmes. J’espère ne pas vous faire peur. Mais je le répète : aux larmes. J’ai dit qu’elle avait failli disparaître. J’ai dit que son chant s’était soudainement fait plus grave, sans qu’on sache réellement pourquoi. Eh bien, je vais tenter de répondre, moi, en insistant sur le droit imprescriptible à l’imagination. Si la baleine bleue pleurait sur son monde disparu ?

Oui, et si la baleine constatait, d’année en année, l’inconcevable massacre qui se produit sous ses yeux de géant ? N’oublions jamais – je ne risque pas – que ce monument de l’histoire naturelle migre sur des milliers de kilomètres, bien que nous ne sachions pas grand chose de ses routes marines. Ce bel oiseau, ce grandiose oiseau migrateur file et traverse des immensités. Lesquelles n’ont plus rien à voir avec ce qu’elles étaient il y a seulement cinquante ans. Tout a changé. Tout est changé. Des écosystèmes stables depuis peut-être des centaines de milliers d’années ont été bouleversés par la pêche industrielle, l’un des plus grands crimes jamais conçus par l’homme. Personne, je dis bien personne n’est en mesure de saisir l’énormité des processus de destruction en cours sous la surface des mers et des océans.

Personne, c’est-à-dire aucun humain. En revanche, la baleine bleue, qui a évolué avec la mer, qui en est l’un des plus étonnants rejetons, qui voit tout, entend tout et peut-être comprend tout, la baleine bleue n’est-elle pas capable, elle, de saisir l’ampleur du drame absolu que nous avons provoqué ? Je le dis sans crainte du ridicule, cela me semble possible. Et en ce cas, le chant devenu si grave de notre si belle amie serait un pleur. Le pleur désespéré de qui se retrouve, peu à peu, seul au monde des profondeurs.

28 réflexions sur « Les baleines bleues auraient-elles tout compris ? »

  1. ce sont surtout des etre a conséderer comme des sujets,comme bien d’autres,et les découvertes récentes,sont dans le meme temp parralèle a leurs disparition

  2. LA Baleine bleue mérite bien une majuscule, ce que l’on se doit de toute façon de lui donner (quand on désigne l’espèce et non un individu).

    Hugo, maintes fois cité sur Planète : « C’est une triste chose de penser que la nature parle et que le genre humain n’écoute pas. »

  3. Puisqu’on en est aux songes – et a la speculation – je signale au passage que l’ours polaire est qualifie par bcp comme un mammifere marin. Il passe beaucoup de son temps soit sur la glace soit dans l’eau, bref dans un univers marin (polaire) qui, du coup, le qualifie pour moitie. Il est en quelque sorte « a mi chemin » entre terre et eau. Une sorte de Ambulocetus moderne? Qui sait: Peut etre avec quelques millions d’annees en plus l’ours aurait evolue vers une existence entierement aquatique, faisant de lui une sorte de baleine (ou phoque) du future par convergence. Idem la loutre de mer? Les macaques laveuse de patate? Ce qui relie ttes ces histoire naturelles, y compris celle de la baleine bleue contemporaine: nous coupons le fil (ecocide en main) des evolutions futures. L’extinction, ecrivait EO Wilson, c’est la mort de la vie.

  4. Je me souviens avec quelle impatience, enfant, j’avais parcouru « Moby Dick » d’herman melville : l’histoire d’un petit capitaine poursuivant sans relâche une baleine blanche . Malgré les prophéties et les mises en garde, accusé de blasphèmes par les autres marins, Achab est obsédé : Moby Dick , qui a su le mettre face à sa vulnérabilité , vit . Moby Dick existe . Il faut donc la supprimer à tout prix pour se croire à nouveau dieu et dormir enfin . Achab meurt attaché par sa propre ligne au corps immaculé du monstre . « et le grand linceul de la mer roula de nouveau comme il roule depuis le commencement des temps  » . C’est tout simplement magnifique .
    Je suis heureuse de constater que la vie, venue des océans, ré-équilibre, invente , améliore , embellie sans cesse . J’aimerais croire que la baleine bleue a changé de fréquence dans le but de vivre .A nous d’interner Achab !

  5. Bénédicte, je te suis volontiers sur cette note d’espoir même si je crois qu’Achab a constitué des armées de Golem à son image et que la juste cause semble nous échapper, du moins pour quelques milliers d’années…

  6. @David Rosane
    Nous coupons le fil d’évolutions futures, mais nous ouvrons la place à d’autres. De la même façon que si une météorite ne s’était pas crashé sur la Terre il y a 65 millions d’années et n’avait pas coupé le fil de l’évolution des dinosaures, la vie serait sans doute très différente de ce qu’elle est actuellement. Différente également de ce qu’elle était au crétacé… La vie actuelle est une combinaison de sélection et de hasard, nous sommes un des hasards…

  7. @ Jo le bug :In nihil ab nihilo quam cito recidimus » (Du néant dans le néant, combien rapidement nous retombons). Les anciens disaient que nous ne pouvions avancer dans la bataille (et j’ajouterai , avec une rose à la main, cf Giono)qu’avec le casque de l’espérance (et non l’espoir ). Et pour cela, nous avons de quoi nous nourrir :
    « Il n’y a pas un millimètre au monde qui ne soit savoureux. » Jean Giono, les vraies richesses .
    L’ocean , lui , roule dans les veines et mes artères aussi, je ne veux croire qu’en son avenir .

  8. (Désolé pour le hors-sujet)

    Petite remarque, je n’y résiste pas. Canal + : zapping, à l’instant (lundi 4-01-10, 19h45). L’on voit une Somalienne je crois – je n’en suis pas sûr. Une femme du désert en tout cas, vivant dans une tente – image issue de la dernière émission d’Ushuaïa –, donnant le sein à un bébé antilope orphelin. Car, nous dit la voix off, pour ces tribus, c’est un devoir humaniste d’aider les animaux en détresse.

    A la question de M. Denisot « quelle image vous a le plus frappé ? », la réponse d’E. Besson, l’inénarrable ministre de ce qu’on sait, et aux titres de gloire qu’il n’est pas utile d’énumérer :

    « La dernière »
    « Mais ce n’est pas ça l’humanisme pour moi. L’humanisme pour moi : c’est l’homme D’ABORD, dans son environnement ».

    Soupirs………………………

  9. @ yoda
    vous soulevez un debat interssant. Perso, je ne pense pas qu’il puisse etre question de hasard lorsqu’il est aussi question d’intention, pour ne pas dire de niveau de conscience et/ou de complexite du vivant. Une meteorite ne sait pas qu’elle ecrabouille du dinosaure. Nous on sait qu’on tue la baleine, l’ours polaire, la vie. M’enfin, c’est mon point de vue, mais c’est aussi celui de bcp de penseurs dont, EO Wilson, James Hansen, et j’en passe. Quant a « ouvrir la place a d’autres… » Oui, on verra. Ou pas.

  10. @Frédéric. C’était en Inde, en l’occurrence dans le (ou aux portes du -je ne sais plus) désert du Thar. C’était une gazelle, et non une antilope.

  11. @ Yoda. Le hasard est un concept. Dans la réalité, il n’y a pas de hasard, simplement des enchaînements innombrables de faits qui nous échappent.

  12. « L’observation de Gaïa nous permet de voir une myriade de créatures magnifiques qui accomplissent tout leur potentiel en étant ce qu’ils sont et en faisant ce qu’ils font. Les tournesols et les vers plats, les baleines et le charançons… Elles ont atteint une telle perfection qu’il ne leur reste rien à accomplir. Elles n’ont pas de promesse à remplir parce qu’elles sont à ce point réalisées, juste par ce qu’elles sont. Nous savons cela intuitivement et le ressentons profondément dans un langage plus vieux que les mots.

    Et lorsque les saumons s’égarent, lorsque les baleines s’échouent sur le rivage, lorsque les oies dans leur migration vers le sud atterrissent au Pays de Galles, nous chancelons, nous sommes profondément angoissés de voir nos amis les animaux si désorientés, si spoliés de leur magnifique accomplissement.

    Et cela nous touche de façon très poignante parce que lorsqu’ils perdent leur cap, cela nous rappelle nous-mêmes, une espèce perplexe échouée sur une planète solitaire…

    Nous, de l’espèce humaine, semblons être positionnés dans l’habitat Gaïen d’une manière différente de celle de nos frères les animaux. Nous sommes plus potentiels que réels. Nous sommes porteurs d’une promesse à accomplir. Nous sommes cette promesse. Si nous faillissons à cette promesse, nous ne constituons pas une menace ultime pour Gaïa, je pense, mais nous diminuons l’amplitude de notre participation dans Ses Desseins. Et nous risquons donc de dévaluer les Mystères. La promesse que nous portons est exceptionnelle, non en raison de notre statut privilégié présumé et non pas, non plus, parce que nous sommes la divinité sous une forme humaine – aucun humain ne l’a jamais été et ne le sera jamais – mais bien à cause de nos tendances rabaissantes.

    Cependant, nous connaissons l’extase. Et dans l’extase, nous nous connaissons nous-mêmes et nous savons comment aller au-delà de nous-mêmes. C’est notre promesse, perpétuellement accomplie. »

    Un poète Gaïen, transfuge de la Nébuleuse d’Orion

  13. Rêverie fort touchante et émouvante… malheureusement, et poétiquement aussi, d’une façon ou d’une autre, bien probable. Comme l’a souligné Yoda en commentaire de l’article précédent ; la baleine ayant modifié son chant à cause (certainement) de l’activité effrénée de l’homme.

    Pour continuer dans l’imagination, tes deux articles sur les baleines Fabrice, me rappelle un épisode film de Star Strek (on a les références qu’on a hein…), où une sonde E-T se rapproche de la Terre en émettant un chant de baleine pour vérifier s’il y en a toujours dans nos océans. Ne recevant aucun message en retour, cette derniere déclenche un déluge sur terre :
    http://www.youtube.com/watch?v=4bzCbT9tY2Y

  14. @david rosane
    Quand j’ai écrit « nous sommes un des hasards », je parlais de notre existence, pas franchement de ce que nous faisons avec (quoique le débat sur le libre-arbitre n’est pas tranché)…
    Par contre, c’est évident qu’on ne verra pas les nouvelles espèces qui remplaceront celles disparues… et même si l’espèce humaine survit, elle devra s’accommoder d’un environnement pauvre pendant beaucoup de générations… C’est d’ailleurs bien là tout le problème !

    @Janot Lapin
    On ne sait pas encore si le hasard existe ou non… peut-être qu’un jour la physique quantique saura y répondre…
    Mais il est tout de même admis dans le langage courant de nommer « hasard » tout enchainement de probabilité rendant impossible d’en déterminer le résultat

  15. à Wellington: 125 sont mortes, et une quarantaine a été sauvée :.

    http://www.lastampa.it/lazampa/girata.asp?ID_blog=164&ID_articolo=1528&ID_sezione=339&sezione=
    allez à foto et cliquez sur « guarda… ».

    Autre mortalité constatée dans les Pouilles, : les recherches pétrolifères et géologiques doivent continuer à battre leur plein, avec tout le reste.

    http://www.lastampa.it/multimedia/multimedia.asp?p=1&IDmsezione=59&IDalbum=22823&tipo=FOTOGALLERY#mpos

    de kersauson a dit qu’il y de plus en plus de baleines? je ne sais pas s’il dit des bêtises, ce qui serait grave car il a balancé çà à une heure de grande écoute » et çà vaudrait vraiment le coup de’écrire au reponsable de l’émission qu’il est temps d’arrêter de rire de tout et de n’importe quoi.

  16. Ils seraient intéressant de poursuivre les travaux sur l’étude du langage des cétacés entrepris lors de la guerre froide malheureusement à des fins militaires plutôt qu’éthologiques.

  17. Je viens de découvrir ce blog et je le parcours…

    Il y a une vingtaine d’années, je me suis réveillé bouleversé par un rêve d’une intensité inouïe.
    J’ai essayé à grand peine de le transcrire et j’ai conservé cette petite histoire dans un coin de disque dur.

    Je vous propose ce rêve en partage…

    Chapitre 1

    -« Serenguetti… Serenguetti »-, la petite musique me martèle la tête.
    Ce mot pourtant familier décrit quelque chose que ma conscience a oublié.
    Le rythme flotte, s’évapore et je cherche distraitement à figer mes souvenirs qui n’ont que quelques heures et je rêvasse, pressentant qu’un lien l’unit à cette prairie qui m’a vu naître…
    Les grandes herbes ont jauni et bientôt toute la famille partira pour « la Grande Boucle ». Alors, nous serons des milliers, des millions même pour ce voyage que je vais entreprendre pour la première fois. Le signal va venir, je suis impatient de partir maintenant que mes jambes sont fortes et rien ne m’arrêtera.
    Je rêve tout en cherchant quelques pousses tendres dans les plus basses branches d’un acacia lorsque mon poil se hérisse.
    Le sentiment de la terreur m’envahit d’un seul coup comme la rivière qui débordera bientôt comme prédisait ce vieux fou de Georges.
    Oui, il etait un peu fou ce cher vieux Georges, je l’aimais bien mais il ne courait plus assez vite, et puis il boitait.… il racontait les légendes, et radotait un peu.
    Je sais bien moi, que le maigre filet d’eau parvenant à peine à étancher ma soif ne peut que se perdre à quelques bonds d’ici dans la poussière brûlante du Serenguetti.-« tiens Sereng… »-
    Mes muscles tendus à se rompre me figent dans une immobilité totale… seules mes oreilles sont mobiles et cherchent dans les herbes sèches. Mes narines ne relèvent que le parfum âcre d’un feu, très loin là-bas. La souris que j’entendais trottiner entre mes pattes s’est immobilisée, elle aussi…
    Qu’attend-elle ? Ma distraction m’avait fait oublier la salutaire peur qui se doit de m’habiter en permanence.
    Du regard je cherche mon père, ma mère et tous les autres et je comprend l’erreur fatale : maman est là-bas très loin, trop loin et les autres fuient déjà éperdument, la poussière que soulève leurs sabots les a englouti, …nuage rouge; rouge comme la gorge du vieux Georges quand le lion l’a emporté.
    Maman est restée, elle regarde dans ma direction.
    A la position de ses oreilles, de sa queue, je comprends tout.
    Elle aussi va fuir, elle ne peut plus rien pour moi.
    J’ai commis ma première faute et ce sera la dernière de ma courte vie.
    La rêverie m’a isolé de la sécurité du groupe, je n’ai pas prêté attention aux signaux d’alerte. Maman a disparu avec les autres dans les tourbillons de poussière qui commencent déjà à retomber.
    -« Serenguetti »- martèle ma tête au rythme du sang . Autour de moi tout est trop silencieux… sauf peut-être… oui, c’est çà: mes oreilles si sensibles enregistrent le son de l’énorme respiration, horrible. Le vent a tourné… la puanteur qui m’enveloppe me fait suffoquer,… vite, courir !. Il n’est plus temps de vouloir se confondre avec le feuillage rabougri et l’ocre craquelé de la terre.
    Trois bonds, je n’ai pu faire que trois bonds et il y a eu ce craquement sec au milieu de mon dos, puis plus rien.
    La lionne est couchée près de moi, haletante, elle me lèche doucement le visage.
    Je me sent apaisé et pour la première fois de ma brêve existence, je n’ai plus peur. Un grand mâle à la crinière noire s’approche au petit trot.
    Serengueti disparaît doucement dans ma mémoire qui s’efface.

    Chapitre 2

    Un homme approche, j’en ai vu plusieurs quand j’étais tout petit… L’homme noir me parle et lui aussi a peur. Serenguetti était notre pays et nous pensions trouver un travail ici, très au Sud.
    Mes mains affolées prennent le fusil qu’il me tend … .
    Des maisons brûlent. Homme noir au milieu de beaucoup d’autres qui fuient, je devrais moi aussi courir et jeter l’arme dérisoire. D’autres hommes – blancs- ceux-là, épaulent et visent dans ma direction.
    Chocs formidables dans la poitrine.
    La vie rouge sort de ma bouche par saccades, et je me repose enfin. Les masures du ghetto brûlent, -« …mais qui donc était ce Georges, je suis certain qu’il n’était pas de Soweto ».

    Chapitre 3

    La nuit sera belle, hier, j’ai repéré une boîte de biscuit dans la première armoire près de la porte de la cuisine. J’ai commencé à grignoter l’emballage pour les atteindre : je suis capable de faire des folies pour ces gâteaux fourrés à la vanille.
    La preuve: quand le chat est passé tout près, j’ai tenu bon je n’ai pas couru vers la maison et, comme d’habitude, pour tromper mon impatience j’ai grignoté nerveusement le fil longeant le mur.
    Il est vraiment bien ce paquet de biscuit : facile d’accès.
    Je sors du piano dès que la nuit est tombée, ou encore quand mes colocataires sont tous sortis, et je n’ai qu’à longer le mur! Pas d’espaces découverts à franchir, juste à passer un peu difficilement sous la porte de la cuisine, car j’ai beaucoup grossi depuis la découverte du trésor.
    Le seul problème, c’est le chat. Heureusement, il n’est pas très malin, mais il n’y a rien à faire, dès que je sens son odeur, ça me glace le sang, on dirait un très, très vieux souvenir hyper-désagréable… – bon; enfin, on réfléchira à cela plus tard, pour l’instant, mes biscuits m’attendent -.
    Paul,- c’est mon père- est venu avec moi ce matin.
    Papa, il est drôlement intelligent. Aussi, quand il est passé près de l’assiette pleine de graines, qu’il les a reniflé sans y toucher, j’ai fait comme lui. Je me demande quand-même s’il n’exagère pas un peu! il a peut-être pris un coup de vieux, c’est vrai quoi : si près de la maison, sans risque, mes graines préférées en plus, on dirait presque qu’on les a mises là exprès pour nous. Bon, c’est vrai que du blé bien rouge, j’ai jamais vu… mais faudrait goûter, c’est peut-être encore meilleur !
    -« Rouge, rouge »-, c’est drôle, mais ça me fait penser à l’affreuse puanteur de ce matou ringard. – Faudra que je réfléchisse à tout ça, ce soir – mais d’abord : les biscuits à la vanille ! -.La route est sûre, la nuit est noire, la vie est belle, je file le long du mur.
    La route, je la connais par cœur : se glisser sous la porte (j’ai encore grossi), sauter dans l’ouverture entrebâillée de l’armoire, mes biscuits sont bien là.
    Vraiment, la vie est belle, encore plus chouette ce soir car mes narines détectent le parfum suprême qui me fait tout oublier, même les gâteaux fourrés à la vanille.
    Quelque part; tout près, il y a du fromage ! je le vois, il est là, aussi gros que moi…et de plus, même pas emballé !.
    Je saute sur la petite planche de bois ou on l’a installé semblerait-il exprès pour moi, comme les graines rouges… – tiens, encore cette impression de déjà vu –
    Le rouge explose dans ma tête, puanteur d’un chat gigantesque, Soweto… des maisons brûlent…

    Chapitre 4

    Je flotte et je rêve que je flotte au centre de l’univers. Il y a longtemps que ceux de ma tribu ont compris la finalité de l’existence et de toute chose visible et invisible.
    Il est vrai que depuis toujours nous promenons nos corps gigantesques dans les océans.
    Trouver notre subsistance n’est pas une préoccupation : il suffit d’ouvrir la bouche, nul nécessité de nous battre, ainsi toute notre vie d’éternelle voyageuse s’écoule à méditer, jouer et faire l’amour.
    Nos chants qui se répercutent d’un hémisphère de cette planète à l’autre échangent cette connaissance. J’aurai bientôt 62 années et je vais mourir aujourd’hui.
    Je sais à quelle heure, je connais l’endroit et je sais depuis toujours la douleur du fer qui pénétrera mes chairs. Mes amis, ma famille savent aussi et je vais à la rencontre des hommes et de leur bateau rouillé. Je n’ai pas de haine pour eux, ceux-là ne peuvent savoir, ils n’ont pas commencé à chercher.
    Notre disparition prochaine de ce monde en fait s’interroger d’autres, nous le savons toutes, nous les avons rencontrés parfois. Ceux-là se couvrent de machines bizarres pour communiquer avec nous, ils veulent une réponse… ils sont attendrissants quand ils cherchent à comprendre pourquoi nous les aimons… malgré tout. Ils vont bientôt comprendre que la réponse est à l’intérieur d’eux-mêmes, incommunicable, et qu’il faut parcourir le chemin et la trouver seul.
    Le bateau est au rendez-vous, il y a des heures que mon sonar a repéré la pulsation sourde des hélices, bien avant qu’eux-mêmes ne me trouvent.
    Je chante et de ma mémoire remonte le souvenir de ces enfants d’hommes nageant autour de moi, agaçants et attendrissants eux-aussi, c’était là-bas très au sud, là où je suis née et j’ai reconnu ceux qui reviendront
    Le baleinier a stoppé ses machines, une fumée bleue sort du canon placé à la poupe et me reviennent l’odeur des maisons qui brûlent… Serenguetti… graines rouges et vertèbres qui craquent.

    Chapitre 5

    Fichu réveille-matin !, je l’ai pas entendu, déjà 9 heures, Évidemment, je suis à la bourre,… et en retard avant de commencer la journée.
    C’est marrant, depuis que j’ai regardé reportage à la Télé sur le Kenya, le nom du Serenguetti me trotte dans la tête… obsessionnel.
    Tiens, je l’ai eu cette malheureuse souris qui aimait tant les biscuits fourrés. J’aime bien les souris, mais celle-là avait vraiment un gros appétit, au point de manger le fil du téléphone.
    Bon passons aux choses urgentes et prioritaires ce matin, vu la circulation, je prend la moto.
    -« …Serenguetti »- me trotte dans la tête. À ce point là, c’est pas normal. Faudra que j’analyse ça un peu plus tard…-, après le Kenya, y avait un truc sur les baleines, j’ai éteint la télé, c’était trop moche ces baleines assassinées, ce sang rouge qui tachait la mer…
    -« Rouge!, Merde j’ai brûlé le feu »-.

    Chapitre 6

    -« Je vous assure, monsieur l’agent, j’ai rien pu faire ce type a brûlé le feu sans ralentir, j’ai rien pu faire pour l’éviter! »-
    -« Vous croyez qu’il va s’en sortir? … bon sang ! vous avez vu l’angle que fait son cou !. Il débloque carrément sous son casque, il dit sentir une odeur de fauve, de brûlé et tout ça, il parle de baleines et un mot bizarre revient sans arrêt… Soweto ! , ça vous dit quelque chose à vous Soweto ? »-

    FIN

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