L’an 01 du volcan Eyjafjöll

Pas la peine d’être long, car le monde croule sous les commentaires. Combien de millions de voyageurs bloqués par la cendre ? Combien de dommages infligés à l’économie mondialisée ? Combien de vols – hi, hi – de missi dominici de la Goldman Sachs (lire ici) stoppés en plein élan de magouilles planétaires ? Inutile de le nier, je prends un plaisir immense et sans partage à lorgner le grand foutoir qu’est devenu le ciel des avions. La dévastation touristique fait relâche. Les bombardements « chirurgicaux » à coups de drones et de missiles attendent l’éclaircie.

J’ajoute, mais ce n’est hélas pas en mon pouvoir, que j’aimerais vivement qu’aucun avion ne puisse plus jamais décoller. C’est nihiliste ? J’en ai bien peur, car j’ai des tendances. Je pense à cet instant à Gébé, ce fabuleux dessinateur d’antan, qui abandonna un jour son métier de dessinateur à la SNCF pour la raison qu’il ne souhait pas perdre (totalement) sa vie. Et ce forban réussit bel et bien son coup. Aux plus vieux, je rappelle que Gébé commença sa bande dessinée L’An 01 en 1970, dans le journal Politique-Hebdo. Et aux plus jeunes, je proclame qu’il poursuivit son grand œuvre dans Charlie-Hebdo, en 1971. Moi, les gars et les filles, j’avais alors quinze ans, et le roi n’était pas mon cousin. Gébé ! Ô Gébé !(JPG)

L’An 01, c’est le refus radical, immédiat, de toute la merde ambiante. Des chefferies, et donc de la hiérarchie, du travail quotidien et du salariat, de l’ennui mortel des journées soumises. Du fric. De la vitesse. Des cons et des petits merdeux qui ne pensent qu’à avancer jusqu’à l’abattoir final. L’An 01, c’est la joie, le rire dévastateur, l’amour et le sexe, le bras d’honneur, le doigt d’honneur, la balade à pied, lente, patiente, désœuvrée, sans autre but que l’admiration des arbres et des oiseaux, des fleurs et des ruisseaux.

Pendant l’An 01, qui commence dès ce matin, « on arrête tout, on réfléchit, et c’est pas triste ». Il n’y a plus d’avions bien sûr, mais pas davantage de bagnoles. Les routes ayant disparu dans le dernier tournant, il ne nous reste que des chemins par lesquels cheminer. En compagnie. Seuls. Toujours. Longtemps. Rarement. Je suis infiniment heureux que le volcan Eyjafjöll nous offre gratuitement le loisir de claquer 200 millions de dollars de pure insanité – les pertes des compagnies aériennes – chaque jour. Oh ce bonheur ! Comme si on faisait flamber un immense tas de biffetons pour le seul plaisir de se chauffer les mains. Pas par transgression, pas pour montrer qu’on se fout du fric, non ! Pour seulement allumer un feu. Parce que le blé est enfin réduit à sa valeur d’usage essentielle, qui est d’être du papier.

Ce volcan islandais, je l’embrasse sans façon. Ses lointaines fumées sont autant de vapeurs haschischines qui réveillent dans ma tête le souvenir de mes plus beaux rêves. Ah ? Je ne vous l’avais encore jamais dit ? Je les emmerde.

61 réflexions sur « L’an 01 du volcan Eyjafjöll »

  1. Je mets ici le commentaire que je viens de poster sur le blog de Claude Marie Vadrot :
    http://www.politis.fr/Le-volcan-islandais-qui-met-la,10229.html

    Eh oui, ce volcan est une aubaine.

    Comme le disait le politologue Paul Ariès dans l’émission Mots Croisés :

    « Je ne prends pas l’avion. Comme 6 milliards d’humains sur cette planète ». Ça fait du bien de relativiser de temps en temps.

    http://www.youtube.com/watch?v=yGoB

    La perte de sens dans les pays enrichis, malades de leur richesse (individualisme de masse, société des écrans, travail de plus en plus absurde et aliénant car ne répondant plus à un besoin direct ou immédiat, hyperconsommation …) a pour pendant un bougisme mondial pour « se ressourcer », aller voir encore des endroits où les peuples ne subissent pas encore les mêmes mutilations que nous, qui ne sont pas encore totalement insérés dans la Machine-Travail-Planétaire. Réification compensatoire du temps (passé à perdre sa vie à la gagner) que l’on croît rattraper en allant toujours plus loin et toujours plus vite ou en ayant des objets de luxe.

    Alors qu’il suffirait de sortir de l’économie en travaillant moins, en s’organisant autrement pour vivre mieux et se sentir bien là ou l’on habite et faire des choses avec les autres de manière autonome et répondant à nos besoins (se nourrir, se loger, s’habiller).

    http://sortirdeleconomie.ouvaton.org/

  2. Bonjour. 100 pour cent d’accord et j’ai les mêmes sensations que toi depuis 2 jours et je bénis le ciel de ne plus avoir ces horribles trainées blanches dans le ciel.
    Bien à vous.
    A vous lire. Yves

  3. Ce texte est vraiment jouissif ! Aujourd’hui – quel bonheur ! – je ne travaille pas, je reviens d’une longue marche et je me ferais bien une première journée d’an 01…

  4. Permettez-moi d’associer ma joie à la vôtre Fabrice. Ce « problème » de paralysie du trafic est en réalité une solution ou une partie de la solution. Quel beau weekend, si seulement cela pouvait durer…

  5. Et ce ciel ! Bleu !
    Bleu, limpide, vierge de ces longues trainées blanches. Il y a longtemps qu’on n’avait plus vu ça. Profitons-en.
    Et ce silence (j’habite à 100 km de Roissy)
    Quel bonheur ce dimanche après-midi où par miracle aucun de mes voisins n’a sorti ni tondeuse ni débroussailleuse, rendant plus palpable la qualité du silence aérien.
    Chants des oiseaux, vrombissements des insectes…
    Et si l’An 01 commençait maintenant ?

    Longue vie à toi, ô Eyjafjöll.

  6. Pour une fois, on n’a pas eu les retours en avion du dimanche soir, ce grondement faible et néanmoins bien présent, ces avions qui se suivent sans discontinuer. ça a été un beau dimanche, et ça fait vraiment rêver…

  7. Cette idée de réorganiser l’économie et l’organisation de la société ,basé plus sur le bonheur et le vrais échange,est une solution ,mais les mentalité sont difficile a faire évoluer.

  8. Bonjour,

    Ce papier est un vrai chef d’oeuvre.Merci,Fabrice.

    Je les emmerde.Jouissif?Le mot est faible!

    Nous ne sommes pas très loin des oeufs frais,cherchés sous les culs des poules.Avec sur la porte du poulailler votre texte…:)

    Je les emmerde…pas les poules,non,non,ceux qui n’ont plus le sens des vraies valeurs!

    Bien a vous,Léa.

  9. « Week-end », c’était aussi le grand film prémonitoire de JL Godard qui me hante encore plus de quarante ans après…, heureusement que « l’an 01 » était là pour nous remonter le moral. Une fois encore , on ne peut que s’étonner de cet élan pour aller dans le mur, alors que nous savons ce qui nous menace depuis si longtemps.C’est tellement effarant que je suis encore abasourdie de voir ces foules pressées dans les aéroports, comme je les vois sur les routes, alors que tout le monde parle de crise et de changement de comportements !
    Peut-être enfin la décroissance ?
    Ce qui m’inquiète le plus, ce sont les retombées des cendres sur les oiseaux.

  10. « que j’aimerais vivement qu’aucun avion ne puisse plus jamais décoller »
    Et si c’était possible? Et si les compagnies aériennes succombent ? Si cela continue encore quelque temps, va-t-on devoir les sauver comme on sauve – toute naturellement – une banque? D’ailleurs, les financiers sont largement concernés par la santé de ces entreprises (entre autres prêts, « leasing » des avions qui appartiennent en réalité directement et sur le papier aux banques – montages habituels pour éviter les taxes).

  11. @slider

    Cette idée de « réorganiser l’économie et l’organisation de la société ,basé plus sur le bonheur et le vrais échange », est défendue par le(s) mouvement(s) d’objection de croissance, qui monte(nt) en puissance dans de nombreux pays. C’est le véritable projet qui sous-tend ce que le système appelle « la décroissance » pour le décrédibiliser.

  12. la tenue quasi quotidienne, brillante et implacable de ce blog me laisse pantoise ! Quelle réactivité, quelle culture ! J’applaudis, j’approuve et retrouve même les élans de mes années An O1, « Bugey 01-on les emmerde »,aux côtés de Pierre Fournier.

  13. Bonjour,

    Êtes-vous l’épouse de Pierre ? Si tel est le cas, puis-je vous remercier du travail accompli pour la conservation de sa mémoire ? Je ne saurai jamais dire ce que je dois à cet homme. Bien à vous, un peu plus qu’amicalement.

    Fabrice Nicolino

  14. Hors sujet totalement mais en suite à l’action de Bonnieux en Luberon

    Pour démarrer certains dans le coin pensent çà :
    « L’agriculture, c’est fini. Ceux qui veulent s’installer sont des rêveurs. »

    « Cinquante hectares qui partent du patrimoine agricole, c’est énorme. Surtout que ces terres ont bénéficié d’importants investissements publics pour leur irrigation. Ce n’est pas pour qu’un golf en profite ! »

    Ici, dans la plaine de Bonnieux, deux des propriétés achetées par Cardin étaient en vente depuis plusieurs années.

    Il les aurait acquises pour 1,7 million d’euros (pour 17 hectares) et 900 000 euros (pour 13 hectares), des tarifs liés aux bâtiments plutôt qu’aux terres en elles-mêmes, mais de toute façon complétement inaccessibles pour des exploitants agricoles.
    http://www.rue89.com/2010/02/19/le-golf-du-chatelain-pierre-cardin-divise-le-luberon-139293

  15. Bonsoir,

    Pierre Fournier reste dans mon esprit comme un remarquable pamphlétaire,un militant pacifiste et le précurseur du mouvement écologiste français. C’est lui qui m’a ouvert les yeux, sur l’écologie,quand je lisais la « gueule ouverte »,dans mes années lycées.

    A vous lire. Yves

  16. Le paradoxe de notre société est que nous avons beau être atteints de « bougisme », le moindre grain de sable (c’est le cas de le dire) dans nos vies trop bien réglées, et c’est la panique, la catastrophe. Les choses prennent des proportions démesurées. Notre volonté à vouloir tout contrôler, qui n’est qu’illusion, nous a rendu vulnérables à l’extrême.

  17. Comme je partage ton allégresse, Fabrice ! Et celle de tous les autres…
    Il me revient à la mémoire, un titre de Génésis, groupes de rock alternatif qui accompagna mon adolescence dans les années 70 : « Dance on a volcano ». Un titre de circonstance, non ?

    @ Léa : bonne lecture !

  18. Un blog qui parle de Pierre Fournier, de Danielle, de l’An 01, de La Gueule Ouverte !… On vit vraiment une époque formidable !

  19. Avec ce volcan, mon coeur balance entre jubilation et désolation.

    Jubilation de voir la nature nous adresser une sorte de message subliminal : « vanité des vanités, tout est vanité ». Occasion de relocaliser nos économies ainsi que nos existences : « Le malheur de l’homme vient de ce qu’il ne sait pas rester dans sa chambre » (Pascal).

    Désolation : la cendre, c’est le symbole de la finitude, du deuil. Un voile noir qui serait le signe annonciateur de quelque chose de très grave. Une alerte parmi d’autres venant du milieu naturel (comme les « suicides » de baleines).

  20. J’ajoute pour ma part que, comme pendant les grèves, on attend dans les médias « le retour à la normale ». La présentatrice du 20h00 d’A2 n’a pas pu s’empêcher de nous glisser la formule ce soir, formule de mise en condition de masse, bien sûr. Formule encrassant les cerveaux. Mensonge, petit mensonge ordinaire. Petite infamie. Comme si la situation consistant à aller droit dans le mur était normale. Mieux vaudrait que la voiture tombe gravement en panne avant de rentrer dans le mur.

    Pour moi, et apparemment je ne suis pas le seul, « le retour à la normale », ce sera comme ces jours-ci quand le ciel ne sera plus sali de traînées d’avions, quand l’air sera de nouveau léger et qu’il n’y aura plus ce bourdonnement incessant d’avions gros et petits. Tout ce bazar d’aéroports, d’avions, de voitures, d’autoroutes, pour quoi ? Pour s’étourdir ? Les drogues les plus dangereuses ne sont pas celles qu’on croit.

    Donc, il n’y aurait plus d’avions. Ouf ! Et si nous allions vraiment mieux, nous nous passerions aussi d’Internet. C’est évident. On ne se priverait pas, on ne se ferait pas violence pour ça. L’usage en tomberait, c’est tout. Penser la paix ? Penser les conditions de la paix. La paix est réalisable mais est-elle pensable ? Si elle n’est pas pensable, n’est-ce pas le début du désordre ? Comment sortir vraiment de ce problème sans s’étourdir d’une façon ou d’une autre ?

  21. Bonsoir,

    « L’agriculture, c’est fini. Ceux qui veulent s’installer sont des rêveurs. »

    Marie,faux!
    Beaucoup de terres sont a acheter,a des prix abordables,mais évidemment cela dépend des régions.

    Dans certaines contrées,montagneuses,herbes bien grasses,avec cours d’eaux a volonté,vous seriez étonnée des prix de vente.Trou du cul de la France,peut être,mais les oiseaux y volent pareils.

    Vie simple,endroit simple…

    Sancho « Panza »,

    Merci Sancho,mais Léa ,ne comprende pas l’english.

    Bien a vous,Léa.

  22. Janot Lapin, prête bien l’oreille : certains journalistes ne disent pas « retour à la normale » mais « retour à l’anormal » ! L’anormal, c’est-à-dire près de 30000 avions par jour dans le ciel de l’Europe.
    Nos géniaux ingénieurs et autres soucieux socialistes sont sans doute déjà en train de concevoir les moyens de transport du futur, des tunnels passant par le centre de la terre ou des avions enrobés de nuages de nanoparticules pouvant traverser les émanations d’un Eyjafjöll !

  23. Personnellement je ne supprimerais pas Internet qui me permet de lire des remarques intelligentes sur des blogs intelligents (ici même), blogs qui nous sortent du formatage bien pensant des médias télévisuels.

    Certes, je consomme une certaine quantité d’électricité, mais je me suis fait ma propre taxe carbone, en ne consommant que ce qui est indispensable et nécessaire à la vie quotidienne.

    J’ai banni « modes et tendances » depuis plus de 20 ans maintenant, c’est pourquoi je m’autorise à puiser quelques heures durant, avec l’aide de la Fée électricité, dans nos ressources énergétiques communes…

  24. Ah, l’an 01, découvert grâce au dossier de La Décroissance l’an passé… et quel bonheur cette BD!

    Pour ton billet, parfaitement d’accord avec toi Fabrice. Malheureusement pour les pertes des compagnies aériennes je crains que ce ne soit l’Etat (donc nous) qui ne finissions par payer la note… après les banques, le secteur automobile, il va falloir casquer pour renflouer les aviateurs. Et là, ma joie se ternit. D’autant plus que les premiers avions vont redécoller demain.

  25. Eyjafjöll,
    le volcan du glacier de l’île,
    même son nom nous ramène à la simplicité des fondamentaux.
    Sans oublier les habitants et les animaux proches de l’éruption, qui croulent sous la cendre et vivent dans une pénombre étouffante, j’ai moi aussi béni en toute laïcité ce Volcan qui ose se réveiller en plein occident, en pleine mondialisation des échanges commerciaux, en plein couloirs aériens, en pleine croissance économique.
    Voir des présidents et des ministres – qui sont « des gens sérieux, eux » – se prendre pour des Don Quichotte sans Rossinante cherchant à ferrailler avec les bras tentaculaires des fumées volcaniques a vraiment quelque chose de jouissif.

    Argent, crée des profits, je le veux.
    Peuple, consomme, je le veux.
    Volcan, éteins-toi, je le veux.
    Volcan, éteins-toi, je le veux !
    Volcan, éteins-toi ! je le veux !!
    Volcan ! éteins-toi!! je le veux !!!
    Au secours…
    la formule ne fonctionne pluuuuuuus …

  26. Cela me rappelle les dernières tempêtes de neige pendant lesquelles j’avais entendu à la radio une dame dont la petite ville était bloquée et sans électricité et qui expliquait ceci : « ça change un peu, on sort dehors, on discute entre voisins, on se promène, on s’est organisés dans le quartier pour que les plus vieux ne manquent de rien »…et de rajouter à la fin : « Mais bon…il faudrait pas que la vie s’arrête trop longtemps quand même! ».

    J’ai rigolé en entendant ça, du moins au début. Rigolé de voir que « la vie » de ces gens s’arrête là où commence la mienne. Et puis un gros « sic » m’est monté à la gorge parce que je me suis senti un peu seul à considérer que la vie n’était pas uniquement faite de s’assommer au boulot pour un salaire moins que décent, managés par des cadres suicidaires, le tout pour se payer des objets dont, au final, l’unique intérêt et d’une part de se départager des autres (ce qui n’ont pas un iPhone, une voiture récente, un écran aussi plat que le contenu qui y passe, etc.) et en même temps d’appartenir à cette même tribu de consommateurs incapables (mais qui les y aide?) de discerner le bonheur quand il se présente sous une forme simple et honnête.

  27. Cette histoire de volcan est inouïe..pourvou que çà dure..
    dommage que cela occulte d’autres sujets parmi lesquels : les 800 morts de Thailande.., l’action de la SNCF que tous les médias s’ingénient à passer sous silence; qu’est-ce qui se joue là exactement on ne le saura que trop tard, mais j’ose espérer que ces gens se battent pour une bonne cause et non pour la seule défense de leurs intérêts personnels; si je veux en savoir davantage, en tout cas et sauf erreur, ce n’est pas dans la presse que je saurais, ce qui en dit long sur de quel bord est cette caste.
    LEA, je crois que tu n’as pas bien lu mon post, ce n’est pas moi qui écrit çà, c’est la personne qui je crois a vendu sa propriété à Pierre Cardin celui-çi compte faire un golf scuptural sur ces terres agricoles; lis bien ce bel article de rue 89 çà se passe en France ici à l’ heure où l’on parle de souveraineté alimentaire; et il y a des personnages : les manants, et le seigneur couturier Pierre Cardin, plus les petits potentats locaux
    Ezekiel, il me semble qu’il ne faut pas oublier que la base de tout cela est notre instinct de reproduction..comme les oiseaux le font en ce moment, nous cherchons à nidifier pour établir de la meilleure façon possible femelle et descendance..

  28. Ezekiel a écrit :
    “ça change un peu, on sort dehors, on discute entre voisins, on se promène, on s’est organisés dans le quartier pour que les plus vieux ne manquent de rien”…et de rajouter à la fin : “Mais bon…il faudrait pas que la vie s’arrête trop longtemps quand même!”.

    C’est souvent quand la Machine bugue (blocage par la neige, coupures d’électricité, de transports…) que les solutions d’entraide commencent, que l’on entrevoit toutes les dimensions de nos êtres qui ont été niées pour nous réduire qu’à la dimension d’agent économique ou homo oeconomicus.

    La première qui me choque c’est que l’on parle d’arrêt de vie justement lorsque la vie recommence. Quand ce qui pourrait ressembler à une société (entraide, loisirs, prise en charge des personnes âgées, solutions collectives, conversations) se remet en place.

    La deuxième c’est que ce que la dame appelle La Vie (et c’est dire l’importance de la Technique dans notre imaginaire occidental éclairé par l’idéologie de Progrès), c’est en fait le Macro-Système Technicien et économique dans lequel toutes les vies réellement vécues ont été piétinées et réduites à n’être plus que des rouages de la mégamachine, ses prolongements et ses sujets-automates pour reprendre l’expression de Clément de SDE, ou alors pour paraphraser Paul Ariès, de n’être que des forçats du travail et de la consommation…

    vie = technique, progrès technique = progrès humain, etc.

    Cette dame aurait pu dire : « Mais bon il faudrait pas que la vie s’en aille trop rapidement quand même ! »

  29. et oui, je suis bien madame archives, mémoire, et transmission à l’occasion pour ceux, rares – avant que je ne découvre votre blog et ses lecteurs – qu’intriguent le « moyen-âge » des écolos. A vous lire. Danielle

  30. Les compagnies sont privées, comme les banques et le secteur automobile… il est évident qu’ils vont venir pleurnicher des aides!

  31. Eh oui, après s’être pris une claque par la main invisible du marché de Maman l’économie mondialisée qui a atteint ses limites internes(machnisation) et externes (limites naturelles), les piou-pious industriels vont aller chouiner chez papa l’Etat (sur lequel ils ont pourtant craché, demandant toujours plus de dérégulation).

    Ils n’ont vraiment pas de face.

  32. Bonjour,

    « L’état n’a pas normalement a subvenir auprés de ces compagnies ».

    « Les compagnies sont privées, comme les banques et le secteur automobile ».

    Encore un « problème » d’argent et pourtant ce n’est que du papier!

    Bien a vous,Léa.

  33. Je confirme que les compagnies vont demander des aides aux états; ils crient déjà que c’est une crise plus grave que le 11 septembre; et une « catastrophe naturelle »…Par contre le petit travailleur qui s’est pris des vacances et est rester coincé au lieu d’aller travailler; ne peux en aucun cas demander demander de « circonstances exceptionnelles » et va se retrouver avec un congé sans solde.
    Qu’on soit bien daccord; j’étais contente aussi de retrouver un ciel calme et claire; mais la spoliation du biens publiques m’emmerde de plus en plus! Ce serra comme avec les banques; une bonne excuse de serrer la ceinture de la sécu; remettre le principe des pensions en cause ect…Et puis il ferront un gentil bénéf après avoir mis quelques personnes à la porte et dillapidé les fonds publique!
    Je ne comprend pas que personnes ne réagissent; tous de même ça se voit qu’on se fout de notre g…
    Ps: pardon pour ma vulgarité; j’ai pourtant bien dormi ces dernières nuits 😉

  34. on aimerait que cet épisode soit annonciateur du monde à venir. Le monde sans pétrole et sans gâchis…
    J’ai fait il y a qq années (en découvrant la même semaine les travaux de Fabrice et ceux de Jancovici) le voeu de ne plus prendre l’avion, voeu destiné à interpeler mon entourage et à limiter ma participation à la razzia planétaire.
    Que de quolibets cela a entraîné (en sus de mes frustrations personnelles)! Car il faut être clair:

    1) la réussite dans la vie (professionnelle), aujourd’hui, est clairement liée au volume des émissions et surconsommations individuelles générées par sa propre activité. Qu’on regarde ce que signifie la réussite artistique, politique, académique, sportive, « morale » ou dans le business (etc, etc. Le journalisme n’y échappe pas…). Plus d’avions ni de transports pour aller d’un point à l’autre du pays, du continent, ou du monde, en quelques heures, fini, plus de carrières politiques accélérées, plus de C1 ou de Ligue 1, plus de U2, d’acteurs d’Hollywood, ou même de divas internationales (encore que, il fut un temps où… E la nave va!), plus de banquiers d’affaires, plus de colloques académiques de 3 jours à l’autre bout de l’Europe ou des USA, plus de Al Gore, plus de mondialisation!

    2) Même pour ceux qui veulent se donner bonne conscience, le voyage au lointain est devenu le dernier horizon de jouissance de nos sociétés sans sens (que ce voyage soit « récompense » d’une carrière réussie [je bosse dur, donc je m’éclate avec mon argent] ou d’un choix professionnel apparemment plus contestataire [je suis artiste/prof/militant, je n’ai pas de 4×4, mais je voyage éthique/je vais à la rencontre de l’autre »]. Combien sont-ils à voter Europe-Ecologie, militer je ne sais où, et à émettre à chaque week-end ou plus grand voyage, même éthique ,à Bamako, au Kerala, sur l’Altiplano, ou à NY, bien plus en un aller-retour que ce qu’il devrait être donné à chaque homme d’émettre et de consommer, directement et indirectement, en une année !

    On aimerait que cette absurdité physique (brûler des quantités considérables de pétrole pour le plaisir ou le besoin d’aller vite: un km en avion consomme par passager autant qu’un km en voiture, alors qu’il s’agit d’une ressource rare et précieuse) et écologique prenne bientôt fin…

    Mais quand on sait que le procédé Fischer-Tropsch pour convertir en essence de synthèse le charbon est rentable à partir de 100-150$ le baril (on en a eu un avant-goût à l’été 2008 mais c’est pour demain), on comprend qu’aucune limite n’arrêtera cette folie.

    Hélas!
    Hélas!
    Hélas!
    En attendant, jouissons de ce pavé bloquant les engrenages de la folie accélérée du monde. C’est un moment unique dans notre vie. Et faisons le savoir.

  35. Moi aussi ça m’emmerde ce que les compagnies réclament aux Etats… d’autant plus qu’il est possible qu’elles n’y perdent pas grand-chose. Les voyages sont-ils annulés et remboursés, ou seulement reportés ? De plus, les avions ne volent pas, il y a donc un manque à gagner plus qu’une perte… Les compagnies ne couinent-elles pas juste pour avoir un prétexte pour licencier si on ne leur donne rien ?

    Les vrais perdants sont les voyageurs : un billet d’avion coûte encore relativement cher, et les réservations sur place ne seront pas forcément remboursées. La dernière fois que j’ai pris l’avion de ma vie, c’était pour mon voyage de noces, et pour bien des gens, ce genre d’occasion est le premier, et parfois l’unique, voyage de leur vie en avion.
    Alors voila, si je ricane pour les hommes d’affaires et les voyageurs d’un week-end, j’ai quand même une pensée triste pour les quelques-uns, jeunes mariés ou jeunes retraités, qui allaient faire le premier voyage au loin de leur vie, rêvé et planifié depuis des années, fruit de longues économies et qui viennent de perdre ça.

  36. marrant cette histoire de visage..Allègre j’ai lu un article de lui dans combat nature de 1986..qui démontait en règle le projet de fusion nucléaire ITER, quand même…

  37. Ils sont tellement domestiqués que le jour où leur chaîne virtuelle se distend, ils n’arrivent même pas à faire un pas de côté, ils ne pensent même pas à explorer cette parcelle de liberté inattendue tombée du ciel, ils ne parviennent qu’à maudire leur sort, à chercher des lampistes sur lesquels défouler leur angoisse et ne rêvent que du sempiternel retour à la normale. Eux, ce sont les maîtres du monde, les élites du système, concentrés à jouer à saute-mouton d’un continent à l’autre, drapés de leur propre importance, convaincus que sans eux, le monde, leur monde en fait, s’écroulerait dans la minute. Eux, ce sont les naufragés du ciel, éparpillés dans tous les aéroports du monde, les sens paralysés par les derniers couinements de l’Iphone ou du Blackberry, coupé de sa base d’alimentation habituelle. Eux, c’est l’élite internationale et cosmopolite de ceux qui font le monde tel qu’il est et qui martèlent sans cesse qu’il n’est pas possible d’en changer. Parce que c’est le seul monde qu’ils connaissent, parce qu’ils n’ont aucune imagination, ni aucun sens du réel. Eux, c’est Daniel Mermet qui les décrit, goguenard, amusé, coincé à Tokyo dans un terminal aéroportuaire en train de se transformer en jungle de Calais par la grâce d’un lointain, très lointain volcan islandais.

    http://blog.monolecte.fr/post/2010/04/20/Interstices

  38. Je découvre ce blog à l’instant et il m’enthousiasme pour le pas de côté qu’il suggère…et auquel j’adhère! Je partage le fond du message, et je voudrais rajouter qu’aujourd’hui mercredi, alors que le trafic aérien a repris, le magnifique ciel bleu sans traces ni « voile »d’aucune sorte dont nous avons profité ces derniers jours ,a laissé place à un ciel laiteux, traversé par des lignes de « condensation »(?)qui se désagrègent très lentement, exactement comme avant l’arrêt de la navigation aérienne imposée. J’aimerais tant que la majorité des gens lève plus souvent les yeux vers le ciel pour l’observer,et pour ceux qui ont plus de 20-30 ans, qu’ils le comparent à celui qu’ils voyaient…il n’y a pas finalement si longtemps!

  39. en changeant d’échelle, un volcan qui rejette ses humeurs sur la terre est un pore qui rejette son comédon sur un nez

  40. Coucou,

    L’Histoire de L’Oiseau-mouche

    Il était une fois un Oiseau-mouche

    qui fuyait un incendie avec tous les autres

    animaux d’une grande forêt.

    Mais l’Oiseau-mouche faisait quelque chose de différent,

    il prenait des gouttes d’eau dans un lac et les jetait sur le feu.

    Un Tatou, étonné, lui demanda :

    « Mais, Oiseau-mouche, crois-tu pouvoir éteindre

    l’incendie avec ces gouttes ? »

    « Bien sûr que non Tatou, mais je fais ma part ».

    Ciao,Léa.

  41. Un petit mot en passant, avant d’aller travailler :
    j’ai lu en diagonale vos réactions et je ne partage pas complétement vos avis.
    Les voyages m’ont beaucoup appris sur les autres et sur moi, sur le monde. Ils ont contribué à m’ouvrir l’esprit, à me faire découvrir d’autres cultures, et donc d’autres façons de voir la vie.
    Bien entendu prendre une navette air france alors qu’il y a le train me parait une aberration. Mais prendre l’avion de temps en temps pour rencontrer d’autres personnes, qui ont une autre histoire, d’autres codes, une autre philosophie … ça m’a aidé à apprécier la vie, à la vivre vraiment.
    Bien entendu je peux rencontrer d’autres cultures à côté de chez moi. Mais étant petite fille d’immigrés italiens j’ai en moi ce désir de continuer à rencontrer d’autres peuples, car ces moments sont riches d’enseignement et contribuent à rendre humble. Les autres ont beaucoup à nous apprendre, ici, à côté de chez nous, mais aussi là bas, sur d’autres continents …

  42. Avant que ces jours sans avions ne s’éloignent trop vite et puisqu’on sait ici saluer, et de belle manière, la mémoire de quelques anciens hors-normes, voici quelques lignes issues d’un récent ouvrage de Daniel Blanchard. Au plaisir de votre lecture …
    Paris, octobre 1956, au petit matin :
    « La brume … avait ce matin-là comme une densité – non, elle n’était pas plus épaisse – plutôt une présence même, insolites, une saveur, une fraîcheur et une sorte d’immensité intime qui trahissaient la campagne, les plaines, les forêts environnant Paris, les rivières. On touchait, dans cette brume, le vaste, le vide de la distance. Le silence. La brume parisienne, ce matin-là, était tissue de silence, comme si elle avait éteint l’énorme rumeur de la ville.
    Comme le bord d’un précipice, ce silence m’a arrêté net sur le trottoir du boulevard Saint-Michel. Le silence et l’immobilité de tout, le vide de la chaussée, vide jusqu’à la Seine. Je suis resté figé sur la rive de cette longue traînée grise de vide, de calme, stupéfait, ravi, à recueillir les bruits de pas, de voix, quelques chocs lointains, qui pointaient de ce silence, portés, chantés par lui. Soudain, j’ai dressé l’oreille, mais non, ce n’étaient pas des pas, ni des coups, cette batterie de claquements, là sur la droite, qui criblait le silence et la brume, cet enchaînement rythmique de chocs à la fois francs et retentissants, de plus en plus retentissants, de plus en plus souverains. J’ai tourné la tête vers le haut du boulevard – et j’ai éclaté de rire. Deux cavaliers sortaient de la brume, descendant au pas le boulevard, en plein milieu de la chaussée déserte (…)
    L’agressivité imbécile des gouvernants français et anglais lâchant leurs paras sur le canal de Suez avait tari l’approvisionnement en essence et plus une voiture ne circulait dans Paris. Voilà l’air de Paris d’un coup purgé de la puanteur et du fracas des moteurs. Le pavé, hier champ de tir mortel, aujourd’hui rouvert aux pas légers, discrets, quasi dansants du citadin, Paris habitable de près, corps à corps … J’entrevoyais pendant ces jours ce que serait la redécouverte enchantée de Paris au mois de mai 1968.
    Mais ces deux cavaliers descendant souverainement le boulevard Saint-Michel, la possibilité même qu’ils aient surgi de la brume et du silence comme d’une déchirure de la trame de la vie mécanisée, ressurgi, devrais-je dire, en tant que hérauts attestant la permanence en plein Paris de quelque chose d’aussi magnifiquement nu et vivant qu’un cheval – hérauts (oui : cette lenteur, cette majesté …)libérant la voie, dans leur sillage, à l’épanchement du désir de beauté, de nudité, que chacun porte en soi enfoui, une voie qui restait vide, personne derrière les deux cavaliers solitaires, une fulgurance solennelle mais si éphémère, et la voirie aurait vite fait d’enlever du pavé les gâteaux fumants et odorants que les deux croupes somptueuses y avaient laissé choir (…) » Pour lire la suite et ce qui précède, se reporter à « Ces éclats de liberté », édition L’une et l’autre, 2008, ici p. 370-371.

  43. Les conséquences de cette éruption sur l’économie et les perturbations qu’elle a causées dans le trafic aérien ont été rappelées ad nauseam par les médias qui n’ont en revanche presque rien dit de son impact sur la population islandaise.

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